Le débat sur la TSR1 de ce jeudi soir 13 décembre fait rage sur la question de la mutation de la place financière suisse. La stratégie de "l'argent blanc" est sur toutes les lèvres. Proactivité, ligne stratégique gouvernementale, on saluera les efforts de notre gouvernement de tenter de reprendre l'avantage après avoir subit pendant des années les foudres des fiscs et gouvernements étrangers. Cette "weissgeldstrategie", tout le monde en parle, personne ne sait véritablement ce que c'est. En tout cas, au niveau conceptuel, je serais bien le dernier à remettre en cause une telle idée, moi qui répète à l'envie depuis plus de 10 ans qu'il y a toujours plus d'argent "blanc" dans le monde que d'argent "noir". Naturellement, lorsque je professais cela, je ne pensais pas du tout à l'argent de la fraude fiscale, mais bien à celui du crime.
Disons le tout net: il n'y aura aucun stratégie de l'argent blanc tant que les banques suisses garderons dans leurs coffres et sur leurs comptes des avoirs criminels. S'attaquer au fraudeurs fiscaux étrangers apparaît comme une issue inévitable, tant la pression fiscale des grands pays, très gourmants parce que très dotés en infrastructure, est devenue insupportable. Mais il ne s'agit pas de "stratégie de l'argent blanc". Loin de là. Le concept en lui même, pour attirant qu'il soit, est trompeur voir fallacieux. Et dangereux. Il conviendrait plutot de l'appeler la "stratégie de l'argent déclaré". Sortir la Suisse de son image de "place financière opaque", pourquoi pas. Ce qui est insupportable, tant pour les Suisses que pour les clients et anciens clients de banques suisses, c'est le différentiel de traitement entre le fraudeur, entrepreneur, citoyen disons à peut près normal qui, pour tenter de payer moins d'impôts dans son pays d'origine en cache une partie chez nous (maintenant il a le choix, mais c'est un peu moins efficace et plus loin) et le blanchisseur professionnel qui lui déclare par contre tout ce qu'il faut et qu'il doit. Si il y a une chose qui nous est apparue ces dernière années, c'est que les mafieux adorent payer leurs impôts. Aussi parce que les impôts le leur rendent bien: relative tranquillité et retour sur investissement en parasitant les fonctions et marchés publics.
Comment expliquer a l'entrepreneur français, italien ou allemand qui pendant des années a fraudé le fisc de son pays qu'il juge, à tort ou à raison, ce n'est pas à nous d'en juger mais aux fraçais, allemands ou italiens, qu'on les immolent sur l'autel de la transparence alors que dans le même temps, des ploutocrates et mafieux de tous types et de toutes origines ne sont ni inquiétés, ni "chassés" voire même aidés par ceux-là même qui devraient les refuser avec la dernière énergie.
Ce différentiel là est insupportable, surtout en Suisse. C'est un "pousse au crime" économique et moral.
Quelques petits exemples: le cas du système de compensation utilisé par la mafia chinoise entre l'Espagne et la Chine, en passant par Genève, l'argent volé par quelques ex-PEP d'Europe de l'est et d'Asie centrale qui font l'objet de poursuites judiciaires et policières dans les banques Genevoises et Zurichoise, l'argent de trafics de stupéfiants dans les banques genevoises, etc. etc. Bien que la plupart de ces cas soient connus, et maintenant sous enquête, il est encore et toujours étonnant de voir qu'à quelques petites exception prêt, ces cas arrivent toujours chez nous par commissions rogatoires et ne sont quasiment jamais découverts in-situ; exactement comme il y a 20 ans.
De là à dire que beaucoup reste à faire simplement concernant l'argent du crime, c'est plutot une phrase à La Palisse. Si la Suisse mettais plus d'fforts sur sa politique criminelle et revoyait sa procédure pénale en matière de moyens de preuve dans les cas de mafia ou de réseaux corruptifs ou criminels, elle s'engagerait véritablement dans une "Stratégie de l'Argent Blanc". Sinon, cela reste une vaste et jaune rigolade.