Olaf Scholz : Lord of war?

Ces dernières semaines, le Chancelier allemand Olaf Scholz hésitait à livrer des chars à l’Ukraine. Mercredi dernier et face à une regrettable pression de plus en plus intenable, même au sein de son gouvernement, il a finalement autorisé la livraison de 14 chars de combat Leopard 2 à Kiev. C’est donc la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale que des blindés allemands vont se retrouver sur un territoire en guerre européen. Cette décision promet déjà de voir deux camps s’opposer : ceux qui soutiennent l’Ukraine par l’envoi d’armes (armes légères, armes lourdes, etc.) et ceux qui soutiennent l’Ukraine par la voie humanitaire ou de la paix, mais qui ne veulent surtout pas que leur pays soit considéré par la Russie comme co-belligérant. En effet, cela entrainerait un conflit direct entre Moscou et une capitale européenne.

Le Chancelier allemand Olaf Scholz devant un char Leopard 2 sur la base allemande de Bergen, le 17 octobre 2022. Image : © FABIAN BIMMER / REUTERS

La Suisse aussi sous pression

La Suisse n’est pas non plus épargnée par les pressions intérieures et extérieures en lien avec le conflit russo-ukrainien. Cette semaine, la Commission de la politique de sécurité du Conseil national a adopté une initiative parlementaire du parti Le Centre (mon parti politique) qui donne à la Suisse la possibilité d’autoriser temporairement l’exportation voire la réexportation de matériel de guerre vers l’Ukraine. C’est une très grave erreur et je prends de la distance avec cette décision qui va enterrer encore plus notre neutralité. La Genève internationale avec ses réunions de haut niveau, le WEF de Davos ou d’autres événements important, c’est peut-être bientôt la fin, car certains pays vont remettre en cause notre neutralité si on envoie du matériel de défense à un pays en guerre. La loi suisse est pourtant claire sur le matériel militaire : les pays qui achètent de l’armement suisse doivent signer une déclaration de non-réexportation. En fait, cela veut dire que ces Etats doivent avoir l’accord de la Suisse pour pouvoir livrer le matériel acheté à un autre pays.

Les Etats-Unis suivent l’Allemagne

En même temps que l’annonce historique d’Olaf Scholz, le Président américain Joe Biden a annoncé à son tour l’envoi de 31 chars d’assaut Abrams en Ukraine. La Pologne, l’Espagne, la Finlande et les Pays-Bas se préparent à suivre le mouvement. Du côté de Paris, l’envoi de chars Leclerc n’est toujours pas confirmé. Certains élus français réclament un débat à l’Assemblée nationale. Le Président français Emmanuel Macron devrait prendre une décision dans les prochains jours.

 

L’Europe est (déjà) en guerre contre la Russie

Sans surprise, du côté de la Russie de Vladimir Poutine, on dénonce “l’engagement direct” de l’Occident dans le conflit. Et c’est cela qui m’inquiète pour les mois à venir. Je crains une escalade de plus en plus dangereuse pour la Suisse et l’Europe si elles devaient tout d’un coup affronter l’armée russe. “La notion de co-belligérance n’est consignée dans aucun ouvrage de droit”, c’est une notion “subjective”, dit le spécialiste des relations internationales Bertrand Badie. Des propos certes rassurants, mais qui de facto engagent déjà le continent européen dans une guerre totale contre la Russie. Inquiétant, vraiment inquiétant !

Vladimir Poutine ne veut pas envahir l’Ukraine

Les présidents russe et américain Vladimir Poutine et Joe Biden se sont entretenus, hier. Ce dernier a rappelé à son homologue russe qu’il se tient toujours à disposition pour un dialogue bilatéral. Mais qu’en cas d’invasion russe en Ukraine, les conséquences seraient très négatives. Un tel scénario reste cependant rare, même si les tensions sont fortes. Les craintes de Vladimir Poutine quant à l’avenir du voisin ukrainien sont-elles légitimes?

Les téléphones chauffent entre Moscou, plusieurs capitales européennes et Washington. Hier après-midi, le Président russe, Vladimir Poutine, et son homologue américain, Joe Biden, se sont une nouvelle fois entretenus. Un énième échange tendu entre les deux hommes sur la soi-disante probable invasion de l’Ukraine par la Russie. Je peine à croire à une telle intervention, car une guerre pour Vladimir Poutine serait un désastre économique pour son pays. Les sanctions économiques internationales seraient alors très dures. Les Etats-Unis croient à cette intervention militaire puisqu’ils envoient des renforts militaires en Lituanie et en Pologne. On n’a toujours pas vu de preuves américaines là-dessus. Du côté de la Russie, on dément toute envie d’envahir le voisin ukrainien et on dénonce “une hystérie”. Joe Biden a eu l’occasion d’insister sur le fait que son pays reste ouvert à un dialogue, mais qu’en cas d’invasion russe du territoire ukrainien, celui-ci n’hésiterait pas “à répondre de manière résolue et à imposer des répercussions sévères et rapides à la Russie”.

Les présidents russe et américain à l’occasion d’une visioconférence le 7 décembre 2021. Photo : Sputnik/Mikhail Metzel via REUTERS

Une Ukraine encerclée

Actuellement, des milliers de soldats sont déployés par la Russie aux frontières ukrainiennes. Moscou et Minsk mènent ensemble des manoeuvres militaires, ce qui fait que l’Ukraine se retrouve encerclée par ses voisins russe et biélorusse. On peut comprendre la grande inquiétude des autorités et des citoyens ukrainiens. Tout pays qui voit des militaires étrangers massés à ses frontières est en droit de se sentir menacé. Ces derniers jours, Joe Biden, son Secrétaire d’Etat Antony Blinken et la presse américaine tout comme européenne défendaient ardemment l’idée d’une intervention russe en Ukraine très prochainement. Je vois une grande peur de ces acteurs-là. Mais nous Occidentaux n’est-on pas en train de devenir fou voire hystérique? Ces signaux d’alerte créent plus la panique qu’autre chose. Je reste convaincu que Vladimir Poutine ne veut pas envahir son voisin ukrainien de même qu’il ne souhaite pas une guerre. Même le Président ukrainien Volodymyr Zelensky a dénoncé les avertissements américains en disant que ceux-ci “provoquent la panique et n’aident pas”. A ce stade, une rencontre de haut rang entre Vladimir Poutine, Volodymyr Zelensky, Olaf Scholz, Emmanuel Macron et Joe Biden serait la bienvenue pour que chacun explique ses craintes à l’autre. Je verrais bien Genève ou Zurich comme plateforme d’accueil de ce sommet extraordinaire.

Poutine et ses inquiétudes

On accuse beaucoup le président russe de provoquer le chaos aux portes de l’Europe. Mais qui a essayé de comprendre ses craintes? La Russie voit une présence militaire importante à ses frontières. Dans les pays baltes, en Pologne, en Ukraine ou encore en Géorgie. Qui n’aurait pas peur de voir une mobilisation militaire aussi importante? Si j’étais président suisse et que l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie et la France massaient des milliers de soldats et de chars à nos frontières, je craindrais également une invasion de mon pays. Vladimir Poutine l’a dit et le répète. Il ne veut pas que l’Ukraine ou la Finlande rejoigne l’OTAN. Ce qui est compréhensible. Si la Russie installait des bases militaires au Mexique, à Cuba ou encore en République dominicaine, comment réagiraient les Etats-Unis? Il ne faut pas seulement s’alarmer de la présence militaire russe aux portes de l’Ukraine, mais également comprendre les craintes de Vladimir Poutine.

Je crois aux vertus du dialogue. A mon avis, il faudrait que Russes et Américains retirent leurs soldats de l’Ukraine ou des pays alentours pour permettre un retour au dialogue et à la confiance mutuelle. Joe Biden dénonce la possible intervention russe en Ukraine. Doit-on rappeler les intervention militaires américaines catastrophiques en Irak, en Libye ou en Syrie? On connait tous la situation dramatique dans ces pays, actuellement. Joe Biden se voulait être un homme de paix, le voici en homme de guerre. Le rêve se brise.