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Comment réduire les risques de pénurie d’énergie en Suisse

Depuis la parution du rapport de la commission de l’électricité (ElCom) sur la sécurité d’approvisionnement et suite à l’actualité géopolitique, les mots « pénurie d’électricité » ou « black-out » sont régulièrement évoqués dans le débat public, suscitant inquiétude et questionnement. Cet article a pour objectif de donner quelques éléments de contexte et de faciliter la compréhension de cette problématique complexe.

Pourquoi parle-t-on de risque pénurie d’électricité ?

Selon les chiffres de l’OFEN, en 2021, la Suisse a produit un total de 60 TWh d’énergie électrique. Durant cette même année, la consommation du pays s’est élevée à 62.46 TWh. Ce déficit, équivalent à la consommation d’environ 600’000 ménages, a été comblé par des importations en provenance des pays voisins. Mais cette source pourrait bientôt se tarir. Et ce n’est pas la seule ombre qui plane sur la sécurité d’approvisionnement en Suisse.

Une demande en augmentation

La consommation finale d’électricité augmente lentement mais sûrement. Malgré quelques baisses occasionnelles, principalement dues à des contextes économiques défavorables tels qu’en 2009 ou en 2020, la consommation finale a grimpé de plus de 3.5% entre 2001 et 2020 (statistiques suisse de l’électricité 2020). Et cette augmentation est amenée à se renforcer avec l’électrification de secteurs historiquement dépendant des énergies fossiles.

Le premier de ces secteurs est celui de la mobilité. L’essor actuel des voitures électriques s’accompagne mécaniquement d’une augmentation de la consommation d’électricité. Si la part de véhicules électriques reste encore faible aujourd’hui (1.5% du parc automobile en 2021), les dernières prévisions de la branche table sur une proportion de près de 30% à l’horizon 2030. En comptant une stabilisation du parc automobile à 4.7 millions de voitures, un kilométrage annuel moyen de 13’500 km et une consommation moyenne de 18 kWh pour 100 km, cette transition vers l’électromobilité représente une consommation supplémentaire de près de 3.75 TWh d’ici 8 ans. Cette valeur représente environ 6% de la consommation totale en 2021.

 

recharge-voiture-electrique

 

La seconde cause majeure de l’augmentation de la consommation électrique est l’électrification du chauffage des bâtiments. Portée par un programme d’encouragement d’une certaine efficacité (le programme bâtiment de la Confédération), la transition des chaudières à gaz et à mazout vers des pompes à chaleur est en cours depuis quelques années déjà. En 1990, seuls 2% des bâtiments d’habitation étaient équipés de pompes à chaleur. Cette proportion s’élevait à 4.4% en 2000 et presque 18% en 2017. Selon les chiffres de la branche, quelques 600’000 pompes à chaleur devraient être en service en 2030, contre environ 300’000 aujourd’hui. Si ces prévisions se réalisent, l’augmentation de la consommation d’électricité avoisinera 3% de la consommation totale actuelle.

Une forte saisonnalité

Mais contrairement à l’augmentation de consommation liée à l’électrification du parc automobile, qui se répartira uniformément sur l’année, celle engendrée par les pompes à chaleur se concentrera principalement sur la saison d’hiver. Or, c’est justement à cette saison que le risque de pénurie est le plus marqué. En effet, c’est en hiver que la Suisse importe le plus de courant. Sur le premier et le dernier trimestre 2021, ces importations se sont élevées à près de 6 TWh. Et ce chiffre est bien plus représentatif du sérieux de la problématique à laquelle est confrontée la Suisse que le bilan annuel évoqué au début de cet article. En effet, celui-ci prend en compte des exportations estivales importantes.

Cette forte différence saisonnière est en partie due à une consommation plus importante en hiver, mais également à une production plus faible. La Suisse s’appuie en grande partie sur ses barrages alpins et leur production hydraulique. Or, si ceux-ci se remplissent à partir du milieu du printemps avec la fonte des neiges pour atteindre un niveau maximum en automne, ils se vident progressivement à partir du mois d’octobre et atteignent leur niveau le plus bas aux alentours de mars. Ils ne peuvent donc plus jouer pleinement leur rôle de réserve stratégique lorsque l’hiver se termine et que la consommation est encore élevée.

Une stratégie d’approvisionnement remise en question

En plus d’une consommation en hausse et d’une saisonnalité marquée, aussi bien en termes de production que de consommation, la Suisse fait également face à une remise en question de sa stratégie d’approvisionnement. Si l’hydraulique représente le premier pilier de la production d’électricité avec une part d’un peu moins de 60% en 2020, le nucléaire occupe une solide deuxième place avec une contribution de près d’un tiers de la production. Or, la mise hors service de ces centrales nucléaires restantes (Mühleberg ayant été arrêtée fin 2019) est prévue pour 2034 au plus tard selon la Stratégie énergétique 2050 votée en 2017.

Cette baisse de production devait être compensée par un déploiement massif des énergies renouvelables. Or, si le nombre de panneaux solaires installés ne cesse d’augmenter, il est encore loin d’être suffisant pour compenser une sortie du nucléaire. En 2020, plus de 476 MW ont été installés, soit 50% de plus que l’année précédente. Néanmoins, bien que particulièrement encourageante, cette progression représente moins de 1% de la consommation totale annuelle. Quant à l’énergie éolienne, son poids dans le mix électrique Suisse s’élevait à 0.2% en 2020. Bien que les récents succès devant les tribunaux de différents parcs en projet, et notamment celui de Sainte-Croix, permettent d’entrevoir une accélération du déploiement de cette forme d’énergie à forte composante hivernale, il semble peu probable qu’elle puisse jouer un rôle prépondérant d’ici une dizaine d’années.

 

eoliennes

 

Finalement, avec l’abandon en 2021 des négociations avec l’Union Européenne sur un accord cadre institutionnel, l’accord sur l’électricité a également été abandonné. Celui-ci permettait à la Suisse un accès facilité au marché européen et de contribuer ainsi activement au système électrique européen. Sans accord sur l’électricité, la Suisse ne perdra pas totalement son accès à ce marché mais se verra confrontée à des difficultés supplémentaires, aussi bien pour ses importations que ses exportations. De plus, même en dehors de la conclusion de ces accords, il n’est pas certain que les pays voisins puissent continuer à approvisionner la Suisse durant l’hiver. En effet, ces derniers sont également en phase de transition énergétique et pourraient également faire face à des problèmes d’approvisionnement. Dans un tel cas, il n’est pas improbable qu’ils favorisent leurs besoins intérieurs.

Que risque-t-on en cas de pénurie d’électricité

Une pénurie d’électricité comporte plusieurs risques. L’électricité étant un bien (presque) comme un autre, une pénurie aurait nécessairement un impact sur son prix. Si les conséquences directes pèseront sur le budget des ménages, elles seront encore plus grandes pour les entreprises. En effet, pour certaines d’entre elles, l’électricité peut être une charge particulièrement importante. Ces effets pourraient être d’autant plus marqués que l’élasticité de la demande en électricité vis-à-vis de son prix n’est pas aussi grande que celle d’autres biens.

En plus d’une hausse des coûts, la menace d’un black-out est souvent évoquée dans les médias. Si ce risque, par définition, ne saurait être nul, il est nécessaire d’apporter ici plusieurs précisions et de différencier « coupures d’électricité » et « black-outs ». Premièrement, un black-out est un phénomène incontrôlé. Il peut survenir suite à une panne technique telle que le défaut d’une centrale de production ou l’interruption d’une ligne de transport de grande importance. Néanmoins, il faut normalement plus d’une seule panne pour conduire à un black-out. C’est en effet une conjonction d’événements rapprochés et imprévisibles qui conduit à une panne d’une telle ampleur. À ce titre, l’exemple du black-out italien de 2003 est particulièrement parlant.

Mais toutes les pannes ne conduisent pas à des black-outs. Les gestionnaires de réseau surveillent attentivement les flux de puissance et l’équilibre permanent entre la consommation et la production. En cas de pics de surconsommation, ils peuvent activer des centrales de réserve pour augmenter la production. Ils peuvent également, en dernier recours, effectuer des délestages. Ceux-ci se définissent par des coupures ciblées et momentanées, mais néanmoins contrôlées, afin de rétablir l’équilibre entre production et consommation. Une fois le pic de surconsommation passé, les consommateurs privés d’électricité peuvent être à nouveau approvisionnés.

Ainsi, une pénurie d’électricité ne rime pas nécessairement avec une coupure généralisée et incontrôlée touchant une large partie du territoire. Il est néanmoins exact qu’un phénomène de pénurie augmente le risque en limitant les réserves disponibles et réduisant ainsi la marge de manœuvre des gestionnaires de réseaux.

Comment limiter ces risques

Les leviers permettant de réduire le risque de pénurie sont naturellement les mêmes que ceux évoqués plus haut : la consommation et la production d’électricité. En ce qui concerne cette dernière, il est absolument primordial de renforcer les capacités en Suisse. Car seule une production locale permet une réelle autonomie énergétique et la garantie de pouvoir assurer l’approvisionnement sans dépendre de nos voisins. De ce point de vue, en Suisse, seules les énergies renouvelables telles que le solaire, l’éolien, l’hydraulique ou encore la géothermie, peuvent être qualifiées de réellement locales. En effet, autant le nucléaire que les énergies fossiles reposent sur des combustibles dont la Suisse ne dispose pas sur son sol. Dans ce contexte, l’éolien ou le photovoltaïque alpins, avec leur production hivernale, sont des éléments particulièrement intéressants.

 

Parc solaire flottant des Toules © Romande Energie

 

Il est à noter que les énergies renouvelables, en plus de leur caractère local, possèdent un autre avantage sur le nucléaire, également parfois évoqué comme une solution non émettrice de carbone : la décentralisation. Par nature, les énergies renouvelables sont intégrées au réseau sous la forme de petites unités, de quelques centaines de kW pour le photovoltaïque à quelques dizaines de MW pour l’éolien. En comparaison, une centrale nucléaire présente une puissance nominale exprimée en GW, soit 1000 fois supérieure. Or, afin de pouvoir garantir le maintien de l’équilibre, il est nécessaire de garder en réserve une capacité de production au moins égale à celle de la plus grande unité actuellement en activité, ceci de manière à pouvoir combler une éventuelle avarie. Ainsi, combler le déficit de production à l’aide d’une nouvelle centrale nucléaire nécessiterait le déploiement parallèle de capacités de production au moins équivalentes. À l’opposé, s’appuyer sur des unités de production non seulement renouvelables mais également de taille plus modeste permettrait de réduire les besoins en capacité de réserve, la probabilité d’une panne simultanée de nombreuses petites unités de production étant réduite.

Le stockage à long terme de l’énergie est également une solution. De ce point de vue, la Suisse possède en ses nombreux barrages un atout de taille. Avec une capacité totale de près de 9 TWh, ceux-ci pourraient constituer une immense réserve stratégique. En maintenant suffisamment d’eau dans les barrages durant la période hivernale, la Suisse pourrait significativement améliorer sa situation. Bien sûr, cela impliquerait de ne pas turbiner cette eau durant les périodes de pointes, comme actuellement, et réduirait les performances économiques des centrales hydrauliques. Il serait alors nécessaire de rétribuer les exploitants de barrages non plus pour l’énergie qu’ils produisent mais pour l’énergie qu’ils garderaient en réserve. Cette idée a été récemment évoquée par Simonetta Sommaruga, Conseillère Fédérale en charge de l’énergie, comme une mesure pouvant être appliquée à très court terme.

 

Barrage de l’Hongrin © Romande Energie

 

Toujours du point de vue des sources d’approvisionnement, malgré l’échec des premières négociations, consolider l’accès au marché européen reste une solution envisageable au sens où elle ne rencontre pas de difficultés techniques. De plus, elle pourrait être mise en application en un temps relativement restreint, du moins en comparaison du temps nécessaire à la construction d’une nouvelle centrale nucléaire. La Suisse pourrait ainsi pleinement réaliser le potentiel que lui donne sa situation idéale en plein cœur de l’Europe.

Finalement, il est également particulièrement important de rappeler qu’il est possible d’agir sur la consommation. L’efficacité énergétique, qui consiste à réduire la consommation d’énergie sans impacts négatifs sur le confort ou la production de biens, est d’ailleurs un axe important de la Stratégie énergétique 2050. Investir dans des installations moins gourmandes en énergie peut s’avérer rentable à long terme, ceci d’autant plus que de nombreux programmes d’accompagnement et d’encouragement existent.

Conclusion

Même s’il a pu être quelque peu amplifié sous la loupe médiatique, le risque de pénurie d’électricité en Suisse à moyen, voire court terme, est bien réel. Néanmoins, des solutions existent. Les technologies capables de produire une énergie renouvelable et locale sont déjà sur le marché. Elles ont atteint leur pleine maturité et n’attendent que leur déploiement à plus large échelle. En ce sens, miser sur l’innovation, comme on peut l’entendre parfois, n’est pas une solution adaptée à une problématique aussi actuelle.

La solution relève donc plus de la politique et du choix de société que de la technique. Dans l’optique de réduire le risque de pénurie et de garantir la sécurité d’approvisionnement, il est ainsi indispensable d’accélérer le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétiques en encourageant les investissements et en levant les barrières institutionnelles et légales existantes. Dans cette optique, la proposition de Mme Sommaruga de réduire les voies d’opposition aux parcs éoliens et hydrauliques va dans la bonne direction.

Finalement, les risques de pénurie, bien que réels, ne doivent pas freiner l’électrification de la mobilité ou de la production de chaleur des bâtiments. Car, comme mentionné plus haut, outre son faible bilan carbone, l’électricité renouvelable est, en Suisse, la seule forme d’énergie pouvant être produite localement et permettant de s’affranchir autant que possible des importations. Comme l’a tristement montré l’actualité internationale récente, maintenir notre dépendance aux énergies fossiles étrangères ne nous mettra pas à l’abri des pénuries et maintiendra nos coûts d’approvisionnement à la merci des aléas du marché, avec tous les risques que cela comporte.

 

Christian Rod

Expert indépendant

Romande Energie

Energéticien de référence et premier fournisseur d'électricité en Suisse romande, Romande Energie propose de nombreuses solutions durables dans des domaines aussi variés que la distribution d’électricité, la production d’énergies renouvelables, les services énergétiques, l’efficience énergétique, ainsi que la mobilité électrique.

10 réponses à “Comment réduire les risques de pénurie d’énergie en Suisse

  1. ” en 2021, la Suisse a produit un total de 60 TWh d’énergie électrique. Durant cette même année, la consommation du pays s’est élevée à 62.46 TWh. ”
    Le problème de cet argument c’est qu’il considère des volumes globaux annuels alors que le gros problème se situe surtout en hivers avec des pics de consommation et un niveau de production des énergies renouvelables au plus bas. La production photovoltaïque en hiver correspond à 10 voir 20% au plus de la production en été, et encore, s’il y a de la neige sur tout le pays elle est égale à zéro. Idem pour l’éolien qui ne produit rien en l’absence de vent.
    Toutes ces énergies renouvelables sont trop variables pour pourvoir baser un modèle de production stable, c’est ce qui oblige les allemands à backuper leur production renouvelable par du gaz et du charbon faute de pouvoir utiliser le nucléaire qu’ils ont arrêté.
    Couvrir massivement le pays de panneaux photovoltaïques conduira à une surproduction en été et un déficit en hiver et même le pompage turbinage ne remplacera pas la production actuelle du nucléaire.
    La courbe de production photovoltaïque est une sinusoïde qui début avec une production très faible le matin pour arriver à un maximum à midi et redescend à zéro au couché du soleil. Or la demande est importante le matin alors que le photovoltaïque ne produit quasiment rien et le soir quand il ne produit plus grand chose. Ce décalage oblige par exemple l’Allemagne à utiliser des centrales à gaz pour palier à cette variabilité de production quotidienne.
    A ce jour seul le nucléaire est une solution décarbonée en 2021, la Suisse a produit un total de 60 TWh d’énergie électrique. Durant cette même année, la consommation du pays s’est élevée à 62.46 TWh. permettant de répondre à la demande.
    Quand à l’uranium il est présent dans beaucoup de pays du globe, y compris en Europe, probablement en Suisse car la France avait des mines d’uranium en activité au siècle dernier,

    1. Monsieur Little, sauf votre respect, vous n’avez pas lu l’article. Il y est dit qu’il est possible de stocker l’énergie solaire. Je précise que le rendement est voisin d’un moteur à explosion, pas très bon donc, mais au moins plus écologique que le moteur à explosion. Et il monte à plus de 70% si on recourt à l’hydraulique.
      Quant aux mines d’uranium en France et Suisse – votre idée – oui, il y a de l’uranium dans le granite! Mais le sortir du granite est très énergivore, donc le rendement final est déplorable, et le prix criminel. Une indépendance énergetique telle celle que vous prônez est illusoire, risquée, inefficace et dispendieuse.
      Il faut mettre en place un stockage efficace de l’énergie solaire. Ce sera beaucoup plus facile et rapide que de passer à une nouvelle génération de centrales nucléaires (que vous n’avez pas mentionnée – à juste titre – tant il est difficile d’innover sur des machines aussi compliquées du fait des systèmes de sécurité indispensables à la maîtrise de la radioactivité).
      Bref, l’avenir est au solaire et au stockage de l’énergie solaire, ce que l’on sait parfaitement faire.

      1. Ah bon, on sait stocker l’énergie solaire ?
        A part utiliser des batterie pour stocker l’électricité, solution au coût faramineux et pour une capacité ridicule au regard des besoins (9000 CHF pour 10 kWh), ou faire du pompage turbinage sur quelques barrages dont la configuration le permet et encore une fois pour des volumes et puissances ridicules au regard des besoins, je ne voit pas.
        Mais vous pourriez éclairer les lecteurs sur ce que vous entendez par ” stockage de l’énergie solaire, ce que l’on sait parfaitement faire ” car beaucoup se posent certainement la même question que moi.
        Vous me parlez du rendement d’extraire de l’uranium et du coût, mais selon-vous avec quels matériaux rares fonctionnent les moteurs électriques et les batteries lithium des voitures ? L’extraction des terres rares demande le traitement de volumes de roches encore plus important que pour extraire de l’uranium. Par contre, je n’ai pas dit que nous devions extraire de l’uranium en France ou en Suisse, je répondais à ceux qui pensent que l’uranium vient uniquement de Russie or un grand nombre de pays dans le monde en disposent, y compris la Suisse et pour information la France en produisait dans des mines du sud de la France au siècle dernier.
        Enfin, les centrales nucléaires sont toutes basées sur le même principe, un réaction nucléaire contrôlé qui génère de la chaleur que l’on transforme en vapeur pour faire tourner une turbine… Les générations sont liées à la puissance et la pressurisation des circuits pour atteindre des puissances plus importantes.
        Pour conclure, avant de vanter l’une ou l’autre solution, il faut regarder les ordres de grandeur en jeux, un réacteur EPR c’est maintenant 1600 MW en continu durant 12 années avec un combustible représentant le volume d’une petite citerne de camion… C’est l’équivalent d’un train de 50 wagons de charbon brulé par jour pour une centrale à charbon (la chine en ouvre 2 nouvelles par tous les mois pour subvenir à ses besoins)….

    2. Autant votre commentaire apporte un complément au billet, autant il laisse un paramètre de côté: le stockage d’énergie.

      Au niveau résidentiel, la combinaison de la pompe à chaleur avec un set de panneaux photovoltaïques devrait être accompagné d’un système de stockage sous forme d’eau chaude. L’addition d’une résistance électrique permettant de transformer le courant issu des panneaux photovoltaïques en chaleur stockable sous forme d’eau chaude devrait être plus systématiquement évaluée (une pompe à chaleur ne démarre souvent pas en-dessous d’un certain seuil, une résistance électrique peut par contre convertir un très faible flux électrique en chaleur).

      Concernant les surplus électriques issus des énergies renouvelables, il faut passer au niveau de la transformation en hydrogène puis en méthane de cette électricité afin de pourvoir transférer la disponibilité de l’énergie dans le temps. Les rendements de telles transformations sont faibles, mais comme on ne dépense pratiquement rien en terme de matière première (l’eau n’est pas rare sous nos latitude, ni le CO2, le rayonnement solaire estgratuit), la notion de rendement à moins d’importance.
      La nature avec la photosynthèse à un rendement de l’ordre de 1%, ce faible rendement est compensé par des surfaces énormes d’exposition et des systèmes biologiques renouvelables. Nous devons viser une approche similaire: une technologie simple et recyclable, un rendement sous doute faible mais compensée par l’utilisation des très grandes surfaces avec un stockage de l’énergie sous forme d’hydrogène, de méthane voire d’hydrocarbures synthétiques.

      Les batteries à flux, le stockage de chaleur dans les sels fondus sont des technologies en développement qui pourront encore apporter de la flexibilité, mais cela aura un coût du point de vue de la complexité. Là réside la plus grande inconnue: comment piloter des millions d’unités de production électrique et de stockage électrique ? On trouve le noeud du problème qui est aussi une contradiction économique au vue du système actuel: les acteurs du marché électrique sont obsédés par l’équilibre de la demande et de l’offre et perdront leur pouvoir économique dans un système décentralisé. Il faut revoir le modèle du marché électrique.

      Le désavantage du futur système est que les prix de l’énergie ne seront plus fixes, mais fonction de la demande. L’offre pourra s’adapter en utilisant le stockage d’énergie, mais il faudra payer ce stockage qui revient à payer le droit d’utiliser l’énergie quand cela convient au consommateur.

      Au final, peut-on éviter des nouvelles centrales nucléaires en Suisse ? Sans changement radical de la consommation, je ne le pense pas, toutefois le nucléaire ne doit être qu’une solution transitoire qui doit nous permettre de regagner 30 à 40 ans pour créer un système flexible capable de surproduire quand les conditions le permettent et de stocker pour quand vient le besoin.

    3. Si seulement on disposait d’une batterie de 9TWh, par example des barrages equipés pour le pompage turbinage…

    4. Donc vous proposez (visiblement sans avoir lu tout l’article) de miser sur le nucléaire, soit construire de nouvelles centrales (15-20 ans?), et de monter une filiale Suisse d’extraction et d’enrichissement d’uranium (alors qu’il n’y a à ce jour que 3-4 pays qui se livrent à cet enrichissement) ?
      Ou j’ai raté qqch ??!?

      1. J’ai bien lu tout l’article… Mais je pense qu’il vous manque quelques informations:
        1) Une centrale nucléaire se construit en 5 ans (cf la Chine, Flamanville était le prototype, les suivantes sont de déjà en service). Il ne s’agit nullement de 15-20 ans pour en construire une. Regardez combien de temps il a fallu pour construire les 56 réacteurs Français…
        2) L’approvisionnement en Uranium n’est pas un problème, beaucoup de pays en disposent et en vendent, y compris l’Australie etc, la Russie est un producteur comme beaucoup d’autres.
        3) Le volume de combustible pour un réacteur nucléaire représente le volume d’une citerne de camion pour 12 années de production continue de 1200 MW. Les déchets c’est ce volume d’une citerne de camion qui est retraité à la Hague et les déchets ultimes (longue période) ne représentent que le volume d’une petite citerne que l’on conserve en attendant de mettre au point la technologie qui permet de les détruire totalement (lasers à plasma). Une partie des déchets est réutilisé dans le combustible des réacteurs. A titre de comparaison, une centrale à charbon équivalente en puissance c’est un train de 50 wagons de charbon brulé par jour ! Je ne vous fais pas un dessin sur les volumes de cendres, poussières, CO2 et autres composés polluants que l’Allemagne rejette chaque jour pour ses dizaines de centrales à charbon servant à backuper la production solaire et éolienne.

        Ce qui me surprend c’est que vous ne prenez nullement en compte la variabilité des énergies renouvelable sur la journée et les saisons et encore moins comment y palier car vous n’allez jamais pouvoir construire un barrage de plus en Suisse (et noyer une vallée de plus), les verts s’y opposeront farouchement. CF le projet du tout petit barrage de Siven qui a été abandonné après les échauffourées entre verts et forces de l’ordre et qui a fait 1 mort…

        Donnez des alternatives viables autres que de chiffres globaux ou utopistes comme la réduction de la consommation.

  2. En 2050, ces 4,7 millions de véhicules électriques consommeront près de 12 TWh et les quelque 1,5 millions de pompes à chaleur au moins une fois autant. Ce qui fait que la demande électrique totale du pays, avec une population de plus de 10 millions d’habitants, avoisinera les 86 TWh, soit bien 36% de plus qu’aujourd’hui.
    Pour arriver à couvrir cette demande, je rappelle ici que les “Perspectives énergétiques 2050+” de la Confédération prévoient, entre autres, d’arriver en 2050 à une production PV de 33,6 TWh. Cela signifierait (avec un facteur de charge moyen de 11%) avoir installé d’ici là environ 35 GWp, soit 175 km2 de modules PV (avec des modules de 200 Wp/m2). Il a fallu bien 30 ans depuis le début des années ’90 pour arriver à 3 GWp aujourd’hui. La durée de vie d’une installation étant de 25 à 30 ans, presque aucune de celles qui fonctionnent aujourd’hui n’existera plus en 2050. Donc TOUT est encore à faire !
    On peut aussi calculer que, dans les 28 années qui viennent, il faudrait inaugurer 480 installations domestiques de 50 m2 (à 10 kWp) chaque jour ouvrable non-stop d’ici à 2050 pour y arriver. Et ce rythme serait à poursuivre pour remplacer au fur et à mesure les installations anciennes arrivant continûment en fin de course.
    L’aspect des coûts est trop généralement passé sous silence : même avec un futur prix spécifique pour ces installations domestiques de 2 francs par Wp, il en coûterait 70 milliards, soit près de 10 millions à dépenser par jour ouvrable. Cela sans compter les indispensables installations de stockage pour disposer de 10 à 14 TWh en hiver à partir d’un excès de production estivale de 12,5 à 17,5 TWh (avec un rendement de conversion de 80%). La Grande Dixence représente 2 TWh turbinables en 1000 heures, soit 42 jours. Il en faudrait l’équivalent de 5 à 7 !

  3. la décentralisation de la production d’énergie me semble avoir plus de désavantages que d’atouts.
    A moins d’abandonner la distribution (Inter) nationale d’électricité et d’instaurer le localisme en matière d’énergie le coût économique, foncier, environnemental, me semble très élevé.
    Interconnexion de unités, utilisation très importante des ressources (Cuivre, métaux rares), quantité de déchets considérable, pilotage du réseau compliqué.
    le seul projet cohérent que j’ai lu ou entendu est celui du shift project. Le reste me fait penser à mon expertise au jeu d’échec : jouer le coup qui vient sans prêter attention aux pièces environnantes et au développement de la partie

  4. NUCLEAIRE
    Le manque d’énergie électrique est praticulièrement menaçant durant les 120 jours de novembre à février, est-ce qu’une nouvelle CN pourrait y remédier, économiquement ?
    Aucune nouvelle centrale ne pourra entrer en exploitation avant 2035, au plus tôt (…) et à cette date la production photovoltaique suisse (et européenne) aura probablement été multipliée par 10, au moins, par rapport à celle d’aujourd’hui, ceci à un coût de à 3-6 ct/kWh, vu la baisse constante du coût des panneaux et des onduleurs, pour les grandes installations.
    A contrario, le coût réel de l’électricité nucléaire suisse qui a vraisemblablement coûté 5-6 ct/kWh en moyenne jusqu’ici et pourrait être hypothétiquement complété par une nouvelle centrale EPR sera plus élevé, 6-9 ct/kWh (plus?), à condition de fonctionner 11 mois sur 12.
    Mais, dès 2035, la production d’une telle centrale sera pratiquement invendable (concurrence du PV) de mars à octobre, propulsant le coût de son électricité hivernale utile à 18-27 ct/kWh !
    Est-ce un investissement raisonnable? Permettez moi d’en douter!

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