C'est le score minable obtenu par les opposants au durcissement du droit d'asile, une dégringolade de 11 points par rapport à 2006. Il est temps de se poser les questions qui font mal.
On se souvient qu'à l'automne passé, une grande partie des milieux traditionnellement favorables aux réfugiés, ayant pressenti la déroute de ce week-end, s'était posé la question de l'opportunité de retourner devant le peuple sur ce sujet – une coalition regroupant les églises, le PS, et Amnesty entre autres. Las! d'autres lançèrent le référendum vaille que vaille, au nom du principe – et de lui seul, tant le résultat ne faisait de doute -, forçant donc une énième campagne défensive sur le sujet, mobilisant les moyens des appareils et les efforts de militants, dont bien sûr ceux des églises, du PS et d'Amnesty. Tout cela en pure perte donc, sauf peut-être pour telle jeune pousse qui vit là l'occasion de se profiler pour des échéances futures, pour tel groupe théorisant là qu'il construit le rapport de forces d'un hypothétique mouvement social à venir, pour tel politicien prenant ainsi la lumière, puis se dédouanant, le désastre consommé, par un simple message sur Facebook ou Twitter.
Parce qu'il s'agit du droit d'asile, la portée des décisions prises n'est évidemment pas la même que lorsqu'on discute de politique agricole ou de construction d'infrastructures: on joue là avec la vie des gens. A cette aune, la seule question qui vaut vraiment d'être posée est la suivante: à l'issue de cette campagne, la situation des personnes que nous prétendons défendre est-elle meilleure ou pire que si elle n'avait pas eu lieu? Vis-à-vis des requérants que ce vote touche de plein fouet, le fait d'aller devant le peuple bardé des grands principes n'a-t-il pas été totalement contre-productif, offrant une victoire encore plus large que prévue aux opposants du droit d'asile, qui ne vont pas se gêner de se réclamer de ce score massif pour exiger – et obtenir! – des révisions encore plus dures? Y a-t-il quelqu'un, chez les référendaires, qui se soit soucié de cela?
La seconde introspection à mener concerne le parti socialiste. En plaçant une socialiste à la tête du département concerné, la majorité du conseil fédéral a très finement joué, obligeant ainsi le PS à un grand écart qui touche à ses principes fondamentaux et forçant le parti à lutter, en quelque sorte, contre lui-même. Il se dit que Simonetta Sommaruga a mené une "très bonne campagne", assurant mieux que le service minimum, et obtenant d'ailleurs le "meilleur" score, et de loin, jamais obtenu pour un durcissement du droit d'asile – en quelque sorte, le coup de génie de la majorité du conseil fédéral aura été de faire porter ce projet par une socialiste, laquelle est manifestement parvenue à attirer la moitié de son électorat dans le camp du conseil fédéral, pourtant opposé au sien sur ce thème. La question est, pour le parti socialiste, de savoir si cela en valait la peine. Il est permis d'en douter – la question de l'appartenance du PS au conseil fédéral, qui semble désormais si théorique, mérite d'être posée. Ne serait-ce qu'au regard des conséquences que cette appartenance a eue ce week-end pour les demandeurs d'asile.