Espions privés : mythes, réalité, opportunités

Régulièrement, la presse a l’occasion de décrire l’intervention dans une affaire médiatique de ce qu’elle appelle volontiers, et qui constitue un abus de langage, un espion privé ou un barbouze.

Il convient de rappeler qu’un espion est par définition un individu engagé dans des activités d’espionnage, comportements typiques réprimés par le code pénal (Art. 272ss CP).

En dehors de ces activités illicites, s’exercent de manière tout à fait légale des activités de renseignement d’affaires ou d’intelligence économique.

Une industrie légale et compétitive

Bien loin des controverses, malheureusement parfois justifiées, qui continuent de coller à la peau de ces professionnels de l’information, Londres, Paris ou encore Moscou accueillent ouvertement de nombreuses sociétés d’intelligence économique qui ont sues se rendre indispensables à nombre de cabinets d’avocats et de sociétés qui ont un besoin d’informations stratégiques.

Ces sociétés opèrent tant pour le secteur privé que pour des entités publiques, comme par exemple la Banque Européenne d’Investissement (BEI), dont l’appel d’offre pour un contrat bisannuel de fourniture de renseignements fait à chaque fois l’objet d’une féroce bataille entre les poids lourds du secteur.

Parfois, ces sociétés sont également directement engagées par des États pour conduire des investigations complexes et transnationales.

C’est par exemple le cas de la Moldavie qui a engagé en 2012 un célèbre cabinet d’investigation américain pour déterminer ce qu’il était advenu de près d’un milliard d’euros qui avaient disparu des caisses de l’État.

Plus proche de nous, les nombreux arbitrages commerciaux tranchés en Suisse regorgent de rapports et d’éléments de preuves rapportés par des  « business intelligence firms » de Mayfair, du nom de ce quartier de Londres qui concentre la majorité des sociétés d’investigation et de renseignement qui comptent en Europe et dans le monde.

Et en Suisse ?

Très attachée à la protection des données et échaudée par son expérience avec les sociétés militaires privées, la Suisse est partagée entre méfiance et opportunité économique.

Pourtant, sans le savoir vraiment, la Suisse est discrètement devenue la deuxième place européenne en matière de renseignement d’affaires derrière Londres avec des sociétés d’intelligence économique, dont certaines suisses, sont reconnues bien au-delà de nos frontières.

Parallèlement, la plupart des importants acteurs étrangers de cette industrie ont au moins un bureau de représentation dans notre pays.

Plus fantasmé que connu, le renseignement privé à la sauce anglaise c’est avant tout un métier bien encadré, des procédures de compliance de plus en plus strictes et une majorité d’ employés choisis parmi les étudiants des meilleures universités européennes.

Au niveau Suisse, le Canton de Genève fait office de précurseur avec la création de l’Office de Promotion des Industries et des technologies (OPI) qui offre plusieurs services en matière d’intelligence économique et avec ses cursus et options à la Haute École de Gestion et à l’Université de Genève qui forment dans le domaine.

Enfin, au niveau économique, on est bien loin des clichés sur l’investigateur solitaire qui chasse le mandat d’adultère avec des chiffres d’affaires en Suisse qui peuvent atteindre plusieurs millions de francs voir plus de 100 millions de dollars à l’étranger pour la plus grosse société d’intelligence économique américaine cotée en bourse.

Dans la tradition de ses banques privées, de ses cabinets d’avocats prestigieux et de ses pépites industrielles, la Suisse a également une bonne carte à jouer comme lieu incontournable du renseignement d’affaires.

Bon baiser de Suisse.

Alexis Pfefferlé

Alexis Pfefferlé est associé fondateur d’Heptagone Digital Risk Management & Security Sàrl à Genève. Juriste de formation, titulaire du brevet d'avocat, il change d'orientation en 2011 pour intégrer le monde du renseignement d'affaires dans lequel il est actif depuis. Engagé sur les questions politiques relatives au renseignement et à la sécurité, conférencier occasionnel, il enseigne également le cadre légal des activités de renseignement à Genève.

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