Qui fait les paris technologiques permettant d’inventer la mobilité du futur ?

Qui aurait misé sur l’essor des voitures électriques il y a 10 ans ? Le nom de Tesla vient immédiatement à l’esprit, mais ce n’est pas la seule entreprise qui a fait le pari de la mobilité électrique. En terre vaudoise, la société Green Motion a également été une des pionnières dans ce secteur, en développant des bornes de recharge électrique. La première installation a été mise en place sur le campus de l’EPFL alors qu’il n’y avait encore que 48 véhicules électriques en circulation en Suisse. Cette année, environ 110’000 voitures purement électriques sont immatriculées selon l’office fédéral de la statistique. Le 8 juin dernier, le Parlement européen a entériné la fin du moteur thermique sur son territoire en interdisant la vente de voitures neuves à moteur thermique à partir de 2035.

Dans le cadre d’une série d’ateliers « Tech4growth » sur la collaboration entre start-up et grandes entreprises, le fondateur de Green Motion est venu présenter le rachat récent de sa société par un grand groupe.

Les paris technologiques de demain sont faits par des start-up

Ce sont des entreprises nouvellement créées qui font les grands partis technologiques de demain. Les sociétés établies sont dans l’incapacité de lancer de tels projets : elles craignent de cannibaliser leur revenu actuel, elle manque le plus souvent de vision et leurs processus éliminent toute prise de risque élevée.

Cependant, le rôle de la grande entreprise devient important quand il s’agit de déployer à large échelle les produits développés par les start-up. C’est la raison pour laquelle Green Motion a été rachetée dernièrement par Eaton, société leader dans les solutions de gestion de l’énergie, dont le siège européen est basé à Morges. Avec ce rachat, Green Motion bénéficie d’un réseau de distribution mondiale. Sans cette acquisition, la mise en place d’un tel réseau aurait pris des années.

Un chemin semé d’embûches nécessitant de constamment adapter son modèle d’affaires

Pour réussir un tel pari, il faut être capable d’adapter son modèle d’affaires et prendre des décisions courageuses. La vente de bornes de recharge électrique ne décollant pas, Green Motion a pris la décision en 2016 de développer son propre réseau de bornes en lançant evpass. En finançant l’infrastructure de recharges, Green Motion a ainsi pu créer le plus grand réseau de bornes de recharge publiques en suisse.

L’entreprise a aussi compris que pour augmenter l’adoption de son produit, un des éléments essentiels était la connectivité. Connaître en tout temps l’état de la borne, la gérer à distance et la connecter aux différents systèmes de paiement ont été au cœur du développement logiciel. Cela a d’ailleurs facilité le rapprochement avec Eaton. En effet, l’activité principale d’Eaton consiste à interconnecter différentes solutions pour mieux gérer la consommation d’énergie. Avec cette acquisition, il sera possible d’intégrer ces bornes connectées dans la gestion globale du système énergétique d’un bâtiment. On pourra par exemple utiliser les batteries d’une voiture électrique pour stocker l’énergie solaire produite sur les toits lorsqu’elle n’est pas consommée instantanément pas les résidents du bâtiment.

Le prochain pari technologique pour continuer à révolution la mobilité

Green Motion étant maintenant intégrée dans une grande structure, va-t-elle continuer à être pionnière dans le développement de la mobilité du futur ? Son fondateur s’est lancé dans un autre pari technologique, celui de proposer des bornes de recharge pour les avions électriques. Ce projet a été inspiré par l’aventure SolarStratos, dont l’objectif est de faire voler un avion électrique solaire dans la stratosphère. Et si la formule du succès pour accélérer la transition énergétique était de combiner :

Un aventurier qui veut réaliser ce qui semble impossible

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Un entrepreneur convaincu de pouvoir développer une solution commerciale rentable

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Une grande entreprise qui a les moyens de maximiser l’impact

La start-up comme partenaire d’innovation

Créer des ponts entre une grande entreprise et des start-up n’est pas toujours simple. Cependant cela devient indispensable pour assurer sa capacité d’innovation. Si l’on est par exemple un assureur qui cherche à valoriser ces milliards de données médicales pour aider ses clients à rester en bonne santé, développer des partenariats avec des start-up spécialisées en intelligence artificielle est nécessaire, il n’est plus possible de tout faire en interne. Alors comment rendre ces ponts moins glissants ?

Innover, ce n’est pas juste avoir une idée originale. L’innovation consiste à réussir à obtenir un succès sur le marché. Dans les grandes structures, un des freins dans la mise en œuvre d’une innovation réside dans la culture d’entreprise, généralement mieux adaptée à améliorer les produits existants et à réduire les coûts. Collaborer avec des start-up est une solution pour augmenter la capacité d’une entreprise à innover, mais les ingrédients du succès restent encore très mystérieux.

De l’autre côté, une start-up a besoin d’utiliser les forces d’une grande entreprise telles que son savoir-faire, son accès aux clients et sa capacité à déployer des solutions à large échelle pour lui permettre d’atteindre la phase de croissance.

Dans le but d’identifier ces « ingrédients » qui permettent de réussir un partenariat avec une start-up, l’EPFL Innovation Park a lancé en novembre dernier une nouvelle formation sous la forme d’ateliers. Au programme, partages d’expériences, session de brainstorming et résolution collective des défis de chaque participant.

Après deux séries d’ateliers très enrichissantes, voici quelques éléments et exemples intéressants qui permettent de progressivement lever le voile sur certains ingrédients du succès.

Quelles sont mes motivations ? 

En premier lieu, formuler clairement les raisons pour lesquelles on souhaite collaborer avec des start-up est essentiel, cela permet de focaliser les recherches, d’optimiser les interactions et de clarifier les attentes. Deux motivations sont fortement ressorties des échanges :

Développer un nouveau marché : l’interaction avec des start-up permet de faire de la veille économique et d’entrer sur de nouveaux marchés. L’entité d’innovation de Samsung a par exemple mis en place des partenariats et investi dans des start-up dans l’objectif de définir son positionnement sur le marché des transports.

Samsung a investi dans AImotive, société qui développe de l’intelligence artificielle pour la conduite des véhicules autonomes. Elle a également pris une participation dans Valens qui propose des solutions de connectivité pour véhicules. Grâce aux algorithmes d’AImotive, nous n’aurons plus à nous concentrer sur la route, il faudra donc nous occuper autrement, en visionnant nos films préférés grâce à une excellente connectivité dans notre voiture. Brique après brique, Samsung développe sa proposition de valeur dans la mobilité du futur.

Faire évoluer sa culture d’entreprise et acquérir de nouvelles compétences : Le co-développement de produits avec des start-up permet d’accéder à de nouvelles méthodes de travail et de combiner des équipes avec des profils différents. L’approche « tester et apprendre » qui est simplement une question de survie pour une start-up est ainsi appliquée dans la grande entreprise, plus souvent habituée à lancer de grands projets.

Différents mécanismes existent pour permettre d’identifier les startups avec lesquelles lancer des projets de co-développement, le Groupe Mutuel a par exemple mis en place l’année dernière sa « roue de l’innovation » :

Quelles formes de collaboration mettre en place ? 

Conserver ses clients en bonne santé en mettant l’innovation (big) data au cœur de sa stratégie, c’est un des axes forts de la vision présentée lors des ateliers par Nicolas Loeillot. Pour y arriver, deux mécanismes ont été mis en place pour acquérir les compétences nécessaires, fournir l’infrastructure et l’environnement de travail adéquat :

Lancement d’un accélérateur : Dans le but d’attirer les meilleures start-up qui possèdent des compétences en intelligence artificielle pour valoriser les informations médicales que possède l’assureur, Groupe Mutuel a lancé un accélérateur nommé InnoPeaks. Chaque année une dizaine de start-up s’installent pour une durée de 12 semaines dans les locaux de l’assureur.

Parmi la première volée, on trouve le start-up Medicus. Cette société interprète les rapports médicaux et les traduit en action simple et compréhensible pour le patient. Vous installez leur application, vous prenez une photo de vos analyses sanguines et vous découvrez ensuite leur signification et des conseils pour par exemple réduire votre taux de glucose.

Création d’un Innolab : la roue comprend également la mise en place d’un laboratoire d’innovation autour de la donnée. Il consiste à regrouper toutes les informations à disposition dans le groupe pour permettre d’y développer des algorithmes et explorer de multiples possibilités de valorisation.

Un des premiers défis adressés est le suivant : aider le patient à guérir plus rapidement. En analysant le chemin de santé de milliers de patients, l‘objectif est de déterminer la thérapie et la séquence d’actions la plus efficace à entreprendre pour soigner le patient.

Une approche collaborative pour identifier les ingrédients d’un partenariat réussi

A l’image du Groupe Mutuel, de nombreuses sociétés lancent des initiatives pour innover en faisant des partenariats avec des start-up. Genève Aéroport, Coty, Total, Berney Associés ou encore Maxon Motor ont participé à nos deux premières formations, tous ayant mise en place des formes de collaborations avec des start-up.

De l’autre côté, des entrepreneurs suivent également ces ateliers pour amener leur perspective. La mise en commun de ces expériences et la confrontation des différents points de vue (écart de perception entre l’entrepreneur et le responsable innovation d’un grand groupe) vont nous permettre à terme d’identifier et de partager tous ces ingrédients qui permettent d’augmenter les chances de succès d’un partenariat.

Si vous souhaitez rejoindre cette communauté, la prochaine session aura lieu le 5 et 6 septembre prochain : https://epfl-innovationpark.ch/collaboration-workshops/

Modèle 3D et réalité augmentée accessibles à tous

Les possibilités offertes avec la modélisation 3D et la réalité augmentée vont se multiplier. On va pouvoir planifier l’aménagement de son jardin, obtenir plus rapidement un permis de construire ou optimiser la maintenance des infrastructures grâce à ces technologies. Les solutions sont maintenant à portée de main, sur votre smartphone.

Grâce à notre smartphone, nous sommes de plus en plus producteurs de données numériques. Celui-ci contient de nombreux capteurs dont la qualité augmente sans cesse, comme un gyromètre pour capter nos mouvements et compter nos pas ou une caméra pour prendre des photos et des vidéos. Cette caméra haute définition va à l’avenir offrir de nouvelles possibilités dans le domaine de la modélisation 3D et de la réalité augmentée. Voici un cas pratique, testé en utilisant une solution développée par la start-up romande KickTheMap.

Visualiser le jardin de vos rêves avec son smartphone

La saison de ski se termine, les températures deviennent clémentes, c’est le moment d’investir quelques heures du week-end pour s’occuper de son jardin. Les préoccupations sur le climat faisant la une des journaux, le jardinage est un moyen de se reconnecter avec la nature et de consommer très local en mangeant ces propres pommes, tomates et autres fruits et légumes.

Après avoir ramassé les feuilles mortes, un réaménagement de son jardin s’impose. Pour planifier les changements, on pose son râteau et l’on prend son smartphone : grâce à l’application KickTheMap, on peut « scanner » en quelques minutes son jardin dans le but d’obtenir une modélisation 3D. Les données que vous captez sont envoyées à la start-up pour être traitées. Le modèle 3D y est produit et il est ensuite transmis sur différents formats. J’ai fait l’exercice et voici le résultat :

Dans un deuxième temps, vous pouvez rajouter des objets 3D au gré de vos envies dans le but de visualiser rapidement différents scénarios d’aménagements. Vous pouvez soit scanner des objets vous-même ou accéder à un catalogue de millions d’éléments 3D sur Sketchfab. A l’image de Spotify pour la musique, de YouTube pour la vidéo, Sketchfab est une plateforme qui permet de partager, de visionner et de télécharger des modèles 3D.

Et voilà à quoi pourrait ressembler mon jardin dans quelques semaines :

Gestion du territoire, construction, maintenance des infrastructures, le champ d’application est large

Cette technologie basée sur la photogrammétrie permet de modéliser de nombreux éléments. Plusieurs applications sont imaginables comme par exemple :

Demander une autorisation de construire : Les demandes de permis de construire pourraient être optimisées. Si l’on souhaite par exemple installer une véranda, on pourrait « scanner » la zone et envoyer directement la modélisation 3D aux autorités pour validation.

Faciliter la maintenance d’infrastructures : l’application peut être utilisée pour géolocaliser des conduites et mettre à jour des bases de données d’infrastructures. Lorsqu’une fouille est effectuée sur une route pour la maintenance des canalisations ou la pose de fibres optiques, le relevé de la position des conduites peut être fait avec un smartphone.

Conserver la maîtrise de ses données

Comme toutes solutions pour lesquelles nous produisons et nous partageons des données, il faut être vigilant si on veut préserver la confidentialité de certaines informations. Dans mon exemple, comme j’expose publiquement le modèle 3D de mon jardin, il est important pour moi de m’assurer que ce modèle ne soit pas géoréférencé. Je ne voudrais pas que Google capte et revende ces informations à un paysagiste qui m’enverrait ensuite une offre pour construire ma clôture.

C’est tout l’enjeu de cette économie de la donnée, comment saisir les opportunités offertes tout en préservant sa sphère privée et en conservant une maîtrise sur ce que des tiers peuvent faire avec mes informations.

 

Big data, big profit ?

Réduire les coûts de la santé en améliorant la prise en charge des malades. Améliorer l’expérience en transports publics pour réduire les émissions de CO2 et fluidifier le trafic. Des entreprises s’attaquent à ces enjeux de sociétés en adoptant une stratégie d’acquisition de multiples sources de données pour constituer un « Big Data ». Ils développent ensuite une capacité à transformer cette nouvelle ressource en un service innovant qui a le potentiel de modifier durablement les domaines sur lesquels ils sont actifs.

Lors du Meyrin Economic Forum sur le thème « l’innovation au service de l’humain » organisé le vendredi 8 février dernier, les organisateurs m’ont demandé de faire une présentation autour de la question suivante : Big data, big profit ? Voici trois tendances illustrées par des exemples qui me permettent de répondre par l’affirmative.

1. Acquérir toujours plus de données – l’exemple de Google

Le printemps arrive, c’est jeudi et le week-end s’annonce radieux. Cette perspective vous donne envie d’acheter une nouvelle paire de lunettes de soleil. Un critère d’achat important est de pouvoir les obtenir avant le week-end ! Lorsque vous faites une recherche sur Google, la première annonce référencée est un opticien qui vous propose les Ray Ban de vos rêves, disponibles en stock, à deux pas de chez vous. La raison : Google intègre cette notion « d’urgence » en proposant un référencement préférentiel à l’opticien qui lui fournit ces données d’inventaire. Ce service s’appelle « Google Merchant Center ».

Google a déjà une compréhension de la demande : l’entreprise a généré en 2018 un chiffre d’affaires de $116 milliards grâce à de la publicité ciblée basée sur les données qu’elle collecte sur vous lorsque vous utilisez des services tels que Google Search, Gmail, Google Maps et YouTube. Avec ces données, Google connaît vos besoins et vos préférences.

En lançant Google Merchant Center, la société augmente encore son « Big Data » en intégrant les données d’inventaire des magasins. Elle obtient ainsi une compréhension de l’offre.

Lorsque vous faites une recherche, Google peut ainsi adapter le référencement et faire correspondre l’offre et la demande pour augmenter la probabilité d’achat. Ce nouveau « Big Data » va lui permettre de renforcer sa position dominante sur ce marché.

2. Valoriser les données disponibles – l’exemple de Babylone Health

Diagnostic en ligne et consultation en vidéoconférence, la prise en charge du patient se fait par un smartphone. C’est la solution de Babylon Health, nouvel acteur de la santé qui développe une intelligence artificielle qui effectue un diagnostic médical. L’interface se présente sous la forme d’un agent conversationnel (chatbot) qui vous pose des questions pour identifier les symptômes de votre maladie. Les algorithmes sont entraînés grâce à des millions de données de pratique de la médecine mises à dispositions par les organismes de santé publique.

En partenariat avec la NHS (National Healthcare Systems en Angleterre), Babylon Health a lancé son service dans certains quartiers de Londres. L’objectif est d’améliorer la prise en charge des malades et de réduire le temps d’attente en vous mettant rapidement en contact avec le spécialiste adéquat ou l’hôpital, en fonction de la gravité et du type de maladie dont vous souffrez. La solution permet d’interagir directement avec un médecin au travers de l’application installée sur son smartphone. Dans la zone desservie par le pilote, le temps moyen pour avoir accès au conseil d’un docteur est passé de 2 semaines à 2 heures. Ce service s’appelle d’ailleurs « Docteur à portée de main » (GP at Hand).

Cette start-up a déjà levé $85 millions pour son développement. Cet argent lui permet d’être active sur toute la chaine de valeur, en développant un réseau de médecins et de cliniques.

3. Générer de nouvelles données – l’exemple de Moovit

Moovit propose une application mobile dédiée aux transports publics et à la mobilité douce : en installant l’application Moovit, vous obtenez l’itinéraire optimal pour vous rendre à votre lieu de rendez-vous en utilisant soit les transports publics, le vélo ou la marche. Son service prend en compte les conditions de trafic en temps réel.

Pour « nourrir » ces algorithmes, Moovit capte différentes sources de données :

  • Les données « Open Data » des villes et des transports publics telles que les trajets et les horaires des bus et des trains et les emplacements des pistes cyclables
  • Votre position et vos mouvements renvoyés par le GPS de votre smartphone
  • Elle s’appuie sur une communauté de plus d’un demi-million de bénévoles qui via l’application, informent en temps réel des retards, des travaux et des modifications de parcours dans les transports publics

Moovit a déjà plus de 300 millions d’utilisateurs à travers le monde. Elle obtient ainsi plus de 4 milliards de géodonnées par jour, ce qui en fait le plus grand registre de données de transport au monde. Pour proposer des services de mobilité à la demande et réduire les embouteillages, l’accès à un tel registre sera indispensable.

La société revend déjà ces informations aux villes qui peuvent ainsi mieux planifier leurs infrastructures. Elle a également signé en novembre dernier un partenariat avec Microsoft. Cette stratégie d’acquisition de multiples sources de données commence donc à porter ces fruits et lui permet déjà de négocier avec des multinationales qui cherchent à jouer un rôle dans la mobilité du futur.

Quatre types de sources de données

Dans sa stratégie d’acquisition d’un « Big Data », il faut donc pouvoir intégrer plusieurs types de flux pour créer une proposition de valeur intéressante. On peut classer les types de sources de données comme suit :

Les technologies de stockage et de transformation de milliards de données sont disponibles, avec de nombreux outils qui sont souvent open source. Si on ne veut pas expérimenter seul ou qu’on ne possède pas toutes les compétences en data science, des plateformes collaboratives apparaissent, à l’exemple de AIcrown, start-up récemment lancée par un professeur de l’EPFL. La valorisation des données est une tendance forte, il est donc temps d’apprendre à donner du sens à vos données.

Ma présentation lors du forum économique de Meyrin :

Les start-up qui inventent les transports et la mobilité de demain

La fédération internationale de l’automobile (FIA) vient de lancer en début d’année un programme d’accélération pour soutenir les start-up actives dans le domaine de la mobilité. Le programme est appelé : « Smart Cities : aider les villes à définir de nouveaux modèles pour une mobilité urbaine durable ».  Cet accélérateur piloté par Masschallenge est ouvert aux start-up du monde entier. Les finalistes retenus seront coachés de juillet à octobre en Suisse dans les ateliers de Renens, nouveau hub d’innovation dans le Canton de Vaud. Sur les dix dossiers que j’ai eu à évaluer, il y a deux tendances qui ressortent :

  • S’inspirer des nouveaux modèles d’affaires implémentés avec succès dans d’autres industries en intégrant des technologies digitales
  • Se profiler comme un nouvel acteur de la mobilité en proposant des solutions pour les véhicules autonomes

Devenir le Airbnb des places de parc ou le Netflix des voitures

Grâce à sa plateforme, Airbnb a transformé l’industrie touristique en permettant à tout le monde de louer son appartement de manière simple et sécurisée lorsqu’on est absent.

Notre place de parc étant le plus souvent libre la journée, il serait intéressant de pouvoir la louer. Parmi les dossiers évalués, la start-up Parkk propose une solution intéressante. Elle a développé une application mobile qui vous permet de réserver une place. Le locataire doit installer une borne connectée gérée à distance par l’application. Le processus de location est entièrement automatisé et piloté par son smartphone :

Depuis l’arrivée du modèle Netflix, nous pouvons consommer des films et des séries sans les acheter. On paye un abonnement mensuel qui nous permet d’accéder au service en tout temps, de l’adapter à notre guise et de l’arrêter quand on le souhaite.

De manière similaire, au lieu d’investir des dizaines de milliers de francs pour acheter une voiture ou prendre un leasing sur plusieurs années, il serait pratique de pouvoir utiliser une voiture en payant simplement un abonnement mensuel. Plus besoin par exemple de souscrire un contrat d’assurance et de demander des plaques d’immatriculation. Si la famille s’agrandit, on modifie simplement son abonnement pour obtenir une voiture plus grande. C’est la proposition de valeur d’une des start-up qui a appliqué au programme, Wagonex. Elle a déjà signé un premier partenariat avec le groupe PSA Peugeot Citroën en novembre dernier. Grâce au digital, toute la chaine a été automatisée pour permettre à la société de vous fournir une voiture clé en main en payant un abonnement mensuel.

Proposer un service de navettes autonomes et des « robotaxis »

De nombreux pilotes sont déployés dans le monde pour introduire des véhicules autonomes. Il est intéressant d’observer les différentes approches :

L’approche disruptive de start-up qui développent de nouvelles navettes autonomes en s’appuyant sur une expertise pointue en développement software et en robotique. Coast autonomous, candidat à l’accélérateur en fait partie et mets en avant son pilote au centre de Times Square à New York.

Ces start-up n’ont cependant pas le savoir-faire de l’industrie automobile qui maîtrise parfaitement les processus de production et elles sont freinées par le cadre législatif qui évolue progressivement. Par exemple, dans le cas du pilote de navettes autonomes à Sion, le lancement a été retardé car la navette n’avait pas d’essuie-glaces, accessoire indispensable aux yeux des autorités fédérales. En effet, les conditions d’exploitation imposent qu’un chauffeur puisse en tout temps reprendre le contrôle sur le véhicule. Il fallait donc assurer une bonne visibilité en cas de pluie.

L’approche hybride de start-up comme Waymo (spin-off de Google) qui se concentre sur le développement de la technologie pour rendre le véhicule autonome. Elle intègre ces solutions sur des véhicules existants qui sont adaptés. Chrysler Automobiles et Jaguar Land Rover sont les deux partenaires actuels de Waymo. Une flotte de véhicules est en ce moment en circulation sur un périmètre restreint de Phoenix en Arizona :

Les véhicules de Waymo ont déjà parcouru plus de 16 millions de km. Les algorithmes d’intelligence artificielle peuvent donc se « nourrir » d’une grande quantité de données. En conséquence, cette start-up semble pour le moment se profiler comme le leader, ce qui peut s’observer en regardant l’estimation de sa valorisation : Waymo est déjà valorisée à $175 milliards selon les estimations de Morgan Stanley. A titre de comparaison, le leader actuel de l’industrie automobile Toyota a une capitalisation boursière de $200 milliards.

Finalement, si l’objectif est d’obtenir une mobilité durable, il faudra également voir comment se développe le marché : si la mobilité du futur est constituée de robotaxis qui transportent majoritairement des personnes seules, le nombre de véhicules sur nos routes va continuer d’augmenter, voire exploser. Il serait donc préférable d’avoir des navettes autonomes combinées à une application performante qui permet de mutualiser les trajets.

Les 3 facteurs de succès d’une collaboration start-up / grande entreprise réussie

Développer un partenariat entre une start-up et une grande entreprise peut s’apparenter à intégrer un patineur artistique dans une équipe de hockey : tous les deux sont à l’aise sur la glace, mais ils n’ont pas les mêmes objectifs ni la même culture, ce qui rend l’opération compliquée. Dans le sport, ces deux disciplines partagent le même terrain de jeu, la patinoire, mais ne se croisent pas. En revanche dans l’industrie, de nombreuses entreprises cherchent à collaborer avec des start-up pour innover.  Trois facteurs de succès caractérisent un partenariat réussi. 

Les concours de start-up se multiplient, des incubateurs et des laboratoires d’innovation sont créés à l’intérieur des grandes entreprises pour accueillir ces jeunes pousses. Ces initiatives ont pour objectif d’intensifier les contacts entre les employées de ces grands groupes et les entrepreneurs et de créer un environnement favorable à la mise en place de partenariats.

Cependant en cas d’échec, les conséquences ne sont pas les mêmes pour les deux parties prenantes. La grande entreprise aura perdu du temps et de l’argent et elle adaptera sa stratégie, en explorant des développements à l’interne ou simplement en stoppant le projet. Pour la start-up, les efforts et les ressources déployés influencent fortement sa trésorerie limitée. Si aucun revenu n’est finalement généré, cet engagement peut engendrer sa faillite. Il est donc judicieux de qualifier rapidement le potentiel de collaboration.

En novembre dernier, en collaboration avec deux experts en innovation, Blaise Vonlanthen et Metin Zerman, nous avons entrepris une démarche pour identifier les facteurs de succès. Notre objectif était d’établir un outil simple permettant de déterminer la pertinence à mettre en place un tel partenariat. Nous avons tout d’abord organisé un atelier réunissant 20 entrepreneurs dans le cadre du Carrefour des Créateurs, événement annuel de l’association Genilem.

Cet atelier de travail nous a permis de converger sur les trois premiers facteurs de succès suivants :

  1. L’adéquation stratégique
  2. La capacité d’action
  3. Le rapport de force

Le partenariat entre NetGuardians et Swisscom permet de mettre en exergue ces trois facteurs. Mis en place par Bernard Hofmann, en charge des plateformes bancaires chez Swisscom, c’est en effet un exemple parlant de partenariat start-up / grande entreprise réussi.

Lutter contre les transactions bancaires frauduleuses

NetGuardians est spécialisée dans la détection de transactions frauduleuses dans le secteur financier. Sa solution permet d’identifier les activités anormales en temps réels et ainsi bloquer les transactions suspectes.

Tous les services bancaires deviennent accessibles en ligne, que ce soit depuis un PC, une tablette ou un mobile.  On peut effectuer un versement d’argent en tout temps, à la maison, au bureau ou dans le bus. Ces évolutions donnent aux fraudeurs d’avantages de possibilités pour accéder à votre compte et détourner votre argent, en utilisant des techniques de plus en plus sophistiquées.

Les cybercriminels 2.0 ne cherchent plus à intercepter votre code et à copier votre carte bancaire au bancomat. Ces nouveaux fraudeurs se font par exemple passer pour un employé de Microsoft qui vous contacte pour vous demander de mettre à jour votre licence Windows prétendument expirée. Ils vous demandent de faire un transfert bancaire pour acheter une nouvelle clé d’activation. Lors de la manipulation, vos accès d’e-banking sont ainsi interceptés.

L’impact de ces nouvelles méthodes de fraude est substantiel : les montants détournés sont beaucoup plus élevés que ceux volés sur une carte bancaire et les mécanismes de fraude peuvent être déployés à plus large échelle. De telles attaques ciblées peuvent donc rapidement engendrer le vol de plusieurs centaines de milliers de CHF en quelques minutes.

Les algorithmes développés par Netguardians permettent par exemple de détecter et de bloquer des transactions anormales, comme le transfert de 40 CHF (prix d’une licence) suivit quelques secondes plus tard d’une deuxième transaction pour un montant de 10’000 CHF.

Une excellente complémentarité

L’adéquation stratégique est optimale : Swisscom gère l’infrastructure de plusieurs institutions bancaires. La détection de fraude est une solution qui répond à un besoin client et qui n’est actuellement pas dans le portefeuille de solutions. Les produits de Netguardians complètent donc parfaitement l’offre. L’opportunité, le produit et le marché cible sont clairement définis.

La capacité d’action comprend à la fois le niveau de risque que la grande entreprise est prête à prendre et la flexibilité offerte pour intégrer la solution dans ces processus. Avec Netguardians, la prise de risque est limitée, la start-up possède une solution mature utilisée par plusieurs clients. La relation a d’ailleurs été établie au travers d’un client satisfait qui l’a recommandée.

En termes de processus, la solution logicielle proposée peut être hébergée dans l’infrastructure de Swisscom sans faire de compromis sur la rapidité d’évolution de la solution. Elle permet d’ailleurs à la start-up de faire évoluer son modèle d’affaires, en proposant son produit sous la forme d’un service. L’établissement bancaire paie un montant mensuel en fonction du nombre et du type de contrôles effectués.

Le rapport de force est bien équilibré :  Swisscom n’est pas le canal exclusif de distribution des produits de Netguardians. Le marché ciblé est bien défini et les activités communes sont concentrées sur la Suisse. La start-up adresse un marché mondial et elle va pouvoir répliquer ce modèle de partenariat avec d’autres opérateurs.  

Un outil d’analyse des facteurs de succès

Si les objectifs stratégiques sont clairs mais que la solution s’intègre difficilement dans les processus internes, le partenariat aura du mal à fonctionner et l’exécution sera compliquée. Il est donc nécessaire d’avoir un environnement dans lequel les trois facteurs identifiés sont favorables. Il s’agit donc de réussir à jouer un premier accord :

Ces trois facteurs de succès identifiés ne sont pour autant pas exclusifs. Nous allons continuer à explorer et faire évoluer notre outil d’analyse au travers d’ateliers et sur la base de nos expériences.

En conclusion, la collaboration avec Netguardians a permis à Swisscom de proposer une solution de détection de fraude en moins d’un an à la place de développer une solution interne qui aurait pris entre 3 et 5 ans. Ce partenariat permet également à la start-up d’accélérer sa croissance.

Une réflexion collective sur les facteurs de succès va permettre de multiplier les partenariats de ce type et gagner en agilité. Cela bénéficiera à tout l’écosystème : dans le canton de Vaud, il a plus de 32 start-up qui comme NetGuardians, maîtrisent les technologies du big data (mégadonnées) et de l’intelligence artificielle comme le montre cette cartographie.

 

En lien ci-dessous, ma présentation sur ce thème au Tech Meeting à la chambre de commerce et d’industrie à Fribourg (CCIF) en novembre dernier :