Svizzera-Italia : una storia importante

Lundi 28, mardi 29 et mercredi 30 novembre, le Président italien Sergio Mattarella et sa fille ont été reçus avec les plus grands honneurs de la Confédération lors d’une visite d’Etat de trois jours. L’occasion de souligner les étroites relations, les nombreuses valeurs et une langue commune entre la Suisse et l’Italie. Récit de ces trois journées exceptionnelles.

Sergio Mattarella et sa fille ont passé trois jours entre le 28 et le 30 novembre dernier dans notre pays. Ils ont été accueillis officiellement au Palais fédéral par l’ensemble du Conseil fédéral puisqu’il s’agissait d’une visite d’Etat. Cela a impliqué comme le veut la tradition les hymnes nationaux des deux pays, les honneurs militaires et des discours. Cette visite avait pour but de renforcer les excellentes relations bilatérales entre Berne et Rome. Ce choix d’inviter un président italien est compréhensible de la part d’Ignazio Cassis, car ce dernier est un représentant de la minorité italophone en Suisse.

Un programme chargé sur trois jours

Sergio Mattarella avait un programme chargé. Lundi soir, il a rendu visite à la communauté italienne en Suisse. Comme l’indique le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) sur son site internet, “quelque 320’000 ressortissants italiens vivent en Suisse (sans compter les doubles nationaux), formant la plus grande communauté étrangère du pays”. Le lendemain, il a visité le Musée Paul Klee et la Collégiale de Berne. Le soir a eu lieu le traditionnel banquet d’Etat avec de nombreux invités suisses et italiens. Lors de la troisième et dernière journée de la visite d’Etat, les Présidents Cassis et Mattarella se sont rendus à Zurich. Ils ont visité l’EPFZ, une des universités techniques les plus réputées au monde et qui compte aussi beaucoup de chercheurs italiens. Une occasion pour les deux chefs d’Etat de montrer l’importance de la collaboration scientifique entre la Suisse et l’Italie, mais aussi entre la Suisse et l’UE. D’ailleurs, le dossier européen traité par le Conseil fédéral m’inquiète, car il n’y a toujours pas de solution ni d’accord pour aller de l’avant. On verra bien si en 2023 Alain Berset se décide à enfin conclure un accord pour apaiser les relations entre Berne et Bruxelles.

Une première rencontre avec son homologue italien

Ignazio Cassis a pu rencontrer dans la journée de mardi son homologue italien Sergio Mattarella. Lors de leur discussion, les deux hommes d’Etat ont évoqué de nombreux sujets bilatéraux d’intérêts communs comme la guerre en Ukraine, l’approvisionnement énergétique en Europe ou encore la politique européenne de la Suisse.  A ma connaissance ils ne s’étaient jamais rencontrés auparavant. Les deux présidents ont évidemment communiqué qu’en italien. Je regrette toutefois que le président italien n’ait pas décidé de s’arrêter quelques heures au Tessin, seul canton italophone de Suisse. Il aurait pu faire la promotion de la langue italienne et son importance dans les deux pays. La dernière visite d’Etat en Suisse d’un président italien remonte à 2014. Giorgio Napolitano avait cette année-là été reçu à Berne par l’ancien Président Didier Burkhalter. Et il s’était rendu dans le Canton du Tessin contrairement à son successeur.

Les relations helvetico-italienne en chiffres

La Suisse et l’Italie entretiennent de solides relations. Sur le plan des échanges commerciaux, “l’Italie est le troisième partenaire commercial de la Suisse”, comme l’indique le DFAE. L’an passé, notre pays a exporté pour une valeur d’environ 15,5 milliards de francs. Et les importations depuis l’Italie s’élevaient à environ 19 milliards de francs.

Italie : Giorgia Meloni entre dans l’arène

Giorgia Meloni, la leader de Fratelli d’Italia, a été officiellement nommée Présidente du Conseil par le Président Sergio Mattarella. Elle devient ainsi la première femme à occuper cette fonction dans la péninsule italienne. Son gouvernement va devoir faire face à d’immenses défis. Les relations entre Berne et Rome, déjà bonnes, ne pourront que s’améliorer.

L’Italie entame un nouveau chapitre de son histoire politique. Giorgia Meloni était hier au Palais du Quirinal (résidence officielle du président italien) pour prêter serment devant le Président Sergio Mattarella. Victorieuse des élections législatives du 25 septembre dernier avec son parti post-fasciste Fratelli d’Italia qui a recueilli 26% des voix, la nouvelle Présidente du Conseil et première femme à ce poste, s’apprête à diriger le pays aux 60 millions d’habitants. C’est devant Sergio Mattarella qu’elle a juré fidélité à la République italienne, aux lois et à la constitution. La passation de pouvoir avec Mario Draghi est prévue ce dimanche matin au Palais Chigi (siège de la présidence du Conseil).

Une coalition très à droite

Ses partenaires de coalition, nommés vice-présidents du Conseil, vont l’accompagner dans ce nouveau gouvernement. Parmi eux, on relève la présence d’Antonio Tajani, leader de Forza Italia et nouveau Ministre des Affaires étrangères aux orientations pro-européennes et atlantistes. Ensuite il y a Matteo Salvini, le leader de La Ligue et populiste d’extrême-droite qui doit se contenter du ministère des Infrastructures et de la Mobilité durable alors qu’il visait plutôt l’Intérieur. L’avenir nous dira si ce dernier est prêt à œuvrer pour le bien du pays et de son gouvernement en mettant de côté son désir de pouvoir absolu ou s’il fera sauter la coalition d’ici quelques mois. Cela provoquerait à nouveau des élections législatives. Sur 24 ministres, on peut regretter la faible présence des femmes. Elles ne sont que six et occupent des postes mineurs, c’est-à-dire à la tête de ministères dits moins importants.

La nouvelle Présidente du Conseil, Giorgia Meloni, entourée de Silvio Berlusconi (Forza Italia, à gauche) et de Matteo Salvini (La Ligue, à droite), les chefs des deux partis qui composent avec la formation de Giorgia Meloni la coalition gouvernementale. PHOTO : GETTY IMAGES / ANTONIO MASIELLO

Les nombreux défis du gouvernement Meloni

Son gouvernement, le plus à droite dans l’histoire récente de l’Italie, devra faire face à de nombreux défis qui seront scrutés en Suisse, mais aussi en Europe. Il y a tout d’abord l’inflation. Elle a augmenté d’environ 9% entre 2021 et 2022 à cause de la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie. Cela frappe directement les ménages et les entreprises. Ensuite, il y a l’éternel problème de la dette avec plus de 2’700 milliards d’euros, soit environ 150% de son PIB. Sur le plan des réformes demandées par l’Union européenne, Giorgia Meloni a promis de défendre davantage les intérêts de son pays avant ceux de l’union. De quoi créer des tensions avec la Commission européenne. Enfin il y a la guerre en Ukraine. Mario Draghi a été un défenseur ardu des sanctions européennes contre la Russie à cause de l’invasion militaire déclenchée au mois de février. Là-dessus, Giorgia Meloni a pris position pour l’Ukraine. Mais au sein de sa propre coalition, des voix se font entendre qui remettent en cause le soutien à l’Ukraine et demandent l’abolition des sanctions contre la Russie de Vladimir Poutine.

Les relations avec le petit voisin suisse

Les relations diplomatiques entre la Suisse et l’Italie sont anciennes et excellentes comme le confirme le DFAE sur son site internet. Il y a d’abord le partage d’une langue commune, l’italien. Ensuite, « la plus grande communauté étrangère du pays » compte environ 320’000 ressortissants italiens qui vivent dans notre pays. Sur le plan économique, l’Italie est notre troisième client commercial avec en 2021 15,5 milliards de produits exportés contre 18,8 milliards de produits importés. On attend avec impatience l’orientation de Giorgia Meloni sur les relations entre Berne et Rome. A noter que cette semaine le Président Sergio Mattarella aurait dû se rendre en Suisse pour une visite d’Etat. Il n’est jamais venu. Malgré plusieurs interpellations de ma part au sujet de cette visite, je n’ai eu aucune réponse des autorités suisses et c’est bien dommage. J’espère sincèrement que cette visite n’a pas été annulée, mais juste reportée de quelques semaines. La dernière visite d’un président italien en Suisse remonte à 2014 et la dernière visite d’un président suisse à Rome date de 2020.

Sergio, grazie!

Les Parlementaires italiens se réunissent demain pour désigner le nouveau président. Sergio Mattarella s’apprête à quitter le Palais du Quirinal. Mais son départ provoque beaucoup d’inquiétudes en Italie et en Europe. Les candidats qui pourraient lui succéder sont pour le moment Paolo Gentiloni ou l’actuel Président du Conseil des ministre Mario Draghi.

L’Italie s’apprête à plonger dans l’incertitude politique. En effet, les députés italiens se réunissent demain pour procéder à l’élection du nouveau président de la République. La fin du septennat de l’actuel Président Sergio Mattarella touche presque à sa fin. Le chef de l’Etat de 80 ans n’a malheureusement pas souhaité rempiler pour un deuxième mandat. Sa succession a entrainé un grand round de négociations entre les différents partis politiques. A la différence d’une élection présidentielle en France, ce sont les Parlementaires de la Chambre des députés (chambre basse) et du Sénat (chambre haute) qui élisent le président pour un mandat de sept ans. En Italie, le rôle du président est essentiellement honorifique. Il n’intervient pas dans les débats politiques. Il a plutôt un rôle d’assurer l’union nationale, par exemple lors de crises gouvernementales ou de tensions entre le Nord et le Sud du pays.

Un homme à la hauteur de la fonction

Sergio Mattarella est une figure politique respectée dans le pays. Il a été député (1983-2008), Ministre de la Défense (1999-2001), Vice-Président du Conseil des ministres (1998-1999), Juge à la Cour constitutionnelle, car jeune il a étudié le droit (2011-2015) et enfin Président dès 2015. En 1980, il fait face à un drame terrible avec la mort de son frère, tué par la mafia. C’est le premier Sicilien à entrer au Palais du Quirinal. Je loue l’ancien juge constitutionnel, car il a su faire face à différentes crises politiques pendant son mandat. Comme en 2018 face à la coalition gouvernementale entre le Mouvement 5 Etoiles (parti populiste de gauche) et la Lega (parti d’extrême-droite). Il a su se poser en garant du respect de la démocratie et de l’Etat de droit. Un comble pour un pays fondateur de l’Europe.

Matteo Salvini de la Lega (à gauche) prête serment devant le Président de la République Sergio Mattarella et le Président du Conseil des ministres Giuseppe Conte à la cérémonie d’investiture du gouvernement italien, le 1er juin 2018, à Rome. Photo : Francesco Ammendola, AFP.

Qui pour lui succéder?

Parmi les candidats les plus cités dans la presse italienne, on retrouve Paolo Gentiloni et Silvio Berlusconi (deux anciens chefs de gouvernement). Mais celui-ci a annoncé hier qu’il renonçait à briguer la présidence italienne. Je verrais bien Paolo Gentiloni à la tête de l’Italie, car c’est un homme qui croit au destin européen. Un autre nom qui circule est l’actuel Président du Conseil des ministres Mario Draghi.

Vers un séisme politique?

J’ai l’intime conviction que Mario Draghi a toutes les qualités requises d’un homme d’Etat. Son engagement pro-européen n’est plus à démontrer, car il a sauvé l’euro lors de la crise financière à la fin des années 2000. Son gouvernement d’union nationale permet à l’Italie de profiter des nombreux fonds du plan de relance européen alors que le pays avait été l’un des États membres de l’Union européenne les plus touchés au début de l’épidémie de Covid-19. Avec le départ possible de Mario Draghi du Palais Chigi, je crains le pire. Les Italiens seront une nouvelle fois appelés aux urnes et l’Italie connaîtra probablement une longue zone de turbulence.

L’actuel Président du Conseil des ministres Mario Draghi (à droite) figure parmi les favoris pour succéder à Sergio Mattarella (à gauche) à la présidence italienne. Photo : AFP.

Et les relations avec le voisin suisse?

Comme l’indique le Département fédéral des affaires étrangères sur son site, les relations diplomatiques entre Berne et Rome excellentes. Cependant, je regrette que Sergio Mattarella ne se soit jamais rendu dans notre pays pour une visite officielle ou d’Etat. L’Italie est quand même notre troisième partenaire commercial. En sept ans de pouvoir, Sergio Mattarella n’aura rencontré que Simonetta Sommaruga lors de la visite de celle-ci à Rome en 2020. J’espère sincèrement que notre Président Ignazio Cassis recevra un officiel italien cette année à Berne.