Deux événements dramatiques se sont produits la semaine passée, à 10’000 km l’un de l’autre. Deux événements que tout oppose a priori, jusqu’au traitement médiatique dont ils ont fait l’objet. Ils partagent pourtant un élément essentiel en commun : leur caractère dévastateur et irrémédiable, qui nous interroge sur l’importance toute relative que nous accordons à notre patrimoine, qu’il soit naturel ou culturel.
Lundi 15 avril 2019, vers 18h15, un incendie se déclare dans les combles de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Rapidement, il se propage à l’ensemble des toitures de la nef et du transept, charpente comprise. Six-cent pompiers, 18 lances et plusieurs camions à grande échelle sont mobilisés pour venir à bout des flammes dans le courant de la nuit.
Le 13 avril 2019, la dernière femelle de tortue à carapace molle (Rafetus swinhoei en latin), est morte au zoo de Suzhou, en Chine. Il ne reste plus que 3 spécimens connus de cette espèce, aujourd’hui condamnée à l’extinction : un mâle âgé de plus de 100 ans, pensionnaire du même zoo et dont on avait à plusieurs reprises prélevé des spermatozoïdes pour tenter – en vain – d’inséminer la femelle, et deux individus (dont on ignore le sexe) à l’état sauvage dans deux rivières du nord du Vietnam.
Au matin du 16 avril, le monde se réveille sous le choc face à la destruction du monument le plus visité d’Europe, pièce maîtresse de l’architecture gothique, chargée d’histoire et de symboles. L’émoi provoque une mobilisation dont la rapidité et l’ampleur sont sans précédent. En moins d’une semaine, les promesses de don atteignent près d’un milliard d’euros, dix fois plus que ce que les principales œuvres caritatives (Croix-Rouge, Restos du Cœur, Fondation Abbé-Pierre, Téléthon, etc.) sont capables de rassembler dans le même laps de temps. En marge de cette agitation, quelques rares médias complètent leur rubrique des faits divers par la nouvelle de la disparition de la tortue. L’information, qui passe inaperçu même pour une grande partie de la communauté scientifique, provoque au mieux quelques haussements de sourcils dans la population. À 10’000 km de Paris, pour la dizaine de vétérinaires et de biologistes qui s’étaient mobilisés pendant plusieurs années pour collecter péniblement des fonds et tenter de sauver la plus grande tortue d’eau douce du monde, l’espoir est désormais éteint.
Notre-Dame était un édifice vieux de 800 ans ; sa charpente, détruite par le feu, pourra être reconstruite à l’identique en une dizaine d’années, selon les experts.
La tortue à carapace molle avait 40 millions d’années ; ses derniers représentants disparaissent en raison de la destruction de son habitat naturel et de la chasse illégale.
L’espèce va s’éteindre définitivement.
Cher Monsieur,
La disparition de cette tortue – passée totalement inaperçue – est effectivement d’une tristesse rare. Voir des animaux aussi emblématique de notre planète s’éteindre par la faute des hommes sans que personne ou presque ne lève le petit doigt témoigne bel et bien d’un je-m’en-foutisme aussi meurtrier que suicidaire…
Espérons que, par chance, d’autres mêmes tortues ont survécu et sont restées loin de la cupidité et du regard des médias.
Avec mes meilleures salutations.
Bonjour Jérémy,
Oui, cette disparition est terrible. Ce qui me désolé le plus, c’est cette indifférence générale par rapport au vivant. Que l’humain qui se considère si supérieur aux autres espèces n’arrive pas à comprendre qu’il n’est qu’une partie d’un système global qui était là bien avant lui et qui le sera encore après sa disparition m’attriste.
La lecture de “Printemps silencieux” de Rachel Carson devrait être obligatoire pour tout humain occidental …
Bien à vous,