Qui fait les paris technologiques permettant d’inventer la mobilité du futur ?

Qui aurait misé sur l’essor des voitures électriques il y a 10 ans ? Le nom de Tesla vient immédiatement à l’esprit, mais ce n’est pas la seule entreprise qui a fait le pari de la mobilité électrique. En terre vaudoise, la société Green Motion a également été une des pionnières dans ce secteur, en développant des bornes de recharge électrique. La première installation a été mise en place sur le campus de l’EPFL alors qu’il n’y avait encore que 48 véhicules électriques en circulation en Suisse. Cette année, environ 110’000 voitures purement électriques sont immatriculées selon l’office fédéral de la statistique. Le 8 juin dernier, le Parlement européen a entériné la fin du moteur thermique sur son territoire en interdisant la vente de voitures neuves à moteur thermique à partir de 2035.

Dans le cadre d’une série d’ateliers « Tech4growth » sur la collaboration entre start-up et grandes entreprises, le fondateur de Green Motion est venu présenter le rachat récent de sa société par un grand groupe.

Les paris technologiques de demain sont faits par des start-up

Ce sont des entreprises nouvellement créées qui font les grands partis technologiques de demain. Les sociétés établies sont dans l’incapacité de lancer de tels projets : elles craignent de cannibaliser leur revenu actuel, elle manque le plus souvent de vision et leurs processus éliminent toute prise de risque élevée.

Cependant, le rôle de la grande entreprise devient important quand il s’agit de déployer à large échelle les produits développés par les start-up. C’est la raison pour laquelle Green Motion a été rachetée dernièrement par Eaton, société leader dans les solutions de gestion de l’énergie, dont le siège européen est basé à Morges. Avec ce rachat, Green Motion bénéficie d’un réseau de distribution mondiale. Sans cette acquisition, la mise en place d’un tel réseau aurait pris des années.

Un chemin semé d’embûches nécessitant de constamment adapter son modèle d’affaires

Pour réussir un tel pari, il faut être capable d’adapter son modèle d’affaires et prendre des décisions courageuses. La vente de bornes de recharge électrique ne décollant pas, Green Motion a pris la décision en 2016 de développer son propre réseau de bornes en lançant evpass. En finançant l’infrastructure de recharges, Green Motion a ainsi pu créer le plus grand réseau de bornes de recharge publiques en suisse.

L’entreprise a aussi compris que pour augmenter l’adoption de son produit, un des éléments essentiels était la connectivité. Connaître en tout temps l’état de la borne, la gérer à distance et la connecter aux différents systèmes de paiement ont été au cœur du développement logiciel. Cela a d’ailleurs facilité le rapprochement avec Eaton. En effet, l’activité principale d’Eaton consiste à interconnecter différentes solutions pour mieux gérer la consommation d’énergie. Avec cette acquisition, il sera possible d’intégrer ces bornes connectées dans la gestion globale du système énergétique d’un bâtiment. On pourra par exemple utiliser les batteries d’une voiture électrique pour stocker l’énergie solaire produite sur les toits lorsqu’elle n’est pas consommée instantanément pas les résidents du bâtiment.

Le prochain pari technologique pour continuer à révolution la mobilité

Green Motion étant maintenant intégrée dans une grande structure, va-t-elle continuer à être pionnière dans le développement de la mobilité du futur ? Son fondateur s’est lancé dans un autre pari technologique, celui de proposer des bornes de recharge pour les avions électriques. Ce projet a été inspiré par l’aventure SolarStratos, dont l’objectif est de faire voler un avion électrique solaire dans la stratosphère. Et si la formule du succès pour accélérer la transition énergétique était de combiner :

Un aventurier qui veut réaliser ce qui semble impossible

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Un entrepreneur convaincu de pouvoir développer une solution commerciale rentable

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Une grande entreprise qui a les moyens de maximiser l’impact

A quelle vitesse se déploieront les véhicules sans conducteur?

Se déplacer en navette autonome, c’est possible dans de nombreuses régions de Suisse où les projets pilotes se multiplient. Ayant parcouru quelques kilomètres dans l’une d’elles, j’ai été enthousiasmé par les progrès accomplis. On est encore loin d’un déploiement à large échelle, mais il est temps d’apprendre à cohabiter avec ces nouveaux véhicules

19 km/h, c’est la vitesse actuelle de la navette autonome des TPG (Transports publics genevois) qui sillonne les rues de Meyrin. Son parcours est compliqué. Elle roule dans une zone limitée à 30 km/h, avec une circulation à double sens sur une route très étroite, car des places de parcs ont été aménagées sur les bords. La dernière fois que je suis monté dans un véhicule autonome, c’était en 2015 sur le campus de l’EPFL. Quel progrès accompli entre-temps! La navette n’est de loin pas encore parfaite, mais elle permet déjà de connecter de façon assez fiable les quelques kilomètres qui séparent la gare de Meyrin à la ligne de tram. On pourrait comparer son comportement à celui d’une apprentie conductrice. Elle effectue de nombreux freinages secs et roule plus lentement.

Apprendre à cohabiter

La navette circule dans les rues de Meyrin depuis maintenant un an et demi. Ses améliorations progressives consistent principalement à se rapprocher du comportement d’un conducteur «idéal». C’est-à-dire: sélectionner la trajectoire optimale, anticiper les manœuvres et définir les actions correctes à entreprendre selon les différents obstacles qui se présentent.

Au cours du temps, les habitants du quartier se sont habitués à sa présence. Comme il est bien plus facile de faire respecter le Code de la route à un robot qu’à un humain, la navette est exemplaire. On observe même qu’elle a une influence positive sur le comportement routier des conducteurs qui fréquentent quotidiennement cette route.

Garantir la confiance

Les défis technologiques restent cependant nombreux. Les véhicules autonomes actuellement en service n’ont pas encore suffisamment de capteurs pour être aussi performants que l’humain. A l’image de nos cinq sens, les navettes ont besoin d’une combinaison de senseurs comme la détection par laser (lidar), de caméras et de systèmes radars pour améliorer leur autonomie.

Fin février, une personne est tombée de son siège lors d’un arrêt brutal d’une navette dans la ville de Columbus (Ohio). Les autorités américaines ont immédiatement pris la décision de suspendre les 16 navettes similaires en fonction dans 10 villes américaines.

Permettre l’expérimentation pour améliorer la technologie tout en préservant la confiance des utilisateurs en évitant des accidents est un des nombreux défis.

 De nouveaux métiers se créent

Pour opérer ces navettes sans conducteur, il faut effectuer régulièrement une cartographie numérique de la route. Sur cette carte, la trajectoire du véhicule doit être définie précisément. Chez BernMobil, l’entreprise de transports publics de la ville de Berne, une personne est en formation pour acquérir ces nouvelles compétences et ainsi devenir un designer de trajectoires pour véhicules autonomes. Une navette circule actuellement le long de l’Aar et le trajet doit régulièrement être adapté, notamment en fonction des saisons.

Pour l’instant, un opérateur doit toujours être à bord du véhicule. Dans le futur, on peut imaginer que l’opérateur ne sera plus présent dans chaque véhicule, mais dans un poste de contrôle et devra gérer une flotte de navettes. Dans 10 ans, on aura probablement beaucoup moins de chauffeurs de bus, mais de nouveaux postes seront créés, comme celui de designer de trajectoires ou d’opérateur de véhicules autonomes.

On observe à nouveau que l’introduction d’une nouvelle technologie modifie le type de compétences et crée de nouveaux métiers. Il est important de se préparer à ces changements pour éviter un choc au niveau de l’emploi. Le professeur David Autor du Massachusetts Institute of Technology, venu dernièrement donner une conférence à Lausanne, exprimait très clairement cet enjeu: si demain, on n’a plus besoin des 4 millions de chauffeurs routiers qui circulent aux États-Unis, c’est un gros problème. Si l’on anticipe et que l’on prend les mesures adéquates, maintenant, en sachant que les camions autonomes deviendront une réalité dans 20 ans, on peut parfaitement gérer le changement.

Obtenir une mobilité durable

La plupart des projets pilotes actuels testent la mise en place d’une ligne de transport public avec des arrêts et des horaires fixes. La vitesse maximum étant actuellement de 19 km/h, ces véhicules circulent dans des zones 30 pour ne pas trop perturber le trafic. Les avantages sont donc très limités dans ces cas d’usage. L’objectif est de tester et d’acquérir de l’expérience.

Pour qu’une telle solution devienne intéressante, il faudra pouvoir introduire un système d’offre à la demande. C’est d’ailleurs tout l’intérêt d’avoir des navettes plutôt que des voitures individuelles autonomes. Pour éviter une explosion du trafic, il est essentiel de pouvoir mutualiser les trajets.

Se familiariser avec le véhicule sans conducteur

Les promesses et les perspectives offertes par l’introduction des véhicules autonomes sont énormes: sauver des millions de vies en réduisant massivement le nombre d’accidents, faire gagner aux usagers de la route des centaines d’heures qu’ils perdent normalement en étant au volant et réduire les émissions de CO2. Mais, le chemin est encore long.

C’est une thématique passionnante à suivre et nous avons la chance d’avoir de nombreux projets pilotes en Suisse. N’hésitez pas à expérimenter vous-même cette mobilité du futur en allant vous promener à Meyrin, le long de l’Aar à Berne ou dans le quartier du Marly Innovation Center à Fribourg. De plus, pour le moment, il y a toujours un opérateur ou une opératrice sympathique à bord qui vous expliquera avec plaisir son travail, consistant à éduquer le cerveau algorithmique de son véhicule. Cette personne développe d’ailleurs une autre nouvelle compétence essentielle du XXIe siècle: la pensée computationnelle (comprendre comment formuler un problème pour que la machine puisse le résoudre).

 

Lors du Forum des 100 «Les Suisses face à l’intelligence artificielle » le 25 septembre à l’EPFL, cette thématique sera abordée lors d’une des sessions : L’AI et la mobilité, à quelle vitesse vers l’auto sans conducteur ? Les enjeux liés aux données qui nourrissent les algorithmes seront notamment discutés.