Chronique de Noël : Le travail c’est la santé !

« … rien faire c’est la conserver, les prisonniers du boulot font pas de vieux os » disait un tube d’Henri Salvador sorti en 1965. Plus récemment, un dessin de presse montrait deux personnes allongées sur une plage avec comme légende : « finalement, bronzer idiot c’est vachement mieux que de bosser comme un con ! ». Ces exemples plus ou moins récents font écho à des considérations actuelles : la notion de travail a du plomb dans l’aile et semble redonner raison à sa racine étymologique (tripalium, instrument immobilisant utilisé par les maréchaux-ferrants puis par les romains pour punir les esclaves).

Un récent article du Monde (14.12.22) parle de « quiet quitting » ou « démission silencieuse » dans le monde du travail, en évoquant trois profils différents de salariés ; celui qui fait uniquement ce pour quoi on le rémunère, en s’assurant un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée, celui qui a le « nez à la fenêtre », davantage concentré sur les occasions à l‘extérieur que sur son travail et enfin le collaborateur à qui les conditions de travail ne conviennent plus, comme dans l’hôtellerie-restauration, par exemple. Ce qui est certain aujourd’hui, c’est que le pouvoir a changé de camp : ce sont les collaborateurs compétents qui choisissent leurs employeurs et non plus le contraire. Ces derniers sont donc contraints de passer d’une logique de sélection à une logique de séduction.

Continuez à donner le même salaire à celui qui en fait le minimum et à celui qui prend son job à cœur, ou continuez de payer un niveau de formation plutôt qu’une fonction, comme dans la fonction publique. Continuez à imposer des procédures, potentiellement absurdes, et à engager des contrôleurs pour les faire respecter. Continuez à placer la gestion du risque au firmament de vos préoccupations. Continuez à séparer ceux qui réfléchissent et qui gèrent de ceux qui produisent ou délivrent. Continuez à proposer un cadre de travail rigide, sans temps partiel ou télétravail… Continuez tout cela et vous verrez exploser votre turnover et vous n’engagerez plus que ceux qui n’ont pas d’autres choix que de venir chez vous !

Les entreprises et organisations tentent de s’adapter en faisant évoluer leurs systèmes de gouvernance, privilégient le jobsharing de direction ou les systèmes de gestion holocratiques afin de libérer leurs collaboratrices et collaborateurs du joug de la hiérarchie et de faire émerger créativité, responsabilité et implication. Force est de constater que si ces démarches vont dans le bon sens, elles représentent souvent un artifice en vogue qui peine à convaincre l’observateur attentif. Au-delà des systèmes, ce sont bien sûr les croyances et les états d’esprit qu’il faut faire évoluer. Un-e cadre compétent-e dans un système hiérarchique traditionnel pertinent, qui crée un lien de confiance sincère, qui donne du sens et suscite l’engagement aura toujours du succès et parviendra à bien s’entourer, quel que soit le modèle de gestion dans lequel il-elle évolue.

J’ai le plaisir de soumettre à votre perspicacité hivernale ces quelques réflexions, en vous souhaitant de passer avec ceux qui vous sont chers de magnifiques fêtes de fin d’année. Prenez du bon temps pour vous et éloignez-vous des médias et de leurs mauvaises nouvelles. Toute notre équipe vous remercie chaleureusement pour la confiance témoignée et le plaisir de nos collaborations. Nous nous réjouissons de vous retrouver l’année prochaine et de contribuer à vos côtés à faire de vos entreprises et organisations des lieux où il fait aussi bon vivre que travailler. Car travailler, oui, c’est la santé !

A tous et à chacun, heureux Noël et excellente année 2023 !

emmenegger compétences conseils sa, et son équipe à votre service,

Elsa, Sabrina, Adélaïde, Sandra, Valeria, Emma, Mehdi & Steeves

« Client » un terme aujourd’hui désuet…

Dans des temps pas si lointains, il existait le culte du client-roi. Une période bénie où les entreprises rivalisaient de créativité pour satisfaire celles et ceux qui pouvaient être intéressés par leurs produits ou leurs services, pour anticiper leurs désirs et développer la passion du service. L’orientation client sincère et la recherche éperdue de l’attente implicite était la règle, le contributeur principal des organisations se sentait valorisé. Désormais, pour la grande majorité des entreprises d’une certaine envergure, le client est devenu un problème et tout est fait pour lui rendre impossible le contact direct avec l’organisation. En effet, d’illustres experts en efficience ont mis en place des plateformes informatiques censées apporter des réponses aux problèmes standards identifiés… mais qui ne sont jamais les nôtres ! Les collaboratrices et collaborateurs de ces organisations se consacrent donc à de multiples tâches certainement essentielles, dans le cadre d’incontournables procédures, mais ils coûtent bien trop chers pour perdre du temps avec ceux qui les paient…

J’en ai fait encore récemment l’amère expérience. Décidant d’inviter ma famille à Bruxelles pour voir le concert des Stones mi-juillet, je privilégiais notre compagnie nationale à une compagnie low cost bien connue, afin de bénéficier d’un service potentiellement meilleur. Première surprise, pour d’obscures raisons qu’il était manifestement impossible d’anticiper, nous apprenons par SMS dans le bus nous emmenant à l’aéroport que le vol était annulé. Suit une proposition pour un vol de remplacement partant vers Munich le lendemain en fin de matinée pour arriver à Bruxelles en soirée… La perspective de passer une journée entière dans des aéroports en pleine effervescence juilletiste, tout comme la perte d’un jour de visite de la capitale européenne ne nous enchantant guère, nous rejetons l’ersatz proposé et cherchons une autre solution, option non prévue par le système en ligne. Un TGV partant une heure plus tard pour Paris semblant être une alternative acceptable, nous nous dirigeons donc rapidement vers Cornavin, non sans appeler immédiatement l’hôtel réservé à Bruxelles, établissement appartenant au plus important groupe hôtelier français, pour les informer que nous ne serions pas en mesure de le rejoindre le soir même et que nous aurions donc besoin de chambres à Paris. Un second TGV le lendemain matin et nous arrivons enfin dans la capitale belge.

A notre arrivée, nous demandons le remboursement de la chambre prépayée bruxelloise pour la première nuit et remplacée par celle où nous avons dormi à Paris, dans la même chaîne donc ; mais les procédures internes l’interdisent et aucun acteur sur place ne peut décider autre chose, même si tous sont d’accord avec l’incohérence de la situation. Et finalement, le pompon ! A l’heure du retour, notre compagnie à croix blanche décide unilatéralement d’annuler nos places et de les attribuer à d’autres passagers plus dociles, sans aucune information préalable. Nouvelle recherche de solutions in extremis afin de rentrer et c’est finalement la compagnie low cost orange qui nous ramène à bon port en soirée. Coût de l’opération pour 5 personnes : 4,5 fois le budget initial de transports (TGV Genève-Paris, Hôtel à Paris, TGV Paris-Bruxelles, vol retour Bruxelles-Genève) ! Et je vous épargne mes vaines tentatives d’entrer en contact avec la compagnie aux 5 lettres, après un record de 31’20’’ d’attente sans réponse au « service center », le bien nommé, avec le message rassurant et bien connu passé en boucle : « toutes nos collaboratrices et collaborateurs sont actuellement occupés, merci de rester en ligne ». Rassuré en effet, car des collaborateurs, on pensait qu’il n’y en avait plus.

Combien de temps allons-nous accepter d’être traités de la sorte ? Comment avons-nous pu en arriver à ce niveau d’absurdité dans ces systèmes où les collaboratrices et collaborateurs sont à ce point infantilisés et serviles et les clients aussi maltraités ? La recherche effrénée du prix le plus bas ne satisfait finalement personne et génère des coûts indirects considérables. Il est grand temps de privilégier des acteurs plus sensibles aux réalités du marché, défendant d’autres valeurs, et d’oublier ces bureaucraties globalisées insensées pour lesquelles nous ne sommes plus qu’un numéro de carte de crédit.

Soulignons enfin que le concert fut extraordinaire et que toutes ces péripéties nous ont permis de méditer sur un des célèbres tubes de Mick Jaegger : « you can’t always get what you want… » !

L’excès de contrôle, la maladie du siècle !

La presse se fait actuellement passablement l’écho des dysfonctionnements relevés dans des institutions sociales genevoises en charge de personnes, jeunes ou moins jeunes, en situation de handicap (https://www.letemps.ch/suisse/clair-bois-polyhandicapes-face-dysfonctionnements-severes). Les critiques évoquent notamment de la maltraitance indirecte en raison de manque d’effectifs, quand ce ne sont pas des accusations beaucoup plus graves, comme dans le cas du foyer de Mancy par exemple, en raison de malveillance et de manque de compétences, à différents niveaux.

Nos bons députés, qui veillent à l’utilisation pertinente des deniers publics et à la performance des politiques publiques, s’en préoccupent et appellent à augmenter les contrôles, tout comme la presse d’ailleurs. C’est dans l’air du temps, le pouvoir est passé des entrepreneurs aux juristes et autres contrôleurs de tous bords. Quant aux directions des institutions concernées, elles se plaignent de manquer de ressources et d’avoir subi une longue pandémie qui a fortement impacté leur organisation…

Le contrôle c’est bien, l’auto contrôle, c’est mieux !

Le contrôle est une action postérieure qui vise à s’assurer que les résultats obtenus soient conformes aux objectifs et il est souvent effectué par des tiers, par souci d’objectivité. Il est donc utile dans un certain nombre de situations, notamment lorsque les systèmes mis en place déploient leurs effets à la satisfaction de ceux qui en ont la responsabilité, mais peut-être pas à ceux qui en bénéficient ou à ceux qui les financent.

En l’occurrence, les institutions font principalement face à un problème de ressources qui les empêchent de mettre en place des systèmes de prises en charge satisfaisants, en raison de moyens insuffisants pour répondre à des besoins qui ne cessent d’augmenter. En effet, la difficulté à trouver du personnel qualifié et motivé pour encadrer des personnes souvent difficiles, des taux d’absentéisme élevés, un cadre réglementaire très strict, des mécanismes salariaux imposés, des réductions linéaires de subventions et une action syndicale parfois discutable (voir l’article du 4.2.22 (https://www.letemps.ch/economie/syndicalisme-genevois-cetait-mieux) les mettent en difficulté. Quelle est la marge de manœuvre objective de directions d’institutions dont l’État maîtrise plus de 80% des ressources (les subventions, les prix de pension) et des charges (la masse salariale) ?

Par ailleurs, au-delà des contrôles réguliers de l’État sur l’utilisation des subventions qu’elles perçoivent, rappelons qu’elles sont aussi contrôlées par divers autres organismes de certification indépendants (SQS, iQNnet, AOMAS/IN-Qualis, Zewo, leurs organes de contrôle, etc.). Alors, est-ce qu’un contrôle de plus est vraiment la solution à la problématique où ne faudrait-il pas plutôt chercher du côté des ressources ?

Le contrôle est un moyen à utiliser avec parcimonie, car il déresponsabilise les acteurs. Il génère souvent ensuite des remises à niveau qui se concrétisent par des procédures sclérosantes qui limitent leur marge de manœuvre et les démotivent. A mon avis, il y a mieux à faire : investir dans l’agilité des organisations et la flexibilité des ressources, dans la promotion des métiers et le développement des compétences ainsi que dans le renforcement de la culture institutionnelle.

Steeves Emmenegger

Fondateur d’emmenegger compétences conseils

et de SCAN Sàrl