Allaiter où je veux ?… Allaiter si je veux !

 

Du 17 au 24 septembre aura lieu la Semaine mondiale de l’allaitement en Suisse et dans 120 pays, comme chaque année depuis 1991.

Cet événement, relayé par l’association Promotion allaitement maternel suisse est l’occasion de célébrer la vaillance des mères qui allaitent en rappelant les bienfaits de cet acte pour la santé maternelle et infantile.

A cette occasion, différents stands, ateliers et conférences sont organisés pour informer et sensibiliser la population au besoin de soutenir les femmes durant cette période.

Car l’allaitement n’est pas qu’une histoire de mères mais concerne également le couple, la famille, les collègues et toute la société.

 

Ne pas laisser les femmes porter seules le poids de l’allaitement

Si allaiter son enfant est un moment intime qui encourage la fusion mère-bébé, il ne signifie pas que les femmes doivent porter seules le poids de cet acte.

Dès les premières semaines et tout au long de l’allaitement, elles ont besoin d’aide!

 

L’aide du conjoint

L’aide du conjoint, pour commencer, qui peut offrir un soutien logistique et empathique.

Apporter une collation au moment de la tétée pour soutenir la glycémie, positionner un coussin pour soulager les tensions dorsales, offrir de bercer l’enfant et de le changer. Ces exemples sont détaillés dans la brochure de Promotion Allaitement Maternel Suisse à l’attention des pères (accessible en ligne sur ce lien).

 

Le soutien de la famille

Le soutien de la famille est également essentiel, car il peut décharger la logistique et contenir les émotions s’il est dénué de jugements.

Les décalages de génération et la pluralité des idéologies soulignent parfois des différences qui peuvent aboutir à des désaccords. D’un côté la Mère Nature et de l’autre celle qui a besoin d’un espace d’autonomie pour sortir de l’aliénation de l’allaitement. Parfois les deux sentiments sont mêlés et l’ambivalence décontenance.

Rappelons que du point du vue de l’enfant, l’allaitement répond aux besoins nutritifs mais également aux besoins émotionnels et affectifs. Aucun nouveau-né et nourrisson, mis au sein pour se calmer, n’est à ce jour devenu déséquilibré ou capricieux!

 

Un environnement professionnel bienveillant

L’environnement professionnel, lors du retour au travail, est un moment clé pour la poursuite de l’allaitement.

Le sujet est sensible car il combine des enjeux privés et logistiques: annoncer à son manager qu’on poursuit l’allaitement c’est apporter une partie intime de soi-même au travail avec les contraintes organisationnelles qu’on connaît. Les femmes cumulent souvent la culpabilité de l’absence du congé maternité avec celle de l’organisation de l’allaitement au travail.

Les lois suisses protègent les femmes travailleuses allaitantes. Elles sont une reconnaissance officielle de l’importance de cet acte d’un point de vue de la santé publique et visent à protéger la vulnérabilité des mères à ce moment de leur vie.

L’encouragement des collègues et du manager, s’il est bienveillant et respectueux de l’intimité, est un facteur de réussite évident et permettrait de maintenir des taux d’allaitement élevés.

 

Une société respectueuse

Enfin, soutenir les mères allaitantes c’est aussi participer à une société qui les respecte et leur accorde de la bienveillance lorsqu’elles nourrissent leur enfant dans un lieu public. C’est également préserver leur intimité si elles le souhaitent et leur proposer de l’aide si nécessaire.

 

“J’ai faim, je mange” pour banaliser l’allaitement dans les lieux publics

C’est précisément dans cette mouvance que le projet  “J’ai faim, je mange” est apparu.

Lancé en France en 2021, suite à l’agression d’une mère qui nourrissait son enfant publiquement, ce mouvement a pour but de banaliser l’allaitement dans des lieux publics.

Les familles vaudoises en faveur de ce projet ont déjà participé à une campagne photographique le 10 septembre dernier et c’est au tour de Genève de se mobiliser le 17 septembre prochain avec un rendez-vous prévu à 16h30 au Jardin Anglais.

“Allaiter où je veux” : La cause est primordiale et régulièrement censurée.

Aussi, la mobilisation est un moyen de lutte contre ces privations de liberté et la communication passe principalement par les réseaux sociaux.

Précédemment, d’autres mouvements avaient vu le jour comme Brelfie (qui contracte breastfeeding et selfie) ou encore #Freethenipple. Ces groupes proposaient une action similaire mobilisée cette fois contre la “dépublication” de photos d’allaitement par Facebook.

Les groupes numériques d’allaitement sont un formidable moyen d’expression pour préserver la liberté, et par conséquent la qualité de vie, des femmes qui allaitent. Ils sont aussi un véritable réseau de soutien qui compense certainement le manque de considération familial et sociétal vis-à-vis de l’allaitement.

Toutefois, ils peuvent représenter une pression qui se crée au travers des discussions, témoignages et photos idéalisées qui instaurent une forme de performance de l’allaitement, tant dans sa qualité que dans sa durée. Cette pression peut générer des sentiment négatifs chez des femmes qui ne se sentent pas à la hauteur et assimilent leurs capacités d’allaiter à leurs compétences maternelles.

Est-ce que ne pas allaiter exclusivement pendant 6 mois, comme le recommande l’Organisation mondiale de la santé, fait des femmes de “mauvaises mères”? Certainement pas!

Rappelons d’ailleurs que ces recommandations sont globales et qu’elles visent à diminuer la mortalité infantile dans des pays où les conditions sanitaires sont bien éloignées de chez nous.

Respecter le choix des femmes qui ne souhaitent pas allaiter est une cause toute aussi respectable et un sujet qui est trop peu souvent abordé. Pourquoi ne pas soutenir également ces femmes, qui naviguent entre les biais inconscients des professionnels de la santé, les discours moralisateurs et les théories qui lient allaitement et attachement?

 

“Allaiter si je veux?”

Il n’est pas certain que ce choix soit si facile dans notre société où flotte le spectre idéalisé de la mère nourricière.

Toutes les femme méritent qu’on respecte leurs choix et il est important de veiller aux maintien de leurs droits; qu’ils concernent le droit d’allaiter dans l’espace public ou celui de renoncer à l’allaitement sans subir une culpabilisation permanente.

Alors en ce mois de septembre 2022, célébrons le courage des mères qui allaitent, soutenons leurs droits et veillons à ce que leurs libertés ne soient pas entravées. Mais n’oublions pas les mères qui ne peuvent pas allaiter ou rejettent ce choix consciemment pour des raisons tout aussi valables.

Laetitia Ammon-Chansel

Sage-femme et fondatrice de Bloom&co, Laetitia Ammon-Chansel accompagne la parentalité en entreprise avec des ateliers pour les futurs parents et les managers. Finissant un Master en santé publique à l'Unige et co-présidente de la section genevoise de la Fédération suisse des sages-femmes, elle est au cœur des enjeux en périnatalité et elle milite pour promouvoir la santé physique et psychique des parents.