C’est pour quand, la fin du secret bancaire en Suisse?

"Quand le secret bancaire disparaîtra-t-il en Suisse?" A cette question, seule réponse possible: "très bientôt". Voire: "Plus vite que vous ne l'imaginez". Dans une interview donnée ce dimanche de Pâques à la Schweiz am Sonntag, Patrik Gisel, le futur directeur général de Raiffeisen, répond avec prudence: "A long terme, il ne va pas pouvoir garder sa forme actuelle. Mais c'est un débat que les citoyens suisses devront avoir dans les prochaines années". C'est son prédécesseur, l'actuel patron de la banque coopérative, Pierin Vincenz qui, le premier, avait réclamé l'ouverture du débat visant à l'échange automatique d'informations. C'était en février 2012.

Soyons plus concrets: il n'en a plus que pour deux, trois, disons au maximum cinq ans. Avec un très grand affaiblissement dès cet été. Le cercueil a été cloué en décembre dernier par les Chambres, qui ont introduit, non sans débat on l'a vu, le délit de "blanchiment de fraude fiscale" sous la forme d'une petite mais très significative adaptatio du Code pénal (CP), plus exactement de son article 305 bis, celui qui réprime le blanchiment de l'argent du crime. Il a suffi d'y ajouter la fraude fiscale grave. Et de définir ce dernier concept, au moyen d'un plancher: dès 300'000 francs d'impôt éludé, le contribuable tombe sous le coup du pénal. Or, le secret bancaire tombe automatiquement dès que le juge pénal s'en mêle.

Dans un second temps (dès l'automne prochain), beaucoup dépendra des banques elles-mêmes: croyez-vous qu'elles s'amuseront à garder des fonds importants dont elles ne sont pas certaines qu'ils ont été déclarés au fisc, et de se voir punir de "blanchiment de fraude fiscale" dans les affaires pénales ouvertes au nom du 305 bis CP? Certainement pas. Elles vont donc faire le ménage elles-mêmes, comme elles l'ont fait avec leurs clients étrangers. Et donc pousser leurs clients à se déclarer eux-mêmes en suivant une facilité ouverte en 2010 par le Confédération et les cantons, qui permet de passer l'éponge sur les fonds non-déclarés (mais avec paiement des impôts en retard, jusqu'à dix ans de rétroactivité, quand même…) pour autant que le contribuable ne l'ait pas déjà fait, ou qu'il se trouve déjà sous le coup d'une enquête. Des milliers de bons Suisses se sont déjà annoncés, et la tendance ne cesse de progresser.

L'initiative sur la "protection de la sphère privée financière" lancée par des parlementaires UDC, PLR  et PDC freinera peut-être ce mouvement si elle est acceptée par le peuple. Mais en aucun cas ne pourra-t-elle renverser la tendance. Concrètement, elle veut limiter les échanges de renseignements fiscaux entre les cantons. Elle ralentira l'obtention par un canton X des renseignements sur les avoirs déposés dans le canton Y et non-déclarés par ses contribuables. Mais elle ne pourra rien faire contre l'ouverture d'une procédure pénale au nom du fameux article 305 bis du Code pénal. Le seul avantage concret de cette initiative sera de donner, enfin, au peuple la ppossibilité de s'exprimer sur un dossier dont il n'est que le spectateur depuis plus de cinq ans.

Comme dit l'avocat fiscaliste Xavier Oberson, ce vote peut-être une bonne chose, mais il interviendra trop tard. Car les jeux sont déjà faits.

Sika ne deviendra pas tout de suite française, mais…

Fleuron industriel et chouchou de la bourse suisse, Sika ne va pas passer en mains française, du moins pas à court terme. Le fabricant de colles, agglomérats et autres produits chimiques pour la construction et l’industrie basé à Baar dans le canton de Zoug a remporté une importante manche judiciaire dans le bras de fer qui l’oppose à son principal actionnaire et, derrière lui, le géant français Saint-Gobain. Mais l’arrêt du Tribunal cantonal zougois ouvre plus de questions qu’il ne résoud un problème.

La cour estime que la société de participations Schenker-Winkler Holding, contrôlée par la famille Burkard, ne pourra pas exercer l’entier de ses droits de vote lors de la prochaine assemblée générale, qui se tiendra courant avril. C’est très important car cette société contrôle 52,4% des voix avec 16,1% du capital seulement. Or, sans ces voix, la famille Burkard aura toutes les peines du monde à faire avaliser la vente de son paquet d’actions à Saint-Gobain lors de cette assemblée, et donc la laisser prendre le contrôle de toute l’entreprise avec seulement un sixième du capital.

L’affaire ira sans doute au Tribunal fédéral. Des mois, voire des années seront encore nécessaire, selon toute vraisemblance, pour définitivement régler cette affaire.

Dans l’immédiat, l’arrêt zougois aura certainement des répercussions sur d’autres sociétés connaissant le même système d’actions différenciées. On pense en priorité à Schindler, constructeur d’ascenseurs lucernois. Et plus lointainement, au géant pharmaceutique Roche.

Ce que ces sociétés ont en commun? Des structures actionnariales similaires. Toutes trois combinent deux types de titres, les actions privilégiées, qui confèrent à leurs détenteurs de larges pouvoirs, et des titres de seconde classe, des actions au poids moindre ou des bons de participation dénués de droits de vote. La conséquence est de créer deux catégories de propriétaires, ceux qui, sans investir beaucoup de fonds, détiennent de nombreux droits de vote, voire la majorité, et les autres. les premiers détiennent le pouvoir, les seconds se contentent d’encaisser les dividendes.

Mais le tribunal zougois remet ce système en question. Il conteste aux actionnaires privilégiés le droit de jouir de leurs privilèges et les ramène au même niveau que les autres. Cela a des conséquences au niveau de la  valorisation des actions. Et, surtout, de prérogatives des actionnaires.

Qui dit ainsi que, demain, la famille Schindler, qui détient la majorité des actions de son entreprise, ou les familles Hoffmann et Oeri, qui tiennent Roche de la même manière, ne verront pas leurs positions contestées dans le futur?

Les conséquences vont bien au-delà de ces sociétés. Elles pourraient remettre en question toute une organisation de l’économie suisse.

Secret bancaire: reste le plus important…

Après des années de purgatoire, la Suisse est à nouveau la bienvenue dans le club des pays “propres”. Elle n’est plus officiellement jugée a priori comme un pays de receleurs de fortunes échappant frauduleusement au fisc, mais au contraire un Etat sur la collaboration duquel les autres peuvent compter.

Début février, Berne a passé avec succès son examen vis-à-vis des autres pays du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements fiscaux, une extension de l’OCDE. Elle est enfin sortie de la phase 1, sorte de purgatoire, pour accéder à la phase 2. Son droit interne est désormais jugé conforme aux règles internationales. Reste encore à faire valider la pratique, examen qui sera entrepris dès la fin de cette année et courra en 2016.

C’est là que les choses pourraient se gâter. Comme l’ont révélé des affaires Swissleaks et la maigreur des suites judiciaires, l’adaptation principale ne réside pas que dans les textes de loi et des réglements, mais dans les têtes. Passer en six ans du régime de l’opacité absolue à celui de l’ouverture presque totale ne va pas sans douloureuses adaptations auprès des personnes chargées de faire appliquer la loi.

Les autorités d’enquête (police et Ministères publics), de dénonciation (Organes d’autorégulation), et même de surveillance (Finma) apprennent parfois avec difficulté que leur mission ne consiste plus seulement à protéger les secrets, mais au contraire à faire la lumière. Ce qui était permis, voire implicitement encouragé (abriter des fonds non-déclarés, voire à l’origine quelque peu discutable) doit désormais être combattu.

On l’a vu avec l’affaire Swissleaks. Le Ministère public de la Confédération n’a eu aucune peine à poursuivre le dénonciateur Hervé Falciani, accusé de vol de données alors qu’il n’a aucunement pris l’initiative d’ouvrir des enquêtes sur la base des fichiers dérobés par l’informaticien que les autorités françaises lui avaient remis. Certes, il n’a pas le droit de s’appuyer sur des données volées pour étayer des soupçons. Mais pourquoi ne les a-t-il pas, au moins, parcourues, quitte à chercher des éléments de preuve ailleurs? Des trafiquants de drogue et des financiers du terrorisme auraient pu être déjà mis sous les verrous, ou du moins neutralisés.

Le MPC, comme la Finma, se défendent en arguant de la vitesse avec laquelle les changements se sont opérés. C’est un fait. Mais cela n’excuse pas les autorités de ne pas appliquer les textes en vigueur, sinon dans la forme, au moins dans l’esprit.

La Suisse a certes passé un examen et se trouve à nouveau parmi ses pairs. Mais ces derniers ne relâchent pas leur surveillance. Leur appréciation dépendra de la bonne volonté avec laquelle le MPC, la Finma et l’administration fédérale vont travailler. Autrement dit: leur capacité à se conformer à une nouvelle culture.

Un Noir à la Paradeplatz

Lors de la prochaine Journée des banquiers, qui se tiendra le 17 septembre à Zurich, un Noir siégera au saint des saints, le conseil d'administration de l'Association faîtière des banquiers suisses. Une première absolue. L'annonce de la nomination du Franco-Ivoirien Tidjane Thiam comme directeur général de Credit Suisse brasse comme rarement les cartes de la géopolitique des hautes sphères économiques et financières de ce pays.

Jamais, jusqu'alors, un Africain ne s'était vu offrir de bureau de grand patron de la Bahnhofstrasse ni de la Paradeplatz, les centres du pouvoir économique et financiers suisses. Un nouveau plafond de verre a été percé. On se réjouit déjà des réactions des petits actionnaires venant du pays profond qui reprochaient au patron actuel, Brady Dougan, son incapacité à s'exprimer en allemand. Ils peuvent déjà être rassurés: le nouveau boss parle non seulement allemand, mais aussi anglais, et même français (écoutez-le: c'est brillant)!

Mais tout ceci reste de l'anecdote. Cette nomination est un virage fondamental dans la stratégie de la deuxième banque du pays. En nommant un technicien de la finance formé à l'Ecole des Mines de Paris et à l'INSEAD de Fontainebleau, l'institution recrute un porteur de culture française du management. Son passage chez l'assureur hexagonal Aviva, puis sa direction du géant britannique Prudential, lui confèrent une grande autorité en matière de gestion institutionnelle, de reconnaissance du rôle sans cesse grandissant de la réglementaton financière et de connaissance des réalités asiatiques. Son rôle central dans le programme de privatisations de la Côte d'Ivoire dans les années 1990 lui donne une connaissance unique des marchés émergents, notamment de l'Afrique, considérée comme l'Asie de demain.

Tidjane Thiam doit apporter un grand bol d'air frais dans un univers des affaires encore trop centré sur l'Atlantique nord et ses excès, et qui considère le reste du monde comme un mal nécessaire, sinon une curiosité. Le bond de 7% de l'action Crédit Suisse – et la chute de 3% de celle de Prudential – marquant le changement d'adresse du nouveau CEO montrent que c'est exactement ce qu'attendent les marchés financiers.

Quel est le prix de ce changement? A combien s'élèvera le bonus annuel du nouveau patron? Brady Dougan s'était illustré en retirant, en une seule fois, près de 94 millions de francs. Tidjane Thiam saura-t-il rester modeste? On peut en douter.

De même, l'on peut fortement douter qu'il remettre fondamentalement en question certaines pratiques douteuses du monde bancaire, à savoir le manque de curiosité face à certains fonds ayant l'apparence de l'honorabilité mais qui ne ne le sont pas forcément; les manipulations de taux de change, d'intérêt, etc., sur lesquels les régulateurs enquêtent; le lobbyisme visant à vider de leur substance les règles que les Etats tentent d'implanter pour rendre la finance plus responsable. La banque globale, en dépit de l'empilement des règles, continue de se jouer à leurs limites extrêmes.

Tidjane Thiam sera le premier Noir à siéger au conseil de l'ASB, le premier Africain du bureau directorial de la Paradeplatz, il est d'abord nommé pour faire prospérer un mastodonte de la finance mondiale. Avec tout ce qui va avec.

Nous sommes Allemands

On peut, comme les socialistes, exiger l'instauration d'un nouveau cours plancher entre le franc et l'euro; ou promouvoir un vaste programme de déréglementations comme le désirent le PLR et l'UDC. Mais ce que chacun sait, c'est que la solution à la brutale appréciation du franc le 15 janvier dernier passe par le règlement de la crise grecque .

Seule une solution au surendettement d'Athènes permettrait un regain de confiance dans la monnaie unique, et donc sa remontée face aux autres monnaies, à commencer par le franc. Toutes les autres solutions ne sont que des remèdes palliatifs visant à atténuer la douleur d'un franc trop fort sans s'attaquer à la racine du problème.

Il en est donc de même pour le règlement de la crise. Seule une résolution réelle, solide, durable, peut y mettre réellement fin. Sans triche ni faux-fuyants. Et donc sans réinvention artificielle des termes de l'échange entre la Grèce et ses partenaires européens. Mais au contraire une adaptation de ceux-ci à la réalité. Pourquoi le salaire minimal grec est-il supérieur au slovaque? Tel est le genre de question qu'Athènes et ses partenaires doivent résoudre. C'est donc l'approche allemande qui y correspond le mieux à cette démarche. Comme tout salarié le sait, les comptes à la fin du mois doivent être apurés faute de quoi c'est la faillite qui se profile. Et c'est Berlin, sur ce point, qui se montre le plus déterminé à défendre ce principe.

Bien sûr, on peut se sentir outré des hôpitaux démunis, les foyers sans électricité, des indigents qui se multiplient, des soupes populaires. On peut affirmer que les recettes de la Troïka (ou actuellement: "les institutions") sont carrées, brutales, inadaptées. Qu'il est immoral de contraindre un pays à rembourser une dette que chacun sait insupportable. Qu'il mieux vaut, au contraire, créer de la richesse avant de rembourser ses dettes plutôt que l'inverse.

Mais les Grecs se sont-ils uniquement focalisés sur ces questions au moment de voter pour Syriza? Apparemment, ils ont d'abord sanctionné un gouvernement conservateur incapable d'appliquer convenablement ces remèdes de cheval, et surtout impuissant, face à la corruption – voire complice – et à la mauvaise gestion chronique de ce pays.

Le problème chez nous, c'est que ce dernier aspect de la crise grecque reste peu visible. Et qu'il est pollué par une prétendue mésentente "physique" entre les deux ministres des Finances en première ligne, le Grec Varoufakis et l'Allemand Schäuble.

Cette pollution est avant tout française, émanant d'un pays dont chacun sait qu'il est le prochain à devoir se réformer durement et profondément. Face à cette douloureuse perspective, d'aucuns, dans l'Hexagone, cherchent  à renvoyer la responsabilité des changements à entreprendre sur la BCE, la Commission, etc. mais surtout pas sur eux-mêmes. C'est ainsi qu'ils dénoncent un absolutisme allemand, les faiblesses des programmes de la Troïka, exigent l'abandon des dettes. Ils rêvent d'un grand trait de plume qui remettait les compteurs à zéro sans aucun effort.

Ils ne font que reporter la résolution des problèmes de fond de leur pays en prenant en otage l'économie du continent, Suisse comprise. Ce qui est légèrement irresponsable…

Ce que M. Jornot trouvera chez HSBC

La justice suisse a beaucoup hésité mais elle s’est finalement décidée à frapper en perquisitionnant HSBC. Une demi-douzaine de personnes ont passé une journée dans les locaux genevois de la banque britannique. Mais qu’y trouveront-ils? Là est toute la question.

Si Olivier Jornot, Procureur général, Yves Bertossa, son premier adjoint, et leurs spécialistes identifient des cas de blanchiment, la culpabilité de l’institution sera établie, les excuses avancées par le groupe ne trouveront plus grâce et l’inefficience de la Loi sur le blanchiment d’argent (LBA) démontrée et l’ineptie des autorités de poursuite (Ministère public) et de régulation (Finma) étalées en plein jour. Un point pour le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), auteur des révélations des cas d’hébergement d’argent du crime dans les coffres de la banque en 2005-2007.

Mais les enquêteurs pourraient aussi faire chou blanc. En sept ans, depuis le vol des données par Hervé Falciani, la banque a eu tout loisir de se débarrasser de ces comptes encombrants, voire de faire disparaître les preuves les plus accablantes. Finalement, son directeur général Franco Morra ne dit-il pas à qui veut bien l’entendre que la banque a fait le ménage? Auquel cas, les révélations de Swissleaks passeront pour un simple rappel du passé, certes désagréable mais sans conséquences réellement graves pour la banque et les autorités en charge de l’application de la loi. Circulez, ya plus rien à voir.

Plus vraisemblablement, Olivier Jornot et Yves Bertossa mettront la main sur quelques cas, ceux que la banque avait mal identifiés, ce qui ouvrira la voie à des inculpations et à un beau procès… dont l’issue reste totalement ouverte. L’honneur des autorités sera sauf, la banque sera peut-être punie d’un blâme de la Finma, voire de quelques millions de francs d’amende, quelques lampistes risquent de payer. Mais rien ne sera jugé suffisamment grave pour entraîner un durcissement de la LBA ni un renforcement des outils de surveillance et des autorités chargées de l’appliquer.

Et comme d’habitude, la Suisse assistera en spectatrice aux procédures infiniment plus dures ouvertes au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, où HSBC joue même sa survie.

Il y a un moyen d’éviter cette débâcle politique et réglementaire annoncée: prendre enfin au sérieux les risques d’abriter des fonds d’origine criminelle – qui incluront les gros cas d’évasion fiscale dès juillet – et se donner enfin les moyens de les traquer. Question de volonté politique.

Quatre nouveaux trucs pour devenir riche ;-) L’état un mois après

Voici juste un mois, le 16 janvier, l’auteur de ces lignes émettait quelques propositions de placement suite à l'abandon du taux plancher par la BNS. Il est temps de voir si elles étaient pertinentes.

– “Ne thésaurisez surtout pas d’euros“. La parité ne devait pas tenir, l’euro encore baisser pour se stabiliser à 0,95. FAUX. Il est actuellement à 1,06, grâce notamment à de vigoureuses interventions de la BNS. Il n’est pas descendu en-dessous de  0,98. C’était le 23 janvier.

– “Précipitez-vous sur les actions suisses”. Les perspectives boursières ont-elles été belles après le krach de 14% des 15-16 janvier? JUSTE. L’indice SMI, qui rassemble les plus grandes sociétés suisses, a progressé de 9,5% depuis lors.

– “Laissez tomber les obligations“. Le rendements des emprunts de la Confédération sont devenus immédiatement négatifs, jusqu’à -0,26%. Il vient juste de remonter dans la zone positive, mais ne rapporte que 0,1%. Autant dire rien. Donc JUSTE.

– “Ne pariez pas sur l’or ni le pétrole“. Le premier ne produit pas de valeur, son intérêt ne réside que dans les variations de prix. Ce prix a chuté, en dollars, passant de 1279 dollars l’once à 1229. Converti en francs, ce prix a plongé de 1223 francs à 1144. Donc: JUSTE. Le prix du second dépend de causes bien plus larges. Il est remonté de 48 dollars le baril de brent à 61 dollars. Donc: FAUX.

Sur cinq conseils, trois ont été corrects et deux erronés. Pas mal. Mais peut mieux faire.

Blanchiment: La loi doit être musclée

De toutes les révélations de Swissleaks, celle de la violation crasse et, apparemment systématique, de la Loi sur le blanchiment d'argent (LBA) est jugée par d'aucuns comme la plus choquante. Depuis l'instauration en 1998 de ce texte contraignant les banques à dénoncer les transactions suspectes, la Suisse passe pour l'un des pays les plus sévères en la matière. En fait, ce cadre a plein de trous.

HSBC apparaît comme ayant abrité des fonds de criminels de la drogue, de terroristes et d'autres individus dont les activités tombent sous le coup du Code pénal suisse sans avoir signalé leur existence à son Organe d'auto-régulation (OAR), comme la LBA l'y prescrit. Ce manquement mérite toute l'attention des autorités de poursuite, demeurées fort discrètes pour le moment sur le sujet. Et une adaptation de la loi.

La LBA se base sur la coopération des banques. Ce sont celles-ci qui donnent l'alerte, en signalant les cas suspects à leurs OAR, avec tâche pour ces derniers de transmettre au Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS), entité du Département fédéral de justice et police (DFJP) chargée de dénoncer le cas à la justice pénale si les soupçons semblent se confirmer. Chaque année, ce sont quelque 1400 à 1500 cas qui lui sont communiqués (plus de 5 cas par jour ouvrable), portant sur un total de deux à trois millards de francs.

On le voit, ce système se base sur l'autocontrôle. Or, la crise financière a démontré l'insuffisance de ce fonctionnement. Swissleaks en apporte une preuve supplémentaire.

La LBA mérite ainsi d'être adaptée à cette réalité pour être plus efficace. Dans cet esprit, les OAR ne doivent plus être contraints d'attendre passivement les dénonciations, mais doivent pouvoir intervenir dans les banques dans les cas où ils auraient eux-mêmes des soupçons. Dans le strict respect de la confidentialité, bien entendu. Ce nouveau pouvoir discrétionnaire doit permettre de couper la relation de dépendance de l'OAR vis-à-vis de la banque dont il doit contrôler les informations.

Surcroît de bureaucratie? "Swiss finish"? Peut-être. Mais c'est une conséquence malheureuse d'un usage dévoyé des dispositions antiblanchiment. Le surcoût d'une telle disposition ne sera certes pas agréable à supporter pour les banques, premières concernées, déjà accablées de nouvelles règles depuis six ans. Mais il demeurera toujours moindre au prix, toujours trop cher, d'un dégât d'image similaire à celui que subit HSBC et sa filiale suisse.

HSBC: Au temps des salons feutrés et des petits biscuits

Cela commençait à peu près toujours de la même manière. Deux fois par année, en mars et en septembre/octobre, les journalistes spécialisés étaient accueillis dans un salon feutré du siège de HSBC Private Bank dominant la rade de Genève pour faire un point sur la marche des affaires. Café, petits biscuits, managers souriants, paroles douces.

Rétrospectivement, lorsque l'on relit les comptes-rendus de ces présentations faites dans les années 2003-2009, années de forte croissance de la banque, deux choses apparaissent. En clair, l'étonnement face à des chiffres de croissance extrêmement soutenue des affaires; et en creux, le sentiment de malaise suscité par cette croissance folle, et l'impossibilité matérielle d'aller au-delà des quelques données que la banque acceptait de livrer à la curiosité des journalistes.

Et celle-ci, il faut aussi l'avouer, s'orientait davantage sur le caractère durable d'une telle croissance que sur la provenance des fonds. Bien sûr, la question du blanchiment de l'argent du crime revenait à chaque fois sur la table. Mais les problématiques d'évasion fiscale étaient davantage suggérées que clairement abordées, tant était fort le sous-entendu.

En ces années-là, la banque était dirigée par un ancien d'UBS, Peter Braunwalder, heureux patron d'une banque qui ne cessait d'enfler. Ce n'est qu'en octobre 2008, après que sa banque ait sévèrement souffert de la crise financire, qu'il a cédé son siège de directeur général à Alexandre Zeller, ancien patron de la Banque cantonale vaudoise. Âgé aujourd'hui de 64 ans, il s'est reconverti dans un secteur tout différent. Mais sa reponsabilité dans le perfectionnement de l'industrialisation de la complicité de fraude fiscale opérée par HSBC Private Bank à cette époque est clairement apparue lors du scandale de la transmission des noms d'employés de banques aux autorités américaines en 2012.

Mais Peter Braunwalder, patron à l'allure impeccable et rassurante, avait juste repris le flambeau d'un établissement racheté en 1999 par HSBC, Republic National Bank (RNB). Celle-ci avait été édifiée par la main plus que ferme d'Edmond Safra, l'un des banquiers les plus agressifs de la place de Genève, au point de susciter la jalousie durable d'une autre de ses stars, Edgar de Picciotto, fondateur et président de l'Union Bancaire Privée (UBP), autre étoile montante des anées 1990.

Mais à cette époque, les banquiers n'accueillaient que très rarement les journalistes autour d'un café et de petits biscuits. Le secret n'était pas de fer, mais d'acier. Et les rares qui ont eu la "chance" d'interviewer Edmond Safra en sont revenus très souvent déçus. Il ne disait rien.

 

L’apogée de l’ancienne UBS

Une biographie de l’ancien directeur général Robert Holzach rappelle qu’UBS a pu être une banque essentiellement suisse au management très militaire, il n’y a pas si longtemps.

A la fin des années 1980, lorsque Georges Blum a accédé à la tête de l’ancienne Société de banque suisse (SBS) à Bâle, il détonnait dans le paysage. Pas tant comme Romand, mais comme dirigeant de grande banque sans grade d’officier à l’armée. La règle en ce temps-là pour un cadre était de grimper les échelons militaires parallèlement à ceux de la maison qui l’employait. L’incarnation de ce système était Robert Holzach (1922-2009), directeur général d’UBS à Zurich de 1976 à1980, puis président jusqu’en 1988, et colonel.

Au-delà du personnage, c’est le visage de cette époque, pas si ancienne mais pourtant si différente, que dresse Claude Baumann, journaliste économique zurichois, dans « Robert Holzach. Ein Schweizer Bankier und seine Zeit » (éditions NZZ, 273 p., en allemand uniquement). Un temps où sa banque dominait le paysage helvétique sans guère s’aventurer au-delà des activités traditionnelles d’alors, le crédit, la gestion de fortune, le négoce.

Dans cet ouvrage, Holzach s’affiche davantage comme l’héritier d’une croissance créée par son prédécesseur, le mythique Alfred Schaefer, dont manque encore une solide biographie, que comme celle d’un pionnier. Il s’est montré très sceptique face à la libéralisation des marchés et à l’essor de la finance dans les années 1980, évolution marquée notamment par le big bang de la City en 1986. En 1997, il se dresse contre la fusion de son établissement avec l’ancienne SBS, décidée par son successeur Mathis Cabiallavetta et par Georges Blum, qu’il est impuissant à empêcher. L'auteur y voit néanmoins l'asction d'un visionnaire dont les errements d'UBS sous l'ère Ospel donnent raison.

Rédigé par un journaliste solidement installé au cœur de la Zurich financière, la biographie ne masque pas les revers de Robert Holzach, notamment dans certaines grosses affaires de crédit. Mais elle ne fait que suggérer l’échec majeur d’un militaire dans l’âme, celui de ne pas avoir préparé suffisamment sa banque à la modernité. Très attaché au détail, à l’exécution, et à une bonne organisation dans l’ensemble, le banquier n’a pas su accepter les évolutions en cours dans les années 1980 et préparer sa banque à y faire face. Sous sa conduite, UBS s’est muée en grosse carapace dont la frilosité va la précipiter dans les bras d’une SBS beaucoup plus dynamique dans la seconde moitié des années 1990.

En dépit de cette faiblesse, cette biographie a le grand mérite d’apporter un éclairage bienvenu sur une phase insuffisamment documentée de l’histoire économique suisse contemporaine.