L’immense défaite de l’Europe libérale

Avec sa victoire à 51.9%, le Brexit est un terrible coup de massue pour toute la construction européenne et sa stabilité politique et économique. Elle sonne surtout comme un avertissement sans appel pour qu’on prenne en compte les inquiétudes sociales des populations face à la globalisation.  Des inquiétudes que l’Europe libérale ne s’est toujours pas résolue à considérer.

Institutionnellement, le « leave » est annonciateur d’une nouvelle ère pour l’Europe car elle va devoir se concentrer sur elle-même pour se redéfinir après la sortie de l’un de ses membres historiques les plus importants. On imagine sans peine combien seront complexes les négociations, les discussions même sur son fonctionnement et sa nouvelle architecture.

Quant à la Suisse, les retombées sont prévisibles car elle risque bien d’être reléguée en queue de liste des préoccupations européennes. Cette défaite sonne probablement le glas de deux ans et demi de remous et d’incertitudes politiques internes provoqués par l'acceptation de l'initiative comtre l'immigration de masse. Elle signifie que des trois scénarios envisageables avant le 23 juin pour la mettre en œuvre (plan A : solution négociée avec une loi d’application assortie d’une clause de sauvegarde puis référendum ; plan B : solution de réinterprétation de l’article 14.2 ALCP par le Conseil fédéral puis décision négociée via le Comité mixte ; plan C : solution non-négociée via l’initiative RASA qui demande de biffer l’article 121a et contre-projet axé sur une concordance), il ne reste vraisemblablement plus que le plan C. En Europe tout comme en Suisse, il est plus que jamais nécessaire d’arrêter le somnambulisme et de traiter les malaises sociaux par des remèdes sociaux.

Loi sur l’asile : faire front à l’UDC

La réforme soumise au vote le 5 juin prochain a pour but d'accélérer les procédures et restructurer le domaine de l’asile. Cette nouvelle loi va permettre d’augmenter le nombre de places (de 4’000 au bas mot), d’accélérer les procédures et de les rendre plus justes. Les procédures seront ainsi centralisées, ce qui est un avantage en gain de temps tant pour les demandeurs d’asile que pour les autorités. Au lieu d’attendre plusieurs années dans l’incertitude, les demandeurs d’asile sauront à l’avenir dans un délai de 140 jours environ si leur demande est acceptée. La situation qui consiste à les laisser dans l’attente d’une décision durant plus de 900 jours doit être révolue car elle est néfaste, en particulier pour les personnes qui pendant des années sont dans l'attente de savoir s’ils sont ou non acceptés et qui ne disposent en attendant que d’un statut précaire sans mesures d’intégration ou droit de travailler. Pour ceux qui reçoivent une décision négative après des années d'attente, il s’agit aussi d’une situation particulièrement difficile.

Le 5 juin prochain, nous votons uniquement sur le projet de restructuration du domaine de l’asile. Globalement, la révision du droit d’asile se fonde sur trois projets dont deux ont porté sur des durcissements (« projet 1 » adopté par le Parlement le 14 décembre 2012 et « projet 3 » dit des mesures d’urgence adopté par le peuple le 9 juin 2013). La votation de juin ne remet pas en jeu les deux projets déjà adoptés. Le projet (« projet 2 ») soumis au vote est le résultat d’un long processus initié durant plus de six ans par une grande diversité d’acteurs (cantons, communes, Confédération, deux conférences nationales sur l’asile, ONG, partis, etc.). Cette loi n’est pas une réforme de gauche proprement dite mais elle en porte des influences importantes. Sans être parfaite, elle conduit à une accélération des procédures mais aussi, pour la première fois de son histoire, à des améliorations concrètes pour les demandeurs d’asile.

Ainsi, le droit à une procédure équitable est un droit fondamental (art. 29 al. 3 Cst.) qui se verra renforcé de façon très importante par la réforme. Dans la pratique de l’asile, il s’agit d’un immense progrès. Le soutien juridique dès la première instance permet aux demandeurs d’asile qui ne sont pas coutumiers du système juridique suisse, de suivre immédiatement une procédure correcte et plus juste. Ceci est loin d’être le cas actuellement où le demandeur fait en général appel à un juriste (la plupart du temps bénévole) uniquement au cours de la deuxième instance où lors d’une demande de réexamen. La mise en place d’une phase-test à Zurich depuis 20 mois a permis de vérifier que le taux de recours contre les décisions est plus bas qu’habituellement (17% au lieu de 25%) et que les craintes liées à l’indépendance de la protection et aux délais de recours trop courts ne se vérifient pas dans la pratique. L’amélioration de la protection juridique offerte gratuitement dès le début de la procédure contribue donc à renforcer le respect des principes de l’Etat de droit et la légitimité des décisions prises. La nouvelle loi inclut également la suppression de l’interdiction de travailler dès que les demandeurs sont répartis dans les cantons. Ceci permet une intégration bien plus rapide qu’à présent et correspond à un premier pas important vers ce que la gauche appelle de ses vœux depuis très longtemps : le droit au travail pour les demandeurs d’asile.

En lancant un référendum contre cette loi, l’UDC cherche aujourd’hui à démanteler ces progrès en attaquant concrètement la protection juridique et la procédure simplifiée d’approbation des plans pour les nouveaux centres fédéraux afin que les communes et les cantons puissent s’opposer plus facilement à leurs implantations. Une soutien – même mou – à ce référendum revient très concrètement à soutenir l’extrême droite dans sa volonté de démanteler le droit d’asile. En cas de réussite du référendum, l’UDC obtiendra du Parlement la suppression de la protection juridique et des nouvelles procédures d’augmentation des places d’accueil. Comme de nouvelles places d’accueil seront difficiles à mettre en place, l’UDC demandera par la suite un moratoire sur l’asile et le bloquage des réfugiés aux frontières…

A n’en pas douter, la nouvelle loi sur l’asile est déterminante pour les nouveaux défis qui nous attendent. La Suisse va incontestablement au devant d’années difficiles dans ce domaine et il faudra fédérer toutes les forces pour faire face à cet enjeu majeur pour notre société. Avec ce qui se passe à nos portes, à l’heure où l’Europe met en œuvre un accord très douteux avec la Turquie, à l’heure où la Grèce et le Liban sont à genoux et sont submergés par l’urgence humanitaire, l’objectif prioritaire de la politique d’asile suisse doit être de s’organiser pour pouvoir donner refuge aux personnes qui sont en besoin de protection internationale. Consolider le droit d’asile qui aujourd’hui s’érode de jour en jour de manière scandaleuse un peu partout, passe inévitablement par une restructuration en Suisse qui permette d’en finir avec le système chaotique et obsolète mis en place il y a 12 ans par Christoph Blocher de limitation chronique des places d’accueil et d’instaurer un dispositif qui soit capable à la fois d’absorber une forte quantité de demandes d’asile tout en gardant des procédures individuelles. De tels enjeux plaident aujourd’hui très clairement en faveur du « oui ».

Un vote populaire de fierté et d’espoir

Le vote populaire n’est l’apanage de personne. Et surtout pas des multimillionaires de l’UDC qui s’autoproclament portes-paroles du peuple et qui cherchent à nous intoxiquer à longueur d’année avec leur prétendu clivage entre « l’élite » et « le peuple ». La magnifique mobilisation citoyenne de ces derniers mois et surtout de ces dernières semaines en faveur de la démocratie, d’un juste recours au pouvoir de l’Etat et en faveur de la dignité de l’ensemble des personnes d’origine étrangère qui vivent avec nous a opposé un démenti cinglant à l’arrogance, à la xénophobie et à l’autoritarisme de l’élite de l’UDC.

 

Cette mobilisation de la société civile en éveil est à la fois source de fierté et d’espoir en vue des combats politiques à venir pour une Suisse solidaire, juste, digne et respectueuse des droits humains. Fierté, parce que cette votation met en évidence que si un enjeu touche aux fondements de notre démocratie helvétique et que nos voisins et nos amis sont menacés, nous savons nous mobiliser, entrer en résistance et barrer la route à l’infâmie. Espoir, parce que déjà en juin de cette année nous aurons à nous prononcer en faveur d’une politique d’asile humaniste, juste et pragmatique. C’est à nouveau contre ces mêmes élites de l’UDC qu’il s’agira de se battre.

 

Face au résultat de ce dimanche 28 février, c’est aussi notre devoir de continuer notre travail d’explication auprès de celles et de ceux qui ont mis un « oui » dans les urnes. Pour ce faire, il faut notamment que les partis du centre-droite qui ont fait front commun avec la gauche se rendent compte de l’indispensable offensive économique et sociale qu’il est impératif de mener pour réduire le réservoir du vote contestataire à son expression la plus congrue. Renforcement de la protection du pouvoir d’achat des ménages économiquement modestes et des classes moyennes par l’amélioration des subsides à l’assurance-maladie et des allocations familiales, intensification des contrôles du respect des conditions de travail et des conventions collectives (CCT) sur nos chantiers, hausse des rentes AVS, sont autant de mesures nécessaires qui inscriront durablement le dynanisme déclenché par ce mouvement populaire démocratique dans la durée.

 

Aujourd’hui est un jour de fête. 

Pour une fiscalité égalitaire

En 1984, le Tribunal fédéral avait jeté un pavé dans la mare à propos des inégalités fiscales entre couples mariés et couples vivant en concubinage en demandant aux autorités fédérales d’apporter une solution moderne et complète comme il en existe depuis longtemps dans de nombreux pays européens. Trente ans après, force est de constater que la plupart des couples mariés ne se trouvent plus réellement désavantagés fiscalement. En fait, les inéquités ne touchent aujourd’hui plus que 2.5% des ménages. Pour l’essentiel, 80'000 couples à hauts revenus. Dans ce contexte, l’initiative du PDC offre un cadeau fiscal coûtant jusqu'à 2,3 milliards de francs à ces ménages aisés.

Le réel enjeu de la votation du 28 février prochain n’est dès lors pas de supprimer les cas de pénalisation du mariage devenus rares. L’initiative du PDC a en réalité pour but essentiel d’empêcher à l’avenir le Parlement de procéder à des avancées notoires dans le domaine de l’imposition individuelle. Une direction que la Commission des finances du Conseil national appelle de ses vœux puisque le 29 janvier passé elle a encore confirmé sa volonté d’introduire le plus rapidement possible ce modèle d’imposition par l’adoption d’une motion adressée au Conseil fédéral.

Equité fiscale, pacification de l’imposition des familles et système en adéquation avec le modèle de société actuel

L’imposition individuelle est un système d’imposition indépendant de l’état civil. La fiscalité doit s’adapter aux évolutions sociétales qu’on connaît aujourd’hui en Suisse et qui se traduisent par des formes de ménages nouvelles et de plus en plus changeantes.

Le mode de vie des ménages a profondément évolué au cours de ces quarante dernières années. La famille « néo-traditionnelle », c’est-à-dire la forme la plus répandue de ménage familial, est celle de deux parents qui travaillent (l’homme à plein temps et la femme à temps partiel). Neuf personnes sur dix aujourd’hui en Suisse composent des ménages qui ne correspondent plus à l’ancien modèle traditionnel où seul l’homme travaille. Dès lors, l’imposition commune est devenue trop obsolète. Pour que l’imposition soit désormais neutre, il faut mettre un terme aux éternelles tentatives de corrections et de rééquilibrage concernant la répartition des charges entre les types de ménages différents mais qui jouissent d’une même capacité contributive. En ce sens, il faut rappeler que ce n’est pas pour rien que les pays qui l’ont introduit (Autriche, Espagne, Grande Bretagne, Suède) disposent aujourd’hui d’une situation pacifiée dans le domaine de l’imposition des ménages, contrairement à nous. Ce modèle d’imposition est d’ailleurs en parfaite cohérence avec la politique familiale et ses trois piliers et avec la réforme sur le droit d’entretien.

Impact économique et modèle incitatif pour les femmes

L’autre enjeu de ce modèle de fiscalité est celui de l’incitation du travail des femmes. L’imposition individuelle est le système fiscal qui possède l’effet de croissance le plus important parce qu’il est celui qui incite le plus le second contributeur de revenu (en général, des femmes) à participer pleinement à la vie active. Ces effets favorables sur la croissance ont été récemment estimés par l’administration fédérale à environ 50'000 emplois à plein temps. Ce modèle fortement incitatif est de loin le plus efficace par rapport au système d’imposition commune à forte progressivité du taux de taxation. Au lieu d’empoigner les vrais enjeux de la fiscalité des familles afin de parvenir à un accord sur l’imposition individuelle entre les grands partis du centre, le PDC s’enfonce dans un débat obsolète autour de la pénalisation des couples à hauts revenus. Pourtant, ce débat est essentiel et il mériterait mieux que les gesticulations actuelles.

Cologne : la ligne de crête… vraiment ?

Le sujet est révoltant, cauchemardesque et fait couler beaucoup d’encre. Entre médiatisation tardive, faillite des forces de l’ordre, prises de position déplacées de certaines autorités (maire de Cologne, Bernard Cazeneuve), diffusion d’informations non vérifiées (vidéo de la place Tahrir), récupération par les milieux anti-migration et enquête qui avance lentement, les évènements qui ont eu lieu le soir de Nouvel An à Cologne cumulent toutes les difficultés d’analyse.

L’extrême droite a immédiatement trouvé dans ces évènements le déclencheur rêvé pour justifier la société paranoïde à laquelle elle aspire car tous ses préjugés complotistes semblent confirmés : les étrangers – surtout musulmans – sont mauvais par nature et cherchent tous sans exception à détruire notre culture occidentale. Sa surexcitation identitaire se drape d’un vernis de féminisme juste pour mieux marquer son territoire face aux étrangers. Dans son sillage, Christoph Blocher se fait le chantre de la défense des femmes alors que son parti – et lui-même – est une caricature de sexisme sans scrupules (votes systématiques contre des avancées élémentaires sur les crèches, contre la violence domestique, contre une fiscalité égalitaire, contre les pensions aux femmes divorcées, volonté de suppression du bureau de l’égalité, références lourdes concernant la drogue du violeur durant les élections fédérales, etc.). Avec sa supercherie grossière et ses généralisations sur les Maghrebins, l’extrême droite nous empêche d’avancer. Ce qu’elle cherche avec ses volumineuses sottises débitées depuis ces trois dernières semaines, c’est nous contraindre à devoir choisir entre nos droits de femmes et la défense du droit à une protection internationale pour tout être humain. Face à ce prétendu dilemme, il faut refuser à juste titre de faire un choix.

Pour progresser dans ce sujet piège sur lequel se déchirent en ce moment les féministes, deux écueils peuvent d’ores et déjà être évités. Il s’agit, d’une part, de ne pas céder aux récupérations et aux généralisations précitées. D’autre part, il importe de ne pas adopter une posture de déni en minimisant les actes qui ont eu lieu, et en passant sous silence leur signification et les questions particulières qu’ils soulèvent. Car les agressions sexuelles qui ont eu lieu ce soir-là sont effectivement d’une portée inédite. Elles réclament notamment que soient réaffirmées, sans concession aucune, les valeurs qui définissent notre société, en l’occurrence ici la place, acquise et non négociable, des femmes dans l’espace public.

Femmes : libres et en sécurité dans l’espace public

Pour démarrer le diagnostic et sans minimiser Cologne, il faut d’abord pointer que cette place est déjà menacée depuis quelques temps. Le phénomène est devenu malheureusement récurrent : au harcèlement quotidien en constante augmentation (de rue, au travail et dans le couple)[1] s’ajoutent pour les femmes les agressions sexuelles qui sont devenues plus nombreuses lors de grands rassemblements de foule. Le nombre de personnes présentes, le caractère « libératoire » du moment festif auxquels s’ajoute l’usage important d’alcool ou autres désinhibants y contribuent largement, accentuant dans ces conditions la violence sexuelle, dirons-nous « ordinaire », déjà bien trop présente dans notre société. A titre d’exemple, à l’OktoberFest, ce sont chaque année plusieurs centaines de plaintes qui sont déposées par des femmes.

A ce constat de départ, viennent maintenant s’ajouter les évènements de Cologne. Ceux qui veulent empêcher que de tels actes ne se reproduisent doivent aujourd’hui essayer de comprendre comment ils ont pu arriver. Car ces agressions comportent des caractéristiques bien spécifiques sur lesquelles il convient de se pencher si l’on entend saisir toute la portée de ces évènements, sans faire l’impasse sur le rôle qu’a pu jouer, puisque c’est cela qui est souvent mis en exergue, la provenance des protagonistes. Un degré de violence et d’organisation a clairement été dépassé lors de cette triste nuit.

L’élément le plus saillant et qui n’a pas manqué d’être relevé est que le mode opératoire de ces individus rappelle les évènements de la place Tahrir en 2011, lors de la révolution égyptienne. Il faut distinguer d’emblée une agression sexuelle commise par un individu sans préméditation et les agressions en bande dont ont été victimes les femmes à Cologne : de véritables attaques en meute, selon un mode opératoire précis (isolement puis encerclement des victimes). On connaît par ailleurs encore mal le niveau exact d’organisation préalable de ces attaques qui auraient pu être coordonnées sur les réseaux sociaux.

Ce mode opératoire est en premier lieu clairement importé et il est difficile de ne pas le mettre en relation avec la provenance des protagonistes. Au-delà de l’excitation primitive qu’elle procure et de l’effet de groupe qui sans doute, la stimule, cette pratique attestée vise clairement à dissuader les femmes d’être présentes dans l’espace public. La terreur qu’elle engendre risque de modifier rapidement les habitudes et les comportements des femmes, restreignant de fait leur liberté. Et c’est là, effectivement, que le bât blesse le plus. Si toute forme d’agression sexuelle finit, par effet d’autocensure, par décourager une partie des femmes à sortir seules le soir, à prendre le métro, etc., la violence extrême du mode opératoire de Cologne a un impact grandement démultiplié sur la perception qu’une femme aura de sa propre sécurité lors d’un rassemblement de foule, et dans l’espace public de manière plus générale.

Il est indéniable que l’accès à l’espace public, et la manière de pouvoir s’y comporter, reste fort variable d’une sphère géographique à une autre. La présence de femmes non accompagnées d’hommes, vêtues comme bon leur semble à toute heure du jour et de la nuit est en Europe, considérée comme un acquis. Enfin, il devrait du moins en être ainsi. Cette liberté n’existe clairement pas dans d’autres parties du monde. Que des migrants récents, issus de telles régions soient en partie perturbés par ce fait n’est pas en soi, totalement incompréhensible. Ces éléments peuvent expliquer jusqu'à un certain point certains comportements. Expliquer, mais en aucun cas, excuser. Car il n’est pas question de modifier les « bornes » actuelles de notre propre société concernant la liberté des femmes dans l’espace public, la liberté de se vêtir selon son envie, la liberté de sortir non accompagnée et de se mouvoir en toute sécurité. Les femmes ont chèrement acquise cette liberté, elles ne sont en rien négociables.

Intégration et limites

Il est donc clair qu’il appartient aux migrants de gérer ce hiatus et les difficultés engendrées par ce « décalage » lorsqu’il y en a. Quant à la société d’accueil, son rôle consiste à accompagner le plus solidement possible ce chemin vers l’appropriation d’autres normes et d’autres valeurs que celles vécues jusqu’alors dans la société d’origine au moyen de programmes d’éducation et de prévention, notamment. Sur une question aussi profondément ancrée dans la mentalité que le rapport homme-femme et la place des femmes dans l’espace public, il est évident que l’adoption de nouvelles valeurs et de nouveaux comportements reste, selon les individus, longue et difficile. La migration requiert une attitude constamment active et une forte résilience de la part des concernés.

Par ailleurs, la provenance des protagonistes, si elle joue un rôle, ne doit pas masquer d’autres caractéristiques des agresseurs de Cologne que l’avancée de l’enquête révèle au compte-goutte. Si la grande majorité d’entre eux sont effectivement Maghrébins, ils sont aussi – et surtout – désaffiliés socialement, faiblement formés, criminalisés, consommateurs de psychothropes et à la merci des réseaux organisés. La précarisation et la ghettoïsation de ces immigrés, pour la plupart récents, est une composante essentielle à prendre en compte. S’intégrer et intégrer, c’est aussi faire en sorte d’éviter toute forme de marginalisation.

Marcher sur un fil ?

En ce moment, certains cherchent à nous faire croire que l’on marche sur un fil et que l’on risque à tout moment de basculer soit dans le délit de faciès, soit dans le reniement des valeurs féministes. Il est certain que si on se laisse acculer à cette position d’équilibrisme précaire, grande devient la tentation de se taire. L’autocensure n’est pas loin…

L’affaire de Cologne est une très mauvaise nouvelle pour les femmes car la violence patriarcale menace aujourd’hui d’être porteuse d’une stratégie criminelle large qui confisque à plus ou moins grande échelle nos libertés de femmes. Il faut avoir la force, la lucidité et le courage de mener une lutte sans merci contre les violences. Des actions générales doivent être prises avant tout et surtout par l’éducation, l’information sexuelle systématique dans les écoles. Par la création d’un recensement permanent des agressions sexuelles (style Harass Map). Par des cours d’intégration clairs sur le « non-négociable » dans notre société et par des programmes intelligents d’intégration pour éviter que la frustration sociale menace la paix sociale et pour que les migrants n’aient pas à devoir choisir entre pauvreté et criminalité. Cela passe aussi par le fait de reconnaître une place légitime à toutes les religions sans discrimination. Par des accélérations des procédures d’asile qui permettent des sélections rapides et claires. Par une lutte contre l’immigration illégale des criminels. Par une application stricte du Code pénal. Il s’agit d’être capable d'avancer en rejetant l’inadmissible délit de faciès que d’aucuns voudraient accoler à certaines communautés migrantes et la nécessité de punir les actes criminels par les solides institutions de l’Etat de droit dont nous disposons, indépendamment de l’origine et des motivations de ceux qui les commettent.

Au-delà de ces actions, les évènements de Cologne constituent une double opportunité politique. Tout d’abord, l’opportunité de rappeler que la mission de la société d’accueil n’est aucunement de réviser les valeurs qui la fonde, notamment en demandant à ses habitants « d’adapter leur comportement », mais d’accompagner au mieux les nouveaux venus dans l’appropriation de ces normes lorsque cela est nécessaire, et d’exiger qu’ils s’y tiennent. Cologne offre, d’autre part, l’opportunité de visibiliser la violence sexuelle, et cette fois-ci, toutes les formes de violences sexuelles, quels que soient l’identité des agresseurs, leur degré de gravité et les lieux où elles s’opèrent. Celles-ci constituent en effet un véritable problème de société qui tend à être passé sous silence. Les libertés obtenues par les femmes, comme toutes les libertés d’ailleurs, restent fragiles. Il ne faut jamais l’oublier.

 


[1] Selon une étude en 2004, près de 60% des femmes allemandes déclarent avoir au moins une fois été victimes de harcèlement sexuel. Une étude de l’EPFZ qui a enquêté sur les violences auprès des jeunes de 15 et 16 ans observe que si les violences reculent, celles portant sur le sexe ne suivent malheureusement pas cette évolution. 18% des jeunes filles entre 15 et 16 ans mentionnent des violences sexuelles dans leur relation de couple.

 

Hocine Aït Ahmed: “C’est notre responsabilité de trouver en nous la force de nous dépasser pour la liberté et la dignité”

Hocine Aït-Ahmed, le résistant socialiste dont la vie et les combats incarnent ce que l'Algérie aurait dû être après l'indépendance: ouverte, démocratique et multiculturelle. Loin des dérives autoritaires qu'elle subit depuis soixante ans. La disparition de ce défenseur emblématique des droits de l'homme mérite mieux qu'un hommage. Elle mérite un respect critique. Tout comme l'Unité populaire, le Front des Forces Socialistes (FFS) du résistant kabyle nous en apprend beaucoup sur le devenir de l'idéal socialiste, sur son caractère exceptionnel et sur son actualité.

 

"Patriotisme et démocratie sont inséparables"

Chers camarades, chers amis,

Ce congrès se tient à un moment particulier pour le parti, pour le pays et plus largement dans la région et dans le monde.

Nous voici donc, encore une fois, face à nos choix, face à nos responsabilités les plus immédiates et à leurs conséquences les plus lointaines. C’est en des moments pareils que l’on prend la mesure du temps qui passe, de l’histoire en marche et des peuples qui la font.

L’histoire, nous ne pouvons pas, nous n’avons pas le droit de l’oublier, nous Algériens, l’histoire est toujours l’histoire des peuples qui la font.

Des moments semblables sont déterminants pour chaque être humain, chaque femme, chaque homme est invité à se dépasser lui-même en s’accordant avec son prochain. Certains répondent à l’invitation de l’histoire et se hissent au-dessus de leurs calculs étriqués pour être à la hauteur du moment, d’autres cèdent à la facilité, aux manipulations, aux illusions de l’instant… Mais pour tous, il y a un avant, un pendant et un après.

C’est vrai, les moments de passage sont parmi les plus difficiles à traverser mais ils sont aussi parmi les plus passionnants à vivre. Car en des moments semblables, les plus petits des gestes humains, les plus humbles des femmes et des hommes peuvent faire, et font, la différence dans le résultat. C’est là le véritable ressort de l’histoire des peuples face à l’histoire des pouvoirs.

Quand, avec des compagnons de la lutte contre le colonialisme et pour l’indépendance nationale, nous avons fondé le Front des Forces Socialistes, pour que cette indépendance algérienne s’accomplisse dans la démocratie, dans le respect des libertés, dans le respect de la justice sociale, dans le respect du pluralisme politique et culturel fondateurs du mouvement de libération nationale, je n’imaginais pas que cinquante ans plus tard nous en serions encore à nous battre pour défendre notre simple droit à exister. Nous militants du FFS et plus généralement, nous Algériens.

Si les cinquante ans de lutte du FFS pour la démocratie collent au plus prés des cinquante ans de l’indépendance nationale, ce n’est pas par hasard. Le FFS est né dans le giron du mouvement de libération nationale, ses racines politiques et éthiques plongent dans un anti colonialisme de conviction et non de circonstance. Pour le FFS patriotisme et démocratie sont inséparables, durant ces cinquante années de lutte, le FFS a d’abord dû lutter pour empêcher qu’on piétine la démocratie au nom du patriotisme pour ensuite se battre pour empêcher qu’on piétine le patriotisme au nom de la démocratie.

Il y a véritablement de quoi s’indigner de l’ironie de l’histoire: d’abord on nous colonise et on nous soumet (tous unis dans l’indignité) à un statut infâme d’infrahumain sous le code de l’indigénat, ensuite, une fois que nous avons payé un prix terrible pour notre libération, on nous impose la dictature (tous unis dans la soumission) et on nous dit que la démocratie est un luxe, ensuit quand les peuples paient a nouveau un prix terrible pour la liberté, la justice et l’Etat de Droit, on nous dit que tout ca c’est fini nous devons devenir des tribus et des hordes en guerre perpétuelle les uns contre les autres. Car c’est là le cœur du problème: l’ordre brutal du monde , du capitalisme colonial hier et de la globalisation néolibérale aujourd’hui, nous dit une seule et même chose: vous avez le droit d’être des peuples unis dans la soumission au colonialisme ou la dictature mais la démocratie et la liberté vous ne pouvez les vivres que comme des petites coterie, des clans, des ethnies, des sectes et que sais-je encore !

Cette fumisterie néo-coloniale convient parfaitement à certains, qu’ils l’habillent d’extrémistes religieux, du despotisme des castes mercantilistes appuyées sur des dictatures militaires ou qu’il s’agisse des régionalismes racistes et belliqueux incapables de construire une route ou des tracés de pâturage entre deux communes sans provoquer une guerre !

A cause de tout cela nous avons été terriblement amoindris par rapport à nos potentialités nationales. Notre richesse humaine n’a pas été moins ciblée que nos richesses matérielles. Ne l’oublions jamais quand nous analysons notre situation nationale.

L’actuel désordre mondial joue sans scrupule de tous ces éléments pour asservir et dépouiller les peuples. Ceux qui nous disent que nous pouvons nous dispenser de regarder ce qui se passe dans le monde et en tirer des leçons n’ont rien compris à l’histoire de l’Algérie. Ce n’est pas en nous regardant dans les yeux que nous avons trouvé les moyens de vaincre le colonialisme ! C’est en s’informant sur le reste du monde, en analysant et en comparant les différentes situations que le peuple algérien a fait preuve de génie, de courage et d’endurance sur le chemin de la libération nationale.

Les autres valeurs qui fondent les nations quand elles sont mises au service d’une vision politique saine, elles sont connues de tous ceux qui n’ont pas rompu avec leur patrimoine humaniste dans sa déclinaison savant ou dans la richesse des valeurs des terroirs.

La lutte du FFS pour la démocratie est une lutte pour la consécration de la liberté et de la souveraineté de l’Algérie en chaque Algérienne et en chaque Algérien, à travers des institutions légitimes et un Etat de Droit qui en assure le respect, le bon fonctionnement et la pérennité. Ceci n’est pas un détail. Ceci est le socle sur le quel le reste pourra être construit. Nous devons être unis sur cela pour pouvoir diverger démocratiquement sur le reste.

En cinquante ans de lutte au sein et à la tête du FFS, cinq décennies passionnantes au point que je pourrais dire que je ne les ai pas senti passer, mais je ne peux pas le dire par ce qu’en ce moment même je vois défiler les visages des compagnons de lutte, ceux et celles qui sont là et ceux et celles qui sont partis, ceux qui sont restés proches jusqu’au bout et ceux et celles qui se sont éloignés…

Bref, ce congrès est important à mes yeux, comme tous les autres congrès du parti, mais à celui-ci je me retire de la présidence du parti, j’aurais voulu, j’aurais pu ou dû, ou pas su, le faire plutôt, j’en ai souvent discuté avec des camarades et des amis, mais voilà l’histoire se fait pendant que nous apportons notre modeste contribution à son déroulement.

J’ai suivi de près chacune des étapes de la préparation du congrès et j’ai scrupuleusement respecté la décision, prise en concertation avec la direction du parti, d’impliquer au maximum, et à toutes les étapes, l’encadrement du parti et de ses militants dans sa mise en œuvre.

Je vous félicite pour votre engagement et votre détermination à faire du FFS un foyer militant actif et vigilant pour la construction de l’alternative démocratique dans le prolongement e l’appel du 1er Novembre et de la plate-forme de la Soummam, dans le respect de toutes les luttes sociales, syndicales et politiques qui se sont inscrites pendant ces cinquante années en faveur de l’émancipation des peuples et contre la dictature, la violence et le chaos.

Je vous souhaite de mener au mieux vos travaux.

Hocine Aït Ahmed

Zeralda, 23 mai 2013page1image6800 page1image6960 page1image7120 page1image7280



 

Fin de la clause du besoin pour juin 2016. La nouvelle alliance PLR-UDC charge financièrement l’arc lémanique. Merci l’effet Parmelin !

A la suite du vote d’aujourd’hui au Conseil national, le Parlement refuse de prolonger la clause du besoin qui empêche l’ouverture de nouveaux cabinets médicaux dans le domaine ambulatoire. Celle-ci aura donc duré de juillet 2013 à juin 2016. Les médecins spécialistes qui voudront s'installer à leur compte pourront le faire dès cette date sans entraves. On se rappelle de la forte croissance avant la clause du besoin jusqu’en juin 2013. Dès lors, ce sera à n’en pas douter la ruée à partir du 1er juillet 2016. C’est un phénomène largement documenté, le volume d’installations des spécialistes décuple sans la clause du besoin. En effet, il y avait en moyenne 900 installations délivrées pendant le semestre précédant la fin de la clause au début 2013. La plupart des augmentations devraient toucher principalement les métropoles (l’arc lémanique avec Genève et Vaud ainsi que Zurich). Et les trois quarts d’ouvertures de cabinets émanent des spécialistes.

 

L’augmentation de nouveaux médecins (2000 médecins spécialistes de plus environ) va avoir un impact majeur sur les coûts de la santé et donc sur les primes maladies alors que les ténors du « bloc bourgeois » prétendent vouloir freiner cette croissance. En effet, chaque installation génère des frais médicaux de l'ordre d'un demi million de francs par année au bas mot, dont la moitié à la charge de l'assurance obligatoire. Le coût de la décision de la majorité bourgeoise atteint dès lors de 1 à 2 milliards de francs pour l’ensemble de la Suisse dès l’année prochaine. Conséquence : nouvelle augmentation importante des primes d'assurance maladie avec pour effet une hausse des demandes de subsides à l’assurance-maladie et une réduction du pouvoir d’achat des 60% des ménages suisses économiquement les plus faibles. Ainsi, cette décision absurde touchera largement la classe moyenne. Dans le canton de Vaud, cette augmentation peut être estimée à plus d’une trentaine de francs de primes de plus par mois pour chaque vaudois… Une fois l'explosion des primes provoquée, il n'y aura plus qu'à faire passer la motion Stahl pour exiger la levée de l'obligation de contracter…

 

Qui a voté cette suppression de clause? Ce retournement qui nuit clairement aux cantons lémaniques est provoqué par la nouvelle alliance PLR-UDC, y compris vaudoise et genevoise. L’effet Parmelin comme on l’appelle ? 

Deux ans pour rien

Deux ans après l’adoption de l’initiative contre l’immigration de masse (IIM), le Conseil fédéral se prépare à annoncer qu’il n’y aura pas de mandat de négociation possible avec l’Union européenne pour renégocier l’Accord sur la libre circulation (ALCP). Trop occupée sur le front de l’asile, de la crise économique et financière et du BREXIT pour en faire une priorité, l’Union européenne va dire non à la Suisse. A ce stade, la seule marge de manœuvre qui reste aux négociateurs suisses est celle d’une éventuelle réinterprétation de l’article 14 ALCP pour pouvoir activer une clause d’exception « en cas de difficulté sérieuse d’ordre économique et social ».

 

On ne sait pas à quoi ressemblerait cette nouvelle clause ni en termes de critères, ni en termes de mesures ou de modalités d’activation. Dans l’insécurité juridique ambiante, la seule chose dont on soit sûr est que cette clause ne pourrait être activée que par consensus entre les partenaires suisse et européen. Une limitation unilatérale de la libre circulation des personnes comme défendue par certains milieux de la droite dure, serait en effet clairement contraire à l’accord. Chercher à l’imposer de manière unilatérale conduirait inévitablement notre pays vers une faillite : celle de la dénonciation des accords bilatéraux à court ou moyen terme. Et celle d’une perturbation de nos relations avec l’UE assortie d’une incertitude juridique durable pour de nombreuses années tant pour les entreprises que pour les salariés du pays.

 

Reste que les préoccupations concrètes ayant conduit à l’acceptation de l’IIM par la population ne sont toujours en rien résolues : pas de nouvelle protection contre le chômage, pas de mesures contre la pression sur les salaires ou contre la pénurie de logement. En ne faisant rien sur ce terrain, le Conseil fédéral privilégie une voie risquée. D’abord, il perd du temps. Ensuite, il fourvoie les citoyens en leur laissant croire que cette nouvelle clause pourrait constituer une quelconque réponse à leurs préoccupations liées à la qualité de vie.

 

Plus que jamais, il est essentiel de défendre des actes politiques volontaristes précis par le biais d’un paquet de réformes servant à protéger le marché du travail et du logement (introduire plus de salaires minimums et de CCT, augmenter les moyens de lutte contre le travail au noir, davantage de protection pour les travailleurs âgés, contenir les hausses de loyers). Les moyens concrets pour réguler l’immigration avec des règles justes et efficaces existent. A quelques jours des grandes discussions qui devront – espérons-le – avoir lieu le 18 décembre prochain, il serait temps que le Conseil fédéral passe enfin aux actes. La qualité de vie de la population et son revenu disponible ne dépendent pas d’une clause de sauvegarde mais de réformes internes dans le domaine du marché du travail et du logement.

La démocratie fait la différence

Après bientôt deux mois de campagne électorale, il ne manque plus que quelques jours avant que ne tombe le verdict des urnes. Nous connaîtrons dimanche le nouveau visage des Chambres fédérales pour les quatre ans à venir. D’aucuns considèrent que tout cela n’a finalement que peu d’importance. Que l’on vote ou pas cela reviendrait au même. Ils vont jusqu’à considérer que s’abstenir, voire ne pas aller voter du tout, constituerait un acte de défiance envers les autorités politiques en place. Ils pensent faire ainsi acte d'opposition en ne voulant pas « cautionner le système ».

 

Même si la démocratie a été obtenue de haute lutte, y compris en Suisse, et notamment pour les femmes, se tenir éloigné de la vie démocratique est évidemment un droit. Mais il est aussi juste d’affirmer que voter ne cautionne rien du tout. Voter c'est donner une voix de plus à ceux qui sont susceptibles de représenter le mieux – ou le moins mal – ce que l'on veut pour son pays. Rester chez soi et se laisser tenter par le mirage du mutisme électoral volontaire, c’est se priver d’un instrument précieux : faire la différence. Dans le Canton de Vaud, c’est cette différence, rendue possible grâce à l’alliance de la majorité socialiste et écologiste du Conseil d’Etat avec des Conseillers d’Etat PLR ouverts, qui a conduit à des compromis sociaux et économiques. Cette majorité de raison a à son tour trouvé un soutien suffisant au sein du Grand Conseil et peut s’appuyer sur un soutien populaire conséquent. Résultat : notre Canton dispose aujourd’hui de la politique sociale et économique la plus progressiste de Suisse. Par ailleurs, les forces qui dans notre canton font leur beurre électoral avec le refus de tout – et surtout des personnes venues d’ailleurs – sont contraintes de panser les plaies de leur déchirures internes.

 

Les élections ne sont donc pas une affaire marginale ou anodine. Elles influencent directement notre bien-être et notre capacité à affronter l’avenir la tête haute. Quelques sièges de plus pour le camp favorable aux avancées du plus grand nombre – celui qui lutte contre les inégalités sociales et pour un développement économique qui reconnaît la valeur du travail, celui qui s’engage depuis des décennies pour un tournant écologique de notre industrie et la sortie du nucléaire, celui qui travaille sans relâche pour une politique migratoire et d’intégration et une politique d’asile digne de notre pays – peuvent peser lourd dans la balance. Le choix vous en incombe. La démocratie fait la différence.

Le naufrage moral de l’UDC

Si notre monde présente un grand nombre de défauts, il procure néanmoins l’avantage de nous livrer des informations dont nous ressentons immédiatement la gravité. Depuis plusieurs mois et où que nous allions, des journalistes et des photographes nous alertent sur ce qui est en train de se passer aux portes de l’Europe, de la frontière tuniso-libyenne jusqu’à la gare de Munich, en passant par l’île grecque de Lesbos et la Turquie. Des centaines de femmes, d’hommes et d’enfants trouvent la mort à nos frontières. Plusieurs milliers de réfugiés en détresse y sont aujourd’hui affamés, emprisonnés et entassés dans des conditions insoutenables.

 

Les politiques ont le devoir d’agir. En Suisse, la collaboration avec l’Europe doit encore s’intensifier pour mettre en place le plus rapidement possible des quotas humanitaires par Etat. Le Parlement a quant à lui d’ores et déjà franchi ces jours-ci une étape importante avec la restructuration du domaine de l'asile qui est à présent sous toit, grâce à une majorité constructive composée des partis de droite comme de gauche. A l'avenir, les procédures d'asile seront plus courtes et, grâce au droit à un conseil juridique gratuit, plus justes. Il y aura également une augmentation importante des places d’accueil.

 

Un seul parti s’est opposé à cette amélioration des procédures d'asile, l’UDC. Cette droite dure à l’extrême, qui fait feu de tout bois, est manifestement plus soucieuse de soigner sa campagne électorale xénophobe que de trouver des solutions dans l'intérêt du pays et des personnes concernées. Dans ce débat, l’UDC s’est bornée au rejet de toute discussion et a cherché à utiliser la tribune du Parlement, à grands renforts de mensonges, comme tremplin en vue des élections fédérales d’octobre. Sourds face à la réalité tragique de milliers de destinées humaines, tous les députés UDC ont été jusqu’à réclamer une fermeture des frontières par l’armée et proposer un moratoire en matière d’asile qui aurait été aussi inefficace qu’inhumain.

 

Afin de savoir où mènerait la politique d’asile voulue par l'UDC, il suffit de se tourner vers la Hongrie. Son gouvernement a fait ériger des murs de barbelés à sa frontière, viole les droits fondamentaux des réfugiés, attise un climat de xénophobie et, enfin, enfreint le droit européen. Cette situation génère de grandes souffrances humaines, un véritable chaos ainsi qu’une réprobation internationale. Si l'UDC s’inspire de Viktor Orban, ce n’est pas le cas du Parlement qui a fait le choix d’une politique d'asile humaine et efficace. Une politique à la hongroise, aussi cruelle qu’insensée, ne doit jamais trouver de majorité en Suisse. Avec ce qui se passe à nos portes, fermer les frontières et refuser le statut de réfugié revient à se rendre complice d’une véritable boucherie.