Rétablir l’égalité pour tous les patients

À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Ainsi en a décidé le Conseil fédéral en prenant une multitude de mesures, qui sont d’ailleurs à saluer. La santé est prioritaire et tout est mis en œuvre pour la préserver. La santé, vraiment ?

Afin de garantir les capacités suffisantes dans les hôpitaux pour prendre en charge toutes les personnes touchées par le coronavirus, les établissements de santé sont tenus de renoncer aux examens médicaux, aux traitements et aux thérapies non urgents, selon l’ordonnance édictée par le Conseil fédéral.

Dans l’urgence et pour anticiper la vague de contamination, la décision était compréhensible. Mais aujourd’hui, après la prise de mesures par les hôpitaux et l’augmentation des capacités dans les services concernés, une réévaluation est indispensable. Car la grande majorité des traitements qui ne sont pas urgents restent toutefois nécessaires et leur report cause souvent une prolongation de la douleur, une consommation accrue de médicaments, et généralement une dégradation de la qualité de vie pour la personne touchée. Prenons deux cas simples de non-urgence : la pose d’une prothèse de hanche et les hernies inguinales. La pose d’une prothèse de hanche peut concerner une personne active qui sera dans l’incapacité de reprendre son travail tant qu’elle n’est pas opérée et qui devra prendre des médicaments en « attendant » une prise en charge. Dans le cas d’hernies inguinales dont l’opération n’est pas non plus considérée comme urgente, la situation peut rapidement se détériorer, les hernies pouvant s’incarcérer et devenir plus tard une véritable urgence.

Retarder une intervention est non seulement source de douleur pour la personne concernée, mais aussi de coût pour la société puisque la situation ne s’améliore pas avec le temps. Quant aux examens, ils sont nécessaires pour diagnostiquer certaines maladies et plus tôt sera entrepris le traitement, plus les chances de s’en sortir seront élevées.

Aujourd’hui, l’interdiction a pour effet que les hôpitaux renvoient du personnel à la maison et appliquent eux aussi le chômage partiel puisque certains de leurs services sont entièrement ou partiellement vides. Ces mêmes services vont connaître une surcharge dès la relance et devront sans nul doute compenser le retard cumulé alors que bon nombre de « non-urgences » seront devenues – entretemps – des « urgences ».

Le coronavirus est et reste une priorité mais il n’a pas le monopole de la douleur et d’autres traitements sont aujourd’hui nécessaires. Un rapide retour à une égalité de traitement pour tous les patients s’impose pour éviter la dégradation de leur état. Dans ce sens, autoriser les opérations en ambulatoire dont les risques sont peu élevés est une piste à suivre dans les meilleurs délais. Parce qu’une prise en charge rapide est souvent l’un des alliés de la guérison.

Johanna Gapany

Libérale-radicale et économiste d'entreprise, Johanna Gapany vit la politique au quotidien. Après avoir été cheffe de campagne pour le PLR fribourgeois lors des élections nationales (2013-2015) et vice-présidente des Jeunes Libéraux-Radicaux Suisse (2012-2016), elle rejoint l'exécutif bullois en 2016 et devient députée durant la même année. Puis, elle vise un siège au Conseil des Etats en 2019 et décroche le siège après une campagne intense face aux deux sortants. Sa volonté ? S'impliquer davantage pour le renforcement de sa région, avec un œil attentif sur le rôle restreint de l'Etat et surtout la grande autonomie de chacun. Pour une politique libérale qui évite les excès, prend ses responsabilités et permet chacun de se former, de créer, de vivre.

5 réponses à “Rétablir l’égalité pour tous les patients

  1. Très pertinente analyse. J’ai moi-même subi une opération de pose de prothèse de hanche (droite) et je suis sorti de la clinique juste avant l’annonce des mesures imposées par la C.F., avec pour résultat de n’avoir plus aucun suivi médical (physio, radios de contrôle), ce qui est très pénible et déstabilisant. Par ailleurs, étant donné le très mauvais état également de ma hanche gauche, une deuxième opération prévue courant juin est maintenant repoussée sine die. Comme mon estomac ne supporte pas les anti-inflammatoires et anti-douleurs, je dois accepter des douleurs et difficultés de marche qui s’amplifient de semaine en semaine. Pas drôle tout ça!

  2. Merci de ne pas généraliser entre les différentes régions (la vague est venue du Sud et du Nord Ouest et a été freinée avant de toucher le Nord Est et le Centre de la Suisse…). La situation dans les différents hôpitaux ne sont dès lors pas comparable.

    Vos deux exemples ne concernent par ailleurs pas le même cas de figure et l’hernie décrite est actuellement prise en charge.
    https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20200744/index.html#a10a

    Sont entre autres autorisées les interventions qui, si elles ne sont pas effectuées, entraînent une réduction de l’espérance de vie, une lésion irréversible, un risque considérable d’aggravation de l’état de santé ou une hospitalisation d’urgence, ou qui dégradent la qualité de vie de façon extraordinaire. Exemples d’interventions autorisées en particuler :
    − chirurgie tumorale dans toutes les disciplines lorsque la tumeur est nocive ou mortelle,
    − opérations vasculaires qui, si elles ne sont pas effectuées, entraînent la perte permanente de la fonction d’un membre,
    − hernies irréductibles ou incarcérées de tous types,
    − opérations des articulations qui, si elles ne sont pas effectuées, entraînent une restriction permanente de la fonction,
    − fractures qui ne peuvent pas être traitées de manière conservatrice,
    − opérations du dos en cas de défaillance ou de douleur incontrôlable,
    − toutes les interventions liées à la grossesse et à l’accouchement,
    − les états de douleur aiguë qui nécessitent un traitement opératoire,
    − interventions pour les états infectieux qui ne peuvent pas être maîtrisés de manière conservatrice (p. ex. les abcès),
    − rétablissement de la capacité de fonctionnement de professionnels médicaux,
    − prestations de télémédecine ainsi que
    − interventions préventives chez les enfants et les adolescents (vaccins).

    Nous ne sommes pas sur Twitter, merci de vérifier vos informations.

    1. Bonjour,
      En effet, la situation dans les différents hôpitaux n’est pas identique. Ce fait peut être pris en compte au moment d’autoriser la réalisation de certaines opérations dont les risques sont mineures, afin d’éviter l’aggravation de l’état de santé du patient tout en évitant une surcharge post-corona des hôpitaux.
      Quant à l’hernie décrite dans mon article, elle n’est pas autorisée dans sa phase primaire et pour ma part, je veille toujours à contrôler mes informations à la source, que ces informations soient destinées à un blog gratuit en ligne ou à un réseau sociale.
      Bien cordialement

  3. Madame,

    Votre intervention est intéressante et n’est pas dénuée de pertinence. Cependant, il reste un problème: la disponibilité du materiel et surtout de certains produits. Comme reconnu à demi-mots par le représentant de l’OFSP hier (14 avril), certains produits utilisés pour induire la relaxation des muscles chez les patients intubés manquent or ces mêmes produits sont utilisés (avec les mêmes objectifs) lors de narcoses d’opération. Dans certains hôpitaux, il est déjà nécessaire de recourir à des “combinaisons créatives” pour pouvoir effectuer des opérations urgentes dans des conditions acceptables.
    Des vêtements de protection à usage unique sont devenus à usage quotidien dans certains blocs opératoires. Je doute qu’il soit possible d’opérer beaucoup plus sans mettre des patients en danger.
    On peut s’interroger sur la pertinence de la suspension de toutes sortes de traitements mais la concurrence des patients covid avec les autres ne se limitent, malheureusement, pas aux lits et aux infirmières.
    Quant à savoir si les mesures ont pour but la préservation de la santé ou à nous éviter le spectacle d’un système de santé débordé et les éventuels conséquences que cela auraient pu avoir sur notre ordre social (à défaut d’un meilleur terme), je laisse volontiers le lecteur décider ce qui lui plaît le plus.

    1. Bonjour Monsieur,
      La disponibilité du matériel et des ressources en général est effectivement le nerf de la guerre pour lutter efficacement contre le coronavirus et nous avons manqué d’anticipation dans ce domaine. Cela dit, la gestion de la crise a permis (jusqu’à présent) d’éviter une surcharge des hôpitaux (dans la majorité des cantons) et d’étendre la période de contamination pour ne pas se retrouver face à des choix inhumains. La plupart des hôpitaux ont aujourd’hui la capacité et les ressources pour effectuer certaines opérations et les autoriser à le faire permettra effectivement, d’une part de libérer certains d’une douleur qu’ils supportent avec patience, d’autre part d’éviter une surcharge post-coronavirus et une aggravation des cas.
      Bien cordialement

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