Certificat covid: placer le domaine orange sous contrôle

Le Conseil fédéral a présenté les conditions d’obtention du certificat covid et les questions techniques y relatives. Les défis de mise en œuvre sont nombreux, notamment en matière de processus dans les cantons et de sécurité informatique. Néanmoins, le cœur du débat éthique se trouve dans les accès auxquels le certificat donnera droit. Le Conseil fédéral devrait communiquer sur sa stratégie en fin de semaine. Voici quelques propositions.

Soulignons tout d’abord des améliorations dans le projet :

  • le certificat porte de manière égale sur trois paramètres possibles : vaccin, test négatif et preuve de guérison
  • un test rapide suffira, beaucoup moins cher qu’un test PCR ; les coûts de ce test seront pris en charge
  • le certificat est lui-même gratuit et, a priori, facile à obtenir

Mais les domaines vert, orange et rouge continuent de poser de nombreuses questions – le domaine orange étant le cœur du défi : accès aux restaurants, cafés, lieux culturels et sportifs, visite en EMS.

Je suis convaincu qu’il faut aborder cette question avec au moins deux scénarios quant au succès de la vaccination.

Scénario de beau temps – automne 2021 avec plus de la moitié de la population vaccinée

Dans ce scénario, qui ressemble à la phase de normalisation du Conseil fédéral, la plupart des mesures peuvent être levées, y.c. le certificat dans son usage domestique. Le certificat reste en place uniquement pour les voyages internationaux. A ce titre, il est normal que le Conseil fédéral et le Parlement mettent tout en place pour rendre ce certificat possible et compatible avec les pays européens.

Néanmoins, dans ce scénario, les services du domaine orange devraient être explicitement exclus du champ d’application. Les acteurs de ce domaine ne devraient pas avoir le droit d’exiger le certificat. Mes arguments sont exposés ici.

Scénario de mauvais temps – le taux de vaccination s’arrête durablement à 40-50%

Dans ce scénario, nous entrons dans une phase conflictuelle dont la durée peut se chiffrer en mois et en années. La vaccination ne progresse pas et une discussion apaisée sur la question n’est pas possible. Si le certificat est autorisé dans le domaine orange, chaque patron de restaurant/bar/centre sportif/lieu culturel/EMS devra choisir s’il exige ou non le certificat et chaque client devra prendre la même décision. Le test rapide devient alors la pierre angulaire du système : suivant le nombre d’acteurs du domaine orange ayant choisi d’exiger le certificat, les personnes non-vaccinées devront systématiquement avoir recours à un test pour participer à la vie sociale.

Les questions auxquelles les instances politiques doivent répondre sont donc : Le système qui serait mis en place ne serait-il pas au final une gigantesque machine à tester ? Dans ce scénario, combien de temps le test gratuit serait-il tenable? A ce titre, quel investissement serait supportable afin d’éviter un conflit social dont nous ne pouvons pour l’heure esquisser les contours ? Pendant combien de temps le certificat serait-t-il véritablement contrôlé par ces milliers d’acteurs du domaine orange ? Quel serait un scénario alternatif basé sur les mesures de protection que nous connaissons actuellement, moins dangereux en termes de conflit social ?

Sur cette base, le Conseil fédéral et le Parlement devraient donc :

  • clarifier que le certificat covid est utilisé à titre exceptionnel, dans un temps limité et clairement défini (dépendant de critères épidémiologiques)
  • expliciter qu’il est fait avant tout pour les voyages internationaux
  • clarifier que les acteurs du domaine orange ont l’interdiction de l’utiliser tant que la situation épidémiologique est sous contrôle. Le Conseil peut décréter son utilisation si la situation se dégrade fortement (dépendant de critères épidémiologiques), et ce afin d’éviter des fermetures. A ce titre, il doit donc supprimer la deuxième option qu’il prévoit dans ce document* (utilisation facultative avec possibilité d’assouplissement)
  • clarifier que l’utilisation dans le domaine rouge doit également être très restrictive, càd strictement limitée aux manifestations/activités où une protection alternative n’est pas possible

Johan Rochel

* La communication du Conseil fédéral et de l’OFSP ne brille pas par sa clarté au sujet du domaine orange. Dans un document d’explication daté de fin mai, l’OFSP explique ainsi que tant que la situation épidémiologique le permet, la présentation du certificat COVID ne devrait pas être obligatoire pour y accéder. Dans le domaine orange, le certificat COVID ne devrait être utilisé que dans deux types de situation exceptionnelle :

1: si la situation se dégrade à nouveau : c’est la situation évoquée ci-dessus

2: la deuxième situation exceptionnelle est difficile à comprendre. Elle porte sur une utilisation facultative avec possibilité d’assouplissements. Le document précise que les exigences en matière de plan de protection peuvent varier selon que l’établissement est ouvert exclusivement aux personnes vaccinées, guéries ou récemment testées négatives, ou l’est aussi aux personnes dépourvues de certificat COVID. 
On ne comprend toujours pas si cette option est l’une des options ouvertes dès maintenant à tous les acteurs du domaine orange. Cela signifierait qu’ils peuvent exiger le certificat. Dans ce cas, le premier paragraphe n’a plus de sens et la dénomination même de situation exceptionnelle ne veut plus rien dire. Cela devient une situation normale. A l’inverse, si les acteurs du domaine orange n’ont pas le droit de le faire tant que la situation épidémiologique est sous contrôle, pourquoi le mentionner comme l’un des deux types de situations exceptionnelles ?

 

Johan Rochel

Dr. en droit et philosophe, Johan Rochel est chercheur en droit et éthique de l'innovation. Collaborateur auprès du Collège des Humanités de l'EPFL et membre associé du centre d'éthique de l’université de Zürich, il travaille sur l'éthique de l'innovation, la politique migratoire et les questions de justice dans le droit international. Le Valaisan d'origine vit avec sa compagne et ses deux enfants entre Monthey et Zürich. Il a co-fondé "ethix: Laboratoire d'éthique de l'innovation" (www.ethix.ch)

6 réponses à “Certificat covid: placer le domaine orange sous contrôle

  1. Le point faible de votre raisonnement est ici:
    “clarifier que le certificat covid est utilisé à titre exceptionnel, dans un temps limité et clairement défini”
    Rien n’indique que telle ne soit l’intention de l’Etat suisse – et surtout pas des autres états qui nous entourent.
    Tous les signaux indiquent le contraire – notamment l’argent massif investi dans tous les pays développés pour que ce certificat soit infalsifiable!
    Dès lors, le reste du raisonnement ne tient plus. Ce certificat est anti-démocratique et très dangereux quant à ses répercussions juridiques à long terme – choses que vous avez parfaitement soulignés dans vos divers billets.
    Les petites assurances parsemées alentour ne peuvent masquer le fond du problème. Nous introduisons un cheval de Troie dans nos fragiles démocraties.

    1. Bonjour, merci pour ce retour. Je crois que le certificat deviendra une nouvelle partie des voyages internationaux pour une durée indéterminée – en ce sens, il va “rester”. Mais le point où il vaut le coup de se battre concerne justement son utilisation domestique. J’espère que vendredi, le Conseil fédéral présentera une mouture avec des protections extrêmement claires sur ce point.

      1. Par principe, je crois qu’il vaut la peine de se battre contre le principe d’un certificat médical qui autorise ceci ou cela. Ce principe est en soi très dangereux pour la société libre.
        Si l’on se limite à améliorer la périphérie, c’est déjà qu’on admet que la société va vers une transformation qui lui fera renoncer à la démocratie, aux droits de la personne, etc.

  2. Ces réflexions concernent aussi le certificat Covid de la Suisse.
    C’est la même dérive vers la surveillance totale. Il faut refuser tout ça en bloc, totalement, et pas seulement le “domaine orange”:

  3. Au Danemark les tests rapides sont accessibles partout dans les rues. Les citoyens le font et reçoivent 30 mn après, l’autorisation ou pas pour toutes les activités dans le pays i.e. gym, resto, cinéma, etc. suis étonné que les intellectuels et les universitaires n’exigent pas un débat public contradictoire entre les experts sur les différents paramètres de cette ANCIENNE pandémie du continent. Est-ce qu’il est logique de donner un risque / 2’500.- à un jeune d’avoir une inflammation du muscle cardiaque ou un AVC ou mourir? M. Berset est passé à la télévision en direct et en conférence de presse à Berne plusieurs que 40 fois depuis le début de la campagne vaccinale, est-ce qu’un seul journaliste lui a posé une question précise sur les recensements inquiétants relatifs aux effets secondaires graves? non, ils ont glissé parfois un mot rapide sur “effets secondaires” pour rester dans le flou et dire que la rapport bénéfices/risque est favorable. Le bénéfice est favorable pour les 2499/2500, peut-être, et encore il y a d’autres effets secondaires.

Les commentaires sont clos.