Au coeur de l'Amerique

Au revoir Président Trump et merci ou pas…

A moins de 10 jours de la fin de son mandat présidentiel, Donald Trump s’apprête à tirer sa révérence de manière insolite. Sous le feu des critiques après l’insurrection du Capitole du 6 janvier, sa présidence s’achève comme elle a commencé. Entre imprévisibilité et chaos. Alors, merci et au revoir ou bon débarras Mister President Trump ?

Plus de passes d’armes sur twitter, plus de prises de têtes dans la maison blanche, plus de conférence de presse ahurissante, mais comment les médias américains vont-ils bien pouvoir occuper leurs journées ? Et que va faire Donald Trump ? Du golf, des affaires immobilières ou lancera-t-il sa campagne 2024 dès le 20 janvier sous les yeux de Joe Biden ?
Vous l’avez compris, à une semaine de la passation de pouvoir à laquelle il n’assistera d’ailleurs pas (une première depuis 1870), l’heure est bien au bilan pour le 45ème président des Etats-Unis. Quelles promesses a-t-il tenues, quelle Amérique laisse-t-il derrière lui et quel sera son héritage et celui du « make America great again » ?

Une économie saine avant le covid
Si Donald Trump a bâti sa campagne sur le protectionnisme et une économie nationale, son bilan chiffré semblait être positif avant la crise du covid. Convaincant jusqu’à Wall Street, le taux de chômage au plus bas depuis 30 ans (moins de 4%) pouvait lui ouvrir la porte d’un second mandat et des électeurs indécis. Relocalisation, relance d’industries mortes, taxes sur l’importation, économie et emplois sous la mention « America First ». Cela semblait fonctionner, non sans froisser la Chine, l’Europe et d’autres au passage.

Néanmoins, pour beaucoup d’Américains, cette politique n’aurait été bénéfique qu’à court terme, avec le risque d’une probable inflation. Mais, Donald Trump en hommes d’affaires qu’il est, n’aurait pas été à un retournement près pour dynamiser le deuxième volet de sa présidence. Le covid et sa mauvaise gestion étant passés par-là, on ne le saura jamais.

Immigration : le mur que l’on ne verra pas
C’était son argument de campagne favori sur le thème de l’immigration. «  We are going to build a great wall » (Nous allons construire un grand mur). Sensé être bâti tout au long de la frontière mexicaine, cette barricade prévue conte les « trafiquants, voleurs et gangs mexicains » ne verra jamais le jour. Ou tout du moins que partiellement puisque seuls 595 km sur les 3’100 km ont été construits ou rénovés. Le Mexique (on s’en doutait bien) a refusé de payer et le Congrès s’est opposé au financement des 25 milliards prévus. Mais l’essentiel était ailleurs : rassurer la base républicaine et montrer les crocs face à la Californie démocrate. Pour avoir traversé légalement la frontière mexicaine (et ses multiples contrôles douaniers à pied sous la supervision des snipers), on vous rassure ce n’est pas une partie de plaisir.

Cour suprême : une large majorité conservatrice
L’histoire et l’âge de certains juges de la Cour Suprême aidant, Donald Trump a pu faire élire pas moins de 3 juges à la plus haute autoritaire judiciaire américaine. Tous bien sûr conservateurs, et proches de la base trumpiste. Néanmoins, ceci n’a pas empêché les magistrats de le désavouer sur l’Obamacare (une de ses grandes défaites) ou dans sa ridicule croisade sur les « élections truquées. » La démocratie américaine est plus forte qu’un seul homme et il ne restera que « le plaisir » au 45ème président d’avoir pu instaurer 3 juges. Toutefois, ces nominations ont fait totalement basculer l’équilibre de la Cour d’une courte majorité progressiste à une large majorité conservatrice. Un lourd héritage avec le retour d’une politique conservatrice sur des thèmes comme l’avortement et l’immigration pourraient en être la conséquence.
Augmenter le nombre de juges comme le suggère Joe Biden ne serait qu’une solution rapide et incontrôlable à long terme. Les républicains peuvent remercier le président Trump.

Tensions raciales : de mal en pire
Si Barack Obama n’avait pas totalement réussi là où on l’attendait, Donald Trump n’a fait que de jeter de l’huile sur le feu. Avec ses multiples appels du pied aux mouvements d’extrêmes-droite et aux suprémacistes blancs, il n’a rien fait pour calmer les tensions. Pire, il a joué avec la réputation de groupes comme « Qanon », refusant parfois de condamner leurs actes. Bien que l’on ne puisse le tenir responsable de tous ces maux, héritages profonds de l’histoire, il n’y a aucun doute qu’il s’en soit servi. En fin stratège, il a su caresser certains au risque de créer des tensions intenables. L’Amérique a besoin d’autre chose.

Sur la scène internationale : une nation en retrait
Bien avant le début de son mandat, on avait compris que Trump ne serait pas l’homme des traités et accords internationaux. Nucléaire iranien, retrait sur le climat, de l’OMS ou du conflit Syrien en sont les preuves. Rompant avec une longue tradition, ce côté populiste a séduit plus d’un Américain. Et on oserait presque ajouter qu’il peut se targuer de n’avoir entraîné le pays dans aucune guerre ou conflit international. Imprégnée d’imprévisibles et de dangereux revirements, sa politique extérieure n’avait pas de lecture claire. Mais Donald Trump n’est pas un homme de guerre. Tout au plus, un personnage incalculable avec trop d’égo.

Une scission et des Américains divisés : l’acte final
Comme décrit précédemment, le 45ème président n’est pas un homme de compromis. Avec lui, il n’y a pas de zone grise. Vous êtes great or not (son mot préféré), vous êtes républicain ou démocrate, gentils ou méchants pour reprendre sa rhétorique. Au bout de quatre ans d’usure, ces divisions se font sentir plus que de raison. Et faire la différence entre riches et pauvres, chrétiens ou non, banlieue et centre-ville devient presque normal. Or, les Etats-Unis sont de par leur origine une union de différents états et populations.

A force de monter les uns contre les autres et faire croire qu’une fraude lui a volé les élections, Trump a directement ou indirectement (l’histoire jugera) encouragé l’assaut et l’insurrection sur le Congres le 6 janvier dernier. L’acte final de son dangereux jeu de scissions en quelque sorte. Et la goutte de trop pour tout un pays, tous bords confondus. On peut être mauvais perdant, mais l’irresponsabilité et le refus de condamner fermement (dans un premier temps) ces manifestants hostiles auront creusé sa perte jusqu’au sein de son propre camp. Et on peut dire merci à la démocratie américaine telle qu’elle existe d’avoir résisté, preuve qu’elle est au-dessus de tout.
Suite à ces événements, il n’y a guère de monde pour le remercier à part quelques féroces partisans. Et les républicains se retrouvent face à un énorme défi: reconstruire avec ou sans Trump ? Nul doute que les démocrates veilleront au grain.

En conclusion, que restera-t-il du président Trump ? Il aurait pu partir en président renversant et opportuniste, sauveur de l’économie mais mauvais perdant. Or, il quitte la scène par la plus petite porte, sans respect de l’adversaire et avec un terrible bilan sanitaire, démocratique et moral sur la conscience. Celui d’avoir tiré sur la corde jusqu’au bout, jusqu’au dernier jour. Alors oui, au contraire de son envol, Donald Trump a totalement raté sa sortie. Et pas que sur Twitter.

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