Cela fait plus de 10 ans que je répète à l'envie et à qui veut l'entendre que le problème de la criminalité organisée commence à être combattu non pas seulement lorsque les autorités le décident (ou pas) mais surtout lorsque les gens, vous, moi, tout le monde, est conscient que ces réseaux criminels affectent des routines quotidiennes, les petits faits de tous les jours. En l'état, on pourrait parler de transports, de téléphonie mobile, de travail, etc. mais quoi de plus commun à toutes et tous de faire ses courses et de manger ? En plus, ce matin, la Reppublica reprends une enquête de la Guardia di Finanza italienne selon laquelle 4 bouteilles d'huile d'olive italienne sur 5 ne contient "pas que" de l'huile d'olive italienne mais bel et bien des mélanges sensés faire diminuer le prix de revient du produit.
Cela m'a rappelé que dans mes cours, je parle assez souvent de mafia alimentaire, de "agromafia" comme ils disent au sud des Alpes. Comme je le rappelle souvent, la problématique de la criminalité organisée dans l'industrie alimentaire est complexe et recouvre des multiples facettes: sécurité alimentaire, pression sur les prix, fraude, vols, contrefaçons, tout cela tant dans la production que dans la distribution et le transport, le stockage et les contrôles. Cela pose également la question des entreprises "légales" du domaine. Leurs produits sont victimes de contrefaçons, de vols ou de pillages. Ils sont concurrencés rudement par des produits présentés comme équivalents mais qui ne sont que des copies de mauvaises, voire très mauvaises ou de dangereuses qualité. En Italie, La Commission sur la Contrefaçon alimentaire (si, si, ca existe) indiquait en 2011 que le chiffre d'affaire de la criminalité organisée dans l'agrobusiness se montait à 12,5 milliards d'Euros par an, soit plus de 5% du total de la branche. Ceci au travers d'investissements dans les terrains, les bâtiments, les équipements, la cultivation, la transformation et le transport. La filière du faux pesait quant à elle plus de 60 milliards d'Euros par an. Une étude spécifique de l'EURISPES (l'institut statistique italien) a même été réalisée et est actualisée chaque année depuis plus de 5 ans.
Pour s'adapter, beaucoup font le pas sur des marchés de niches, comme le recyclage des produits carnés, viande et saucisses, ou dans les fruits et légumes qui pourissent au bout de quelques heures dans nos cuisines. Tout cela sans parler des conditions de production: on a eu les plaintes sur la production de fraises espagnoles (tout le monde s'en fout que ca soit des esclaves qui ramassent le précieux fruit), on connaît la situation des sans papiers forcés de travailler sur les champs de légumes du sud de l'Italie, d'Espagne, du Portugal, de Grèce et encore plus loin, en Afrique, en Asie… On trouve par exemple les mains de la yakuza japonaise derrière l'épidémie de bactérie E.COLI au Japon, à Taiwan, en Chine et même aux Etats-Unis principalement dans les écoles. Ces épidémies se répètent visiblement depuis plusieurs années et chaque année, des milliers d'enfants et d'adultes sont contaminés, certains en meurent.
On sait que les entreprises de transport sont des cibles d'investissement privilégiées par les organisations criminelles, quelles que soient leurs nationalités: camions, bateaux, avions, du Japon aux Caraibes en passant par le Moyen Orient, l'Afrique, l'Europe et les Etats Unis, personne n'est à l'abris. Les flottes de pêche mafieuses sont légion et se soucient comme d'une guigne de l'impact environnemental comme des traités sur la pêche. En 2011, l'UNODC s'est même fendue d'un rapport spécial sur l'industrie mafieuse de la pêche. La CFP Reform Watch (Common Fisheries Policy) indique clairement en faisant référence à ce rapport que la pêche mafieuse met en péril les industries de la pêche légales. On sait également que les organisations criminelles privilégiaient la pêche à la crevette notamment dans les Caraïbes et avaient acquis de véritables flottes, principalement pour transporter des stupéfiants. On sait également que les flottilles de pêches sont largement utilisées en méditerranée ou en Galice, pour décharger les supéfiants (ou autre chose) des cargos en provenance d'Amérique Latine ou d'Asie au large des côtes. On sait aussi que dans les zones sinistrées, ou personne ne pêche plus pour des raisons sanitaires, eux y vont et vendent leur produits à des prix défiant toute concurrence…après tant pis pour le consommateur.
La filière du lacté n'est pas en reste. On connait les déboires du "roi de la Mozzarella"…Giuseppe Madara, arrêté pour liens avec la camorra, la mafia napolitaine. Ce que l'on sait moins de cette affaire, en tout cas ici, largement reprise par LIBERA en italie, c'est que l'entreprise de l'individu écoulait 30 million de produits par ans et produisait non seulement en Italie, mais également au Japon, aux Etats Unis, en Australie et dans l'autres pays européens. L'affaire Parmalat est également dans tous les esprits. Toutefois, peut de gens on pu voir les connexions entre l'empire Tanzi et les cartels sudaméricains au travers de sociétés panaméennes servant à blanchir de l'argent au travers du retail business.
La viande non plus n'est pas à l'abri. Nous avons tous en tête les innombrables trafics de viande qui ont fleuri lors de l'embargo sur la viande anglaise lors de la crise de la vache folle. Mais les trafics de viande on connu depuis une telle expansion que le FBI leur a donné un nom: les Organized Retail Crime. Plusieurs opérations ont eu lieu dans les chaînes d'abattage, de transport et de vente des produits carnés, tant aux Etats Unis qu'en Europe et en Angleterre. Il est clair que la présence des organisations criminelles dans le business de la viande aux Etats Unis n'est pas neuf. On trouve déjà en 1974 des documents judiciaires relatif à des opérations à large échelle menées par les "mobsters" de New York City. Ce qui est plus nouveau, c'est leur internationalisation et leur industrialisation.
On ne parlera pas ici de la main mise qu'on pourra qualifier d'historique des organisations criminelles sur les marchés divers et variés, tout autour du monde: les marchés des légumes à NYC ou à Milan, les marchés aux poissons à Palerme, au Japon ou en Chine, etc. etc. Peu d'opérations policières malgré tout et le mafiafood revient finalement dans nos assiettes.
Enfin, je ne vais pas continuer à vous dégoûter, mais dans l'assiette comme dans l'industrie, il faut toujours connaître son producteur. C'est mieux pour sa santé.
Et si vous voulez du 100% antimafia dans votre assiette, consommez LIBERATERRA.
Bon appétit!