La compensation climatique des votes PLR devrait être 29000 fois plus élevée qu’ils ne le proposent

Le PLR a annoncé qu’il souhaitait compenser, au travers de myclimate.org, l’impact climatique des votes en sa faveur. Malheureusement, le montant qu’il a prévu a été largement sous-estimé. D’abord, en offrant 1 centime par suffrage, Eric Felley a déjà démontré que le PLR avait budgétisé un montant de dix fois inférieur à ce qui est nécessaire. Mais surtout, le montant d’un centime par suffrage est largement insuffisant pour compenser l’impact de ce suffrage.

Pourquoi compenser les votes pour le PLR ?

La démarche du parti de droite est somme toute plutôt logique. Etant donné que le parti ne souhaite pas mener d’action importantes pour réduire les émissions de CO2, une proportion d’élus PLR élevée au parlement aura pour conséquence directe une augmentation massive des émissions de CO2. Il y a de nombreux comportements que l’on peut avoir pour influencer notre impact carbone, mais le vote est sans doute la décision qui est la plus importante à cet égard. Je ne pense pas que la compensation est le bon moyen de protéger notre planète, mais si l’on admettait que l’argent versé à MyClimate permettait vraiment d’annuler notre impact climatique, il faut encore déterminer combien de tonnes de CO2 un suffrage pour la droite émettra.

Comment estimer les émissions causées par un vote PLR ?

Cela n’est pas très facile à faire, et tout calcul est donc approximatif. Toutefois, il est évident qu’un seul centime par suffrage est totalement insuffisant. Pour faire une estimation très peu préciser, nous allons comparer deux scénarios.

  • Scénario 1 : la droite dure (PLR+UDC) conservent leur majorité absolue au Conseil national
  • Scénario 2 : les partis pour la défense de l’environnement (PS, Verts, Extrême gauche, vert’libéraux dans une moindre mesure) sont majoritaires

Il est à noter que les partis de gauche sont évalués entre 95% et 100% pour l’environnement par les organisations idépendantes qui ont effectué un écorating (ecorating.ch). Les Vert’Libéraux sont évalués aux alentours de 90% en faveur de l’environnement.

Si le scénario 2 se réalisait, ce qui est peu probable, la nouvelle majorité viserait zéro émission nette d’ici à 2030 au moins (ou peut-être même plus vite). Avec le scénario 1, la situation continuerait comme maintenant.

Je pars du principe qu’il est possible d’arriver à zéro émissions nettes de CO2 avec une véritable volonté politique, en mettant en oeuvre le Plan Marshall pour le Climat et en acceptant l’ensemble des propositions qui ont été déposées par la gauche en matière environnementale. Evidemment, cela ne veut pas dire que les autres pays y parviendront aussi, mais je pense qu’il est possible qu’existe un effet d’exemplarité et d’entrainement.

L’impact sur dix ans de nos votes d’aujourd’hui  

En 2017, la suisse a rejeté dans l’atmosphère 47.2 millions de tonnes. Si l’on continue avec des décisions identiques à celles qui se sont produites dans le parlement actuel (scénario 1, PLR et UDC ont la majorité), nous émettrions jusqu’en 2030 519 millions de tonnes de CO2. Si nous avons une majorité pour l’environnement et si nous réduisons nos émissions nettes à 0 d’ici à 2030, nous émettrons tout de même 259 millions de tonnes de CO2.

En somme, si le taux de participation est de 50%, et que la moitié des électeurs vote pour la droite dure (PLR/UDC) plutôt que pour la gauche, cela causera sur les dix prochaines années une émission supplémentaire de 260’000’000 tonnes de CO2 à répartir entre 1’350’000 votants. Chaque vote PLR ou UDC émet donc environ 192 tonnes de CO2.

Par conséquent, selon MyClimate.org, si le PLR voulait compenser l’impact environnemental des votes en sa faveur, il devrait payer (très approximativement j’en conviens) 5’527 francs par votant. Dans le canton de Vaud, étant donné que les électeurs ont 19 suffrages, ils devraient donc payer 290 francs par suffrage, plutôt qu’un centime. On peut donc saluer la volonté du PLR de compenser leur impact climatique, mais leur contribution est malheureusement environ 29’000 fois trop basse.

Et cela est sans tenir compte du fait que les compensations ne sont pas une manière durables de préserver notre environnement…

Samuel Bendahan

Conseiller national socialiste vaudois et Docteur en sciences économiques, Samuel Bendahan enseigne à HEC Lausanne (UNIL) et à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), au Collège des humanités et y fait de la recherche. Il est également président de BSC Association, une entreprise organisée sous forme d'association à but non lucratif.

4 réponses à “La compensation climatique des votes PLR devrait être 29000 fois plus élevée qu’ils ne le proposent

  1. Tout le monde a envie de voter en faveur de ceux qui PEUVENT réduire les émissions du CO2, mais il convient de nous dire comment la gauche compte faire, avec des projets palpables, chiffrés et réalistes. Ok, je sais que je vous demande l’impossible mais rien ne vous empêche des faire un essai ou deux avant les élections, car critiquer c’est bien, mais agir c’est mieux. Les taxes supplémentaires que les verts ont obtenu des Etats est une abbération car la Suisse pollue par an autant que le reste du monde en 8 heures!

  2. Je suis d’accord avec vous, le PLR fait dans le pur marketing politique ; mais en prétendant que par la magie d’une majorité de gauche atteindrait “zéro émission nette d’ici à 2030 au moins (ou peut-être même plus vite)” vous ne faites pas mieux. Arriveriez-vous, vous-même, dans votre vie de tous les jours, à zéro émission nette?

    Êtes-vous au courant que pendant que nous discutons, la Chine émet une telle quantité de CO2 que le 1er janvier à midi déjà, ce pays atteint le taux d’émissions annuel de la Suisse?

    Vous discutaillez sur la meilleure façon de gérer une alumette pendant qu’en Asie, nous avons un incendie de forêt climatique. Et les Accords de Paris ne prévoient rien pour la pollution chinoise. Alors ce serait bien de vous entendre sur cet aspect des choses, plutôt que de toujours forcer les Suisses à jouer les premiers de la classe…

  3. Monsieur Bendahan,
    Je partage votre analyse et vous remercie pour celle-ci.
    Je regrette juste que, dans votre description des “partis pour la défense de l’environnement”, vous donniez comme seules pistes le PS, les Verts et Extrême gauche.
    Vous omettez – à dessein – les Vert’libéraux qui, comme vous le savez, votent à 91% en faveur des propositions écologiques (www.ecorating.ch).
    Que vous encouragiez à voter pour votre parti est compréhensible, c’est votre rôle.
    Que vous fassiez comme si vous aviez oublié que les Vert’libéraux qui soutiennent les positions pro-environnementales, est dommage. Vous êtes trop intelligent pour ne pas y avoir songé!
    De plus, par simple calcul, vous devriez proposer les Vert’libéraux dans votre équation. En effet, si vous essayez de dissuader de voter PLR ou UDC, il vaut mieux proposer aux électeurs et électrices l’alternative Vert’libérale. Car le passage du PLR au parti Vert’libéral est un peu plus aisé que d’aller du PLR au Parti Socialiste, non?
    Bonne chance quand même pour votre élection!

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