Le transport, secteur prioritaire pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre (GES).

Hier l’Union suisse des paysans annonçait sa résolution à soutenir des mesures efficaces pour anticiper les effets du réchauffement climatique sur la production agricole tout en diminuant les émissions de GES dues à ce secteur. Au TJ de 19:30 de la TSR, cette nouvelle était complétée par l’annonce du chiffre suivant : 13% des émissions de GES en Suisse sont imputables à l’agriculture (ce chiffre comprend également les émissions liées à la sylviculture).

J’ai alors regretté qu’il ne soit pas précisé que le premier secteur émetteur, avec 31%, et en constante augmentation, est celui des transports. En effet, sans vouloir du tout diminuer la nécessité d’agir sur les émissions de GES liées à l’agriculture dans notre pays, j’estime nécessaire de rappeler que la priorité, pour respecter les accords de la COP21 signée à Paris en 2015, réside dans notre capacité à diminuer drastiquement notre consommation de carburants fossiles.

Une partie importante de la solution consiste à transférer la mobilité individuelle motorisée vers les transports publics et la mobilité douce. Cela représente un défi considérable en terme de gestion et d’aménagement du territoire que les politiques publiques, de la commune à la confédération, doivent clairement se fixer comme prioritaire.

Au lieu de cela, je vois avec inquiétude certaines communes élargir ses routes et ses places de parking afin de les adapter au nombre toujours croissant des SUV (Sport utility vehicle) et le Conseil fédéral entend généraliser les autoroutes à six voies. Parallèlement, nous subissons l’augmentation régulière des prix pratiqués par les CFF alors qu’un lobbying actif cherche à obtenir la libéralisation du transport par cars motorisés…

Il me semble alors nécessaire de rappeler les faits suivants:

La température moyenne mondiale a augmenté de 1°C depuis le début des mesures météorologiques au XIXème siècle (GIEC, 2018). En Suisse, on mesure un réchauffement de 2°C, soit plus du double (Météosuisse, 2018). Cela s’explique tant par l’influence du climat continentale que par la modification de l’albédo (taux de réflectivité du rayonnement solaire) due à la fonte des glaciers et à la diminution de l’enneigement (des surfaces claires laissant place à des surfaces plus foncées).

Le réchauffement global de l’atmosphère observé est dû à une accentuation artificielle de l’effet de serre par l’ajout de GES liés aux activités humaines. Les quantités de GES présents dans l’atmosphère ont augmenté de façon exponentielle depuis la révolution industrielle. La teneur en CO2 dans l’atmosphère en parties par million (ppm) a dépassé les 300 ppm en 1950. Cette limite n’avait probablement pas été franchie depuis plus de 2 millions d’années. Elle a franchi les 400 ppm en 2015 (NASA, 2016).

https://climate.nasa.gov/climate_resources/24/graphic-the-relentless-rise-of-carbon-dioxide/

L’axe horizontal indique les 400 000 dernières années, l’axe vertical la concentration de CO2 en ppm. La courbe représentant l’évolution dans le temps de cette concentration oscille entre 180 ppm au minimum, correspondant aux périodes glaciaires et 300 ppm lors des périodes de réchauffement naturel,  jusqu’en 1950 où elle dépasse cette limite.

 

 

 

Les causes du réchauffement climatique

Quatre types de GES additionnels (liés aux activités humaines) sont responsables du réchauffement climatique. Les émissions directes sur territoire suisse sont réparties comme suit (OFEV, 2013):

-83% de  CO2(dioxide de carbone)

-5% de  CH4(méthane)

-5% de  N2O(protoxyde d’azote)

-3% d’halocarbones (CFC, HCF)

Les émissions de CO2 sont liées principalement à la combustion des carburants (essence, kérosène, diesel) et des combustibles fossiles (mazout, gaz naturel). Ces différents gaz n’ont pas la même capacité de captage de la chaleur (potentiel de réchauffement global, PRG), ni la même durée de séjour dans l’atmosphère (100 ans pour le CO2) avant d’être réabsorbés par les cycles naturels comme la photosynthèse. En tenant compte de ces deux critères, on peut considérer l’impact de l’ensemble des GES mesurés en équivalent CO2(éq.-CO2).

Le secteur responsable de la plus grande part d’émissions directes de GES en Suisse (en éq.- CO2) est le transport (31%), suivi par le bâtiment (29%), principalement en raison du chauffage et du secteur de la construction, puis la production industrielle (20%), la production agricole (13%) et les déchets (7%), (OFEV, 2018).

De plus, la part d’émissions indirectes, émises à l’étranger mais liées aux biens de consommation en Suisse, est très importante : plus de 50% des aliments consommés en Suisse sont importés, plus de 80% des autres biens  (électronique, textile, etc.).

La priorité en terme de diminution des émissions de GES en Suisse concerne donc le transport, le bâtiment et la consommation de biens importés, y compris les aliments. Si les choix individuels des consommateurs sont déterminants, seules des politiques responsables les favorisant permettront de respecter nos engagements.

 

 

Valentine Python

Docteure EPFL, climatologue et géographe, Valentine Python s’investit dans l’éducation à l’environnement. Consultante scientifique, elle transmet les connaissances nécessaires pour comprendre le réchauffement climatique et l’érosion de la biodiversité. Conseillère nationale depuis 2019, elle s’applique à créer des passerelles entre Science et Politique.

9 réponses à “Le transport, secteur prioritaire pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre (GES).

  1. bonjour, voilà un article bien intéressant, grand merci; un aspect je crois très important de l’évolution des transports en commun est que leur augmentation est freinée par la non fréquentation des classes sociales aisées, je crois bien; je vois bien M. de Rugy, qui défraie actuellement la chronique en France, pour ses dépenses somptueuses en frais de bouche (tout comme Chirac l’a fait quand il était maire de Paris) prendre le métro ou quelque bus ! pensez donc, cet homme si bien mis de sa personne, s’asseoir aux côtés de quelque va-nu-pieds!
    cet homme faisant partie de la caste des décideurs aura donc tendance à utiliser un véhicule solitairement occupé !

    1. Bonjour Benoit,

      Merci pour vos commentaires, j’ai ajouté une légende et la source du graphique..

  2. C’est bien, mais malheureusement, j’ai peur que l’effet de serre ne soit que la pointe de l’iceberg… .

    Bon, c’est vrai, il faut bien commencer par qqch, déjà qu’on ne fait que presque rien, sauf parler et bloguer!

    L’homme meurt déjà plus de cancer que d’asphyxie et ça ne fait que commencer.

  3. Voilà un blog de très bonne augure et je vous encourage à le poursuivre, avec obstination. Je ne suis pas climatologue, mais dans la santé et partage donc entièrement vos rappels.
    Toutefois, je n’oublie pas que les îlots de chaleurs vont se multiplier, démographie actuelle oblige, que les transports (tous confondus) hors de Suisse et particulièrement en Asie et en Afrique, sont en augmentation.
    Une réorientation de cette économie mondiale est implicite et restera complexe, mais grâce aux faits objectifs, à mon avis pas impossible. Restons optimistes.

    1. Chèr(e) Madame ou Monsieur “Delaplanète”,
      Un grand merci pour vos encouragements.
      Bien que ce premier article fût consacré à la nécessité de diminuer nos émissions de GES afin de limiter le réchauffement climatique, je n’oublie pas en effet la question cruciale de l’adaptation à ses conséquences et au dérèglement qu’il génère. Parmi ceux-ci, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des canicules est une des plus préoccupante en raison de ses répercussions sur la santé. Et vous faites bien de rappeler qu’elles sont encore plus aigües dans les villes en raison des îlots de chaleur qui s’y développent. La préservation et le développement de la végétation en ville, en particulier arborée, est un des meilleurs moyens de limiter ce processus, qui est le sujet de mon prochain article.
      Bien à vous
      V.Python

  4. Personnellement je suis assez pessimiste quand à la possibilité de limiter rapidement les émissions de CO2 dans l’atmosphère. Cela fait plus de 20 ans qu’on en parle et la consommation d’hydrocarbures n’a cessé d’augmenter. Pour ce qui est du secteur des transports, je doute fort qu’il soit possible d’électrifier tout le parc automobile, d’un coup de baguette magique. Aucun pays ne produit actuellement la quantité d’électricité qui serait nécessaire et, qui plus est, cela pose le problème de savoir comment cette électricité serait produite. Bref, le problème est complexe et tant que le pétrole continue de jaillir des puits à vil prix…

    Mon pessimisme va bien plus loin, en réalité: vous citez dans votre article cette limite de 400 ppm de CO2 que nous avons franchi récemment et je ne peux m’empêcher de penser, sachant l’étroite relation qui existe entre taux de CO2 et température moyenne, que l’actuelle montée des températures n’est en réalité que l’amorce d’un réajustement qui ne s’arrêtera que lorsque nous aurons atteint les températures qui était celles de la fin de l’ère tertiaire. Et tout cela quand bien même nous cessions totalement d’émettre du CO2, ce qui n’est bien sûr pas le cas. Je donne une explication plus détaillée de mon point de vue dans l’article suivant:

    https://retouraupliocene.blogspot.com/2019/03/cap-sur-le-pliocene.html

    Félicitations pour votre blog. Plus il y aura de personnes parlant du changement climatique et de ses possibles conséquences, plus il sera facile de convaincre cette majorité de personnes qui ne savent pas ou qui ne veulent pas savoir qu’il est réellement nécessaire de s’adapter et de changer notre mode de vie.

    1. Bonjour Adrian,

      Merci beaucoup pour vos encouragements,

      Vos remarques nécessitent plusieurs développements qui seront l’occasion de mon prochain article en août.

      A bientôt

      Bien cordialement

      Valentine Python

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