Zero déchet, en route vers un nouveau mode de vie!

Bouder les magasins durant une année, une bonne idée ?

Ne plus rien acheter de neuf en 2018, voilà le défi lancé par ZeroWaste France. Déjà près de 8000 personnes se sont inscrites. Est-ce une bonne idée pour réduire la montagne de déchets ? A mettre tous les commerçants dans le même panier, ce n’est pas sûr !

Il est vrai que la volonté de réduire les déchets est associée à une certaine baisse du volume de la consommation d’un ménage, en ce sens qu’il va éviter d’acheter de l’inutile, du superflu et, au niveau alimentaire, des denrées qu’il n’aura pas l’occasion ou le temps de consommer. Du coup, ce ménage évite les déchets ET le gaspillage, ces deux sens se retrouvant dans le mot anglais “waste”. En faisant la chasse à l’emballage, les “zerowasteurs” évitent naturellement les grandes surfaces de distribution, là où le plastique est roi. “Moins, mais mieux et meilleur”, acheté dans des petites échoppes indépendantes, chez les artisans ou directement chez les producteurs : telle pourrait être la devise des adeptes du mode de vie Zéro Déchet, dont on ne voit que la pointe de l’iceberg, c’est-à-dire le sac poubelle (ou ce qu’il en reste).

Le défi lancé par l’association ZeroWaste France “Rien de neuf” va bien plus loin que de ne plus se rendre dans les supermarchés, ces temples de l’emballage et du plastique à jeter. Il serait dommage de ne s’arrêter qu’à son intitulé, car le défi propose surtout “d’essayer d’acheter le moins de produits neufs possibles pendant un an en se tournant vers des alternatives comme l’occasion, la location, le prêt, la mutualisation, etc… Seuls les produits de la vie courante tels que les vêtements, les livres, l’électroménager, les meubles ou encore le high tech sont concernés. “ En s’inscrivant, on reçoit alors régulièrement des conseils et des alternatives pour consommer autrement, car une année entière, c’est long !

Au delà de l’intitulé

Cette initiative capitalise sur un réflexe nécessaire, à acquérir: il est important de s’interroger avant chaque achat sur la nécessité d’acquérir un bien. Quitter consciemment la zone de confort de l’achat spontané, irréfléchi ou “coup de coeur”. Ne plus céder aveuglément aux tentations induites par le marketing et la publicité qui nous ciblent de manière permanente. Ne plus accepter “l’obsolescence perçue”, ce diktat qui nous conduit à changer de chemise dès qu’une nouvelle couleur est présentée comme “tendance”. Il s’agit de reprendre le contrôle de notre consommation.

Cela n’a pas grand’chose à voir avec le caractère neuf ou déjà porté des biens, il faut le reconnaître. Pourtant, l’initiative de ZeroWaste France axe sa campagne sur le caractère neuf des biens. A mon avis, proposer un boycott généralisé de tout achat neuf est une démarche trop militante; pour moi, c’est un peu extrémiste. La diététique connaît d’ailleurs bien ce mécanisme: pour pouvoir perdre du poids, les personnes en surpoids ont de meilleures chances d’y arriver si elles ont du plaisir à cuisiner, à manger, à se préparer des repas sains, à rester dans le positif. Se focaliser sur les interdits (pas de chocolat, pas de fromages, pas de charcuterie, etc…), c’est le meilleur moyen de créer des frustrations qui conduisent à terme à l’échec.

Seules les initiatives positives sont à même de gagner une adhésion durable. Au lieu de dire “non”, l’initiative devrait dire “oui” et, pourquoi pas, organiser un concours sur le mode positif. Et sur une plus petite période. Une année, c’est bien long: mon hypothèse est que seules les personnes déjà convaincues relèveront le défi. L’avenir le dira. Et j’espère me tromper.

Infographie parue dans Le Temps 24.1.2018

C’est clair: la très grande majorité des produits consommés chez nous sont issus d’industries peu soucieuses des ressources qu’elles utilisent, de l’environnement qu’elles polluent ou des personnes qu’elles exploitent à très bas prix au bout du monde. Ces industries produisent des marchandises destinées à devenir obsolètes ou à casser très rapidement (l’obsolescence programmée) afin d’entretenir la frénésie des achats et donc de leur production. La qualité a été volontairement réduite pour que les produits ne durent pas trop longtemps dans leur usage.  La “fast fashion”, une des industries les plus polluantes au monde, et l’électroménager sont particulièrement visées. Pour ce type d’industries irresponsables, ne pas acheter leurs produits est sans aucun doute une très bonne chose. Réduire la demande, donc l’offre, est nécessaire.

Mais il y a un hic.

Pénaliser les entreprises responsables ?

Elles sont rares, mais elles existent: les entreprises qui ont fait un choix inverse, c’est-à-dire de produire des biens durables, qui se réparent. Je parle de ces fabriques de marchandises de qualité, souvent localisées en Europe, et qui se sont imposées un cahier de charges exigeant au plan environnemental, des ressources durables ou social.

Ici, une fabrique de pulls en laine de moutons; là, une fonderie de casseroles qui durent toute une vie. Ici, une manufacture de sacs qui recyclent des bâches de camion; là, une entreprise qui produit des téléphones intelligents éthiques que l’on peut réparer soi-même. Ici, une artisane qui propose des lingettes faites maison; là, un savonnier qui vend des savons sans huile de palme ni additifs chimiques…

Les exemples se multiplient et c’est très encourageant. Hier, l’article paru dans Le Temps “La mode enfile le costume éco-responsable” a donné un petit inventaire de marques responsables (baskets Veja, habits Jungle Folk, Loom ou People Tree, etc.). L’initiative fair’act issue du “crowd-funding” recense en Suisse romande les acteurs de la mode éthique et responsable, les marques responsables et les labels de confiance. Au plan mondial, le site de l’association Fashion Revolution recense dans chaque pays événements et initiatives. Les 100 marques globales les plus importantes y sont classées selon un index de transparence qui tient compte de leur politique, leur pratique et leur impact au plan environnemental et social. Le mouvement organise une semaine consacrée à cette révolution de la mode, la Fashion Revolution Week, du 23 au 29 avril. L’antenne suisse de l’association invite à Zürich à la journée “Fashion Revolution Day. Au programme: workshops, projections de films, bricolage et réparation d’habits, discussions et soirée festive avec … night shopping (!).

Quelques marques sont réputées pour offrir une garantie à vie à leurs produits. On les trouve aisément sur internet (recherchez “marques garanties à vie”), par exemple sur le site anglais dédié aux articles garantis à vie www.buymeonce.com. Ces rares marques s’opposent au principe de l’obsolescence programmée, un principe qui devient d’ailleurs hors la loi, notamment en France.

Le monde de la mode bouge. Il serait dommage que les entreprises responsables souffrent d’un tel arrêt volontaire de consommation de produits neufs. Mais qu’on se rassure: cela ne devrait pas être le cas, car si le titre du défi français est stricte, son observation est plus souple. Les commentaires sur la page facebook du défi sont nombreux qui abordent l’impossibilité de trouver une alternative à l’achat neuf. Selon les régions, l’offre en échanges, en trocs, en emprunts, etc. varie énormément. Les participant-e-s sont parfois dépités. A partir du moment où la réflexion a été initiée sur l’acte d’achat et sur le bien convoité, alors l’objectif est atteint par ceux et celles qui se sont engagés.

Quand le “second hand” absout le consumérisme inchangé

J’encourage bien sûr sans cesse le concept de “re-use”: réutiliser ce que l’on a déjà, faire réparer ses affaires pour les faire durer, emprunter, échanger… Est-il possible de l’appliquer aussi aux habits et aux chaussures ?

La garde-robe de certaines pionnières du mouvement ZeroWaste est – certes – minimaliste, avec une quinzaine de pièces seulement, mais elle est régulièrement renouvelée, tous les six mois parfois. Une quinzaine de pièces, c’est plus facile à renouveler. Certes, elle n’est pas achetée neuve mais en magasin d’occasion. Or, la condition pour composer une garde-robe complète (car tout le monde ne vit pas en mode “minimaliste!) est de disposer de magasins de seconde main qui proposent des habits de qualité, sans doute pas de “fast fashion” qui ne seraient pas revendables. Cela suppose donc que, pour pouvoir s’habiller correctement, complètement et rapidement, M. et Mme Zero Déchet doivent pouvoir compter sur l’hyper consommation (= le consumérisme normal?) de quelques congénères de leur région qui changent de garde-robe fréquemment et fournissent ces “second hand shops”en habits portables.

Dans ma région, c’est juste impossible de pouvoir s’habiller complètement en “second hand”: les habits sont très souvent déformés, délavés, de mauvaise qualité. Les jolies pièces sont très rares, insuffisantes pour pouvoir constituer une garde-robe complète. Sans parler des chaussures, qui se forment à nos pieds. Je ne dénigre pas les habits en seconde main (quand j’en trouve, j’en achète), car les avantages au niveau environnemental sont très importants. Mais je me demande comment freiner la consommation de ceux et celles qui vident leurs armoires plusieurs fois par année (pour fournir les magasins de seconde main, la conscience tranquille!) et par conséquent les remplissent à nouveau sans cesse, sans aucune réflexion sur leur propre consommation. Ce sont ceux-ci et celles-là qu’il faudrait amener à participer à la réflexion du défi français!

L’impact sur l’environnement des habits d’occasion est moindre, c’est indiscutable: en les remettant dans le circuit, on potentialise les ressources qui ont été mobilisées pour leur fabrication. Mais ce souci environnemental ne résout pas tout.

Il existe de nombreuses plateformes sur internet qui met en relation vendeurs et acheteurs. Le problème est que les vendeurs sont d’abord des acheteurs, comme dans le cas des magasins physiques de seconde main. Certain-e-s se sentiront encouragé-e-s de changer souvent d’habits sans modifier leurs habitues parce qu’ils et elles ont l’assurance de trouver des acquéreurs de leurs achats sur ces plateformes.

Qu’est-ce qui est mieux en fait ? Achetés neufs, mes jeans, mes pulls, mes t-shirts ont une durée de vie de plusieurs années. Je préfère miser sur la qualité, moins souvent, mais du coup, mes habits durent nettement plus longtemps. Quand bien même on doit acquérir quelque chose de neuf, alors il s’agit de bien choisir. Les marques éthiques et éco- ou socioresponsables sont une réponse, même si leurs produits sont plus chers. Un prix plus élevé est logique si on paie convenablement les gens tout au long de la chaîne de production et que des mesures sont prises pour minimiser l’impact sur l’environnement et qu’on choisit des matières naturelles et recyclables.

Quant à la consommation de biens courants (nourriture, produits de nettoyage, de soins, etc.), un autre défi a été lancé au niveau romand : le mois de février sans supermarché.

Un défi romand

En Suisse romande, pour la seconde année consécutive, un autre défi va démarrer en février. Il s’agit de se passer de supermarché durant un mois. L’objectif de consommer autrement. C’est surtout la consommation de nourriture qui est visée dans ce défi. Mais on sait bien qu’en supermarché, on trouve de tout: livres, habits, électronique, électroménager, et j’en passe.

“Privilégier les petits commerçants, les maraîchers, les épiceries de village, les producteurs locaux, les magasins vrac, etc. Un mois pour tester d’autres habitudes de consommation et pour voir celles que nous pouvons adopter dans notre vie quotidienne ou pas…”.

L’initiative se veut joyeuse, encourageante, positive et non moralisatrice. Elle est lancée sur les réseaux sociaux (“Février sans supermarché: le défi romand 2018”) par le site “En vert et contre tout – la chronique écologique qui sensibilise sans faire la morale!” animé par Leïla Rölli. Comme l’année passée, les personnes intéressées pourront échanger, se donner des idées et des conseils, s’encourager, parfois se consoler pour avoir cédé à un achat impulsif, etc. L’initiative se décline dans plusieurs cantons romands.

“Moins, mais mieux et meilleur”. Neuf ou d’occasion, ce n’est pas le souci principal. L’important est de prendre le temps de la réflexion avant de passer à l’acte (d’achat).

La méthode BISOU: à adopter toute l’année

Et pour rester dans le registre souriant et positif, je vous conseille la méthode B.I.S.O.U , imaginée par Marie Duboin Lefèvre et Herveline Verdeken, à se remémorer avant de sortir votre porte-monnaie pour “cette-adorable-petite-robe-noire-en-soldes-une-occasion-à-ne-pas-louper”. C’est une méthode très simple qui aide à recadrer les envies d’achat frénétiques. Il s’agit de se poser seulement cinq questions :

L’article du Temps concluait ainsi: “La meilleure façon d’être responsable, expliquent la plupart des personnes interrogées, c’est de résister à un marketing agressif, de prendre soin des vêtements qu’on possède déjà.” Il faudrait donc aller vers une sobriété heureuse… en référence à l’ouvrage de Pierre Rabhi.

Bonne suite à chacun ! Vos réactions et commentaires sont les bienvenus, histoire de cheminer un moment ensemble sur la question …

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