Batteries: l’ultime charge

Un peu d’histoire

C’est en 1749 que Benjamin Franklin utilise le terme “batterie” pour désigner un ensemble de condensateurs* reliés entre eux qu’il utilise pour ses expériences sur l’électricité. Ces condensateurs sont des panneaux de verre dont chaque surface est recouverte de métal. Toutefois, ce n’est que plusieurs décennies plus tard qu’Alessandro Volta invente la première véritable pile qui prend son nom (“pile voltaïque“). Cette pile est constituée de paires de disques de cuivre et de zinc empilés les uns sur les autres et séparés par une couche de tissu ou de carton imbibée de saumure qui joue le rôle d’électrolyte. De nombreuses améliorations voient ensuite le jour afin de contrecarrer les effets indésirables tels que la corrosion des électrodes, les fuites d’électrolyte, etc. et ainsi augmenter les performances desdites batteries.

 

 

Ce n’est qu’en 1859 que Gaston Planté invente la première batterie rechargeable, le fameux accumulateur au plomb (une des électrodes, l’anode, est en plomb et l’autre, la cathode, est en dioxyde de plomb) contenant de l’acide sulfurique (l’électrolyte). Les réactions chimiques internes qui permettent de produire un courant peuvent être inversées pour changer la direction du courant, ce qui recharge la batterie. C’est une avancée majeure par rapport aux autres batteries qui se vident entièrement une fois toutes les réactions chimiques épuisées. Ce type de batterie est encore utilisée dans les batteries de voitures de nos jours.

 

 

Dans la foulée, Georges Leclanché améliore ce type de batteries et, sur la base de ses travaux, Carl Gassner propose le premier brevet d’une batterie dite sèche (au zinc-carbone) qui remplace l’électrolyte liquide par une pâte. Cela représente de nombreux avantages pour les batteries qui deviennent plus robustes, ne nécessitent pas d’entretien, ne se renversent pas et peuvent être utilisées dans n’importe quelle orientation. Un tournant est pris dans l’assemblage des composants et permet une production de masse.

 

Une nomenclature apparaît pour classifier les types de batteries: elles sont dites “primaires” si elles produisent un courant uniquement jusqu’à ce que leurs réactifs chimiques soient épuisés (pile voltaïque) et comme “secondaires” si les réactions chimiques peuvent être inversées en rechargeant la pile (pile Planté).

 

Au XXe siècle, on assiste à un de multiples développements dans le secteur avec l’apparition des accumulateurs nickel-fer, des piles alcalines, les accumulateurs nickel-hydrogène, etc. Apparaissent les fameuses batteries lithium-ion notamment suite aux observations que le lithium est le métal dont la densité est la plus faible, dont le potentiel électrochimique ainsi que le rapport énergie/poids sont les plus élevés et dont le faible poids atomique mais également la petite taille de ses ions accélèrent sa diffusion. La commercialisation de ce type de batteries par SONY au début des années 90 contribue à démocratiser leur utilisation dans l’électronique moderne. SONY redouble d’efforts pour développer la version lithium-polymère dont l’électrolyte n’est plus un solvant liquide et où les électrodes et les séparateurs sont laminés les uns aux autres. Cette dernière différence permet à la batterie d’être enfermée dans une enveloppe souple plutôt que dans un boîtier métallique rigide, ce qui signifie que ces batteries peuvent être spécifiquement façonnées pour s’adapter à une forme d’appareil particulier.

Les lauréats du prix Nobel de chimie 2019 pour le développement des batteries lithium-ion (de gauche à droite) John Goodenough, Stanley Whittingham et Akira Yoshino. /VCG Photo

 

L’accumulateur fer-air le vent en poupe

ClimateBase Weekly s’est penché sur l’entreprise électrique nord-américaine Xcel qui a récemment annoncé qu’elle allait installer deux énormes batteries fer-air de 10MW en lieu et place de centrales au charbon en voie de fermeture. L’énergie générée via des sources renouvelables et ainsi stockée peut fournir plusieurs jours de consommation. A taille équivalente, c’est beaucoup plus de stockage que les batteries lithium-ion et à un coût bien inférieur (environ $20/kWh versus plus de $100/kWh aujourd’hui pour Li-ion, voire $80/kWh pour les batteries Tesla).

 

On s’éloigne donc des épineux problèmes liés à la production de ces dernières, notamment le minage de quantités colossales de toutes sortes de métaux tels que le lithium, le cobalt, le cuivre et le nickel et de tout ce que cela comporte (excavation faramineuse, transport, traitement, destruction d’écosystèmes, droits humains, etc.). En comptabilisant le transport maritime, le secteur minier serait responsable de 28% des émissions mondiales chaque année. Bien évidemment, tout n’est pas la faute des piles au lithium mais avec une demande croissante, le problème ne peut que s’intensifier.

 

Il semblerait donc que les batteries fer-air constituent une très prometteuse alternative pour un stockage d’énergie à long terme en quantité industrielle. Aussi, le fer est le métal le plus abondant sur Terre, actuellement extrait sur tous les continents, et c’est le seul matériau miné nécessaire au stockage de l’énergie sous la forme des accumulateurs fer-air. On entrevoit donc les bénéfices en termes de simplification des chaînes d’approvisionnement ainsi que de l’économie de combustibles fossiles nécessaires au transport des métaux minés.

 

Une deeptech qui innove et croît

Le projet Xcel précité est le dernier partenariat en date pour la startup Form Energy sise dans l’état états-unien du Massachusetts et qui a obtenu un financement de 450 millions de dollars en octobre de l’année dernière pour produire des batteries fer-air dans sa nouvelle usine. Sa vision est de proposer des solutions de stockage d’énergie à bas coûts et long terme (une centaine d’heures) afin de renforcer le réseau électrique et stocker de l’énergie de sources renouvelables tout au long de l’année.

 

Ce projet permet entre autre à Xcel de poursuivre ses plans de décarbonation car l’objectif des services publics des Etats-Unis est, comme souvent scandé par qui veut bien l’entendre, celui des émissions nettes zéro à l’horizon 2050. Pour l’heure, plusieurs empruntent la voie très critiquée des crédits carbone (se référer au récent scandale qui entache les activités de SouthPole) et misent sur la capture directe du carbone sur leurs générateurs existants.

 

La mobilité continue son électrification

Les accumulateurs fer-air peuvent être la panacée lorsque l’on considère des applications à large échelle mais ils sont trop volumineux pour être intégrés dans les véhicules électriques. Toutefois, des types de batteries alternatives restent un domaine où les projets de R&D foisonnent et où de récents progrès ont été annoncés pour des applications plus petites.

 

Cette semaine, Nissan a annoncé une production des batteries à l’état solide pour ses véhicules d’ici 2028. Ce type de batteries offre une densité énergétique deux fois supérieure en comparaison de celles au lithium et une vitesse de charge trois fois plus rapide. Même si elles nécessitent 35 % de lithium en plus que les batteries classiques, elles ont besoin de beaucoup moins voire pas de cobalt du tout.

 

En janvier, des chercheurs de Corée du Sud ont fait une percée dans les batteries sodium-ion en améliorant considérablement les capacités de stockage. Jusqu’à présent, ces batteries étaient trop grandes et trop lentes pour remplacer celles au lithium.

 

“Seul l’avenir nous dira ce que le futur nous réserve!” pour reprendre la formule…

 

* Pour rappel, un condensateur est un composant électrique qui est constitué de supports conducteurs appelés “électrodes” séparés par un isolant polarisable aussi appelé “diélectrique”. Sa propriété principale est de pouvoir stocker des charges électriques opposées sur ses supports.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

V2X: Véhicule-à-tout

Récemment, Nissan annonçait proposer une nouvelle monnaie d’échange. En effet, dans son exposition de Yokohama explorant le futur de la mobilité, l’entreprise permet aux visiteurs de payer leur parking en transférant une partie de l’électricité stockée dans les batteries de leurs véhicules électriques au bâtiment abritant l’exposition. L’électricité sera-t-elle bientôt monnaie courante?

Ce type d’initiatives – ou de technologies – visant à valoriser l’électricité des batteries de véhicules s’inscrit dans le concept “vehicle-to-grid”, abrégé V2G, traduit en français par “véhicule-réseau”, technologie permettant le flux bidirectionnel d’électricité de et vers la batterie. Avec d’autres véhicules de la marque japonaise, l’entreprise Octopus prône notamment la solution Powerloop pour encourager ses utilisateurs à adopter ce nouveau type d’échange.

Au cours d’un voyage à San Francisco en 2017, John Sarter, fondateur et directeur de l’entreprise Sol Lux Alpha, par ailleurs membre du réseau Solar Impulse, me faisait visiter des bâtiments dits “net zéro” (parfois complété par positif) pour indiquer que leur consommation énergétique est neutre: ils produisent autant qu’ils consomment (et produisent même parfois plus). Si une catastrophe naturelle venait à survenir, comme par exemple un “big ‘quake” redouté en Californie, une des applications envisagées est de pouvoir fournir les habitants du quartier en électricité, notamment par et pour leurs véhicules qui se mueraient en batterie mobile. En considérant la forte densité énergétiques de ces dernières, la capacité de stockage mobile est conséquente.

Par ailleurs en 2019, Volkswagen annonçait que toute la gamme Golf de la huitième génération allait être équipée de technologies V2X, à savoir “vehicle-to-everything” (véhicule-à-tout en français), ce qui représente le plus grand déploiement en termes d’échelle dans le monde automobile (bien que Toyota et Cadillac aient devancé le constructeur allemand de quelques années).

Avec des chiffres de vente en constante hausse, les véhicules électriques sont sources d’innovations multiples quant à l’électricité qu’ils transportent. De nouveaux modèles d’affaires voient et verront indéniablement le jour. Roulez jeunesse!