En une nuit, notre continent européen a basculé

Le retour de la guerre

La guerre est de retour en Europe. J’ai encore en mémoire les images de l’Euromaïdan de 2013-2014 – le drapeau européen qui flottait dans les rues de Kiev. Il ne fait aucun doute: en attaquant l’Ukraine, la Russie de Vladimir Poutine s’en est prise à l’Europe, à ses valeurs, à ses principes – à nos valeurs et à nos principes!

Il ne s’agit donc pas «simplement» d’un conflit opposant deux Etats. Bien au contraire. J’étais conscient de la fragilité de la construction européenne; du fait que notre liberté, notre démocratie, la paix ou encore l’Etat de droit ne pouvaient être considérés comme acquis. Et pourtant, jamais je n’aurais cru une telle situation possible. En une nuit, notre continent – mon monde! – a basculé.

Une Union européenne en transformation

En quelques jours, c’est aussi l’Union européenne qui a entamé une nouvelle transformation. Après le «moment hamiltonien» de l’été 2020, quand les Etats membres ont contracté ensemble une dette commune, voilà que ces derniers réagissent rapidement, se montrent unis et fermes vis-à-vis de la Russie et s’accordent sur le financement de la livraison d’armes à un Etat tiers. Le Sommet européen des 10-11 mars à Versailles sera décisif quant à l’avenir de l’Union européenne en matière de sécurité et d’approvisionnement énergétique.

Et les relations Suisse-Union européenne?

Dans ce contexte-là, les discussions sur l’avenir des relations entre la Suisse et l’Union européenne paraissent dérisoires, voire déplacées. Il est évident que la Suisse est européenne, partage les valeurs et principes portés par l’UE et dépend de ses voisins directs à bien des égards (la sécurité n’en est qu’un). Il est temps pour nos autorités de fondamentalement repenser leur politique européenne. La Suisse doit être solidaire et pleinement engagée dans la défense de nos valeurs et principes. Finissons-en avec le «bilatéralisme», les uns face aux autres. Le temps est à l’union, les uns avec les autres!

Ainsi, montrons ce en quoi nous croyons – (ré)approprions-nous le drapeau européen.

En signe de solidarité avec le peuple ukrainien.

Pour notre avenir. Pour l’Europe!

 

Texte publié le 10 mars 2022 sous forme d’édito dans la Newsletter du Mouvement européen Suisse.

Raphaël Bez

Diplômé en science politique et en études européennes, Raphaël Bez est secrétaire général du Mouvement européen Suisse. Il est également vice-président de la Plateforme Suisse Europe, membre du bureau exécutif de l’Union des fédéralistes européens et membre du Conseil de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe.

15 réponses à “En une nuit, notre continent européen a basculé

  1. Je pense que les historiens feront une lecture un peu différente de ce que vous exposez. Puisque les services de renseignements occidentaux savaient que l’agression allait avoir lieu, et pour empêcher la destruction certaine dudit pays, il aurait suffit à l’Otan de prendre l’engagement de ne pas laisser à l’Ukraine la possibilité de l’intégrer, d’ailleurs nous savions tous, y compris le gouvernement ukrainien, que l’Otan n’allait de toutes les façons pas l’intégrer. Le bilatéralisme n’est pas l’un contre l’autre mais l’un avec l’autre!

    1. Et vous croyez que la Russie ne serait pas intervenue comme elle l’a fait?!?! Poutine cherche à déstabiliser l’Europe démocratique depuis des années – il serait temps de prendre la mesure entre son discours et ses actions !

      1. “Poutine cherche à déstabiliser…” bien sûr, et l’Occident aussi, surtout les USA, cherchent à déstabiliser la Russie, et ils ont sacrifié l’Ukraine dans ce but d’ailleurs, en poussant Poutine à la faute !

  2. Plus proche du commentaire que Spark apporte ici que de vos recommandations: les mots “valeur” et “drapeau” ne devraient plus appartenir au lexique de toute personne ouverte à un dialogue ou à un rapprochement. Ce vocabulaire est désuet, pratiqué par des locuteurs pressés, peu capables de se remettre en question. Quant à la solidarité, il fallait y penser avant! On a hélas observé combien la langue qui s’emballe et tourne à vide chez les mieux intentionnés précède les pires actions. S’il y a une urgence, ce serait bien de revisiter le discours politique et/ou humanitaire. Merci de nous en donner l’occasion.

  3. Donc qu’un gouvernement pilonne et affame son propre peuple pendant 8 ans, c’est dans les valeurs européennes ? Il semblerait, vu que l’UE n’a rien dit pendant tout ce temps-là.

    1. Situation provoquée et atisée par le “libérateur” actuel. quoi qu’il en soit, si ce n’était pas acceptable avant, ça l’est encore moins maintenant.

  4. L’erope va se rendre compte que l’Otan n’est pas un ”gentil club de bridge”. Merci Spark et Etter pour vos commentaires avisés.

  5. les valeurs et les principes de l’Europe ne sont PAS mes valeurs et mes principes de suisse, ni d’ailleurs des suisses que j’ai dans mon entourage.

    1. Merci pour votre réaction. En quoi la démocratie, la liberté ou encore l’Etat de droit ne seraient-elles pas des valeurs “suisses”?

      1. Les valeurs de l’UE, c’est de faire voter le peuple et ensuite de s’asseoir ensuite sur ce qu’il a voté, comme en France en 2002.

        En Suisse, le vote du peuple est sacré, car c’est lui le souverain. Pour l’UE, c’est consultatif. Qui est donc le souverain de l’UE ? Si vous le savez, dîtes-le nous, on serait curieux de le savoir.

        1. Le peuple français (ainsi que celui de Pays-Bas) a rejeté un projet de Constitution européenne. L’UE n’a, à ce jour, toujours pas de constitution… Par ailleurs, même si les Français et les Néerlandais ont rejeté cette proposition, il est bon de rappeler qu’une majorité d’autres Etats l’avait acceptée. Les citoyennes et citoyens de ces pays-là et leur avis n’ont pas moins d’importance.

          Par ailleurs, rappelons qu’en Suisse aussi le peuple a déjà été amené à se prononcer à plusieurs reprises sur un même sujet. Le congé maternité aurait sans cela pas pu être instauré.

          Le souverain au sein de l’UE? Les citoyennes et les citoyens des Etats membres! Elles et ils élisent d’ailleurs directement les membres du Parlement européen. Quant aux membres du Conseil européen, elles et ils sont à la tête des gouvernements des différents Etats membres, gouvernements élus démocratiquement. Naturellement, de grands progrès sont encore possibles pour rendre le fonctionnement des institutions encore plus démocratiques (initiative citoyenne, droit d’initiative du Parlement, procédure d’élection de la présidence de la Commission européenne, etc.). Des travaux sont d’ailleurs en cours, notamment au sein du Parlement européen. Il est donc totalement faux de vouloir faire croire que l’Union européenne n’est pas démocratique.

          1. J’avais oublié ce distingo: l’UE n’a pas de constitution mais se “met à jour” par des traités.

            Cela ne change rien à l’affaire. Il est courant en Suisse de voter plusieurs fois à des années d’intervalles sur le même sujet. Quoi de plus normal, les temps changent et une idée qui paraît moyennement bonne peut faire son chemin et obtenir une majorité à un moment donné.

            L’UE n’a aucune culture de démocratie semi-directe. Et pour reprendre l’exemple d’avant, on peut même dire que le peu qu’elle en a montre ce qu’elle pense. Ça ne veut pas dire que tous parlementaires européens, ni tous les europhiles pensent pareil, mais en comptant l’inertie de la machine et le pouvoir démesuré accordé à la Commission, il est illusoire d’espérer des avancées démocratiques à moyen terme.

            Comprenez-moi bien: je ne dis pas que l’UE est dépourvue de toute forme de démocratie. C’est le dosage et ce qu’il est fait de l’opinion des peuples qui n’est à la hauteur.

            Et il y a aussi le fait qu’aucun dispositif n’est prévu pour une sortie de l’UE: les Royaumes-Unis ont mis des années, se sont vu mettre des bâtons dans les roues par l’UE pour avoir osés en sortir. Une communauté pour laquelle il n’est pas prévu de procédure de sortie s’appelle une secte. Espérons que pour le prochain Etat qui voudra en sortir, cela se passe mieux. Mais j’ai des doutes.

        2. “Le vote du peuple est sacré” ! à MDR, ils nous font voter pour déplacer un réverbère de 50 mètres ou pour placer une décharge dans une Commune à gauche ou à droite de la route, mais pour les choses sérieuses un minimum de 4 personnes décident à notre place et pour tout. La semaine passée le CF a mis fin à la Neutralité suisse en une séance de travail ! Quelques mois auparavant ils ont décédé que le peuple doit se faire vacciner avec du matériel à l’essai. La démocratie est un système qui fonctionne par beau temps.

          1. A tout prendre, je préfère ces démocraties imparfaites à leurs alternatives. Elles ont au moins en elles un potentiel d’amélioration, si tant est que le plus grand nombre s’en saisisse (sans trop d’efforts, autre qu’intellectuel).
            Mais essayez donc la Corée du Sud, peut-être y trouveriez vous ce que vous attendez.

          2. Je suis bien d’accord. Mais si ceux qui décident de tout ne se trouvent plus à Berne, mais à Bruxelles, le problème ne ferait qu’empirer.

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