Pour que deux et deux ne fassent jamais cinq

8 milliards d’habitants sur Terre… et en Suisse ?

Selon l’ONU, la population mondiale aurait passé ce matin la barre des huit milliards d’êtres humains. Et en Suisse, la croissance démographique correspond-elle aux prévisions ? 

Quel que soit son âge, le lecteur qui a passé quelques instants à regarder les données statistiques relayées par la presse aura pu faire le lien entre les chiffres actuels et les connaissances qu’il avait acquises lors de sa scolarité. Ma génération remarquera en particulier que la population indienne a presque rattrapé celle de la Chine et que la population des Etats-Unis sera bientôt remplacée sur le podium par celle du Nigeria, comme nous l’avions effectivement appris il y a deux décennies à l’école.

L’avalanche de chiffres et d’éléments de décryptage à laquelle nous avons eu droit aujourd’hui aura certainement appelé quelques personnes à se poser une question : et la Suisse, en fait, se développe-t-elle selon les prévisions d’antan ? Regardons cela de plus près.

Quand la Suisse passera-t-elle la barre des 9 millions d’habitants ?

En 2002 puis en 2005, les prévisions du Conseil fédéral étaient claires : la barre des 9 millions d’habitants ne serait jamais atteinte en Suisse – la population se stabiliserait à 7,5 millions en 2050 (estimation de 2002), chiffre revu à 8 millions d’habitants en 2005. Puis, en 2010, on affirmait que les 9 millions d’habitants seraient approchés pour l’horizon 2050-2060, sans ne jamais être dépassés

Après la votation sur l’immigration de masse de 2014, les prévisions ont changé drastiquement en 2015 puis 2020 et annonçaient le passage de ce cap pour 2025. Dans la réalité des faits, malgré la crise pandémique, la barre des 9 millions risque bien d’être atteinte cette année déjà ou alors l’année prochaine – et les quelques dizaines de milliers d’Ukrainiens installés en Suisse ne sauraient expliquer à eux seuls les revers à répétition des modèles de l’administration.

Une croissance toujours plus rapide

Alors que la Suisse a passé les 6 millions d’habitants en 1967, il lui a fallu 27 ans de plus pour gagner son 7è million d’âmes (1994), 18 ans pour le 8è million (2012) et 10 ans pour le 9è million (2022-23). Prévue pour les années 2030, la barre symbolique des 10 millions pourrait être atteinte dans quelques années seulement – notons que la population de notre pays se sera accrue de près de 250’000 personnes pour la seule année 2022.

Rapport du contrôle parlementaire de l’administration à l’intention de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 8 février 2018, FF 2019 1977 figure 3

Factuellement, le constat est implacable : depuis 20 ans, malgré de fréquentes actualisations et des augmentations permanentes, toutes les prévisions et modélisations de l’évolution démographique suisse se sont révélées être trop basses, parfois très largement. Au bas mot, les prévisions de 2002 se sont « trompées » de plus d’un million de personnes sur 20 ans – l’augmentation effective de la population a été six fois plus élevée que prévu. Sur 30 ans et plus, l’explosion démographique attendue est telle qu’il serait indécent de calculer le dépassement des prévisions initiales.

Que représente un million d’habitants ?

Pourquoi ces erreurs sont-elles si importantes, me direz-vous ? J’aurais envie de développer l’importance en soi d’une démographie modérée, mais dans le présent article, je m’en tiendrai à une explication beaucoup plus concrète : les estimations démographiques sont essentielles car un nombre important de décisions politiques à long terme dépendent d’elles.

Il me faudra certainement rédiger quelques articles détaillés pour aborder les sujets impactés par une importante croissance de la population : surface habitable, terres cultivables, approvisionnement alimentaire et énergétique, questions sécuritaires, marché de l’emploi et j’en passe. Mais en reprenant brièvement des chiffres de 2018-2019, on peut toutefois déjà estimer – grossièrement – quelques implications concrètes. Un million de personnes ont besoin de :

L’un des cas d’école est certainement la stratégie énergétique, dont l’un des présupposés était une augmentation modérée de la population. Malheureusement, les gains obtenus par le développement des énergies renouvelables et les économies d’énergie sont continuellement compensés par une augmentation du nombre de consommateurs.

Présentation du Conseiller national Mike Egger selon sources citées dessus, traduction libre.

Si j’aborderai ces chiffres plus en détail et avec des données précises prochainement, ils suffisent ici à illustrer l’importance des flux de population sur l’ensemble des thèmes politiques et à introduire quelques questionnements qui me semblent pertinents : sommes-nous conscients de l’explosion démographique subie actuellement par notre pays? Ses conséquences sont-elles suffisamment prises en compte dans le débat public? Est-il possible en 2022 d’attirer l’attention sur les variations de population et leurs conséquences de manière objective, sans jugement de valeur ni “racisme” mais dans un esprit constructif ? Je laisse à chacun le loisir de répondre par lui-même à ces interrogations.

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