Autour du Japon

La seconde vie des voitures japonaises

Parmi les populations des pays développés, les Japonais sont probablement ceux qui remplacent leur voiture le plus fréquemment. Les raisons de ce phénomène sont sociales et économiques. Tout d’abord, les voitures sont souvent considérées comme un symbole de statut social par les habitants de l’archipel, et beaucoup tirent une grande fierté de maintenir leur voiture en parfait état – il est en effet très rare de voir des véhicules à la carrosserie endommagée – et à acquérir des modèles de dernier cri.

Une seconde raison, probablement plus importante, est l’exigence et le coût élevé des inspections périodiques auxquelles toutes les voitures doivent se soumettre. Guidées par leur obsession de la sécurité publique, les autorités imposent en effet des contrôles particulièrement sévères pour s’assurer qu’aucun véhicule avec le moindre risque de défaillance ne se retrouve sur les routes japonaises. Ces exigences et les coûts associés, déjà importants à la base, augmentent avec l’âge du véhicule, ce qui rend dans de nombreux cas son remplacement plus économique après cinq ou six ans.

 

Un commerce d’exportation des plus actifs

Cette situation profite bien sûr aux entreprises automobiles domestiques autant qu’importées et rendent le marché nippon très attrayant. Elle a cependant également pour résultat un nombre particulièrement élevé de véhicules de seconde main qui trouveront difficilement preneur dans l’archipel. Ces voitures sont donc exportées de par le monde, à hauteur de plus d’un million par année. Le Japon faisant partie d’une minorité de pays qui conduisent à gauche « à l’anglaise », les destinations possibles sont cependant limitées.

Le Myanmar était jusqu’à récemment l’une des plus importantes, malgré le fait que l’on y roule à droite, à tel point que les voitures japonaises d’occasion constituaient la plus grande partie du marché automobile birman. Cela s’est révélé particulièrement profitable pour les exportateurs japonais après l’ouverture du pays en 2011 et l’augmentation du pouvoir d’achat d’une partie de ses habitants. Dans les années qui ont suivi, le Myanmar était souvent leur premier marché. En 2017, le gouvernement a cependant imposé des limites à ces importations pour des raisons de sécurité routière et pour tenter de stimuler la production locale.

Comme j’ai pu le constater de mes propres yeux lors d’un récent séjour à Yangon, ces restrictions n’ont en réalité pas encore eu un impact notable. Les routes de la capitale économique birmane restent effectivement envahies de véhicules de marques japonaises – grand nombre d’entre elles avec le volant à droite –, à tel point qu’il est rare d’apercevoir une voiture d’un autre pays. Les restrictions ont donc dans un premier temps simplement poussé le marché dans la clandestinité.

 

Un plus pour l’image du Japon

D’aucuns déploreront le trafic très dense et la pollution que l’explosion du nombre de voitures sur les routes de Yangon a provoqués – le changement dans ce domaine par rapport à ma dernière visite il y a plus de dix ans est assez saisissante – mais les Birmans qui peuvent se le permettre sont sans aucun doute ravis de pouvoir se procurer ainsi des voitures de bonne facture et avec relativement peu de kilomètres au compteur. Les compagnies automobiles japonaises, dont plusieurs s’apprêtent à construire des usines de production au Myanmar, vont sûrement continuer de profiter de cette bonne image alors que le marché automobile du pays est voué à se régulariser et à continuer de croître.

Les bénéfices pour le Japon de ces exportations de voitures d’occasion ne sont d’ailleurs pas uniquement économiques. Grâce à elles, le pays est associé aux yeux des consommateurs birmans avec des produits de qualité et désirables. C’est d’ailleurs une image répandue en Asie du Sud-Est. On m’a a plusieurs reprises dit dans des pays voisins du Myanmar, visités au cours du même voyage, à quel point les produits japonais avaient bonne réputation et étaient comparés positivement à ceux venus de Chine, jugés de moins bonne facture. Les exportations japonaises vers l’Asie du Sud-Est contribuent donc à l’image positive dont le pays bénéficie dans la région, comme je l’avais déjà noté dans un billet précédent.

 

 

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