Des pets dans l’eau!

Moi, Sepp Blatter, je me marre. A 77 ans et bourré aux as, j'ai survécu à tellement d'accusations de corruption au cours de mes 32 ans passés à la FIFA que suis devenu du vrai Teflon: toxique, mais rien ne me colle aux basques ! Alexandra Wrage, une de nos conseillères externe en matière de corruption, démissionne et m'accuse d'être un pourri ? Et alors ? Elle accuse le Conseil fédéral de nous laisser faire ce qu'on veut, quand on veux et à qui on veut ? Elle n'a pas tort, mais ce n'est pas Ueli Maurer et son département "défense, protection de la population et sport" qui va secouer le cocotier. De toutes façons, elle s'est exprimé en anglais et il n'a sans doute rien compris !

Donc, au prochain congrès qui se tiendra fin mai à l'île Maurice (pourquoi irions-nous en Albanie ?), tous feront comme d'hab et approuveront ce qu'on leur demandera d'approuver.

Le succès de ma réussite ? Comme j'aime bien l'Hebdo, je vais vous livrer quelques secrets.Tout d'abord, il s'agit d'apprendre avec les meilleurs. Et là, j'ai été gâté: Joao Havelange, mon prédécesseur, était le king. Certes, il vient de démissionner de son poste de Président d'honneur de la FIFA, accusé d'avoir touché des dizaines de millions de dollars de pots-de-vin de ISL, qui gérait l'attribution des droits télévisés pour la Coupe du Monde. Mais il s'en tamponne: il a 96 ans, vit au Brésil et a donné son nom au stade dans lequel auront lieu les cérémonies d'ouverture de la Coupe du Monde de foot de 2014 et des Jeux Olympiques de 2016. Pas mal, non ?Secrétaire général sous ses ordres, j'ai appris les coups les plus tordus et l'art de se ficher éperdument de ce pense le monde extérieur.

Il convient ensuite de bien maîtriser le "carotte-bâton". Donc, à se montrer très très généreux avec les gentils (qui font ce qu'on leur dit) et à punir sévèrement les méchants. C'est assez fastoche quand on dirige une organisation qui a un milliard de francs en banque…

Troisième volet: se mettre autant que possible les media et les journalistes sportifs dans la poche. Ayant naguère été moi-même journaliste sportif, je connais la musique: après tout, qui c'est-ce qui distribue les accréditations et les billets gratuits ? C'est bibi ! Ne soyez donc pas surpris par l'impressionnant silence médiatique qui a accueilli les déclarations de Mme Wrage…

Enfin, ne jamais avouer quoi que ce soit et se montrer "surpris et choqué" de voir comme les gens sont méchants et jaloux. Un exemple: quand le Président de ma commission anti-corruption (sic) a expliqué aux media ce que nous devrions entreprendre pour éradiquer la corruption, je me suis déclaré "surpris". Sans entrer sur le fond, j'ai déclaré "nous avons fait appel à des conseillers pour nous faire des recommandations. Or, ils outrepassent leur mandat en voulant nous imposer des décisions". Pas mal, hein ? Comme quoi, un roquet qui aboie n'empêche pas la caravane de passer !

Bon, ces jours, c'est un peu la m… le FBI termine une longue enquête sur nos décennies de corruption et de dessous de table et cela commence sérieusement à sentir le roussi. Mais le moral est bon. Comme naguère J. Edgar Hoover, le fondateur du FBI, j'ai des dossiers sur plein de beau linge et si je saute, ça fera un super feu d'artifice ! Après les banques et le négoce, il faudra bien tout l'or de la Banque Nationale pour redorer le blason de la Suisse, dont les 7 sages ont joué aux 3 singes: rien vu, rien entendu, rien dit.

Vous croyez que j'exagère ? Alors cliquez sur les liens ci-dessous. Vous avez largement de tout lire pendant les mi-temps des matches de la Ligue des Champions de l'UEFA de cette semaine !

 

http://tempsreel.nouvelobs.com/sport/20130328.OBS6089/grande-enquete-du-fbi-sur-le-systeme-de-corruption-a-la-fifa.html

http://www.reuters.com/article/2013/03/27/us-usa-fbi-soccer-idUSBRE92Q11820130327

http://transparencyinsportblog.wordpress.com/2013/02/20/blatters-wally-says-there-is-no-fifa-corruption/

Et ne manquez pas les pages 8 et suivantes la de Revue Suisse:

http://www.revue.ch/files/CHF_0212_001_032_LOW-RES.pdf

 

 

Rions jaune!

Jaloux ! Les Chinois sont jaloux ! Alors que les Américains ont Monsanto, Goldmann Sachs et le Delaware; les British une floppée de places offshore pourries et que nous avons UBS, la FIFA et les pharma, qu'ont-ils ? Un peu de corruption gentillette et quelques dirigeants mystérieusement enrichis. Du riquiqui d'amateurs ! Il fallait donc frapper fort pour ne pas laisser aux Occidentaux le monopole de la pourriture. Un premier essai en 2008 a ouvert la voie: une douzaine de producteurs de lait en poudre se sont fait piquer pour avoir mis de la mélamine (cyanuramide) dans leur poudre, histoire de la faire passer pour plus riche en protéines. Résultat: la mort de six enfants et des maladies graves chez plus de 3000.000 autres. Cet essai interne fut suivi d'un essai à l'exportation: du plomb dans les jouets pour enfants et… un cadeau pour les amateurs de "bio": de la mélamine dans des tourteaux de soja bio destinés à la production animale en Europe, ainsi que dans des produits à base de soja destinés aux enfants….

Mais revenons à notre lait en poudre. La Chine compte 82 millions d'enfants de moins de 5 ans et donc, en gros,164 millions de parents. Qui, n'ayant droit qu'à un enfant, ne tiennent pas plus que cela à l'empoisonner et donc, ne font plus confiance à la production locale. D'où l'explosion de la demande en lait en poudre importé. Le fait qu' il y a un mois, on apprenait qu'un partenaire chinois de Hero mélangeait du lait en poudre importé avec de la poudre locale périmée, changeait la date de péremption sur les boîtes et faisait passer ce lait, destiné aux enfants plus âgés (moins cher) pour du lait destiné aux nourrissons (plus onéreux) n'a fait que renforcer la demande. Résultat des courses: une ruée de tourisme lacté sur Hong Kong. Qui a dû contingenter l'exportation de lait en poudre et, comme nous l'apprend Bloomberg, depuis le début de l'année, la police de l'ex-colonie a arrêté plus de 900 trafiquants et saisi 9 tonnes de poudre blanche. On parle de lait en poudre, bien sûr et pas d'héroïne.

De leur côté, la Grande-Bretagne et la Nouvelle Zélande ont été contraints de limiter les ventes de lait en poudre sur leur territoire et certains supermarchés allemands ont fait de même, les achats massifs de Chinois provoquant des ruptures de stock. Youpee ! donc pour Nestlé, Danone et autres producteurs étrangers qui voient leur part de ce marché de 13 milliards de francs par année fortement augmenter. Comme quoi le malheur des uns, etc…

Une petite balade sur le site chinois Taobao est instructive: des centaines de Chinois établis en Europe proposent, via internet, du lait en poudre européen, mais peinent eux-mêmes à se fournir, d'où des listes d'attente. Sur place, les prix ont explosé. La boîte  d'un kg se traite à 230 yuans (environ 35 francs), soit près du double du prix moyen en Europe.

Déjà bien notés dans les catégories "empoisonnant allègrement les consommateurs" et "polluons gaiement pour un avenir radieux", certaines entreprises de l'Empire du Milieu se hissent lentement dans le peloton de tête des pourris. Certes, ils ne sont pas encore prêts de ravir la 1ère place à leurs consoeurs occidentales, mais si ces dernières ne font pas attention, elles seront bientôt dépassées. J'en appelle donc à la fibre patriotique des dirigeants véreux: un peu de fierté que diable ! Ne vous laissez pas faire et prenez exemple sur la FIFA, Novartis et Monsanto.

 

Pour mémoire, l'expression "rire jaune" n'a rien à voir avec les Asiatiques. Elle date semble-t-il du 18ème siècle et provient du fait que les hépatiques sont souvent de mauvaise humeur, et lorsqu'ils se forcent à rire, la bile teint leur visage de cette couleur jaune pâle.

 

 

Putes et soumis

 

Ils me lèchent les bottes ! me caressent dans le sens du poil ! me déclarent le plus beau et le plus grand ! Moi, Hamad ben Khalifa Al Thani, Emir du Qatar, je suis plus courtisé que les bimbos d'Alerte à Malibu ! Serait-ce à cause des quelque 50 milliards de francs que je dois investir chaque année, soit ce qui me reste des 200 milliards que j'encaisse annuellement pour mon gaz et son pétrole – une fois les dépenses de l'Etat payées ? Arf ! mais bien sûr !

Je me marre ! Mes tribunaux (et je dis bien "mes") ont condamné le poète Mohammed al-Ajami à 15 ans de prison. Ce plouc avait osé écrire: "nous sommes tous la Tunisie face à une élite repressive". Un moment, j'a cru que ça allait gueuler du côté des bien-pensants, mais il n'en ont rien à cirer, vu que ce n'est pas le poète qui a les pépètes ! L'Organisation Internationale du Travail dénonce l'esclavagisme dont sont victimes les travailleurs immigrés dans mon pays ? Je m'en tamponne, comme le reste du monde d'ailleurs, sauf peut-être au Bengladesh ou au Népal. Ce ne sont quand même pas de telles broutilles qui vont m'empêcher de poursuivre mes emplettes dans la joie et la bonne humeur….

Deuxième plus gros actionnaire du Crédit Suisse, je me suis offert, le Paris St Germain, la FIFA, un chouia de la Barclays Bank, 3 % de Total, 6% de EADS, du Porsche, les magasins Le Printemps, Harrods, un immeuble à 600 millions sur les Champs Elysées et plein d'autres sucreries. De quoi assurer un avenir radieux aux 24 enfants que j'ai eu avec mes 3 épouses.

La Suisse ? J'adore, tout comme feu mon émir de père d'ailleurs. Après tout, c'est pendant le séjour de papa dans ce beau pays que je l'ai renversé et ai pris le pouvoir en 1995.

J'aime tant cette Suisse paisible que je viens aussi y faire mes courses: hôtels de luxe et participations dans plein d'entreprises. On ne peut pas me le reprocher: après tout, je fais mon boulot. On dit que je pourrais être un peu plus généreux, notamment avec les travailleurs immigrés qui lui construisent mes palaces et mes stades… C'est vrai qu'ils vivent dans la misère (pour autant qu'ils vivent, puisque les constructions des stades pour la Coupe du Monde de foot ont déjà fait des dizaines de victimes), mais bon, je ne me balade pas beaucoup dans leurs taudis et si le Qatar ne leur plait pas, qu'ils retournent chez eux !. 

Quant à cette horde de lèche-culs, chefs d'Etat, politiciens, banquiers, avocats, patrons d'entreprises, membres de conseils d'administration et autres cafards qui me font la cour et que je fais danser, je les méprise. Et si j'ai décidé d'écrire ce blog pour l'Hebdo, c'est que je voulais que cela se sache. Hamdoulilah ! 

A quand une drogue qui donne du courage ?

Dans la famille des guerres impossibles à gagner, il n'y a pas que l'Afghanistan et l'Irak… Depuis 40 ans, nombre d'Etats sont en guerre contre les drogues illégales, un marché de 500 milliards par an et pour un flop, c'est un flop.

Selon "Der Spiegel", quelque 200 millions de consommateurs, fument, mangent, boivent, sniffent, se shootent avec 40.000 tonnes de marijuana, 800 tonnes de cocaïne et 500 tonnes d'héroïne chaque année. Sans parler des millions de pilules genre extasy que n'importe quel plouc peut fabriquer @ home.

Rien qu'aux Etats-Unis, cette guerre coûte 15 milliards de dollars par an et c'est peanuts par rapport aux sommes brassées par les producteurs et trafiquants. C'est aussi une guerre qui a occasionné la mort violente de 10.000 personnes par an en moyenne au Mexique ces six dernières années. Pourquoi est-il impossible de gagner cette guerre ? Pare que la demande est inélastique (quel que soit le prix à payer, les drogués ne peuvent pas s'en passer) et les marges bénéficiaires phénoménales.

Une plantation de coca, c'est 5-6 récoltes par année. Une feuille de coca (0,5 % de cocaïne) est facilement transformée en pulpe (35 % de cocaïne). Il suffit ensuite de quelques produits chimiques courants pour produire de la cocaïne pure. Un bon labo clandestin peut ainsi en produire 15 tonnes par mois. Et maintenant, en route pour le voyage sur les marges…

Le labo vend sa pure autour de 800 francs le kilo. Dès qu'il a passé une frontière locale, ce kilo se traite entre 7.000 et 8.000 francs. Une fois aux USA ou en Europe, il vaut quelque 40.000 francs. Entre grossistes bien sûr. Car la coke va ensuite subir plusieurs dilutions et le gramme se vend alors au détail – selon les villes et les pays – aux alentours de 120 francs. On passe donc de 80 centimes le gramme à la sortie du labo, à 120 francs à l'arrivée. Et quelle que soit l'importance les saisies, elle ne font qu'affecter le prix, mais pas la demande.

Comme l'explique un des grands spécialistes de la question, le Professeur Nadelmann (Princeton), directeur de la Drug Policy Alliance (http://www.drugpolicy.org), pour gagner la guerre, il suffirait de convaincre 200 millions d'accros de renoncer à leur drogue. Utopique ? Certainement. Donc, il faut changer d'approche et détruire le business model des cartels. En clair, sinon légaliser, du moins libéraliser le marché. Car si les gouvernements le contrôlaient, comme ils contrôlent ceux de l'alcool et du tabac (ventes taxées et soumises à conditions), ce serait le fisc et non les cartels, trafiquants et dealers qui en profiteraient. Et les milliards dépensés en contrôle des frontières, police, prisons,  etc. sans même parler du coût de la délinquance occasionnée par l'addiction, pourraient être affectés à la prévention et au traitement de cette dernière. Utopique aussi ? Hélàs… car les politiciens sont frileux de nature et aucune drogue semble susceptible de leur donner assez de courage pour innover. En attendant, habitants et commercants de nos villes continuent à subir les conséquences de cette myopie

Pour mémoire, le tabac tue 5,1 millions de personnes par année, l'alcool 2,3 millions. L'héroïne, la cocaïne et le crack ? 200.000

 

 

Liberté chérie!

La cigarette ? C'est 2,4 milliards de francs de recettes fiscales pour l'Etat, un joli pactole, destinée à la caisse AVS. Et comme les fumeurs tendent à mourir plus jeunes, Bingo ! On comprend donc que l'Etat ne se fatigue pas trop avec les campagnes anti-tabac… N'empêche, en Suisse, le tabagisme cause près de 9.000 décès par an, les frais de traitement médicaux directement liés au tabac sont estimés à 1,3 milliard et les coûts indirects à 3,8 milliards par an. En clair, l'Etat encaisse pendant que tous les assurés passent à la caisse…Paradoxalement, il existe encore des subventions, genre "fonds pour la culture du tabac indigène" lequel, soit dit au passage, touche autant par paquet que le "fonds de prévention du tabagisme". Allez comprendre…

L'alcool ? C'est 3.500 décès par années et plus d'un milliard en dépenses directes de santé. Sans parler des accidents de voiture, des blessures et des dégâts matériels: 17 % des accidents mortels et 14 % des accidents ayant entraîné des blessures graves l'ont été dans des accidents liés à l'abus d'alcool. Une fois de plus, l'Etat encaisse et tous les assurés passent à la caisse… Certes, la Régie fédérale ne va pas jusqu'à organiser une verrée lors de la publication de ses résultats: un bénéfice de plus de 270 millions de francs, dont 10 % vont aux cantons (encore une injustice envers le Valais et le Jura dont les habitants contribuent sans doute plus que les Glaronnais ou les Zougois au bénéfice de la Régie…).

La prostitution ? Au nom de la liberté de commerce et d'industrie, on tolère ce qui, pour bien des femmes "importées" en Suisse, est un fléau. C'est aussi un chiffre d'affaires de quelque 3,5 milliards de francs par année en Suisse. Une belle somme que l'Etat ne se prive pas de taxer, Une prostituée dont le chiffre d'affaires de trois mois de passes part dans les caisses de l'Etat ? Hum… Helvétia en mère maquerelle ? 

Puisque notre gouvernement et nos parlementaires font joyeusement dans le paradoxe et puisque l'argent provenant des taxes et impôts n'a pas d'odeur, pourquoi continuer à ignorer les quelque 350.000 fumeurs réguliers de cannabis ? Non seulement ils ne rapportent pas un sou à l'Etat, mais de plus, ne meurent que rarement de leur fumette et n'occasionnent que peu de dégâts. Et, cerise sur le gâteau, les producteurs ne demanderaient même pas de subvention !

 

Rêve ou cauchemar ?

"Je rêve d'un journal sans journalistes" me confiait, il y a quelques années, un éditeur romand bien connu lors d'une soirée quelque peu arrosée, estimant que les journalistes ne valent pas grand chose et coûtent pourtant bonbon. Son rêve est en voie d'être réalisé. Avec toutefois un bémol: les lecteurs s'en rendent compte et ne veulent plus de ces journaux au rabais.

A quelques rares exceptions près, les journaux et magazines, après avoir perdu un important volume d'annonces, perdent aussi des lecteurs. Certes, le numérique y est pour quelque chose et comme l'écrivait Valérie Boagno, la directrice du Temps, le 18 mars, "… la presse doit s'adapter aux nouveaux usages, se réinventer, être créative, innovante et migrer. Du papier vers les supports digitaux".

Hélàs, pour nombre d'éditeurs, être créatif se limite à réduire les effectifs et à se débarasser des journalistes les plus expérimentés (et donc plus coûteux) et quand ils innovent, c'est l'horreur ! Le nouveau gagdet, c'est la machine à écrire des nouvelles ! Et ce n'est pas une blague, hélàs. Pour ses clients de la presse écrite, "Narrative Science" a conçu un algorithme capable de rédiger des nouvelles et des dépêches sportives. Ses clients peuvent même choisir la tonalité générale de la nouvelle, genre "commentateur sportif extatique" (sic) ou "salle de marchés nerveuse". Le tout, sans intervention humaine ! Un pied géant pour les éditeurs ? Peut-être, mais à bien court terme: une récente enquête américaine montre que près d'un tiers des lecteurs ont renoncé à leur journal, estimant qu'il ne leur fournit plus les informations et analyses auxquelles ils étaient habitués.

Autre "innovation": le journaliste acheté. "Contently", une autre de ces entreprises innovantes, met en contact des journalistes avec des entreprise ou des politiciens, pour produire des "reportages" de type publicitaire. Quant au magazine "Fortune", il a lancé un nouveau programme pour entreprises: TOC (Trusted Original Content). Le concept est simple: moyennant paiement, "Fortune" met ses journalistes à disposition pour produire des articles que les entreprises et boîtes de relations publiques peuvent ensuite diffuser sur leur site internet. Articles portant évidemment la signature "Fortune".

En Suisse, on n'en est pas encore (tout à fait) là, mais on en prend le chemin. Journaux et magazines sont toujours plus nombreux à acheter des articles tout faits. Parfois, ils sous-traitent même des rubriques entières, conséquence de rédactions toujours plus maigres. Pour les éditeurs, le calcul est vite fait: si un/e journaliste coûte en moyenne CHF 140.000 par année (salaire, charges sociales, place de travail, équipement, téléphone, etc.) et rédige 2 articles par semaine, 47 semaines par année, cela signifie que chaque article revient à CHF 1.500. Or, acquérir le droit de reproduire un article paru ailleurs est bien moins cher. Ainsi, les "bons" journaux et magazines, ceux qui continuent à investir dans une rédaction de qualité, capable d'enquêtes et d'investigations, amortissent une partie des coûts en vendant des articles que les moins "bons" sont ravis d'acheter.

Ainsi va le monde et même si le nombre d'utilisateurs des plateformes numériques des media augmente, les recettes publicitaires qui en découlent ne croissent que faiblement et ne compensent de loin pas la perte des recettes publicitaires de l'écrit. Conclusion (et merci à ceux qui chercheront à me convaincre que je me trompe): une partie de notre presse est condamnée et disparaîtra ces prochaines années.

 

http://narrativescience.com/

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Le crime ? ça paie ! (bis)

Moi, Jamie Dimon, patron de la banque JPMorgan Chase, je me marre !

Comme le dit un rapport du sénat américain, j'ai contribué à faire perdre 6 milliards à ma banque l'année passée. Record battu les loulous ! Et vous allez rigoler: j'ai été puni. Bouh ! C'est que je suis un tout vilain…arf arf  ! Selon ce rapport, ma banque a "mal informé les investisseurs, les régulateurs et le public sur la nature, les activités et le risque des dérivés de crédit début 2012". Il affirme aussi que malgré le fait que j'étais au courant de pertes catastrophiques, j'ai menti aux régulateurs et au public, leur ai fourni des informations incorrectes et ai comparé les rumeurs au sujet de ces pertes à une tempête dans un verre d'eau.

Et donc, puni le Jamie ! Au coin ! Hahaha ! Mon bonus a été réduit à 10 millions de dollars et donc, je n'ai gagné que 11,5 millions en 2012.. Même pas un million par mois. Argh ! Comme les gens sont méchants… et, disons-le clairement, cons comme des balais ! Il y en a même qui affirment qu'avec cette tape sur les doigts, "le message est clair: Jamie Dimon est indirectement responsable de ces spéculations et de cette perte". Sans blââââgue ! comme aurait dit Grock.

Je ne me suis pas tapé la lecture de ce rapport de plus de 300 pages (qui donc a le temps de lire de telles âneries ?). Comme nombre de mes collègues avant moi, je me suis fendu d'un petit mea culpa bien torché: "nous reconnaissons avoir commis de graves erreurs et j'assume une part de responsabilité" et vogue la galère ! Notez bien que je parle d'erreurs et pas de "faute". Faut quand même pas charrier !

Il parait que le rapport du Sénat évoque une "combinaison toxique de spéculation éhontée, de manipulation des bilans et d'un mépris affiché pour les régulateurs". Yes I can ! Poursuites pénales ? Vous rigolez, ou quoi ? Prison ? No way baby ! Comme mes amis et collègues de la HSBC, de la Barclays, de l'UBS, de Goldman Sachs et quelques autres, je sais bien que je risque plus la tôle en piquant une boîte de caviar au supermarché qu'en pigeonnant des clients. A condition évidemment de faire les choses en grand. Et une perte de 6 milliards, c'est quand même pas du pipi de minet !

La meilleure, c'est que mon revenu a quand même dépassé celui de mon copain Stuart Gulliver de la HSBC, lui aussi puni, comme l'a écrit Wyler dans son blog en décembre dernier (http://www.hebdo.ch/les-blogs/wyler-michael-post-scriptum/si-si-le-crime-%C3%A7a-paie)  et donc, champagne ! Enfoncé aussi, le Sergio Ermotti de UBS avec ses 8,9 millions de revenus ! Faut dire que sa banque n'a perdu que 2,5 milliards en 2012. Riquiqui !.

Bon, je vous laisse. Le week-end approche et mon yacht est paré. Quelques jours aux Caraïbes me feront le plus grand bien. Après tout, choper un tel fou-rire, ça fatigue…

 

 

Gaza: tunnels en berne

Vous le saviez (ou pas), le territoire de Gaza a des frontières avec deux pays: l'Egypte et Israël. Ces dernières années (notamment suite à la victoire électorale du Hamas), ces deux voisins de Gaza avaient quasiment fermé leurs frontières, rendant la vie bien difficile aux Gazaouis. Mais, les quelque 1,6 millions d'habitants de cette petite bande de terre ont appris à se débrouiller, notamment en creusant au fil des ans des centaines de tunnels de 700-800 mètres de long reliant Gaza à l'Egypte. Une véritable industrie qui, à son apogée, occupait entre 12 et 15.000 personnes et fournissait plus de la moitié des produits que l'on trouvait sur les marchés et dans les magasins de Gaza.

Une belle affaire pour les propriétaires de tunnels. Car, si faire creuser un tunnel coûtait (selon la hauteur et la largeur) entre 150 et 250.000 francs, pendant les belles années, certains proprio se faisaient plus de 20.000 francs par jour en important des produits de consommation, des motos et de voitures et accessoirement…  des armes et des explosifs. Une belle affaire aussi pour le Hamas, qui délivrait à prix d'or des autorisations d'exploiter un tunnel et taxait tout ce qui y transitait, empochant ainsi quelque 200 millions de francs par année. J'évoque tout cela au passé, car les beaux jours, c'est terminé. Du côté israélien, le blocus a été fortement allégé et des centaines de camions de marchandises passent quotidiennement la frontière. Du côté égyptien par contre, on ne fait pas faire dans la dentelle !

En effet, le gouvernement de M. Morsi a commencé, il y a peu, par déverser des milliers de mètres cubes d'eau d'égout contenant des excréments dans ces tunnels clandestins et ces derniers jours, un tribunal égyptien vient d'ordonner la destruction de tous les tunnels. Et comme dit, il y a en a des centaines !

C'est que M. Morsi, tout comme son prédécesseur M. Moubarak, n'a aucune envie de voir des "militants" du Hamas débarquer avec armes et bagages dans le péninsule du Sinai ou pire, en Egypte et donc, son gouvernement – pourtant idéologiquement assez proche du Hamas – emploie la méthode forte.

Comme dans bien d'autres situations, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Si les propriétaires de tunnels pleurent, les commerçants sont heureux: quelque 5.000 tonnes de marchandises sont importées quotidiennement via Israel, les supermarchés sont pleins et même si la totale liberté de mouvement (dont les Gazaouis ne disposent pas) reste le bien le plus précieux, en ce moment, on ne manque de rien à Gaza.

Salut les plumés !

Vite, vite, avant que les gazettes ne soient remplies de commentaires sur les votations, un rappel: sur les 2'796 plaintes adressées l'an dernier à Monsieur Prix, La Poste remportait la Palme d'Or avec 560 plaintes, notamment pour des décisions hostiles vis-à-vis des consommateurs. C'est sans doute pour dignement fêter ce record que ce sympathique monopole – dont le patron se fait un million par année – s'est offert plus de 7 pages de publicité en couleur dans le Matin Dimanche du 24 février dernier, pour un coût estimé à 350.000 francs. (La Poste a refusé de communiquer le montant précis).

Si M. Prix arrive à conclure de nombreux accords à l'amiable, les négociations avec La Poste ont échoué, "le géant jaune se montrant inflexible" et donc, le surveillant des prix s'est vu obligé de lancer une procédure formelle.

Autres voyous, au niveau des prix: les notaires de l'arc lémanique. Dans son rapport, le Surveillant réitère sa demande de correction tarifaire aux autorités genevoises, vaudoises et valaisanne, dont les tarifs sont jugés trop élevés. J'entends déjà les cris d'orfraie de ces messieurs-dames, qui détestent que l'on vienne farfouiller dans leurs juteuses affaires… On avait d'ailleurs déjà pu le constater suite à l'enquête de Christophe Passer, parue dans L'Hebdo fin septembre 2010.

Comme le dit le Surveillant, "les transactions immobilières dans les cantons de Genève, Vaud, Valais, Jura et Berne sont non seulement les plus élevés de Suisse, mais s'avèrent aussi nettement supérieurs à ceux des cantons connaissant le même modèle de notariat". Il poursuit: "les émoluments étant fixés en proportion du montant de l'acte, l'augmentation de la valeur des objets immobiliers engendre automatiquement une hausse des émoluments perçus par le notaire. Et que vogue la galère et que vivent les prébendes !

Bon, c'est le ouikènde. On ne va donc pas faire trop long: faites-vous plaisir après le ski: relisez l'article de Chrisophe Passer et le (bref) rapport du Surveillant et, sur la route qui nous mène à l'abatttoir, chantons en choeur: "plus ça change, plus c'est la même chose ! "

 

 

 

Désobéissez !

Ouf ! Quel soulagement !  Daniel Vasella, "tendu en début d'assemblée" comme nous le dit Le Temps, "s'est peu à peu relâché et a retrouvé un large sourire au fil de la présentation des résultats de l'exercice 2012". Décharge a été donnée aux membres du conseil d'administration et du comité de direction par 93,3 % des voix. Un score digne des élections présidentielles d'une république bananière !

Offrir un peu de chaleur et une tasse de café à des sans-abri lors d'une nuit froide a été le motif du licenciement de Bernard Kobel, gardien de nuit au parking de la Riponne, nous apprend 24 Heures". Roger Bornand, son employeur, peut être fier: le règlement a été respecté.

Pour – entre autres – s'être engagé pour soutenir des collègues suite aux licenciements collectifs du "Temps", en novembre 2012, Rocco Zacheo, journaliste au dit "Temps" a été.. licencié. "Peut-être n'étais-je pas assez docile ?" dit-il. "J'ai l'habitude de toujours dire ce que je pense", peut-on lire dans "Edito-Klartext". Un journaliste qui dit ou écrit ce qu'il pense ? Mais où va-t-on ?

UBS: les bonus versés en 2012, soit 2,5 milliards de francs, correspondent à la perte enregistrée pour le même exercice. Comme actionnaires, via nos caisses de pension, on apprécie…

Ingvar Kamprad, fondateur d'Ikea (une fortune de plus de 30 milliards de francs) habite depuis 1976 à Epalinges. Selon diverses sources, il paie un impôt forfaitaire de 200.000 francs par année. Perçoit-il aussi l'AVS ?

800.000 personnes en Suisse vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Mais nous aurons un bel avion de combat.

Tout cela vous révolte ? Moi aussi. Mais nous sommes des révoltés de bistrot, des indignés de salon, des Guillaume Tell de pacotille. Nous aboyons (faiblement), mais nous ne mordons pas.

Certes, nous aimons nos légendes: les fiers Waldstätten se dressant contre la dictature de Habsbourg, Guillaume Tell refusant de saluer le chapeau de Gessler, mais regardons-nous un moment dans le miroir: nous sommes devenus un peuple de moutons. Moutons indignés, peut-être, mais moutons quand même.

Combien de journalistes pourraient,à l'instar de ce que Beaumarchais fait dire à son Figaro, eux aussi s'exclamer: "Pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place…je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs".

L'idée de se révolter contre l'injustice n'est pas nouvelle. Dans son "Discours de la Servitude Volontaire" (1549), La Boétie, alors âgé de 18 ans démontrait que le pouvoir d'un Etat repose entièrement sur la coopération de la population. Ainsi, dès l'instant où la population refuse d'obéir, l'Etat n'a plus de pouvoir. Un peuple peut donc résister sans violence par la désobéissance. Encore faut-il une prise de conscience générale et du courage pour que ce principe puisse être efficace.

La désobéissance civile ? Mouais… un bel essai de Henry David Thoreau, publié en 1849. Mais savons-nous encore, ou plutôt osons-nous encore désobéir ? Nous sommes régentés par des milliers d'articles de loi et règlements, fédéraux, cantonaux, communaux qui, il y a quelques décennies déjà, faisait dire au chansonnier Gilles qu'en Suisse, "tout ce qui n'est pas interdit est obligatoire" !

Peut-être que comme les Romains naguère, nous avons été pacifiés par du pain et des jeux (entendez des super-discount, des fast-food et 140 chaînes de télévision). Nombre d'entre nous se contentent de se nourrir et de se divertir, sans nous soucier d'enjeux plus exigeants.

Il est temps de réapprendre, non pas à s'indigner dans son p'tit coin, mais à se révolter contre les injustices. Et à désobéir quand il le faut.

 

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