Depuis plusieurs années, nombre d’acteurs importants de la droite ouverte sur le monde cèdent à la tentation du « french bashing ». Cela a un effet délétère sur notre relation au monde extérieur.
Il est difficile de retrouver le moment à partir duquel un nouveau sport national est apparu, qui prend ici la forme du « french bashing » : cette tentation qui consiste à s'offusquer bruyamment de toute demande venant de l'extérieur comme si elle était d'office irrecevable, ou de s'esclaffer de la nullité des gouvernements successifs de nos voisins, et ainsi surfer sur le sentiment de dignité outragée, ou de fierté suffisante, qu'on contribue ainsi à susciter auprès de la population.
C’est entendu, la Suisse doit défendre ses intérêts dans le concert international – encore faudrait-il se mettre d'accord sur ce que sont ces intérêts. Une lecture possible des événements survenus depuis 2008 et la crise financière est que la Suisse officielle, celle qui gouverne, a décrété que les intérêts de son secteur financier primaient sur ceux du reste de son économie, et qu'en conséquence elle n'a pas su ou voulu voir que cela la plaçait dans une position indéfendable par rapport à nombre de ses partenaires commerciaux et économiques, qui ne désiraient pour la plupart – pour la plupart – rien de plus que de récupérer la substance fiscale qui se cachait chez nous.
Lorsque les rapports se sont tendus après 2008, au moment où, crise de la dette aidant, l’OCDE a décidé de ne plus tolérer de perdre une partie significative de sa fortune au profit des paradis fiscaux, dont la Suisse à un niveau que franchement l’auteur de ces lignes ne soupçonnait pas, nous n’avons pas su ou voulu réagir autrement qu’en poussant des cris d’orfraie. Résultat : depuis cinq ans, la grande majorité des responsables crient au loup et à la forteresse assiégée, vomissant nos partenaires, dont la France mais pas seulement elle, les traitant de tous les noms d’oiseaux, selon les circonstances soit de monstres sanguinaires voulant abattre notre pays, soit de crétins malfaisants détruisant les leurs.
On a vu ainsi nombre de politiciens pourtant acquis à l'ouverture, aux bilatérales, voire à une intégration plus forte dans l'ensemble européen diffuser, à longueur d'année, des discours condescendants, méprisants, voire pour certains carrément injurieux envers nos voisins. Ici, en Suisse Romande, ces discours se sont focalisés sur la France. Ce faisant, leurs auteurs pourtant nominalement europhiles n'ont pas vu qu'en répétant semaine après semaine ces attaques contre nos partenaires, on a fini par légitimer dans la population le discours de rejet et de fermeture vis-à-vis de l'Europe que l'UDC serine depuis 25 ans.
Car enfin, comment faire accepter à la population le principe de la continuation de notre intégration avec nos voisins, si depuis cinq ans nous répétons chaque semaine que ce sont une bande d'abrutis qui ne comprennent rien à rien? Comment ne pas comprendre que la population refuse la poursuite des bilatérales avec des partenaires que nous avons agoni d'injures un lustre durant? Comment lui faire signer des accords bilatéraux avec l’Europe alors que dans le même temps le parlement a systématiquement torpillé les accords fiscaux et financiers que le Conseil Fédéral lui proposait de passer avec les mêmes partenaires?
Le lien entre le « french bashing » et le 9 février me semble aveuglant. Et il est un fait que, dans l'attente d’enquêtes plus précises, la répartition des résultats du vote semble bel et bien indiquer que c'est dans l'électorat du centre-droit que le soutien aux bilatérales a le plus reculé le 9 février 2014. Il conviendrait donc que les hérauts de la droite ouverte au monde, PLR en tête, modèrent leur discours, sauf à ouvrir un boulevard aux thèses de fermeture et de repli dont l’économie, in fine, souffrira autant que la population.
PS : avec mes remerciements à Vincent Arlettaz, trésorier du PLR Pully-Paudex-Belmont, l’origine de ce texte provenant d’une discussion mutuelle sur les réseaux sociaux.