Livraison par drone entre Lausanne et Coppet

Eiger, c’est le nom du nouveau-né de la start-up RigiTech. Un drone qui peut transporter des paquets de 3 kg et voler sur une distance de 100 km. Il possède aussi un parachute pour éviter qu’il s’écrase lourdement au sol en cas de problème.

Eiger devrait, dans un futur proche, rapporter votre prise de sang au laboratoire. Plus spécifiquement, si demain vous vous rendez chez votre médecin traitant à Lausanne pour effectuer une prise de sang, votre échantillon sera ensuite envoyé au laboratoire d’analyse central qui se trouve à Coppet par l’intermédiaire de ce drone. Cela réduit les coûts de logistique et c’est plus rapide (il n’y a pour le moment pas d’embouteillage dans le ciel, contrairement à l’autoroute A1 Lausanne-Genève).

Ce scénario correspond à la proposition de valeur de l’entreprise RigiTech. Avec ses partenaires, elle a obtenu des fonds européens (DHI-HERO HealthCare in Robotics) pour pouvoir mettre en place une telle solution en 2021.

Dans une région qui ambitionne d’être une « Drone Valley », avec déjà de nombreuses sociétés actives dans le développement de drones innovants telles que senseFly et Flyability, il me semble intéressant qu’on puisse également être au centre de l’expérimentation de nouveaux services.

Garantir la sécurité de vol

Les drones sont de plus en plus utilisés, notamment dans le domaine de l’agriculture et de la viticulture. On sera probablement de moins en moins surpris lorsqu’on ira faire une promenade dans les vignes et qu’on apercevra un drone comme celui de Aero41. Celui-ci sera occupé à traiter la vigne en y pulvérisant des produits phytosanitaires de manière ciblée. Dans ce type d’application, le drone ne survole pas des espaces où se trouve beaucoup de monde.

Si l’on souhaite maintenant utiliser des drones dans le domaine de la logistique, il va falloir garantir une sécurité très élevée, car ils seront amenés à survoler des zones d’habitation. C’est tout l’enjeu technologique auquel s’attaque la société RigiTech.

Le drone fonctionnant en autopilote, il doit connaître en tout temps sa position. Une redondance entre différents systèmes est nécessaire. En effet, si la position fournie par le GPS est mauvaise (ce qui est assez fréquent en milieu urbain où les bâtiments perturbent la réception des signaux satellites), le drone doit pouvoir se positionner en utilisant le réseau de téléphonie mobile. Lors du décollage et de l’atterrissage, une liaison radio doit être mise en place localement pour assurer une géolocalisation parfaite.

Un opérateur peut à tout moment prendre le contrôle du drone. Cependant, en cas de panne du système de batteries par exemple, le drone doit pouvoir déclencher automatiquement un parachute (système « failsafe »).

Les procédures et mécanismes à mettre en œuvre doivent donc être testés dans des conditions réelles, ce qui est l’objectif de ce projet.

Offrir un territoire d’expérimentation pour concevoir les services du futur

Les défis sont nombreux pour permettre à un tel service de s’établir durablement, ce qui rend d’ailleurs le projet très enthousiasmant. RigiTech, société accompagnée par l’association d’aide aux entrepreneurs Genilem, espère convaincre les autorités publiques de contribuer au projet, notamment en mettant à disposition le terrain adéquat pour permettre le décollage.

Pour pouvoir adapter le cadre réglementaire à ces nouveaux usages de manière adéquate, il est indispensable d’effectuer ce type de projets pilotes. Pour contrôler ce nouveau type de trafic aérien, des mesures ont été mises en place l’année dernière avec la publication de zones dans lesquelles les drones sont interdits. C’est une première contrainte à prendre en compte. En plus, afin d’éviter les zones à forte densité de population, l’idée est d’identifier un lieu de décollage à Lausanne situé sur les rives du lac, proche du métro, pour pouvoir acheminer les échantillons facilement depuis le centre-ville.

En attendant de pouvoir prochainement observer Eiger voler au-dessus du lac Léman, voici une vidéo de vols effectués en fin d’année dernière dans un projet au Portugal. Celle-ci permet de se projeter dans une possible vision du monde dans laquelle nous cohabiterons avec des drones.

Amazon et son intelligence artificielle très indiscrète

Faire voler un drone d’intérieur pour protéger votre maison, payer vos courses avec la paume de votre main et écouter avec un bracelet vos conversations pour vous aider à gérer vos émotions sont les trois nouveaux produits annoncés ces dernières semaines par Amazon. Leur point commun : ils collectent tous vos données très personnelles pour « nourrir » les algorithmes d’intelligence artificielle développés par le géant du e-commerce.

Un drone filme l’intérieur de notre maison

Probablement le produit le plus surprenant des trois. Amazon propose un drone équipé d’une caméra qui vole à l’intérieur de votre habitat lorsque vous êtes absent. Il vous permet d’aller observer tous les recoins de votre maison lorsque vous êtes en déplacement. En vous connectant avec votre téléphone, vous pouvez ainsi vérifier que vous n’avez pas laissé une fenêtre ouverte ou encore oublié de rentrer votre store.

La vidéo de promotion présente un cambrioleur qui entre dans votre maison et qui décide de repartir après s’être retrouvé en face de votre drone (pourtant il n’a pas l’air bien méchant, en tout cas il me fait beaucoup moins peur qu’un doberman). La proposition de valeur mise en avant : pour $249, plus besoin d’équiper toutes les pièces de votre maison d’une caméra.

Est-ce qu’on veut vraiment qu’Amazon scanne en permanence notre intérieur ? Que va-t-il se passer ensuite ? En même temps que notre drone surveille notre intérieur, il pourra par exemple aussi identifier que notre canapé est usé et Amazon nous proposera d’acheter un nouveau modèle en cuir rouge, sur la base de nos préférences (fournis par le profilage provenant de l’historique de nos commandes sur sa plateforme d’achat en ligne).

La paume de notre main comme moyen d’identification pour payer nos courses

Prochainement, les consommateurs qui rentreront dans un magasin Amazon Go pourront payer les courses en scannant la paume de leur main. Ce système analyse votre paume (la forme, les lignes et la configuration de vos veines) pour vous identifier. C’est une technique analogue à la technologie de reconnaissance faciale, basée sur l’utilisation de nos informations biométriques. L’ambition d’Amazon va au-delà du paiement. Cette solution pourrait également remplacer les tickets de concerts ou encore permettre de faire le check-in à l’aéroport.

Est-ce qu’on veut vraiment que la paume de notre main soit enregistrée dans le cloud/nuage d’Amazon ? Si Amazon est victime d’une cyberattaque et que nos données biométriques sont volées, cela devient très critique. On ne peut pas modifier la paume de la main comme on change un mot de passe ! Pour que ce service fonctionne, les données doivent être centralisées, ce qui est différent des solutions biométriques actuelles comme la reconnaissance faciale sur un iPhone. Apple n’enregistre (pour le moment) pas ces données, elles sont uniquement conservées localement sur le téléphone.

Un bracelet pour analyser notre voix et notre corps

Halo, c’est le petit nom donné à ce nouveau bracelet connecté (encore un !). Parmi les nombreuses fonctions, il est équipé de micros pour enregistrer vos conversations. Il vous informe ainsi sur le ton de votre voix lorsque vous communiquez avec d’autres personnes. Les algorithmes d’intelligence artificielle vous indiquent ensuite si vous êtes joyeux ou bouleversés…la petite voix qu’on a normalement dans notre tête provient maintenant de notre poignet. Le bracelet est également fourni avec une application qui scanne votre corps en 3D pour calculer votre masse graisseuse et ensuite vous aider à réduire votre surpoids. Pour vous motiver, l’application montre à quoi votre corps pourrait ressembler après quelques séances d’entrainements physiques.

Est-ce qu’on veut vraiment qu’Amazon mesure notre état physique et émotionnel ? Même si Amazon indique que tous les enregistrements et les photos sont effacés, il va quand même en connaître encore plus sur nous, notre personnalité et notre condition physique. Et si Amazon lance ensuite un produit d’assurance ou effectue un partenariat avec des assurances maladie, que va-t-il se passer ?

 Amazon nous connaîtra mieux que nous-même

Ces trois produits amènent une nouvelle dimension à la transition numérique : ils combinent les données de notre monde physique (dans ce cas notre habitat), nos informations biométriques et nos actions dans le monde digital. Avec ces nouveaux « Big data » combinés, les géants de la Tech vont nous connaîtrons mieux que nous. L’historien Yuval Harari avait déjà, il y a quelque temps, mis en garde contre cette évolution, avec un exemple très parlant : une entreprise comme Amazon pourra identifier qu’une personne est homosexuelle avant qu’elle le réalise elle-même…avec le risque que cette information tombe entre les mains de gouvernements totalitaires où cette orientation sexuelle est condamnée.

En attendant une éventuelle réaction plus globale du politique, il va falloir que chacun de nous, comme consommateur, analyse ces nouveaux produits de manière critique. Si l’on reprend l’exemple du paiement avec la paume de sa main : est-ce qu’il est souhaitable de créer un mot de passe qui fait partie de notre corps ? Les avantages sont-ils suffisamment grands par rapport au risque ? De nombreuses alternatives existent et fonctionnent très bien, comme le paiement sans contact par RFID proposé par les émetteurs de carte de crédit. Il est donc préférable de ne pas utiliser un tel système biométrique.

La crise sanitaire a rendu ces entreprises technologiques encore plus puissantes (Amazon annonçait fin juillet un bénéfice net de $5.2 milliards sur 3 mois, le double du profit sur la même période l’année dernière). Elles vont donc pouvoir nous « inonder » d’innovation, en se concentrant probablement sur nos données de santé, le nouvel eldorado pour accroître leur pouvoir. Il va donc falloir être prudent, ces nouveaux produits deviennent très intrusifs pour notre sphère privée.

Amazon Ring Always Home Cam :

Amazon One

Amazon Halo