Le 1er juillet 2022, le mariage civil est devenu la seule option d’union légale en Suisse. Cette institution ancrée dans le Code civil depuis plus de cent ans constitue désormais l’unique possibilité pour les couples de s’unir, indépendamment de leurs sexes. La Loi sur le partenariat enregistré des personnes de même sexe (LPart) ne régit ainsi plus que les partenariats conclus avant cette date. Leur situation juridique demeure la même. Les partenaires enregistrés ont cependant la possibilité de convertir en tout temps leur union en un mariage. A cette fin, ils doivent formuler une déclaration commune à un officier de l’état civil (art. 35 LPart). La déclaration peut également être remise à une représentation de la Suisse à l’étranger (art. 5 al. 1 let. cbis OEC). Une fois la déclaration remise, les partenaires enregistrés sont considérés comme des personnes mariées (art. 35a al. 1 LPart). Cette situation est inscrite au Registre de l’état civil et les documents officiels sont alors modifiés (cf. not. art. 21, 75n et o OEC, ainsi que 9g al. 4 T.fin. CC).
Bien que spécifique, la LPart est largement inspirée du droit du mariage contenu dans le CC. Les effets du partenariat enregistré ainsi que ceux du mariage sont donc à bien des égards analogues. En effet, les dispositions du CC relatives aux noms[1], aux droits de cité[2], aux droits sur le logement familial[3], aux devoirs parentaux, à la représentation du ménage[4], à la protection de l’union[5], à la responsabilité pour les dettes[6], aux droits successoraux[7] et aux droits et devoirs généraux des époux[8] sont semblables à celles contenues dans la LPart.
La votation du 26 septembre 2021 a toutefois entraîné des conséquences pour les personnes désireuses de convertir leur partenariat enregistré en un mariage civil. Celles-ci découlent des différences entre la LPart et le CC qui concernent notamment la dissolution de l’union, la naturalisation, la procréation médicalement assistée (PMA) ainsi que le régime patrimonial du couple. Néanmoins, lesdites différences peuvent être tempérées ou éliminées de manière conventionnelle.
Tout d’abord, les conditions pour dissoudre une union sont plus strictes dans le cadre d’un mariage que dans celui d’un partenariat enregistré (art. 29 s. LPart, 111 CC). Par exemple, l’époux qui souhaite demander unilatéralement le divorce doit en premier lieu respecter un délai de deux ans de vie séparée (art. 114 CC). Pour la dissolution du partenariat enregistré, ce délai n’est que d’une année (art. 30 LPart).
De plus, par la conversion de leur partenariat enregistré en un mariage civil, les conjoints de nationalité étrangère bénéficient de la naturalisation facilitée. Jusqu’à présent, ces derniers devaient introduire une procédure de naturalisation ordinaire afin de pouvoir obtenir la nationalité suisse.
Depuis l’introduction de l’art. 255a CC, la procréation médicalement assistée par don de sperme est également ouverte aux couples de femmes mariées. Il convient de relever que la conversion d’un partenariat enregistré en mariage d’un couple d’hommes ne permet toutefois pas l’accès à ce type de parentalité. Le don d’ovules et la pratique des mères porteuses demeurent effectivement interdits. La PMA n’est toutefois pas autorisée pour les partenaires enregistrés, quels que soit leurs sexes (art. 28 LPart). Par ailleurs, ces derniers n’ont pas la possibilité d’adopter conjointement un enfant (art. 28 LPart, 264a CC). Ils sont limités à l’adoption de l’enfant de leur partenaire selon l’art. 27a LPart.
Les effets consécutifs à la conversion en mariage d’un partenariat enregistré ne modifient pas de façon significative la situation patrimoniale des conjoints durant l’union. En effet, chacun demeure pleinement propriétaire de ses biens et en dispose librement. Les conjoints ne répondent pas des dettes de l’autre au-delà de celles résultant de la représentation du couple ou de la famille pour des besoins courants (art. 15 al. 1 LPart, 166 al. 1, 201 al. 1 et 202 CC). Mais, des différences considérables entre le mariage et le partenariat enregistré sont à relever sur le plan patrimonial lors de la dissolution de l’union. A défaut d’une convention, l’art. 18 LPart régit les relations patrimoniales des partenaires enregistrés. Cette disposition calque les règles relatives à la séparation des patrimoines sur celles du régime matrimonial de la séparation de biens. La liquidation du partenariat enregistré implique donc la simple scission des patrimoines des conjoints et le règlement de leurs dettes (art. 18 et 23 LPart). Les diverses créations des partenaires, notamment celles réalisées durant leur activité professionnelle, ne sont pas à partager. Si toutefois ces derniers venaient à convertir leur union en un mariage civil, un partage à parts égales du bénéfice de l’union conjugale serait imposé (art. 215 CC). En effet, par la conversion et à partir de ce moment, les partenaires devenus époux sont automatiquement placés sous le régime légal de la participation aux acquêts (art. 35a al. 3 LPart, 197 ss CC). Afin de limiter ces effets patrimoniaux non négligeables, les époux ex-partenaires enregistrés peuvent par exemple adopter le régime de la séparation de biens par un contrat de mariage (art. 182 ss CC). Ils ont également la possibilité de conclure un pacte successoral par lequel l’époux survivant renonce à sa réserve.
En résumé, les couples homosexuels bénéficient désormais de plus de choix et de moyens pour organiser leur vie, tant sur le plan institutionnel que sur le plan juridique. Le « mariage pour tous » constitue dès lors un pas décisif vers l’égalité entre les couples.
Anaïs Brodard, avocate et médiatrice FSA, formée au droit collaboratif
Fondatrice de l’Etude Brodard Avocats SA
[1] Cf. art. 12a et 30a, 119 et 160 CC.
[2] En vigueur depuis 2013, l’art. 161 CC vaut également bien pour les couples mariés que pour les partenaires enregistrés.
[3] Cf. art. 14 LPart et 169 CC.
[4] Cf. art. 15 LPart, 166 CC.
[5] Cf. art. 17 et 22 LPart, 170 et 171 ss CC.
[6] Cf. art. 18 al. 2 LPart, 202 CC.
[7] Cf. art. 462 et 471 CC.
[8] Cf. art. 12 LPart, 159 CC ; art. 13 LPart, 163 s. CC.
Qu’on ait voté au plan politique pour le possible mariage des homosexuel.les, très bien. Que le droit serve à limiter les liens de parenté au couple légalisé et, partant, à la famille procréative, c’est réducteur. 40% des Suisses vivent en célibataire. Le nombre de divorces est considérable. La violence conjugale en hausse. Le taux de reproduction n’est pas en danger. Alors que se passe-t-il? L’union libre, la femme ou l’homme sans enfants, bientôt objets de condamnation? Un peu d’études anthropologiques de groupes humains ayant survécu à la colonisation et à la confiscation des richesses (y compris cognitives, culturelles et spirituelles) montrerait qu’il est possible voire souhaitable d’élargir les modalités de la vie ensemble. Foin de la névrose obsessionelle qui vise à enfermer les individus dans un modèle unique!
Puisque le “mariage” dans sa nouvelle conception n’est plus l’union de deux personnes souhaitant avoir une descendance, qu’est-ce qui empêcherait légalement trois personnes de se marier ? En quoi le mariage se différencie-t-il d’une simple association ? Si l’on ne tient plus compte des règles biologiques, pourquoi limiter le nombre de partenaires à deux ? Mariage à trois, voire plus, c’est peut-être l’avenir. Qu’en pensez-vous ?
Très bonne et pertinente réflexion!
La LPart, c’était 600 partenariats par année et 200 dissolutions par année.
Beaucoup, beaucoup de discussions politiques fondées sur le lobbying d’une minorité non représentative de la communauté.
L’égalité actuelle, c’est quand même mieux 🏳️🌈🏳️⚧️ que ce lobbying en faveur d’un égalitarisme communautariste. Pendant ce temps, la variole du singe tue nos frères, dans l’indifférence générale.