Le temps des réfugiés

Pacte migratoire: une large coalition de sympathisants anti-islam, extrême droite et néo-nazis a influencé les partis traditionnels en Europe

Sur le site d’information POLITICO Europe deux chercheurs universitaires – Laurens Cerulus et Eline Schaart – racontent la virulente campagne en ligne de nombreux activistes d’extrême droite contre le Pacte migratoire de l’ONU. Elle a réussi à influencer les principaux partis traditionnels en Europe.

Depuis le mois de septembre dernier une coalition de sympathisants anti-islam, extrême droite et néo-nazis s’est mobilisée sur les réseaux sociaux contre le Pacte migratoire. Le texte non contraignant n’avait jusque là pas inquiété les gouvernements, régulièrement consultés durant le processus de rédaction à l’ONU.

Analyse du cyber activisme de groupuscules d’extrême droite

L’intensité des interventions coordonnées sur Twitter notamment, les nombreuses vidéos et les pétitions en ligne, ont incité les responsables politiques de plusieurs pays à revenir en arrière sur leurs positions initiales. En Suisse, le Conseil fédéral a fait marche arrière sur son engagement favorable initial et a demandé au parlement de se prononcer. En Belgique, la controverse a conduit à la chute du gouvernement.

Selon Laurens Cerulus et Eline Schaart, l’engouement initial quasi planétaire autour du Pacte migratoire – seuls les Etats-Unis et la Hongrie s’étaient initialement opposés au Pacte migratoire – a été stoppé par les attaques d’un réseau mondial de militants nationalistes d’extrême droite.

Martin Sellner est un militant politique identitaire autrichien. Cofondateur du mouvement identitaire autrichien (Identitäre Bewegung Österreichs (en) IBÖ) une organisation nationaliste autrichienne de droite appartenant au mouvement identitaire paneuropéen.

Elles ont été menées par des “youtuber” populaires et des influenceurs politiques d’extrême droite comme l’activiste autrichien Martin Sellner. Ces efforts ont été coordonnés via des groupes de discussion et des sites Web hyper-partisans. Sur YouTube, les vidéos de Sellner figurent en tête de liste des clips les plus regardés, selon Tagesschau, un journal télévisé de la chaîne publique allemande.

Ico Maly chercheur et enseignant sur les nouveaux médias et la politique à l’Université de Tilburg aux Pays-Bas est du même avis, selon lui les partis nationalistes du monde entier agissent ensembles sur des réseaux spécifiques. Tous ces acteurs s’informent mutuellement et adoptent les mêmes positions politiques.

L’Institute for Strategic Dialogue (ISD), un centre d’information et de recherche contre l’extrémisme basé à Londres surveille les activités de certains groupuscules sur internet et est arrivé à la même constatation, les comptes des médias sociaux gérés par le site Web Epoch Times, celui du chroniqueur populiste de droite Thomas Böhm, qui dirige le site d’information journalistenwatch.com et le blog anti-islam Philosophia Perennis figurent tous parmi les 10 comptes les plus cités dans plus d’un million de tweets analysés dans le monde après le 31 octobre, expliquent Laurens Cerulus et Eline Schaart.

Que votera le parlement suisse ?

Le 19 décembre dernier lors du vote à l’Assemblée générale de l’ONU, 152 pays ont approuvé l’accord. Les États-Unis, la Hongrie, Israël, la République tchèque et la Pologne ont voté contre le texte, 12 autres pays se sont abstenus (l’Algérie, l’Australie, l’Autriche, la Bulgarie, le Chili, l’Italie, la Lettonie, la Libye, le Liechtenstein, la Roumanie, Singapour et la Suisse) tandis que 24 autres pays membres n’ont pas pris part au vote.

En Suisse trop de politiciens ont été lamentablement influencés par des groupuscules ignares, désinformés et xénophobes.  Ils auront bientôt la possibilité de démontrer leur confiance dans les avis déjà exprimés des experts suisses en matière de migration (1).

Le 14 décembre, le Conseil fédéral décidait de mandaté le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) pour préparer un arrêté fédéral simple permettant aux chambres de se prononcer sur la signature ou non par la Suisse de ce pacte onusien. Le DFAE a jusqu’à fin 2019 pour préparer l’arrêté.

On espère qu’il parviendra à convaincre car le texte ne crée pas de droit à la migration mais réaffirme simplement et justement le respect des droit fondamentaux des personnes migrantes. Je vous recommande la lecture de l’article de Laurens Cerulus et Eline Schaart dans POLITICO, How the UN Migration Pact got trolled.


Lire aussi sur ce blog Un non au Pacte migratoire de l’ONU est un oui à l’extrême-droite et bien sûr les articles de Stéphane Bussard et Bernard Wuthrich dans Le Temps.

(1) Le Conseil fédéral a chargé la Structure interdépartementale pour la coopération migratoire internationale (IMZ) de faire une analyse de l’incidence du pacte  sur les politiques intérieure et extérieure de la Suisse. Cette analyse est disponible dans le dossier du DFAE “La Suisse et le Pacte migratoire“.

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