Emmanuel Macron : 2022-2027 à l’Elysée?

Le Président de la République sera candidat à un deuxième mandat présidentiel. Emmanuel Macron a choisi la presse régionale pour annoncer aux Français sa candidature. Après cinq années marquées par différentes crises sociale, sanitaire ou encore internationale, il a la volonté de poursuivre ses réformes et de rassembler un pays fracturé par les mesures liées au Covid-19 (port du masque, pass sanitaire, etc.). Peut-il être réélu? Quid des relations avec notre pays la Suisse?

Très occupé avec le conflit ukraino-russe et de nombreux échanges téléphoniques, Emmanuel Macron a tardé à se déclarer officiellement candidat à la présidentielle. Ces dernières semaines, il avait entretenu un faux suspense. Il faisait bien campagne à travers la France, mais sans vraiment faire campagne et sans être encore candidat. Les 10 et 24 avril prochain, l’ancien ministre dans le gouvernement de François Hollande (2012-2017) devra affronter ses principaux adversaires (Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Fabien Roussel, Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Eric Zemmour). Tous ces candidats ont obtenu les 500 parrainages obligatoires pour se présenter. Ils ne se priveront pas d’attaquer le bilan “catastrophique” selon eux d’Emmanuel Macron. Le premier mandat de l’actuel locataire de l’Elysée est sur le point de s’achever et aura été marqué par le mouvement des gilets jaunes, une refonte de l’ordre international avec un Donald Trump très hostile aux institutions mondiales et enfin une pandémie qui a bouleversé nos existences. Emmanuel Macron n’a pas arrêté de jouer cette carte du “en même temps” en essayant de rassembler des élus de gauche et de droite dans ses envies de réformer la France. S’il est réélu en avril prochain, sa tactique ne devrait guère changer. Je vous propose l’article des Echos qui revient sur les succès et les échecs d’Emmanuel Macron avec différentes thématiques comme l’emploi, le pouvoir d’achat ou l’éducation.

Macron, réélection?

D’après un sondage publié hier, Emmanuel Macron se situe au-dessus de 30% pour le premier tour. Il se trouve loin devant Marine Le Pen (14,5%), Eric Zemmour (13%), Jean-Luc Mélenchon (12%), Valérie Pécresse (11,5%), Yannick Jadot (7,5%), Fabien Roussel (4%) et enfin Anne Hidalgo (2,5%). Onze jour après le déclenchement de l’invasion et de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, le chef de l’Etat est crédité de quatre points par rapport au dernier sondage d’Ipsos-Sopra-Steria publiée à la fin du mois de février. Ceci s’explique par le fait qu’en temps d’incertitude ou de guerre comme c’est le cas malheureusement à nos portes, chaque peuple se rattache à une figure d’Etat. Derrière le risque d’un embrasement sur tout le continent européen, les Français accordent leur confiance à celui qui fait actuellement face à ce conflit inédit. En prenant compte cinq sondages réalisés ces derniers temps, Emmanuel Macron cumule désormais à 27,6% des intentions des électeurs contre 16,7% pour Marine Le Pen. J’ai la conviction qu’on va se retrouver avec un scénario identique à celui de 2017, c’est-à-dire Macron – Le Pen lors du deuxième tour. Et je peux déjà dire que si c’est le cas, Macron peut se réjouir, car il sera bien réélu pour un second mandat.

Macron et la Suisse

A son arrivée au pouvoir en 2017, tout avait bien commencé dans les relations entre Berne et Paris. En juillet de la même année, la Présidente suisse d’alors Doris Leuthard était reçue à l’Elysée par son jeune homologue français. En 2018, Emmanuel Macron s’était rendu au WEF de Davos, attendu comme une star de rock. Quelques mois plus tard, c’était au tour d’Alain Berset de se rendre à Paris. D’abord en septembre pour une visite officielle. Ensuite en novembre pour prendre part aux commémorations du centenaire de l’armistice qui a mis fin à la Première Guerre mondiale. Deux ans plus tard, sur invitation d’Emmanuel Macron, Alain Berset a représenté la Suisse pour les festivités du 14 juillet. L’occasion de remercier la Suisse pour la coopération entre Etats lors de la crise du coronavirus. Et depuis, plus rien hormis un échange téléphonique et une brève rencontre avec Guy Parmelin en 2021. La France n’a pas apprécié et à juste titre l’achat par la Suisse d’avions américains. En tant que démocrate-chrétien, j’aurais préféré acheter les avions Rafales français. La Suisse se situe au coeur de l’Europe, cela aurait été une bonne occasion de montrer à l’Union européenne notre attachement à ce continent. Je regrette aussi que Berne n’ait jamais invité Emmanuel Macron pour une visite officielle ou d’Etat à Berne. François Hollande s’était rendu en visite d’Etat dans notre pays en 2015. Il est coutume pour un président français d’effectuer une visite de ce type-là chez le voisin suisse. J’espère sincèrement que s’il est réélu, il viendra visiter notre pays entre 2022 et 2027.

Doris Leuthard rencontre le Président français Emmanuel Macron lors d’une visite officielle à Paris en 2017.

Macron est l’homme dont la France a besoin pour se réformer. Macron est l’homme dont l’Europe a besoin pour s’imposer face aux puissances chinoise, russe et américaine. Macron est l’homme dont l’Europe de la défense a besoin pour se protéger des attaques de pays ennemis et de l’arrivée massive de  migrants illégaux en provenance de l’Orient ou de l’Afrique. Macron est l’homme dont la Suisse a besoin pour continuer à développer les excellentes relations entre nos deux pays. Je ne peux que souhaiter sa réélection au printemps pour que la France puisse continuer à jouer son rôle de leader en Europe et ailleurs dans le monde.

Comment Emmanuel Macron a retourné sa veste

Il y a une semaine tout juste, les Français découvraient les nouvelles contraintes sanitaires imposées par leur président. Emmanuel Macron qui s’exprimait à l’occasion d’un discours télévisé a annoncé rendre le vaccin obligatoire pour les soignants et étendre le pass sanitaire à des nouveaux lieux de loisirs. Pour résumer, toute personne qui refusera le vaccin se verra privé ou de salaire ou de sortie au restaurant. Mesures drastiques voire arbitraires vue de Suisse. Alors que le Président français était opposé à la vaccination obligatoire en décembre dernier, le voilà qu’il a retourné sa veste. Cette énième mesure déjà décriée par plusieurs partis politiques dont le Rassemblement national de Marine Le Pen pourrait-elle entraver la réélection d’Emmanuel Macron s’il se représentait lors de l’élection présidentielle de 2022?

“Je suis pour le communisme. Je suis pour le socialisme. Et pour le capitalisme. Parce que je suis opportuniste” chantait Jacques Dutronc dans “L’opportuniste”, sa célèbre chanson sortie à la fin des années 60. On pourrait appliquer ces paroles à l’actuel président français, vue sa manière de gouverner de manière opportuniste. Emmanuel Macron a donc finalement décidé de rendre le vaccin obligatoire pour les soignantes et soignants et dans le même temps d’étendre le pass sanitaire. Ces deux mesures doivent permettre de poursuivre la lutte contre le Covid-19. “Ils auront jusqu’au 19 septembre pour se faire vacciner”, a déclaré le Président français. Au-delà de cette date, des sanctions tomberont comme par exemple ne plus pouvoir travailler et ne plus être payé. Le ton est ferme et martial. Quant au pass sanitaire, il entrera en vigueur pour les lieux de culture et de loisirs qui rassemblent plus de 50 personnes. Les cafés et restaurants, les centres commerciaux ou encore les transports sont concernés. Dans nos démocraties occidentales, je doute qu’imposer des décisions comme celle de la vaccination obligatoire puisse fonctionner et plaire à tout le monde. A titre personnel, je ne suis pas opposé aux vaccins puisque j’ai reçu mes deux doses Moderna. Mais je respecte totalement l’avis des anti-vaccins quant à leurs doutes qui sont légitimes. Un vaccin développé en aussi peu de temps peut amener quelques questions sur l’efficacité. En Suisse, en France ou ailleurs en Europe, c’est un droit de ne pas se faire vacciner. Interdire les personnes n’ayant pas reçu de vaccin de fréquenter certains endroits est contraire à la liberté de mouvement. J’ai la conviction profonde que cela créerait une sorte d’apartheid entre ceux qui sont vaccinés et ceux qui ne le sont pas. Cela diviserait encore plus la société. Emmanuel Macron prend un gros risque à moins d’une année de la prochaine échéance électorale nationale. Ces deux mesures pourraient lui coûter sa place. A sa place, j’essaierais plutôt de sensibiliser ou de répondre aux craintes que suscitent les vaccins. Mais toujours en laissant la liberté de se faire vacciner ou non. Le Président français aime ainsi rappeler à ses homologues chinois et russe, respectivement Xi Jinping et Vladimir Poutine, l’importance de respecter les libertés individuelles et les droits de l’Homme. Obliger une personne travaillant dans le secteur de la santé à se faire vacciner en la menaçant de ne plus la payer est pour moi contraire au respect des choix individuels. Vladimir Poutine ou Xi Jinping seraient en droit de retourner la morale sur la démocratie à Emmanuel Macron.

La décision du chef de l’Etat français pose quelques questions quant aux libertés et au droit de ne pas faire comme les autres. Les mesures annoncées pourraient coûter cher à Emmanuel Macron et à son parti. Ses adversaires peuvent s’adonner à cœur joie de l’attaquer sur ces mesures décriées et si délicates. S’il veut faire un deuxième mandat, il doit impérativement revenir sur ses mesures et opter pour la sensibilisation, faute de quoi il devra rendre les clés de l’Elysée l’an prochain.

 

 

 

Jean Castex, de l’ombre à la lumière

Au matin du vendredi 3 juillet dernier, Jean Castex était encore un inconnu dans l’arène politique française. Au soir, le voilà qui était propulsé Premier ministre suite à la démission plutôt attendue d’Edouard Philippe. Une bonne nouvelle pour Emmanuel Macron qui cherche à regagner la place de numéro 1.

Il est 17h30 précise quand l’ancien et le nouveau Premier ministre, respectivement Edouard Philippe et Jean Castex, se rencontrent. C’est en plein cœur de Paris, à l’Hôtel de Matignon, que se déroule la passation de pouvoir. C’est donc un homme âgé de 55 ans, issu de la droite modérée, ancien collaborateur du Président Nicolas Sarkozy (2007-2012) et tout récemment en charge du déconfinement sur le territoire français qui a pris les rênes du deuxième gouvernement d’Emmanuel Macron.

Emmanuel Macron déjà en marche pour 2022

Emmanuel Macron a fait un choix très inattendu. Les commentateurs politiques avaient plutôt parié sur une femme ou sur une personnalité de gauche. Rien de tout cela. Pour les deux dernières années de son mandat, le Président Macron a opté pour un homme de droite. Ce n’est pas surprenant car s’il se considérait comme centriste à son arrivée au pouvoir en 2017, il a depuis plutôt viré vers la droite. Sécurité, lutte contre le communautarisme ou encore immigration, Macron sait que la prochaine élection présidentielle se jouera sur les sujets régaliens. Avec cette nomination, Emmanuel Macron ne doit pas oublier l’électorat de centre-gauche, indispensable pour la prochaine présidentielle. En effet, il pense déjà à 2022 et à sa réélection.

Le Président français Emmanuel Macron au Palais de l’Elysée, Paris, 6 juillet 2017. Photo : Ibrahim Ajaja / World Bank

Une nomination à l’Intérieur qui fait grincer des dents

Le locataire de l’Elysée a besoin d’un Premier ministre qui ne lui fasse aucune ombre, ce qui était le cas avec Edouard Philippe. Très impopulaire lors de la crise des Gilets jaunes, il était redevenu populaire ces derniers mois au plus fort de la crise du coronavirus. Sur la stratégie de déconfinement national, il y avait quand même des divergences entre Macron et Philippe. Le rôle du Président est plus important que celui du Premier ministre. Emmanuel Macron n’avait d’autre choix que de se séparer d’Edouard Philippe. Ainsi va le système semi-présidentiel français (exécutif à deux têtes). Quant à Jean Castex, la rentrée sera chargée avec la crise sociale et économique qui s’annonce. Sur son bureau, il y a les dossiers de la réforme des retraites tant voulue par Emmanuel Macron ou encore celui sensible des violences policières. Aussi, l’arrivée de Gérald Darmanin à l’Intérieur a fait couler beaucoup d’encre. Celui-ci est contesté par les féministes à cause d’une plainte pour viol qui a été déposée contre lui. Un choix que le nouveau Premier ministre assume entièrement, il l’a répété mercredi dernier face à Jean-Jacques Bourdin sur RMC.

Bon à l’extérieur, mauvais à l’intérieur

Avec ce choix, Emmanuel Macron joue sa réélection. Il a besoin de toute la place pour montrer aux électrices et électeurs français qu’il a tenu le cap et ses promesses. Il a besoin de flatter son égo et de montrer qui dirige la France. Sur le plan européen et international, il a été et reste très apprécié (relations avec Trump ou Poutine, Sahel, etc.). Il l’est moins sur le plan intérieur (augmentation du prix des carburants ou réforme des retraites). S’il veut éviter de voir l’extrême-droite au pouvoir en 2022, alors il doit impérativement tenir compte de trois choses : ressouder sa base électorale, être moins clivant et hautain (éviter les phrases du genre “je traverse la rue, je vous trouve un travail”) et surtout se montrer prêt au dialogue concernant les réformes impopulaires auprès des citoyennes et citoyens français.

Les Présidents français et américain Emmanuel Macron et Donald Trump en pleine discussion bilatérale, Londres, 3 décembre 2019. Photo : Army Staff Sgt. Nicole Mejia

Une Alémanique et un Romand en Suisse, un nordiste et un sudiste en France

Il y a actuellement un point commun, intéressant et plutôt drôle à relever, entre la Suisse et la France concernant la répartition géographique des postes importants. En Suisse, le Conseil fédéral in corpore incarne le rôle de chef d’Etat mais retenons la présidence et la vice-présidence. C’est actuellement la germanophone Simonetta Sommaruga qui est Présidente et le francophone Guy Parmelin qui est Vice-Président. En 2021, l’UDC vaudois deviendra Président et l’italophone Ignazio Cassis deviendra Vice-Président. Chez nos voisins français, Emmanuel Macron, né à Amiens (région Hauts-de-France, département Somme), a choisi Jean Castex, né à Vic-Fezensac (région Occitanie, département Gers). Pour résumer, la France a un Président “nordiste” et un Premier ministre “sudiste”, accent d’ailleurs très sympa à écouter. Cette diversité géographique est une belle manière de représenter l’Etat français.