Du pain et des jeux

Affaire Constantin: à Fr. 100’000.- l’amende, ça fait combien la baffe?

“Double sanction contre Christian Constantin”. Tels sont les termes du titre du communiqué de presse du 12 octobre 2017 de la Swiss Football League. Double sanction car le bouillant président sédunois écope d’une amende de 100’000 francs et d’une interdiction de terrain de 14 mois.

C’est complétement insensé pour ceux qui estiment que Constantin a bien fait de régler ses comptes à l’ancienne, un peu à la manière d’Obélix donnant quelques baffes à un pauvre légionnaire romain; c’est bien trop peu pour ceux qui pensent qu’un président de club doit montrer l’exemple ou, à tout le moins, se montrer plus intelligent que le plus benêt de ses supporters.

Je ne disserterai pas sur le caractère adéquat des sanctions imposées par la ligue. Le sentiment de justice est propre à chacun; de surcroît, le sport déchaine de telles passions qu’il est impossible de réconcilier les avis de tous.

Pour sa défense, le président Constantin soutient que la ligue est incompétente (au sens juridictionnel) pour le sanctionner. Quelle que soit la valeur de l’argument, il a au moins le mérite de poser une question intéressante: et si c’était la justice ordinaire qui devait trancher le cas, que risquerait Christian Constantin?

Vraisemblablement, une poignée de jours-amende avec sursis et sûrement une amende de quelques centaines de francs pour faire bon poids!

Un arrêt rendu ces tous derniers jours par le Tribunal fédéral dans un fait divers permet de jauger les sanctions pénales: un cycliste visiblement énervé par des gendarmes selon lui trop zélés les traite de  “connards”, crache sur le capot de leur véhicule avant de prendre la fuite et de leur faire un doigt d’honneur. Résultat des courses? Une peine pécuniaire de 20 jours-amende avec sursis pour injure et opposition aux actes de l’autorité.

Alors, trop sévère la justice sportive?

A vrai dire, comme toute association, l’Association Suisse de Football (ASF) est libre d’adopter ses propres règles. Ces règles peuvent être discutées démocratiquement lors des assembles générales par ses membres, c’est à dire les clubs de football, dont le FC Sion fait bien entendu partie. Les règles associatives peuvent être sévères mais elles sont légitimes en ce sens qu’elles sont approuvées par les membres.

Dans le cas d’espèce, le règlement disciplinaire de l’ASF prévoit une amende jusqu’à Fr. 100’000.- contre des personnes physiques et prévoit aussi dans son arsenal de sanctions l’interdiction de terrain. Certes, l’amende maximale est dix fois plus élevée que celle prévue par le Code pénal, mais les clubs suisses l’ont voulu ainsi et l’ASF n’a pas de comptes à rendre à ceux qui ne sont pas ses membres.

Cela étant, il me paraît dangereux de comparer sanctions sportives (ou plus exactement disciplinaires) et sanctions pénales car les enjeux ne sont pas les mêmes. Prenons le football professionnel: les salaires de certains joueurs sont tellement astronomiques que vouloir appliquer des amendes de droit commun n’aurait aucun effet dissuasif. Toutefois, le système n’est pas sans limite: dans le fameux arrêt Matuzalem, le Tribunal fédéral a jugé que l’interdiction qui avait été faite à ce joueur brésilien de jouer jusqu’à ce qu’il rembourse près de 12 millions d’euros à son ancien club constituait une entrave inacceptable à sa liberté économique (le droit d’exercer son métier en l’occurrence).

En matière de dopage aussi, les règles sont impitoyables: la sanction de base pour un sportif dopé volontairement est une suspension de 4 ans! Imaginez ce que cela donnerait si l’on appliquait de telles sanctions en matière d’alcool au volant. “Via Secura” deviendrait alors une loi clémente. Mais lorsque la régularité des compétitions est en jeu, le monde du sport doit taper fort, sous peine de renier ses valeurs les plus fondamentales.

Il est ainsi bien difficile de faire des parallèles entre les règles sportives et les règles civiles ou pénales car les valeurs à protéger sont parfois différentes. Pour en revenir à Christian Constantin, ou plutôt à Rolf Fringer, “il a pris sa paire de baffes et son coup de pied au cul”, comme dans une cour d’école ou un camp de légionnaires du temps de la Gaule, 50 ans av. J.-C.

Le prix d’une baffe doit-il vraiment être si différent selon qu’elle est donnée par un président de club sur un terrain de football ou par un simple pékin dans la rue?

Le débat n’est pas prêt de s’arrêter, mais une chose est sûre: lorsqu’on est président de club, il faut bien accepter les règles du jeu ou, plus exactement, les règles de l’association à laquelle on appartient.

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