Je lis ce matin dans la presse qu'un rapport, commandé par l'Office Fédéral de l'Energie, préconise une ouverture totale du marché de l'électricité en Suisse afin de gagner en efficacité. Ledit rapport a été réalisé par une société spécialisée, Polynomics basée à Olten et se penche sur l'efficacité du marché électrique suisse par rapport aux coûts et aux principes de pollueur-payeur dans une optique de "sustainable energy supply".
Le media en question indique en titre qu'il s'agit d'un "plaidoyer pour la libéralisation du marché de l'électricité" qui amènerait des économies substantielles pour les utilisateurs et améliorerait la "balance verte" de ladite production. Plusieurs conditions sont toutefois reprises dans le rapports, comme l'introduction sur les bourses d'échanges de certificats de CO2 des "titres" relatifs aux producteurs d'électricité.
Si il est louable que notre gouvernement s'intéresse à ce domaine, ladite étude, que j'ai bien essayé de comprendre mais qui n'est disponible qu'en allemand (…autre sujet d'autres débats) fait remonter des remugles de tentatives de privatisation des opérateurs énergétiques suisses il n'y a pas si longtemps. Depuis le temps qu'on nous l'annonce, il semble que ces derniers soient prêts à revenir à la charge assez prochainement.
Le cas de cette étude n'est pas anodin pour que je le reprenne dans ce blog (et comme premier article en plus…il faut bien commencer). En effet, nous savons que l'énergie est un bien stratégique. Tous les pays, les Etats Unis en tête, se battent aujourd'hui pour leur indépendance énergétique. De plus, en Suisse, selon un rapport de l'Office Fédéral de l'Energie de 2008, l'énergie hydraulique représentait un peu plus de la moitié de la production Suisse. Et cela amène un autre débat, autour des ressources en eau potable dont chacun sait qu'elles deviennent plus rares et qu'elles représentent un actif majeur et stratégique pour la Suisse dans les 100 prochaines années.
Que l'on se pose des questions sur le coût de l'electricité, que l'on se pose des questions sur l'impact environemental de la production énergétique (évidemment, on a pas parlé du nucléaire), tout cela est très bien. Mais bon sang pourquoi, au moment où l'on débat en Suisse Romande et en Suisse alémanique de la prise de contrôle de nos industries et de nos savoirs faire par des entreprises étrangères, n'intégrons nous pas dans ces équations le risque stratégique ? Peur, ignorance, dogmatisme … le monde a changé depuis les bancs universitaires nom d'un chien. Nous faut-il brader nos seuls véritables ressources naturelles pour gagner quelques centimes sur notre facture d'électricité ?
Le risque stratégique, ce n'est pas seulement celui de voir un réseau important comme une grid électrique à l'échelle d'un pays tomber en ruine au bout de 20 ans par faute d'investissements (comme c'est le cas en Europe de l'Est, dans certaines parties de l'Angleterre, de l'Australie ou des Etats Unis). C'est aussi le risque de voir de grands groupes privés internationaux mettre la main sur la production et la distribution d'énergie en Suisse, manipuler les prix (comme c'est le cas actuellement en Angleterre où une vaste enquête est en cours sur des manipulations des prix du gaz qui auraient coûté plusieurs dizaines de milliards aux utilisateurs) ou même privilégier certaines allocations énergétiques plutôt que d'autres en cas de pénurie. C'est également le risque de voir des acteurs mafieux ou d'autres réseaux illégaux mettre la main sur les ressources stratégiques d'un pays, quitte à les prendre en otages pour leurs raisons propres. Eux qui disposent de fortes disponibilités monétaires et sont organisés en conséquence, cherchent justement à mettre les mains sur ce genre d'acteurs stratégiques qui leur offrent un levier politique et direct pour s'assurer une éventuelle tranquilité judiciaire tout comme une source de revenus quasiment inépuisable.
Et allez parler d'ordre juridique et de sanctions lorsque notre système actuel n'est même pas capable de condamner de vulgaires manipulateurs de match de football.
Il serait temps que les pouvoirs politiques et le monde académique intègrent à leurs équations le concept de ressources stratégiques d'une part et qu'elle y intègre également le concept déjà bien usé comme utilisé par nos voisins d'investissements criminels. Et de même, il serait bon que nos parlementaires se penchent sur les procédures qui empêchent systématiquement les autorités judiciaires de faire un travail que la population attend.