Moi, les juifs je les déteste

Titre étonnant non? Choquant, n’est-ce pas? C’est tout-à-fait normal. Lorsqu’on affirme détester une catégorie de la population, mais toutefois “sans appeler au meurtre”, cela sent plutôt mauvais. Qui voudrait lire un livre avec ce genre de phrase: “Et si la colère envers les [juifs, femmes, obèses, vieux] était en fait un chemin joyeux et émancipateur lorsqu’elle peut s’exprimer?” ou encore “Moi, les [juifs, femmes, obèses, vieux] je les déteste”. En effet, pourquoi pas faire de la colère et de la détestation d’autrui une randonnée joyeuses vers des jours meilleurs? Exprimer sa colère contre un groupe une une forme de spiritualité libératrice?

La RTS semble adhérer à ce projet, il suffit juste de mettre le bon mot dans ce texte à trou haineux. Pauline Harmange s’en est chargé. Apparemment, “hommes” (en tant que genre) fait tout-à-fait l’affaire et il y a si peu à redire que tout tentative de censure est automatiquement considérée comme un acte isolé d’un vilain fonctionnaire qui veut supprimer la culture. Quant à cette jeune auteur “qui aime les chats et son mari”,  va forcément être “planétaire” tant sa cause est juste…

Si l’on est dans l’air du temps, il n’y a aucun problème à détester profondément une partie de la population. Cela est même beau et bon. Les journaux peuvent ainsi faire leur ode, tout est pour le mieux. On ne se demande à aucun moment si le fonctionnaire en question avait raison: on se contente de le dénigrer, lui qui “ne lit que le titre et la quatrième de couverture”, ah le vilain paresseux! Mais, il n’y a qu’à mettre “femme” ou “juif” à la place d’homme pour comprendre combien tout cela est odieux et absolument injustifiable.

Le vrai problème est le relais journalistique. Qu’une jeune fille déteste les hommes, je peux le comprendre. Qu’un noir déteste les blancs, un chrétien les musulmans, aussi. Je le comprend tout en condamnant, bien sûr. Mais qu’on justifie ces sentiments destructeurs par voie journalistique est impardonnable. Que l’idéologie se répande ainsi l’air de rien a de quoi donner la nausée. La RTS est un anti-journal, si elle ne donne pas comme d’ordinaire dans le sans-fond, elle donne dans le préjugé, le premier qui vient et le plus dangereux, sans le moindre recul.

 

Arthur Simondin

Arthur Simondin est un professeur de philosophie à la retraite. Il veut user de ses connaissances et de son expérience d’enseignant afin de promouvoir une vision philosophique de l’actualité. Sa connaissance approfondie de la philosophie grecque et des courants dominants du 20ème siècle lui permet d’éclairer l’actualité et d’en révéler à la fois les structures et leurs significations.

2 réponses à “Moi, les juifs je les déteste

  1. Deux siecles, il n’en aura pas fallu plus aux juifs, pour etre relegues…
    De la revolution francaise et son avenement bourgeois pour faire le roi, aux chinois.

    Decidemment la vie s’est acceleree 🙂
    Grace aux Juifs, d’ailleurs.

  2. Je déplore le plus souvent que le rejet d’une catégorie de personnes semble mieux admis quand il est exprimé par une personne à qui l’on accorde a priori plus de valeur « qu’à n’importe qui ». Le mépris et la haine sous-jacente d’une personne cultivée ne sont pourtant pas plus honorables que celles du désœuvré frustré qui gueule bière à la main. Celui-ci, on ne désire pas s’y identifier, mais l’homme qui est envié pour sa richesse d’esprit, c’est « autre chose », et certains sont très adroits pour avoir compris comment manipuler les gens ordinaires flattés qu’un grand pense « sincèrement » à eux. Je désire citer à cet effet des extraits du discours donné il y a trois ans par un homme cultivé, sympathique, dont le visage inspire joie et santé, sans donner son nom. Ce sera une devinette pour ceux qui n’ont pas pris connaissance de cette brillante allocution :

    « Le pain d’hier est rassis, le pain de demain n’est pas cuit, profitons donc du pain d’aujourd’hui (…) qui doit être mangé frais ».
    « Vous qui êtes ici rassemblés, vous exprimez votre soif de vivre, l’intensité de la flamme qui brûle en vous, votre désir de vérité ».
    « Je m’incline devant votre sens du sacrifice, votre honnêteté intellectuelle et morale ».
    « La civilisation la plus extraordinaire que la terre ait connue est en train de se suicider et personne ne songe à lui porter secours ».
    « Observez bien les signes avant-coureurs d’un totalitarisme nouveau qui porte le masque du progrès, du bien, de la tolérance et de l’ouverture ».
    « Chers amis, quels que soient les aléas de la vie, que ce soit dans la déception de la défaite ou la joie de la victoire, dites-vous que l’essentiel est ailleurs, qu’il est en vous et qu’il vous dépasse pourtant infiniment. C’est une étincelle qui brille dans vos yeux et vos cœurs et dont rien ni personne ne peut se rendre maître. Pas même vous-mêmes. C’est cette force qui anima Socrate et Jésus-Christ, qui donna son courage à Galilée, son inspiration à Goethe, c’est elle qui souffla leurs plus belles mélodies à Mozart et Beethoven. C’est elle qui nous élève et nous grandit. Cette force, c’est votre être profond, c’est votre vrai « moi » et elle vous relie à l’infini ».

    « Être moderne ne signifie rien d’autre que de puer le cadavre ».

    J’ai reçu le discours complet par mail, avec l’en-tête « Que cet homme soit béni ! » Et en dessous la liste d’une dizaine de personnes ayant reçu le même mail : Un prêtre, une psychologue, un médecin, deux pharmaciens… Je ne fais pas partie de l’équipe, mais l’expéditeur a cru trop vite que pour l’avoir aidé à soigner son chat, mes grands idéaux rejoignaient les siens. Hé oui je suis sensible pour un chat ou son propriétaire qui a besoin d’un retour d’affection. Mais je reste inaccessible à l’une ou l’autre Vérité qui devrait nous guider vers un monde idéal, et désire encore moins partager ce bonheur entre « personnes de grande valeur et méritantes ».

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