Comprendre la hausse des prix : 6 questions-réponses pour y voir plus clair

Dans le contexte actuel de hausse des prix, vous êtes nombreux à nous questionner sur les fonctionnements, parfois complexes, des prix de l’énergie. Composé de six questions/réponses très factuelles, cet article vous informe sur divers mécanismes impactant ou impactés par la hausse des prix.

 

Comment les prix de l’énergie sont-ils fixés ?

Dans un premier temps, les prix de l’énergie sont négociés sur le marché entre les producteurs et les fournisseurs. Pour comprendre ce fonctionnement complexe, découvrez le principe du merit order, mécanisme impliquant que le prix de l’électricité du marché s’oriente toujours vers celui des producteurs les plus chers. En vigueur depuis des années, cette méthode est néanmoins remise en question par la Commission européenne, notamment en raison de l’augmentation croissante de la production renouvelable et de la crise énergétique actuelle qui a fait exploser les prix du gaz. À terme, cette réforme aurait notamment pour objectif d’éviter d’exposer les consommateurs à des envolées de prix.

Une fois approvisionnés en énergie, les fournisseurs vont définir leur prix de vente aux clients. Chez Romande Energie par exemple, le prix de la part « énergie » d’une facture d’électricité est calculé sur la base de éléments suivants :

  1. Le prix moyen des achats d’énergie réalisés les années précédentes (qui a subi une forte hausse depuis 2021).
  2. Les coûts de la propre production (centrales hydrauliques, solaires, etc.) qui a vu une baisse en raison de la sécheresse en 2022.
  3. La marge régulée définie par l’Elcom, fixée à CHF 75.- par an et par compteur. Ce montant, qui sert notamment à couvrir les frais de facturation et de service client s’élevait à CHF 90.- en 2020 et continue de baisser (il passera CHF 60.- dès 2024).

 

Pourquoi les tarifs sont-ils aussi élevés ?

Les tarifs ont été impactés par la hausse des prix de l’énergie, expliquée notamment par :

  • Un contexte géopolitique impactant le prix du gaz
  • L’indisponibilité partielle du parc nucléaire français
  • Les aléas climatiques qui influencent la production d’électricité

Comme pour toute matière première, la rareté et les craintes pour le futur rendent le produit plus cher sur le marché. Les prix de l’électricité en Europe sont à la hausse depuis 2021 après plus d’une décennie de prix extrêmement bas. Ces prix ont culminé l’été 2022 avec des records historiques, au-delà de CHF 1.- le kWh, soit 20x plus cher que deux ans auparavant.

 

Comment agir sur sa facture ?

Romande Energie met tout en œuvre pour vous accompagner vers une réduction de votre consommation d’énergie. Bien que connus du grand public, ces « éco-gestes » ont un réel impact sur la baisse du montant des factures d’électricité. Retrouvez notre petit rappel de gestes simples applicables au quotidien.

Toutefois, si les efforts ne suffisent pas à réduire sa facture comme souhaité, différentes options sont proposées pour répartir plus aisément ses factures dans le temps (délai supplémentaire, paiement en plusieurs fois, etc.).

Romande Energie est votre fournisseur d’électricité ? Découvrez ces options dans votre Espace client.

 

Pourquoi les tarifs varient autant d’un fournisseur à l’autre ?

Deux facteurs principaux expliquent ces différences : l’énergie qu’il produit lui-même et l’énergie qu’il doit acheter en complément à d’autres producteurs sur le marché.

Chez Romande Energie, la production propre représente environ 40% de l’énergie fournie. Cette année, en raison de la météo particulièrement sèche impactant la production hydraulique, seuls 30% ont pu être distribués. Les 10% manquants ont dû être achetés sur le marché au moment où les prix de l’énergie étaient au plus élevés.

Dans le cas de Romande Energie, l’augmentation du tarif est donc due à l’augmentation du prix d’achat sur le marché et à la baisse de production des ouvrages hydrauliques « au fil de l’eau ».

Petit rappel : sur le marché régulé (ménages et entreprises consommant moins de 100’000 kWh par an), le fournisseur est attribué selon la zone d’habitation. Ce n’est qu’en consommant plus de 100’000 kWh par an que vous pouvez faire le choix de passer au marché libéralisé pour accéder aux prix du marché. Nous avons toutefois constaté les inconvénients du marché libre dont les prix sont beaucoup plus fluctuants et donc bien plus risqués, particulièrement dans une période de prix élevés.

 

Qui gagne de l’argent avec la hausse des prix ?

Les hausses de prix impactent différemment les producteurs et les distributeurs d’énergie. Ainsi, lorsque la demande est forte, les producteurs possédant leurs propres centrales voient leur production valorisée, ce qui implique de bons résultats.

Quant aux fournisseurs d’électricité, les montants perçus sont encadrés par l’Elcom (Commission fédérale de l’électricité). Ainsi, la part « énergie » de votre facture intègre le prix de l’électricité selon les tarifs en vigueur, ainsi qu’un montant légal fixé à CHF 75.- par an et par compteur, servant notamment à couvrir les frais de facturation et de service client. À noter que ce montant diminuera à CHF 60.- dès 2024.

Comme d’autres entreprises en Suisse, Romande Energie endosse les deux rôles : producteurs et fournisseurs d’énergie. Selon ce modèle, revendre un surplus de production pourrait s’avérer bénéfique (par exemple en cas de météo favorable ou de consommation basse des clients), alors que l’achat de l’énergie manquante dépend, elle, des prix du marché.

 

Où vont les bénéfices de Romande Energie ?

En tant qu’entreprise privée cotée en bourse, Romande Energie est tenue de rétribuer ses actionnaires. Le montant du dividende versé (CHF 36.-) est inchangé depuis plusieurs années. Une majorité des actions de l’entreprise étant en mains étatiques (59.6%), une grande partie des dividendes revient aux collectivités.

Il en va de l’intérêt général de notre canton et de sa population que Romande Energie soit financièrement solide.  Avec de bons résultats, nous pouvons réinvestir dans l’entretien et le développement de nos infrastructures de distribution et de production d’énergie, permettant ainsi de garantir un approvisionnement énergétique de qualité à l’ensemble de la population et des entreprises. Par ailleurs, augmenter notre production propre permettra de moins dépendre du prix du marché et ainsi avoir une meilleure stabilité de nos tarifs.

 

énergie

Réapprenons à partager notre espace public

L‘espace public est un bien commun précieux. C’est un espace extérieur qui nous appartient à toutes et à tous, et pour la grande majorité d’entre nous qui ne possédons pas de jardin privé, c’est le seul espace extérieur accessible tout le temps et gratuitement. Il a donc une grande valeur. Aujourd’hui, nous devons réapprendre à le partager et c’est parfois difficile. L’espace public sert à se déplacer, mais pas seulement. Il permet de se rencontrer, de se reposer, de jouer, de fêter, de bouger, de consommer, d’avoir accès à la nature et bien plus encore. Par ailleurs, l’espace public de demain devra accueillir la plantation de nombreux nouveaux arbres, alliés essentiels pour rafraîchir les étés toujours plus chauds qui se profilent. Alors réapprenons cette capacité essentielle qui consiste à partager.

À quoi sert l’espace public aujourd’hui ?

Aujourd’hui, une grande partie de notre espace public sert à nous déplacer – routes, rues, ruelles, trottoirs. Une autre partie sert de lieu de vie, d’échanges économiques et de rencontres : parcs, places, jardins, squares, terrains de sport, places de jeux, terrasses, plages, forêts, etc. Une autre « catégorie » d’utilisation de l’espace public est celle qui consiste à se parquer. Et c’est une partie non négligeable de cet espace commun. En moyenne, les espaces de stationnements accueillent des véhicules qui sont à l’arrêt plus de 22 heures sur 24. Pour chaque véhicule, ce sont environ 12 m2 (ou 24 m2 si on dispose d’un espace de stationnement chez soi et à son travail) qui sont dédiés uniquement au stationnement. À Lausanne, par exemple, il y a 96’210 places de stationnement publiques et privées, soit plus d’1 km2 de la ville destiné au stationnement, ce qui équivaut à plus de 110 fois la Place de la Riponne.

Les lieux de stationnement, un espace souvent difficile à partager

Aujourd’hui, les espaces de stationnement deviennent des lieux toujours plus convoités par celles et ceux qui souhaitent bénéficier d’endroits au pied de chez eux pour pouvoir s’asseoir à l’ombre des arbres, jardiner, pique-niquer à plusieurs, lire, rencontrer ses voisins, fêter, faire de la musique, boire un café au soleil, travailler, jouer au ping-pong, et bien d’autres choses encore. Seulement voilà, pour cela, il faut que celles et ceux qui ont eu le monopole de l’espace public ces dernières années soient d’accord de le partager à nouveau. Il faut que chacun puisse avoir le droit de dire ce qu’il souhaiterait pouvoir y faire et que des terrains d’entente soient trouvés. Impliquer les habitantes et les habitants dans le réaménagement de ces espaces publics est donc une première piste pour faciliter le partage. Parce que réaliser toutes les autres activités qui pourraient prendre la place de cet espace, au bénéfice de tous et toutes, motive à trouver des solutions communes.

Une solution pour celles et ceux qui ont besoin de leur voiture pour se déplacer ? Toujours la même : partager

Partager les véhicules permet de réduire drastiquement l’espace utilisé pour les parquer. La coopérative de car sharing Mobility partage ses 3’010 véhicules avec ses 242ʼ300 clients privés et 5ʼ000 clients business ! Cela signifie que 0,15 md’espace de stationnement est utilisé par chacun de ses clients privés, contre 12 m2 si chacun avait fait le choix de disposer d’une voiture non partagée. Grâce à Mobility donc, ce sont donc près de 3 kmd’espace non nécessaire au parking libéré en Suisse. Maintenant que toujours plus de villes se mettent à redistribuer l’espace public, habitantes et habitants des quartiers : partagez vos véhicules et vos espaces !

J’échange ! À quoi d’autre pourrait servir une partie de cet espace de stationnement ?

« J’échange trois places de stationnements pour un arbre qui a suffisamment d’espace pour s’épanouir et offrir une canopée généreuse en été. »

Les apports concrets de cet échange ? À l’ombre d’un arbre, la température diurne peut être jusqu’à 7 °C plus fraîche qu’à ses alentours. Les surfaces perméables quant à elles emmagasinent moins la chaleur et réduisent les risques d’inondation. Mais pour qu’un arbre puisse s’épanouir, il faut près de 40 m3 d’espace disponible en sous-sol.

« J’échange des places de stationnement pour des terrasses de cafés et de restaurants offrant des opportunités d’espaces supplémentaires pour les commerçants et des nouvelles activités possibles pour les habitantes et habitants. »

« J’échange une quinzaine de places de stationnement pour une nouvelle place de quartier permettant aux différentes personnes d’un quartier – enfants, seniors, familles, jeunes, etc. – de faire toutes sortes d’activités : organiser une fête, jouer, se reposer, créer, profiter de la nature, et bien plus encore. »  

« J’échange un espace pour stationner ma voiture pour un espace pour stationner 12 vélos »

Cela permet à 12 personnes de stationner leur véhicule plutôt qu’à une seule.

Les craintes souvent infondées des commerçants

Pour Giorgio Giovannini, fondateur du bureau Mobilidee qui accompagne les entreprises et les collectivités dans l’élaboration de leurs stratégies de mobilité, il est effectivement essentiel de partager cet espace. Piétonniser des rues est un processus souvent compliqué, notamment parce que les commerçants craignent que la suppression de places de parcs réduise leur clientèle. Lors de ces rencontres avec les commerçants, il présente les nombreux arguments en faveur de la piétonnisation des rues pour les acteurs économiques. Une étude anglaise par exemple démontre que sur un mois, les personnes qui se déplacent à pied sur une route principale dépensent 40% de plus que les personnes qui se déplacent en voiture.

Une idée pour rassurer et donner envie ?

Visiter avec les commerçants concernés des bons exemples et les faire discuter avec d’autres commerçants qui ont vécu cette transition. Une idée de visite ? La Ville de Sion est un excellent exemple de ville qui a transformé progressivement ses espaces publics motorisés en espaces publics destinés à d’autres activités. Comment cela s’est-il passé ? L’exécutif sédunois a constaté la diminution de la fréquentation du centre-ville une fois les bureaux fermés. La zone commerciale excentrée, facilement accessible en voiture, concurrençait alors largement les commerces sédunois. L’exécutif a ainsi décidé de lancer un concours pour l’aménagement de la Place du Midi (la zone commerçante du centre-ville) en zone de rencontre. Malgré plusieurs oppositions (principalement de la part des commerçants qui ne souhaitaient pas que des places de parcs soient supprimées), le projet se réalise. La place devient un haut lieu de vie et de convivialité – grâce à l’agrandissement des terrasses notamment.

Résultat : un succès commercial et social ! Comme tout cercle vertueux, les résultats positifs ont donné envie à tout le monde de continuer sur cette voie. C’est ainsi qu’au fil des ans, plusieurs autres rues de la vieille ville se sont transformées en zones de rencontres. La volonté de la Ville n’était pas de mettre en place des mesures trop brutales, par exemple fermer tout le centre-ville à la circulation, mais de permettre le changement d’habitudes de façon coordonnée et harmonieuse. La mise en place de zones de rencontres a été une excellente manière d’y parvenir.

 

Hélène Monod

Rédactrice

énergie

Jumeaux numériques : le nouveau levier de la transition

C’est une technologie éprouvée mais encore peu utilisée, dont les atouts durables en font pourtant un outil clé en termes d’urbanisme et de construction écologique. Les jumeaux numériques, soit la reproduction minutieuse et détaillée d’un élément existant augmentée de données, permet en effet de mieux saisir les économies d’énergies réalisables tout en identifiant les potentiels de production durable. Explications.

En matière d’impact environnemental, la construction et l’urbanisme font partie des domaines d’activités à considérer de près. En effet, selon le rapport annuel 2020 du Programme Bâtiments de la Confédération, en Suisse le parc bâti représente 40% de la consommation d’énergie nationale et est en outre responsable d’environ un tiers des émissions de CO2. Notons encore que plus d’un million de maisons présentent une isolation insuffisante et nécessitent un assainissement énergétique d’urgence.

Si le besoin immédiat des rénovations énergétiques et des nouvelles constructions durables est une évidence, encore faut-il être en mesure de comprendre et identifier les problématiques du parc bâti existant et à venir dans le détail. Dans ce cadre, la technologie des jumeaux numériques joue un rôle clé, notamment en permettant de bénéficier de modélisations aussi précises qu’enrichies de données pour permettre ensuite de prendre les bonnes décisions, tant en termes de construction ou de rénovation que de planification urbaine. Mature, la technologie commence gentiment à se démocratiser auprès des acteurs immobiliers, des architectes et ingénieurs ou encore des communes et collectivités.

Incarner la donnée

Concrètement, un jumeau numérique consiste à créer une modélisation 3D hyper détaillée d’un élément existant. Obtenue par différents processus, dont l’imagerie aérienne par exemple, cette modélisation est ensuite augmentée de données actuelles, voire continues, pour offrir un niveau de détail, d’actualité et de réalisme bien plus poussé qu’en utilisant des méthodes et outils classiques tels que la cartographie ou encore Google Earth.

« Si Google Earth peut déjà être considéré comme un jumeau numérique, les données utilisées sont actualisées tous les cinq à dix ans, ce qui limite les informations et la pertinence des données avec lesquelles on peut travailler », explique Romain Kirchhoff, CEO de la société Uzufly, spécialisée dans les services liés aux jumeaux numériques et à l’animation 3D. « En augmentant nos modèles de données publiques issues par exemple de Swisstopo, l’Office fédéral de topographie dont les relevés sont effectués tous les trois ans, on va permettre aux utilisateurs de bénéficier d’informations fiables. Si ces données sont déjà accessibles, très peu de monde connaît leur existence ni ne sait comment les utiliser. En les incorporant dans nos modèles, on démocratise ainsi leur utilisation tout en démontrant leur pertinence. »

Impact technologique et participatif

Si la technologie s’avère des plus utiles dans les domaines techniques, notamment en matière d’ingénierie, d’architecture, d’urbanisme et de construction, son impact sociétal est également à souligner. Grâce aux jumeaux numériques réalistes, comprendre l’avenir d’un quartier devient possible pour toutes et tous. Une compréhension et une démocratisation qui, lorsque l’on se base sur des plans d’architectes uniquement, font bien souvent défaut pour le grand public. Dans ce sens, la technologie des jumeaux numériques peut constituer une base ouverte pour mener des discussions participatives, par exemple entre des acteurs communaux et la population.

Réalisée par drone ou par hélicoptère, l’imagerie munie de ces données constitue ainsi un précieux modèle pour comprendre l’impact d’une construction à venir au sein d’un quartier ou d’une zone délimitée. Envergure, intégration esthétique ou encore potentiel énergétique constituent autant de paramètres pouvant être exploités par les maîtres d’ouvrage, les collectivités, les ingénieurs ainsi que les architectes. Les habitants des régions concernées, dont les opposants à certains projets, peuvent aussi y voir plus clair quant à l’implantation d’un futur projet.

« Il existe différents types de jumeaux numériques qui servent tous à appréhender la réalité et à déployer différents scénarios. De notre côté, nous réalisons des modèles réalistes à l’aide de la photogrammétrie, une technologie qui fonctionne effectivement sur la base de prise d’images aériennes. Ce qui n’est pas le cas de la majorité des jumeaux numériques qui vont plutôt être schématiques, on parle alors de jumeaux numériques sémantiques. En termes de durabilité, notre type de modélisation offre aussi un avantage certain puisque nous pouvons étudier de manière très précise et réaliste les potentiels énergétiques en procédant à des simulations poussées. Orientation de l’ouvrage, type d’infrastructures énergétiques envisagées, données météorologiques liées à la région concernée ou encore surfaces photovoltaïques potentiellement déployées sont autant de paramètres que nous pouvons prendre en compte pour calculer exactement les performances énergétiques atteignables. »

À terme, Uzufly entend aussi proposer sous licence un accès à une vaste modélisation du territoire, notamment en région genevoise, pour permettre aux acteurs immobiliers et de la construction d’y implanter numériquement leurs projets futurs avant réalisation.

Cycle de vie du bâti, l’autre dimension à mieux comprendre

Une fois construit, un ouvrage nécessite en outre une fine compréhension de son fonctionnement, de son usage et de ses performances. Un monitoring dynamique des infrastructures qui permet de donner naissance à ce que l’on appelle la smart city. Une ville dite intelligente, au sein de laquelle les performances énergétiques des ouvrages sont optimisées grâce à leur scan continu. Et dans ce sens, Romande Energie travaille sur un projet innovant des plus prometteurs. Le concept : capter les données relatives à l’utilisation d’un bâtiment pour en comprendre le fonctionnement détaillé puis affiner les réglages de ses infrastructures de chauffage.

« Notre solution, baptisée OPTIM, permet en effet de mesurer la consommation énergétique précise d’un bâtiment pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire », souligne Jordan Giraud, Product Manager Senior chez Romande Energie. « Pendant une période de référence de deux mois, le système va ainsi analyser le comportement du bâtiment pour en comprendre le fonctionnement. Nous enrichissons ensuite ce modèle avec des données météorologiques, dont l’ensoleillement et les températures extérieures, pour obtenir une compréhension très fine et identifier les potentiels d’économie d’énergie. Dans un deuxième temps, nous optimisons les réglages du chauffage à l’aide d’un algorithme qui tient compte des prévisions météorologiques en continu. On évite ainsi de surchauffer le bâtiment lorsque l’ensoleillement fournit de la chaleur naturellement. Globalement, la technologie permet d’économiser 15 à 20% d’énergie et de CO2 pour le chauffage sans entreprendre de rénovations. »

Destinée aux propriétaires de parcs immobiliers, la technologie se déploie actuellement. Élaborée pour des bâtiments d’une certaine envergure – dont la consommation annuelle correspond à 200’000 kWh minimum – la solution peut cependant être installée dans des parcs d’immeubles de diverses tailles permettant de mutualiser des gains entre bâtiments et donc d’optimiser un plus grand nombre de biens.

Pour un propriétaire, la solution offre en outre l’avantage de bénéficier de données précises quant aux besoins énergétiques de ses biens. Ce qui permet à Romande Energie d’accompagner le propriétaire, en anticipant sur des travaux de rénovation, pour l’optimisation du dimensionnement d’une future installation de chauffage, et donc de réaliser d’importantes économies financières. Enfin, mentionnons encore que le système constitue aussi un précieux outil de centralisation de données pour faciliter le reporting dans le cadre de rapports ESG (Environnemental, Social et Gouvernance).

 

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation

appro

Comment les fournisseurs s’approvisionnent-ils en énergie ?

La hausse brutale des prix de l’énergie l’année dernière a mis en lumière de fortes disparités dans les prix de l’électricité payés par les ménages en Suisse. En 2023, un ménage à Gaiserwald (SG) payera 7 fois plus cher son kWh qu’à Zwischbergen (VS). Avec une consommation moyenne de 4.5 MWh/an, soit celle d’un ménage moyen de 4 personnes, cela représente une différence annuelle de près de 2’260 CHF/an. Mais comment expliquer de telles différences selon sa commune de résidence ?

Le contexte suisse

En Suisse, les tarifs de l’électricité des ménages et petits consommateurs dépendent de la commune de résidence. Cette singularité s’explique par le fait que le marché, contrairement au marché européen, n’est pas libéralisé pour tous ceux qui ont une consommation inférieure à 100 MWh/an, soit 99% des utilisateurs du réseau. Par conséquent, la majorité des consommateurs sont ce qu’on appelle des « clients captifs », ils consomment l’électricité de leur fournisseur d’électricité local, qui a également la charge de la gestion du réseau. Ces fournisseurs, en charge de l’approvisionnement énergétique suisse, sont plus de 600 répartis sur le territoire, dont près de 80% sont la propriété des pouvoirs publics (i.e., cantons et communes) et 70% ne produisent pas d’électricité. On trouve donc parmi ceux-ci de petites structures dont ce n’est pas forcément le cœur de métier d’anticiper les grandes évolutions du marché. Quels qu’ils soient, ces fournisseurs ont deux options pour se procurer l’énergie qui sera ensuite vendue : produire l’électricité eux-mêmes et/ou l’acheter sur le marché de gros.

Production locale

En ces temps de crise, la production propre offre aux fournisseurs une certaine sérénité vis-à-vis des fluctuations des prix du marché. Historiquement ce sont les grands fournisseurs (i.e., Axpo, Alpiq et BKW) qui se partageaient les grandes centrales hydrauliques et nucléaires suisses. Aujourd’hui l’essor des énergies renouvelables, particulièrement décentralisées et de plus petite puissance, offre à l’ensemble des fournisseurs la possibilité de produire leur propre électricité.  Ainsi le groupe bernois BKW dispose d’une centaine de centrales de production et plus de 120 petites installations principalement photovoltaïques et thermiques, réparties dans cinq pays, qui lui permettent de répondre à l’ensemble de ses besoins sur sa zone de desserte. Le prix de l’énergie n’a ainsi pas augmenté pour ses clients en 2023, seul le prix final de l’électricité a légèrement augmenté car il intègre d’autres composants que le prix de l’énergie. Similairement la ville de Lausanne (SiL) et celle de Zurich (EWZ) produisent également respectivement la moitié et deux tiers de leur besoins grâce à leur plan solaire et des partenariats privilégiés avec des producteurs d’énergie (e.g., usine hydraulique de Lavey, collaboration avec Tridel). Leurs clients, comme tous ceux disposant d’un fournisseur également producteur, sont donc peu ou moins impactés par les fluctuations du marché. De son côté, Romande Energie assure environ 40% de ses besoins avec sa production propre, constituée principalement de centrales au fil de l’eau.  L’efficacité de ces dernières a été mise à mal ces derniers temps en raison de la sècheresse, mais l’entreprise diversifie ses productions avec une centaine de parcs solaires, deux centrales biomasse et deux parcs éoliens.

Marché de gros

Pour garantir l’approvisionnement énergétique et ainsi compléter la production propre, l’électricité peut être achetée sur des marchés de gros. Ces marchés rassemblent des producteurs, des fournisseurs, des grands consommateurs industriels ou des négociants en énergie. Comme son nom l’indique, les transactions s’y font à grande échelle avec des volumes importants d’énergie au niveau européen.  Au sein de ces bourses européennes de l’électricité, les prix sont déterminés par l’offre et la demande, en fonction de différents facteurs tels que les conditions météorologiques, les niveaux de production et de consommation d’électricité, et les contraintes de transmission du réseau. Le prix est in fine fixé en fonction du dernier MWh nécessaire pour équilibrer consommation et production, selon le principe du « merit order ». Selon ce principe, les unités de production sont sollicitées par ordre de coûts croissants jusqu’à ce que la production et la consommation s’équilibrent.  Lors de périodes de forte demande, ce sont donc les unités aux coûts marginaux les plus élevés, typiquement les énergies fossiles comme le gaz, qui déterminent le prix de l’électricité.

Ces marchés se distinguent par le type de produit qu’on y vend ou achète (e.g., un approvisionnement de base qui concerne tous les heures et jours de la semaine, ou de pointe, qui concerne les périodes de 8h à 20h du lundi au vendredi) et la temporalité. Ainsi pour du long terme, on visera plutôt la bourse EEX,  il s’agit alors de contrats annuels, trimestriels ou mensuels. Pour du court terme, la bourse EPEX permet de négocier des contrats day-ahead (pour le lendemain) ou intra-day (en cours de journée). En général, les fournisseurs d’énergie en Suisse sécurisent une partie de leur approvisionnement en achetant des contrats de fourniture à long terme et puis ajustent en fonction des besoins réels. Cette stratégie d’achat, laissée au libre choix du fournisseur, explique également les différences de tarif d’une commune à l’autre.

Perspectives

Aujourd’hui, l’approvisionnement énergétique national dépend de ces échanges avec les pays européens. Les 41 lignes transfrontalières à haute tension permettent ainsi d’exporter l’électricité excédentaire en été et d’en importer en hiver lorsque la production indigène est insuffisante. Cependant, la Suisse ne fait pas partie de l’Union européenne et la libéralisation complète du marché de l’électricité n’est plus à l’ordre du jour. La crise énergétique traversée l’année dernière a définitivement enterré ce projet.  Cela complique les relations et les échanges avec les pays européens. Par conséquent, l’objectif pour sécuriser cet approvisionnement énergétique est d’assurer à l’avenir une production indigène sûre reposant sur les énergies renouvelables, été comme hiver. En ce sens, la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil des États (CEATE-E) a mis en place un paquet de mesures visant un développement rapide des énergies renouvelables en leur donnant priorité sur d’autres intérêts, telles que les prescriptions environnementales. Par exemple, en soutenant la construction de grandes installations photovoltaïques dans les Alpes en subventionnant 60% des coûts d’investissement. En agissant de la sorte, les politiques souhaitent d’une part garantir la sécurité de l’approvisionnement énergétique en hiver, mais aussi disposer d’une production électrique indigène qui permet de mieux contrôler les prix.

La météo clémente de cet hiver a légèrement détendu les marchés de l’électricité, mais les prix de gros au niveau européen, privés de gaz russe, restent élevés et la Commission fédérale de l’électricité (Elcom) s’attend à une nouvelle hausse des prix en 2024. Tant que la Suisse dépend de ses voisins pour son approvisionnement énergétique et que seule une partie des fournisseurs disposent d’une production propre, des différences subsisteront entre les communes, dépendants ou non des prix de gros européens.  De plus, le pays s’expose à un risque de pénurie hivernale en raison de son isolement sur la scène européenne. Garantir un approvisionnement 100% indigène et renouvelable est le grand défi de ces prochaines années.

 

Marine Cauz

Experte externe

entreprises

Tout savoir sur le programme de rétribution des économies d’énergie

Lancé par la Direction générale de lenvironnement (DGE), le programme de Rétribution des Économies dEnergie (REE) permet de soutenir les entreprises dans la réalisation de projets porteurs d’un point de vue énergétique. On fait le point avec Bryan Grangier, Product Manager chez Romande Energie.

Grandes consommatrices d’énergie, les entreprises ont forcément un rôle majeur à jouer dans le cadre de la transition énergétique. Pour favoriser leur engagement et leur implication dans cette voie, le programme REE entend soutenir les projets énergétiques entrepris par les acteurs économiques en-dehors des obligations légales. En gros, agir en tant qu’accélérateur pour permettre aux entreprises souhaitant aller plus loin que les mesures obligatoires prévues par la loi de bénéficier d’un soutien financier pour concrétiser leur projet. Un coup de boost énergétique proposé par la Direction générale de l’environnement (DGE) visant en priorité les projets d’économies d’énergie thermique.

Ciblant les acteurs du tissu économique vaudois, le programme REE s’adresse aux entreprises dont le projet ne bénéficie pas encore d’autres mesures d’aide ou de subventions. Un seul projet par entreprise peut être proposé, ce dernier ne devant pas découler d’obligations prévues par le cadre légal. Chaque projet peut en outre bénéficier d’un soutien maximum de 100’000 francs. Installation de système de récupération de chaleur, distribution thermique par panneaux rayonnants, production de froid par free-cooling, remplacement de moteur électrique ou encore mise en place de variateur de fréquence constituent autant de types de projets pouvant être proposés et soutenus dans le cadre du programme REE.

Aller plus loin

Initié il y a quelques années, ce programme constitue un signal d’encouragement fort à destination des acteurs du tissu économique vaudois. L’objectif principal consiste à donner un coup de pouce financier et technique aux entreprises voulant mettre en œuvre des bonnes pratiques énergétiques. Pour Bryan Grangier, Product Manager chez Romande Énergie, la démarche a du sens et mérite un coup de projecteur plus soutenu.

« Les entreprises sont encore relativement peu au courant de l’existence de ce programme. De notre côté, nous nous impliquons pour le promouvoir au mieux auprès de nos clients afin de les encourager à y prendre part. S’il est certain que le fait d’entreprendre ce type de projets représente un certain investissement de la part de l’entreprise, la démarche permet cependant de bénéficier d’économies significatives en améliorant son efficience énergétique sur le long terme. Dans le cadre des projets que nous avons suivis, nous sommes par exemple parvenus à faire économiser environ 150’000 kWh par année à une entreprise active dans l’industrie du papier en installant dans ses locaux un système de free-cooling. L’opération a ainsi permis à cette entreprise de réduire ses coûts opérationnels de 30’000 francs par an et de réaliser des économies d’énergie de 20’000 francs chaque année. »

Appel à projets

Pensé par le Canton sur le fonctionnement d’un appel à projets, le programme REE entend allouer les fonds dont il dispose aux projets les plus réalistes et performants, soit ceux qui permettent d’économiser le plus de kWh pour l’investissement le plus bas. Pour cette édition 2023, le programme de subventions comprend une enveloppe budgétaire totale d’un million de francs. Par projet, le taux maximum d’aide financière s’élève à 50%.

Outre les projets visant à économiser l’énergie thermique, ceux permettant de réaliser des économies d’électricité sont aussi admissibles. En plus des entreprises, mentionnons encore que les organismes publics tels que les infrastructures communales ou intercommunales – dont les STEP ou encore les stations de pompage – sont aussi concernées par la mesure.

Bilan encourageant

Si le programme REE reste encore à promouvoir plus activement auprès des entreprises pour favoriser son déploiement à plus large échelle, les données actuelles démontrent tout de même un impact significatif engendré par la démarche. Depuis 2016, année durant laquelle le canton lançait le programme, une soixantaine de projets ont déjà pu être concrétisés auprès des acteurs économiques vaudois. Au total, ces projets représentent des économies d’énergie s’élevant à 3,5 GWh/an, l’équivalent de la consommation d’un millier de ménages. En termes de combustibles, les économies générées correspondent à 1,8 million de litres de mazout, soit 5580 tonnes de CO2 par année.

Site web et dates-clés à retenir : 

  • Site du canton pour le programme REE
  • Délai de remise du formulaire d’éligibilité REE-2023 : 31 mai 2023
  • Phase 2, dépôt du projet définitif : 29 septembre 2023
  • Phase 3, démarrage de la réalisation : 31 octobre 2023

 

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation

data

« La data sert aussi à réduire la consommation d’énergie »

Dans un contexte où la transition énergétique est devenue un enjeu majeur, les entreprises du secteur de l’énergie cherchent des solutions pour répondre aux défis qui se posent à elles. L’utilisation des données est l’un des leviers. Nils Rinaldi, responsable des activités d’analyse et de science des données chez Romande Energie, explique en quoi consiste son métier et comment la collecte et l’analyse de données permettent d’optimiser les réseaux électriques et de réduire la consommation d’énergie.

 

 

Tout d’abord, pourriez-vous préciser ce qu’est la data ?

La data est une expression courante qui désigne les données numériques stockées sous forme électronique dans des bases de données et qui peuvent être traitées par des ordinateurs. Mais il faut démystifier le monde de la data, parce que la compréhension de l’utilité des données est à la portée de tout le monde. Quand une entreprise réalise un bilan chiffré par exemple, il s’agit déjà d’un rapport basé sur des données. En fait, beaucoup en stockent depuis des années, mais ne les utilisent qu’à des fins opérationnelles.

 

Vous êtes responsable de la l’équipe data chez Romande Energie. Quel est le rôle de votre service ?

Notre récoltons, analysons et valorisons les données par le biais d’analyses descriptives (soit basées sur le passé), ou pour formuler des scénarios prescriptifs (recommandations et actions). On tente d’anticiper au maximum les besoins à venir, ce qui nous permet par exemple de dimensionner le réseau électrique au plus juste en fonction des prévisions de consommation, d’optimiser le fonctionnement de turbines de production ou de gérer les réserves hydrauliques, notamment durant la période hivernale. Il y a un outil qui nous aide à poser des analyses plus avancées, c’est le machine learning (apprentissage automatique, ndlr) : en se basant sur un modèle d’apprentissage, il est possible d’estimer ce qui va se passer dans quelques mois, et donc d’entreprendre des actions en conséquence. Mais on a besoin pour cela d’un grand volume de données.

En parallèle, nous passons également beaucoup de temps à écouter le métier, par exemple nos collègues qui exploitent et planifient le réseau, ou encore ceux qui négocient ou achètent l’énergie. Le but est de comprendre leurs besoins, afin de leur fournir les chiffres nécessaires à piloter au mieux leurs activités. Alors on récolte et on nettoie les données erronées ou de mauvaise qualité, puis on les normalise afin qu’elles puissent être exploitables dans un tableau de bord, tel un cockpit d’avion qui nous permet de nous guider, même en période de turbulences.

 

Qu’est-ce que ces analyses de données apportent aux clients de Romande Energie ?

On aide par exemple les grands consommateurs à analyser leur situation en interprétant leurs données. On les accompagne également dans la réduction de leur consommation. Pour les clients individuels, on déploie actuellement des compteurs intelligents dans les habitations qui enregistrent des mesures de consommation à une granularité de 15 minutes. Et pourquoi un enregistrement au quart d’heure ? Pour dimensionner notre réseau au plus près des besoins. Aujourd’hui, on réfléchit par exemple en termes de sécurité, alors on prévoit le pire et on dimensionne le réseau (p.ex. la taille d’un câble de cuivre) au maximum. Mais on pourrait être plus fin et précis : ce câble pourrait être finalement moins gros et ainsi plus économe. Les compteurs intelligents sont des mines d’or. Ils permettent notamment aux clients de voir rapidement leurs efforts d’économie sur leur consommation.

La Confédération a estimé dans une étude datant de 2012 que le déploiement des compteurs intelligents serait rentable, via des avantages économiques estimés entre 1.5 et 2.5 milliards de CHF, principalement découlant d’économies d’électricité chez les clients finaux. Une meilleure visibilité de la consommation électrique permet une meilleure maîtrise des coûts induits.

La data ne sert pas forcément à vendre plus de produits, elle est aussi là pour nous aider à réduire la consommation d’énergie.

 

Et comment intégrez-vous la question de la protection de la vie privée, dans cette démarche qui vise à récolter des données sur les habitudes de consommation de la population ?

Les données de consommation sont évidemment nécessaires pour la cellule de facturation, mais uniquement dans une version agrégée : il leur est possible de voir la somme de la consommation sur une certaine période et facturer en fonction, c’est tout.

En outre, la loi ne nous permet pas de consulter les données des compteurs intelligents en temps réel : les données de mesure enregistrées par quart d’heure ne sont rapatriées en central dans nos serveurs qu’une seule fois par jour, ce qui renforce la confidentialité des données.

Pour les autres traitements hors facturation, nous mettons en place un découpage entre le client et le compteur intelligent : on ne connaît pas la consommation de telle ou telle maison. Les données nous permettent néanmoins de comprendre le niveau de charge agrégé à un niveau plus haut du réseau (station de transformation par exemple).  Il faut une gouvernance de données qui soit forte. Mais nous avons besoins de ces datas : avant, la consommation était linéaire et anticipable. Aujourd’hui, avec le déploiement des panneaux solaires, la production s’est décentralisée, et l’avènement des voitures électriques ou des pompes à chaleur rend l’estimation de la consommation plus complexe.

 

Donc, heureusement que la data est là pour nous aider à relever les défis énergétiques ?

Il est certain que les data sont des aides précieuses. Mais il faut aussi rappeler qu’il existe une mesure rapide et efficace pour faire baisser notre consommation, c’est viser plus de sobriété dans nos comportements.

 

Vous avez rejoint le monde de l’énergie il y a à peine trois ans. Qu’est-ce qui vous a surpris en intégrant ce secteur ?

Qu’on soit autant dépendant du reste du monde ! On croit que la Suisse est énergétiquement autosuffisante, mais nous avons un grand déficit hivernal. La situation géopolitique a mis en lumière cette forte interdépendance avec l’Europe. J’ai aussi découvert l’égoïsme, ainsi que la disparité de politique énergétique des différents pays, notamment européens. J’ai été surpris de cette collaboration difficile, alors qu’il est important d’être solidaires pour amortir les chocs liés au conflit en Ukraine, ou les récentes maintenances prolongées d’une partie du parc nucléaire français.

 

Quels conseils donneriez-vous à qui souhaite se lancer dans ce métier d’analyses de données et quelles qualités sont recherchées pour ce domaine ?

Le métier d’ingénieur data ou de data scientist est relativement nouveau. À l’époque où j’ai fait mes études à l’EPFL, la filière n’existait pas encore. Il y a aujourd’hui des formations plus spécifiques et les passerelles entre les écoles sont possibles, ce qui permet à des profils très différents de rejoindre le monde de l’analyse et la science des données. L’industrie de l’énergie devient de plus en plus friande de ces profils. Ceux que l’on trouve sur le marché ont généralement une formation en ingénierie électrique ou en science des données. Mais nous avons de la peine à trouver des candidats pour les postes liés à la data dans l’énergie.

Quant aux qualités requises ? Nous aimons que les nouveaux collaborateurs aient une curiosité pour le métier. Si les compétences techniques spécifiques data sont nécessaires, il est important de savoir ce qu’est un kilowattheure ou d’être curieux à propos des problématiques métiers. Les clients de l’énergie sont avant tout celles et ceux qui travaillent au quotidien avec l’énergie, et le plus important pour nous est que ces données leur soient utiles.

 

Joëlle Loretan

Rédactrice

Biocity : la ville comme une forêt ?

Concentrant une majorité croissante de la population mondiale, les villes sont au cœur des problématiques soulevées par les défis bioclimatiques et énergétiques actuels. Pour garantir leur habitabilité et limiter leur empreinte, elles sont appelées à se transformer en profondeur. Le concept de la « Biocity » propose une nouvelle vision d’avenir holistique inspirée par la forêt.

Un agenda de recherche pour la Biocity

Dans la visée des objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU, de nombreuses initiatives ont déjà été lancées sur différents thèmes pour repenser la ville : Smart City, Biophilic Cities, Carbon Neutral Cities Alliance, etc. Le concept de Biocity (ou Bio-based city) fait le pari d’apporter une vision foncièrement holistique et systémique, permettant de réunir les idées fortes d’autres initiatives à travers le prisme d’une ville basée sur le vivant, et plus spécifiquement inspirée de la forêt.

Cette nouvelle vision a été lancée en 2020 par l’Institut Européen des Forêts (European Forest Institute, EFI), avec un appel à contributions débouchant sur un double projet mené avec des groupements de recherche parallèles. Le premier, basé en Italie, achève de publier un « Green Book of Biocities » sous la forme d’un manifeste intitulé « Transforming Biocities. Designing Urban Spaces Inspired by Nature » (à paraître en anglais chez Springer Link en juin 2023). Le second groupe, réunissant sept partenaires internationaux dont la Haute école spécialisée de Berne et l’institut WSL, a établi un agenda de recherche sur les recettes pour les « Biocities ». Celui-ci est pensé comme le document fondateur pour des recherches et pour les initiatives ultérieures qui seront entreprises par l’EFI via sa nouvelle « Biocities Facility » lancée en 2022 à Rome.

 

La Biocity en 10 principes

La définition de la Biocity proposée dans l’agenda de recherche se décline en 10 principes de base, orientés selon des perspectives différentes. Leur formulation vise à donner une idée de ce à quoi une future Biocity devrait ressembler, et comment elle devrait fonctionner. Chaque principe se base sur des éléments-clés issus de la recherche dans les champs associés.

1. La Biocity comme une forêt
2. La Biocity auto-suffisante
3. La Biocity multi-échelle
4. La Biocity vivante et en santé
5. La Biocity de la bioéconomie circulaire
6. La Biocity de la faible mobilité connectée
7. La Biocity équilibrée entre urbain et rural
8. La Biocity de la culture locale
9. La Biocity intemporelle
10. La Biocity universelle

1. La Biocity en tant que forêt
La Biocity ne produit pas d’émissions nettes de dioxyde de carbone (CO2) et d’autres gaz à effet de serre (GES), mais plutôt une absorption nette, à l’instar d’un écosystème forestier (Harris et al. 2021). La Biocity interagit intentionnellement avec les arbres et les forêts à l’intérieur et à l’extérieur du périmètre urbain pour bénéficier des biens et des services qu’ils fournissent de manièr durable, à la fois pendant leur vie et lorsqu’ils sont incorporés dans les matériaux de construction.

2. La Biocity autosuffisante
La Biocity produit localement les ressources dérivées dont elle a besoin pour son fonctionnement. Elle produit de l’énergie grâce à ses propres systèmes renouvelables, extrait l’eau de ses propres bassins ou sous-sols naturels et cultive de la nourriture et de la biomasse (dans la Biocity ou la Biorégion associée) pour sa propre population (Guallart 2014).

3. La Biocity multi-échelle
La Biocity doit être organisée de manière à ce que chacun de ses niveaux, du sous-sol au sol, du bâtiment principal aux toits, puisse développer différentes fonctions qui se renforcent mutuellement et fournir des ressources en utilisant des éléments d’infrastructures vertes, bleues, brunes et grises pour desservir la Biocity dans son ensemble (Silva et al. 2020).

4. La Biocity vivante et en santé
La Biocity n’est pas seulement un ensemble d’établissements humains, mais les gens font partie d’un écosystème. Étant donné que les Biocities sont nécessairement des zones urbaines qui favorisent un large spectre de vie (bios), le bien-être humain et la biodiversité sont favorisés par les mêmes stratégies multi-scalaires comme dans les écosystèmes naturels. Pour ce faire, la biodiversité est utilisée pour faciliter la fourniture de services écosystémiques (SSE) (Brockerhart). (Brockerhoff et al. 2017).

5. La Biocity de la bioéconomie circulaire
Les bioéconomies circulaires et évolutives font de la Biocité un système vivant et régénérateur, doté d’approches de gouvernance dynamiques qui renforcent les hiérarchies d’activités interconnectées. Celles-ci sont en constante réinvention et génèrent de nombreuses opportunités d’emploi grâce à l’utilisation et au développement de matériaux locaux biosourcés et recyclés pour fabriquer, entretenir et améliorer les produits nécessaires au bon fonctionnement de la Biocity (Silliman et Angelini 2012).

6. La Biocity connectée à faible mobilité
La Biocity à faible mobilité favorise les changements d’habitudes de sa population. Grâce à la réorganisation fonctionnelle d’une zone urbaine, tous les services de base nécessaires à la vie sont rendus facilement accessibles dans un rayon de 15 minutes à pied ou à vélo (Moreno et al. 2021). La Biocity connectée permet aux individus d’échanger des biens et des informations et permet à la société de fonctionner, de circuler et de progresser ensemble de la manière la plus durable, la plus efficace et la plus efficiente possible. (Simard et al. 2012).

7. La Biocity équilibrée entre urbain et rural
Des frontières douces, floues, graduées, fluides et réciproques entre des écosystèmes naturels distincts (écotones) optimisent la santé et la fonction. De même, des symbioses et des dialogues impartiaux entre la biocité urbaine et la biorégion rurale correspondante permettent aux systèmes urbains de travailler en harmonie avec les systèmes naturels de leurs environnements territoriaux. Cet équilibre alimente donc les économies urbaines et rurales, grâce à la croissance de chaînes de valeur biosourcées régionales florissantes (Yahner 1988).

8. La Biocity de la culture locale
La Biocity est non seulement adaptée au climat et à l’environnement locaux, mais elle promeut également une identité matérielle, culturelle et sociale fondée sur son histoire et ses traditions locales uniques, grâce à des échanges continus avec le reste du monde par l’intermédiaire de réseaux physiques et d’information. Grâce à un écosystème de gouvernance intégré comprenant un processus décisionnel ascendant et descendant avec des droits communaux, les résidents locaux et les communautés s’engagent de manière proactive dans l’autodétermination des réalités et des réseaux d’influence de leur Biocity.

9. La Biocity intemporelle
Dans une Biocity mature, les espaces bleus urbains accessibles au public et la nature verdoyante (sous forme de forêts, de prairies, etc.) offrent des opportunités de vie à une population diversifiée de citoyens. Ces lieux publics et accessibles offrent des espaces démocratiques conformes aux perceptions de justice de toutes les parties prenantes concernées et aux normes mondialement acceptées en matière de droits de l’homme. Ce faisant, ils perpétuent la valeur du patrimoine humain et naturel passé et garantissent les infrastructures qui seront nécessaires pour relever les défis de demain.

10. La Biocity universelle
Au sein de la Biocity, la priorité est donnée à la biodiversité, non seulement pour abriter une variété d’espèces, mais aussi pour maximiser l’accessibilité à tous les citoyens, quels que soient leurs capacités, leur âge, leur race, leur appartenance ethnique, leur religion, leur profession, leur sexe, leurs revenus ou leur niveau d’éducation, tout en limitant les déplacements forcés dus à l’embourgeoisement. L’implication des citoyens est naturelle à tous les niveaux. En fin de compte, la Biocity universelle éliminera les inégalités et les injustices environnementales systémiques et structurelles.

Les 10 principes de la Biocity (traduit de l’anglais par l’auteur)

 

Jerylee Wilkes-Allemann, chercheuse à la Haute école spécialisée bernoise et autrice principale de l’agenda de recherche, reconnaît que les principes sont très nombreux et pour certains presque utopiques. Pour elle, les villes devraient intégrer au moins une partie de ces principes pour devenir des Biocities. L’idée est surtout d’aider à forger une vision d’ensemble, et de stimuler la réflexion.

Le premier principe, la « Biocity comme une forêt » est particulièrement évocateur de cette vision inspirée de la nature. Pour Jerylee Wilkes-Allemann, les arbres et les forêts urbaines doivent être considérés comme la colonne vertébrale de la ville. Leurs apports concrets sont nombreux et interconnectés. On peut citer notamment le stockage de carbone, la réduction de l’effet d’îlot de chaleur, le renforcement de la biodiversité, l’amélioration de la qualité de l’air, la promotion de la santé publique, l’encouragement de l’activité physique et la réduction des coûts de santé. Sur ce dernier point, des revues sur les études récentes ont confirmé les effets positifs des arbres et des forêts sur la santé physique et mentale (Nilsson et al., 2019). Une étude de 2015 a aussi montré que la nature urbaine contribue à la cohésion sociale et à une baisse de la criminalité (Wettstein et al., 2015).

La forêt inspire aussi la vision générale sur d’autres aspects connexes. Pensée comme un écosystème, la ville devrait chercher à équilibrer ses flux et les interactions systémiques en son sein, pour se renouveler constamment (principe 2). Dans l’idée d’une transition vers une bioéconomie circulaire (principe 5), les forêts deviennent par exemple aussi une source de bois pour la construction et la production énergétique locale.

 

La Biocity est-elle déjà une réalité ?

La Biocity s’ancre dans une vision résolument transversale et multithématique. L’agenda de recherche identifie cinq grands champs thématiques à explorer : biodiversité, environnement humain et social, gouvernance, résilience climatique et bioéconomie circulaire.

 

schema-biocity

Champs de recherche utilisés pour développer l’agenda de recherche de la Biocity

 

Bien que de nombreuses villes s’engagent maintenant concrètement sur ces thématiques, cela n’en fait pas encore des Biocities, comme l’explique Jerylee Wilkes-Allemann. Malgré leur ambition, les approches déjà déployées sont encore souvent sectorielles ou dédiées à des thématiques particulières, sans une réelle vision intégrée comme le prône la Biocity.

Dans le domaine de la « reforestation urbaine », les villes romandes comme Genève ou Lausanne se sont déjà dotées d’outils concrets comme les plans climats et plans canopée ambitieux. Ces deux villes se sont notamment lancées dans de grands programmes d’arborisation, et Genève a aussi récemment réalisé des mini-forêts (plantations très denses d’arbres de différentes essences indigènes) et des pépinières urbaines.

Ces initiatives sont salutaires mais Jerylee Wilkes-Allemann rappelle que la Biocity demande une vision plus large, et surtout une collaboration plus étroite entre les acteurs et services concernés. En Suisse, lors de la création d’un nouveau quartier, il est encore rare qu’une coordination se fasse avec les services en charge de la foresterie urbaine. De plus, la valeur des espaces de nature est encore insuffisamment considérée par rapport au bâti. Quand des surfaces libres sont à vendre, la réalisation d’un parc devrait être réellement attrayante en termes de rentabilité, en raison des nombreux services écosystémiques et des effets positifs évoqués précédemment (notamment la réduction des coûts de la santé, la baisse de la criminalité, etc.).

 

Perspectives en Europe et en Suisse

L’agenda de recherche européen de l’EFI a identifié de nombreuses questions dans lesquelles la recherche doit encore être poussée, et ce de la recherche fondamentale à des aspects opérationnels touchant aux stratégies, aux politiques publiques et à la participation citoyenne. Des projets de mise en œuvre devraient bientôt émerger en partenariat avec des villes européennes, et peut-être en Suisse également. Des exemples de bonnes pratiques seront aussi documentés et communiqués pour inspirer d’autres villes.

Le réseau suisse pour la foresterie urbaine ArboCityNet que dirige Jerylee Wilkes-Allemann est déjà actif pour rapprocher les acteurs concernés par la thématique. Des rencontres, des échanges d’expériences dans le secteur professionnel sont proposés, ainsi que des formations sur la foresterie urbaine, un nouveau champ prometteur pour la transformation des villes vers la Biocity.

 

Mathieu Pochon

Ingénieur environnemental

 

Pour aller plus loin :

calculateurs

Calculateurs d’empreinte écologique : lesquels choisir et pourquoi ?

En ligne, différents sites proposent de calculer son empreinte carbone. Alimentation, mode de vie ou encore mobilité, les paramètres pouvant être pris en compte varient. Nous vous proposons un petit tour d’horizon des calculateurs disponibles et de leur pertinence selon vos préoccupations durables.

Dans le contexte environnemental actuel, il vous est certainement déjà venu à l’esprit de vouloir connaître votre empreinte écologique. Pour ce faire, de nombreux sites et organismes proposent des outils en ligne pour évaluer son impact environnemental, dont son empreinte carbone. Basés sur des questionnaires et prenant en compte des critères variés, ces calculateurs s’adressent aux particuliers comme aux entreprises, en ciblant des comportements et modes de vie différents.

Quels sont les critères sur lesquels ces outils se basent ? Quelle est leur pertinence selon ce que l’on souhaite identifier en termes d’impact environnemental ? Et vers quels calculateurs s’orienter en tant que particulier ou entreprise en fonction de ses objectifs ? On fait le point.

Empreinte carbone et écologique, quelle différence ?

Avant de nous intéresser de près aux différents calculateurs de référence disponibles en Suisse, arrêtons-nous un instant sur une distinction clé pour comprendre les résultats fournis par ces plateformes en ligne. Celle de l’impact carbone et de l’impact écologique (ou environnemental).

De manière générale, de nombreux indicateurs peuvent être pris en compte lorsqu’il s’agit d’identifier et quantifier des enjeux environnementaux. Parmi ces indications, on en retrouve deux principales. L’empreinte carbone fait référence à l’impact de son mode de vie en termes d’émissions de CO2. Une valeur claire, aisément comparable aux émissions de gaz à effet de serre des acteurs économiques et industriels les plus problématiques d’un point de vue environnemental. Autre indication généralement utilisée, l’empreinte écologique. Contrairement à l’empreinte carbone, qui donne une information en termes d’impact d’une pratique donnée sur les changements climatiques, l’empreinte écologique fournit une information en termes de disponibilité des ressources. Dans l’analyse de résultats fournis par un calculateur, cette notion sera par exemple retranscrite en nombre de planètes nécessaires – comprendre les ressources disponibles sur la Terre pour supporter – le mode de vie identifié et quantifié lors de l’évaluation, si la population mondiale vivait de la sorte.

Dans tous les cas, quel que soit le système de valeurs proposé pour comprendre l’impact de son mode de vie sur la planète, l’idée consiste à chaque fois à donner des indicateurs compréhensibles. Ce qui explique que, dans la majorité des tests disponibles via les calculateurs en ligne, les résultats chiffrés sont quasiment toujours accompagnés d’explications comparatives avec des moyennes nationales, internationales et idéales pour enrayer le changement climatique, en se basant par exemple sur les objectifs principaux de l’Accord de Paris, afin de pouvoir se situer de manière concrète et parlante. Un effort didactique soigné chez la plupart des organisations proposant ces calculateurs qui se traduit aussi par des représentations de valeurs en objets (en convertissant par exemple la dépense calorique liée à une expédition réalisée à cheval en nombre de bottes de foin). De quoi s’y retrouver et permettre au grand public de pouvoir naviguer clairement entre ces tests, leurs résultats et leurs recommandations pour contribuer à sauvegarder la planète et ses précieuses ressources.

WWF, le calculateur individuel complet

En Suisse, parmi les calculateurs les plus connus, on trouve bien sûr celui proposé par le WWF. Alimentation, mobilité ou encore habitat mais aussi habitudes de consommation et loisirs constituent autant de paramètres passés en revue au fil des 38 questions du test. Tout au long de l’évaluation, un indicateur d’empreinte écologique nous informe sur ce que chaque réponse au questionnaire représente en termes d’impact CO2 annuel. Une donnée qui, pour être plus parlante, est également traduite en nombre de sacs poubelle de 35 litres que cela représente au quotidien. Selon ses bonnes pratiques, le calculateur met aussi ces quantités à jour en les réduisant, par exemple si l’on consomme des produits bio ou si l’on gaspille très peu de denrées alimentaires.

Pensé de manière très réaliste, le choix offert dans les réponses permet véritablement de fournir des indications fiables quant à ses habitudes de vie, sans pour autant devoir connaître de manière hyper détaillée et technique tous les aspects y étant liés. Une fois arrivé au terme du test, le calculateur donne un résultat en équivalent CO2 par année, comparé à la moyenne nationale et mondiale. Enfin, pour réellement impacter l’utilisateur, le système fournit aussi une indication quant au nombre de planètes nécessaires – en termes de ressources – si l’ensemble de la population mondiale avait la même empreinte. Une évaluation détaillée à télécharger est également proposée à l’utilisateur au terme du questionnaire.

myclimate, l’évaluation individuelle rapide et incitative

Proposé en ligne par myclimate, le calculateur de la fondation propose un rapide survol en huit points sur ses habitudes alimentaires, de déplacement et de loisirs, sans oublier des aspects liés à son habitat. Relativement limité dans le choix des réponses, le système propose ensuite un résultat sous forme d’émissions de carbone annuelles. Une distinction permet d’identifier son empreinte par segment : mobilité, consommation, habitat et services publics.

Avec un comparateur indiquant l’empreinte moyenne par habitant à l’échelle européenne et celle qu’il ne faudrait pas dépasser pour enrayer le changement climatique, le calculateur incite par ailleurs à passer à l’action en « assumant la responsabilité de ses émissions de CO» en soutenant financièrement des projets de protection climatique dans des pays en développement et émergents ou en Suisse.

Swiss Climate, le calculateur par catégorie adapté aussi aux petites entreprises

Du côté de Swiss Climate, le calculateur en ligne proposé cible autant les particuliers que les petites entreprises. Le système comprend une évaluation rapide et sommaire sur les thématiques qui suivent : habitat et énergie, mobilité, alimentation, consommation. À l’issue du test, les résultats sont donnés en émissions de CO2  par année avec un comparateur lié à la moyenne suisse ainsi que la valeur théorique idéale par personne en 2030 et 2050. Ces valeurs théoriques idéales sont calculées de manière à réduire les émissions globales de CO₂ dans l’optique d’atteindre l’objectif climatique de l’Accord de Paris. Pour rappel, cet objectif consiste à limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C ou 2°C au maximum par rapport à la période préindustrielle. Pour l’atteindre, il convient de diminuer les émissions de 2,9 t de CO₂ (2030) ou de 1,5 t de CO₂ (2050) par année et par personne.

Chez Swiss Climate, le calculateur élaboré propose en outre des tests supplémentaires par thème. Voyages en avion, événements et petites entreprises constituent autant d’entrées possibles pour identifier de manière précise et détaillée l’impact environnemental d’un déplacement par avion, d’un événement corporate ou encore du fonctionnement de sa société. Au terme des tests, le calculateur prévoit par ailleurs différentes mesures de réduction permettant à tout un chacun d’en savoir plus sur les causes principales de son empreinte écologique tout en apprenant comment diminuer son impact sur des points précis. Une véritable mine d’informations permettant de sensibiliser et d’éduquer le grand public de manière impactante. Enfin, mentionnons encore que Swiss Climate propose aussi de participer financièrement à des projets de compensation de ses émissions de CO₂ en Suisse et à l’international.

Mobility-Impact, limpact des trajets sur le climat

Mis au point par le portail d’informations energie-environnement.ch, développé par les services de l’énergie et de l’environnement des cantons de Berne, Fribourg, Genève, Jura, Neuchâtel, Valais et Vaud, le calculateur Mobility-Impact se focalise sur la mobilité. Voyage d’un point A à un point B ou encore expédition internationale par étapes peuvent être calculés et comparés en fonction des différents modes de transport sélectionnés.

Nombre de litres de kérosène utilisés pour un voyage en avion, volume de CO₂ généré par personne ou encore nombre de kilocalories nécessaires dans le cas où l’on planifierait par exemple une expédition à cheval, à vélo ou à pied représentent autant de données et indications accessibles via le calculateur. Un système des plus complets qui allie volet informatif et côté ludique, avec à chaque fois des valeurs et mesures comparatives claires, en transposant les indications chiffrées en objets et équivalents compréhensibles.

TCS, les automobiles scrutées écologiquement

Pour rester dans la problématique de la mobilité, notons aussi que le TCS propose depuis quelques années déjà un comparateur de modèles permettant d’évaluer différentes voitures entre elles. Données techniques, coûts d’exploitation et bilans climatiques figurent ainsi parmi les paramètres scrutés par le système pour donner ses résultats.

Le système permet ainsi d’obtenir un comparatif détaillé en mettant en compétition les modèles de quasiment toutes les marques. Après les détails des résultats techniques, chaque modèle est labellisé avec son étiquette-énergie – notation comprise entre A, meilleure performance énergétique, et G, moins bonne performance énergétique.

Enfin, mentionnons encore le fait que ces calculateurs sont surtout à considérer comme étant un moyen ludique et pratique de connaître son point de départ en termes d’empreinte écologique, afin de pouvoir ensuite identifier quels sont les domaines dans lesquels on peut facilement agir. Une progression à faire par petits pas, sans devoir forcément changer son mode de vie de manière radicale. À vous de jouer !

 

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation

réseau

Maintenir l’équilibre sur le réseau électrique

Swissgrid mène un projet pilote qui se base sur la technologie de la blockchain. Le but ? Développer une solution pour compenser les fluctuations à court terme dans le réseau de transport au moyen de petites sources d’énergies décentralisées, mais également offrir une meilleure coordination entre les différents acteurs de l’énergie. Il s’agit de la première utilisation de cette technologie au monde dans le domaine de la puissance de réglage primaire au sein de systèmes électriques.

À l’avenir, la production d’électricité deviendra moins flexible et plus difficile à prévoir, en raison de la croissance des sources renouvelables, prévient Swissgrid. En effet, la montée en puissance de ces énergies entraîne une décentralisation et une volatilité accrue de la production, avec des énergies solaire, hydraulique au fil de l’eau et éolienne qui dépendent fortement des conditions météorologiques, de l’heure de la journée et de la saison. À cela s’ajoute l’électrification de notre société (électromobilité, pompes à chaleur, etc.), générant une plus forte demande et des heures de pointe de consommation variables. Afin de garantir le meilleur équilibrage possible sur le réseau, Swissgrid développe des solutions pour accroître la souplesse de production et de stockage.

La gestion des congestions sur le réseau

« Nous allons au-devant de problèmes dans les différents niveaux de réseau avec cette évolution rapide des ressources énergétiques distribuées, explique Raphaël Wu, spécialiste marché et conception des systèmes chez Swissgrid. Il s’agit d’une part de maintenir l’équilibre avec la flexibilité des énergies qui entrent dans le réseau, et d’autre part d’éviter les goulets d’étranglement. » Emanuele Colombo, conseiller stratégique chez Swissgrid, ajoute que la gestion de la sûreté du système repose sur – au moins – deux piliers principaux : l’équilibrage et la gestion des flux. « Il faut comparer le réseau électrique au réseau routier, illustre-t-il. Prenez l’autoroute Paris-Marseille en plein été, avec des bouchons et des voitures qui klaxonnent. C’est la même idée pour le réseau électrique ; on parle alors de gestion des congestions. » Les ressources développées au sein du projet Equigy aideront ainsi à lisser les fluctuations sur le réseau de transport et de distribution, tout en développant des méthodes de coordination qui permettent aux différents acteurs de l’énergie de travailler en bonne intelligence.

La technologie de la blockchain au cœur du système

Afin d’intégrer les petites unités décentralisées de manière simple, évolutive et sûre au marché de l’énergie de réglage, on compte sur la technologie de la blockchain. La plateforme choisie s’appelle Crowd Balancing Platform, de la société Equigy, et se veut disponible en open source afin d’éliminer au maximum la discrimination et d’encourager la diffusion de la solution. « Si la blockchain est déjà utilisée dans d’autres domaines, elle est nouvelle dans le monde des systèmes électriques » précise Emanuele Colombo.

En-dehors de nos frontières, Equigy mène d’autres projets similaires afin de tester la robustesse et la pertinence de la solution. Le gestionnaire de réseau de transport (GRT) allemand et néerlandais TenneT a ainsi confirmé sa faisabilité technique lors d’un essai aux Pays-Bas et en Allemagne, avant de fonder un joint-venture avec le gestionnaire de réseau de transport italien Terna et Swissgrid, pour une mise en œuvre de cette technologie en Europe.

En résumé, le projet Equigy vise deux buts principaux :

  • tester dans quelle mesure les sources d’énergie et de consommateurs décentralisés (batteries domestiques, installations photovoltaïques, pompes à chaleur, voitures électriques) peuvent participer à compenser des fluctuations à court terme sur le réseau de transport et de distribution
  • s’appuyer sur la technologie blockchain afin de standardiser les processus, sécuriser les échanges de données, et améliorer la coordination entre les différents acteurs (gestionnaires de réseaux de distribution, gestionnaires de réseaux de transports, propriétaires de sources flexibles).

La suite donnée au projet pilote ?

La première phase du projet achevée en décembre 2022 a permis de définir les bases, les conditions-cadres et les exigences commerciales. Raphaël Wu précise que l’idée d’accéder à une flexibilité distribuée est nouvelle et que tout a dû être repensé. « Les marchés existants sont optimisés pour les grandes centrales de production et beaucoup d’aspects ne sont pas adaptés à la distribution de petites ressources. »

La deuxième étape durera jusqu’à la fin de 2024 et vise à améliorer les processus de coordination. « Nous allons voir dans quelle mesure le projet peut être déployé à grande échelle, avec des milliers de batteries et un grand nombre d’acteurs, ajoute Emanuele Colombo.

Le projet Equigy est novateur a bien des égards. Il se situe à la croisée de plusieurs domaines (technologie, marché, sécurité IT, production et distribution d’énergie, etc.) et souhaite lever les embûches empêchant de connecter de manière globale, sûre et efficace les chemins de traverse de la production électrique et les autoroutes du transport et de la distribution.

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Interview croisée entre…

Jérémy Plumejeau et Emanuele Colombo, respectivement responsable des relations avec les partenaires énergéticiens et conseiller stratégique chez Swissgrid.

L’un des buts principaux du projet Equigy est de maintenir l’équilibre sur le réseau de distribution, en visant une fréquence de 50 Hertz et à l’aide de l’énergie de réglage. En quoi est-ce important ?

 

 

Jérémy Plumejeau (JP) : Pour garantir la stabilité sur le réseau et la sécurité de l’exploitation, il faut maintenir en temps réel l’équilibre entre la production et la consommation via l’énergie de réglage. Il s’agit d’une réserve que les fournisseurs mettent à notre disposition et qui peut être injectée sur le réseau à court terme. Si la consommation d’électricité augmente ou qu’une centrale tombe en panne par exemple, nous demandons alors aux producteurs de fournir davantage d’énergie dans le réseau, et inversement lorsque la consommation diminue.

 

 

 

Emanuele Colombo (EC) : Le défi est de maintenir cet équilibre, avec un nombre croissant de sources d’énergies décentralisées et en l’absence de solutions pour stocker en grande quantité l’énergie renouvelable. Pour l’anecdote, le signal est si stable sur le réseau, que les horloges des CFF se calent dessus. Il y a quelques années, le Kosovo a connu un souci de fréquence sur son réseau, qui est interconnecté au réseau européen comme le réseau suisse, ce qui a induit des retards de plus de six minutes sur les horloges des gares en Suisse.

Et où piochez-vous cette énergie de réglage ?

EC : C’est une bonne question et c’est la clé d’Equigy. Jusqu’ici nous faisions appel à des ressources raccordées au réseau de transport, soit les grandes centrales de production. Ce sont elles qui ajustaient à la hausse ou à la baisse pour équilibrer le réseau. Aujourd’hui, nous devons trouver les solutions pour puiser dans ces énergies différentes et décentralisées. La coordination avec les réseaux de distribution est alors essentielle, puisque c’est à leur niveau que les ressources sont connectées. D’où l’intérêt, d’une part de bien se coordonner entre gestionnaires de réseaux de distribution et gestionnaire de réseau de transport pour identifier ensemble des solutions.

Swissgrid se penche sur cette question de la décentralisation de la production d’énergie et l’adaptation du réseau depuis quelques temps déjà. Pourriez-vous nous en dire plus sur les réflexions à ce sujet ?

EC : L’intérêt qu’on porte aujourd’hui au système énergétique est lié à l’actualité, mais nous avons effectivement commencé à adapter le système électrique il y a quelques années déjà, pour qu’il puisse absorber l’impact de la production indigène de renouvelables, mais également celle de nos pays voisins. Car rappelons que nous avons 41 lignes d’interconnexions avec le réseau européen.

Dans le milieu de l’énergie, on parle par ailleurs d’une économie du temps long, car les investissements prennent du temps pour être rentabilisés. Or, on constate que nous connaîtrons davantage de changements ces dix prochaines années que ceux vécus ces vingt dernières, et bien plus rapides. Nous devons alors être capables de nous adapter très rapidement et de rendre plus agiles nos manières de fonctionner. Il faut être réactif, mais également proactif. Essayer autant que possible d’anticiper, tout en sachant que l’avenir est de plus en plus incertain. C’est un véritable changement de postures.

JP : Swissgrid souhaite renforcer la collaboration et la coordination avec les gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) et Equigy est une des initiatives qui visent à renforcer cette coordination et les échanges de données. Jusqu’il y a peu, on gérait le réseau de manière individuelle et confidentielle. Les choses bougent et cela nous a permis de lancer ce genre de projets pilotes avec des partenaires de toutes les régions de la Suisse. Nous avons beaucoup à apprendre de nos GRD et l’inverse est également valable.

On parle d’« électrifier la société ». Pourtant, plusieurs voix s’élèvent et questionnent ce choix, alors qu’on peine aujourd’hui à intégrer les sources renouvelables et que la question d’une pénurie n’est plus une notion si abstraite. Quel regard portez-vous sur ces remarques ?

EC : Quels que soient les avis, ce qui est certain, c’est qu’il faut décarboner l’économie. Pour l’énergie cela signifie réduire drastiquement les sources d’énergie qui ont un impact sur les émissions de gaz à effet de serre. Nous n’évoluons pas dans la bonne direction : +1.5° d’ici 2030 ! selon le dernier rapport du GIEC sorti le 20 mars 2023. L’histoire humaine documentée n’a pas de traces de telles augmentations. Il faut donc réduire l’impact des énergies fossiles, tout en ayant une économie qui se développe. On anticipe alors une baisse de la consommation « fossile », mais une augmentation de la consommation en électricité. Les scénarii énergétiques sont développés par les politiques ; notre rôle est de développer les réseaux en fonction de ces décisions, tout en éclairant sur les défis et les opportunités liés à tel ou tel développement.

JP : Le scénario-cadre 2030-2040 de l’OFEN (scénario « Référence ») prévoit 24 gigawatts de photovoltaïques installés en 2040 ; nous en sommes aujourd’hui à près de 4 gigawatts. Pour atteindre ces objectifs, on parle – entre autres – de grands parcs solaires alpins à raccorder au réseau de transport. Mais si la Confédération accorde des subventions et des procédures accélérées pour des projets solaires et éoliens, il n’y a actuellement rien de tel pour le réseau de transport. Or, les infrastructures nécessaires – postes de transformation, lignes – à raccorder ces grandes installations prennent du temps à être réalisées. Quand on voit que le projet d’installer cinq turbines éoliennes au Saint-Gothard a pris dix-huit ans à aboutir et que la politique énergétique pose des échéances à 2040, on se questionne tout de même. Les producteurs sont dépendants de nos procédures et nous aurons un décalage entre la rapidité de production et la lenteur au niveau du réseau. On tentera de dimensionner ce dernier au mieux pour répondre aux besoins, mais l’équation n’est pas évidente.

 

Joëlle Loretan

Rédactrice

effet rebond

L’effet rebond: ou comment le gain d’efficacité énergétique peut cacher une surconsommation

La notion d’effet rebond n’est pas nouvelle. Cependant, celle-ci peine à trouver une application concrète en matière de planification énergétique. Aussi, elle mérite de sortir des sphères académiques, non sans être d’abord quelque peu nuancée. Rappels théoriques avant les compléments apportés par Stefanie Schwab, ingénieure architecte SIA, et François Vuille, actuel directeur de la Direction de l’énergie (DIREN) et futur délégué cantonal à la transition énergétique.

L’effet rebond correspond à une annulation des gains environnementaux obtenus grâce à une amélioration de l’efficacité énergétique d’un produit ou d’un service. Par exemple, un effet rebond de 40% signifie que 40% des économies d’énergies attendues grâce au déploiement d’une nouvelle technologie n’ont pas été réalisées en raison d’une hausse des usages de l’énergie liés à différents facteurs économiques ou comportementaux.

La différence entre les économies d’énergie attendues et celles effectivement réalisées est explicitée dans le graphique ci-dessous.

Calcul de l’effet rebond

 


Source

Aussi appelé paradoxe de Jevons – en référence à William Stanley Jevons, économiste et logisticien britannique qui développa cette notion suite aux changements de comportement induits par la révolution industrielle –, ce phénomène décrit comment lorsque nous parlons d’accroître l’efficacité énergétique, il s’agit en fait d’augmenter la productivité. Et si on augmente la productivité d’un bien, on a pour effet de réduire son prix implicite, parce qu’on obtient plus de rendement pour le même argent, ce qui signifie que la demande peut augmenter elle aussi. Ce paradoxe montre clairement qu’il n’existe pas de solution miracle pour réduire la consommation d’énergie et lutter contre le changement climatique. Il souligne que les instruments de politique énergétique et climatique peuvent avoir des conséquences inattendues et doivent donc être accompagnés d’autres mesures pour être efficaces, telles que notamment une communication claire et une sensibilisation des citoyennes et citoyens, ainsi que des réglementations et/ou une fiscalité appropriée par exemple. Les dommages potentiels du paradoxe de Jevons sur les efforts en matière d’énergie nous obligent à utiliser une optique multidisciplinaire, qui reconnaît la complexité intrinsèque de l’élaboration des politiques et tient pleinement compte des forces économiques, sociales et comportementales impliquées dans le processus.

Le schéma suivant permet de mieux visualiser l’effet rebond en lien avec la rénovation énergétique d’un bâtiment. Celui-ci montre la chaîne de réactions que peut notamment entraîner l’amélioration énergétique.

 


Source

Un autre exemple concret de l’effet de rebond est la manière dont les améliorations du rendement énergétique des voitures individuelles ont rendu la conduite moins chère, ce qui a incité certaines personnes à conduire davantage et à acheter de plus grosses voitures (effet direct) et/ou à dépenser les économies restantes dans l’achat d’autres produits, parfois à fort impact climatique et environnemental (effet indirect). En conséquence, les économies totales de carburant et d’énergie sont réduites. Dans ce dernier cas, on parle d’un effet de retour. Lorsqu’il s’agit d’aspects environnementaux plus larges que la seule consommation d’énergie, on parle d’un effet de rebond environnemental. Cette réinterprétation de l’effet de rebond énergétique original permet des évaluations plus larges ainsi que des résultats plus complets dans le contexte de l’évaluation environnementale.

L’avis de spécialistes

Afin de compléter cet article, deux spécialistes répondent à deux courtes questions concernant l’effet rebond et sa prise en compte dans les réalités politiques et opérationnelles. Stefanie Schwab (ingénieure architecte SIA) et François Vuille (actuel directeur de la DIREN) donnent leurs avis.

Est-ce que la notion d’effet rebond est intégrée à votre activité ? Si oui, comment ?

Stefanie Schwab : C’est un phénomène dont on tient encore peu compte dans les rénovations énergétiques des bâtiments. Cependant, l’on commence à constater un très grand décalage entre les gains énergétiques calculés et les gains énergétiques réels à la suite de travaux.

François Vuille : Seul l’effet rebond direct peut être intégré aux politiques publiques. En effet, l’effet rebond indirect passe au travers des mailles du filet et nous ne pouvons pas avoir d’emprise dessus.

Quelles sont les limites de cette notion, ainsi que les nuances à y apporter ?

Stefanie Schwab : Je pense que cette notion doit être obligatoirement liée aux questions sociologiques de changements de comportements. En effet, l’enjeu ici est de faire comprendre aux gens l’importance de ne pas augmenter la consommation générale lorsque l’on récupère de l’argent grâce à des avancées techniques.

François Vuille : Selon moi, cette notion va de pair avec la sobriété. La sobriété est encore trop souvent perçue comme une restriction de liberté. En réalité, elle permet une nette amélioration de la qualité de vie. Le jour où l’on arrivera à inverser cette perception, on luttera en même temps contre l’effet rebond.

L’effet rebond : une notion à nuancer grâce aux questions de changements de comportement

Bien que le concept d’effet rebond possède plusieurs déclinaisons, celles-ci ne demeurent que partiellement et difficilement incluses dans la pratique, comme l’explicitent les deux personnes interrogées. Cette notion démontre également les limites des innovations techniques en matière d’efficacité énergétique. Est-ce à dire que l’effet rebond met en lumière l’inutilité de ces efforts ? Ce raccourci semble quelque peu manichéen. Il convient plutôt de dire que l’amélioration technologique de ce que nous consommons en matière énergétique va dans le sens d’un meilleur usage des ressources, et que, pour être optimale, elle doit impérativement être accompagnée d’une meilleure compréhension de ce que sont les ressources ainsi que de l’importance d’adapter nos comportements de consommation vis-à-vis de ces dernières.

 

Manon Mariller

Géographe

 

Liste des sources consultées pour la rédaction de cet article