Le temps des réfugiés

Etats-Unis: quand la sécurité des frontières rime avec torture d’enfants mineurs

Photo© John Moore, Getty Images North America

Photo © John Moore/Getty Images North America

Au Texas, dans un centre de détention, un enregistrement audio d’enfants migrants âgés entre 4 à 10 ans pleurant et appelant leurs parents alors qu’ils viennent d’être séparés d’eux, vient de faire surface.

Cet enregistrement a fuité de l’intérieur, remis à l’avocate Jennifer Harbury qui l’a transféré au média d’investigation américain ProPublica. L’enregistrement a été placé sur les images filmées dans ce centre. Il soulève l’indignation des américains et du monde entier. Elles sont une torture pour nous, spectateurs impuissants de la barbarie d’un homme, Donald Trump et de son administration.

Le rythme des séparations s’est beaucoup accéléré depuis début mai, lorsque le ministre de la Justice Jeff Sessions a annoncé que tous les migrants passant illégalement la frontière seraient arrêtés, qu’ils soient accompagnés de mineurs ou pas. Du 5 mai au 9 juin 2018 quelque 2’342 enfants ont été séparés de leurs parents placés en détention, accusés d’avoir traversé illégalement la frontière. C’est le résultat d’une politique sécuritaire dite de “tolérance zéro” qui criminalise ces entrées même lorsqu’elles sont justifiées par le dépôt d’une demande d’asile aux Etats-Unis. Un protocol empêche la détention d’enfants avec leurs parents. Ils sont alors placés dans des centres fermés qui ressemblent tout autant à des prisons adaptées.

 

Photo © Jon Moore/Getty Images North America, AFP

Les enfants très jeunes entre 4 et 10 ans sont détenus à Brownsville (Texas) dans un centre nommé Casa El Presidente ou de nouvelles chambres s’apprêtent à accueillir des bébés et des tout-petits de moin d’un an. Pas très loin, l’énorme Casa Padre enferme 1’500 jeunes mineurs entre 10 et 17 ans désormais appelés mineurs non-accompagnés.

Depuis une semaine, les condamnations affluent de tous les côtés y compris de la part de certains des partisans les plus fiables de l’administration comme Anthony Scaramucci, ancien Directeur de la communication de la Maison-Blanche.

L’Académie américaine de pédiatrie, le Collège américain des médecins et l’Association américaine de psychiatrie ont violemment dénoncé cette pratique qui causera des dommages irréparables sur la santé psychique des enfants détenus.

Dans un front uni, des conservateurs religieux et des militants des droits des migrants mais aussi des membres démocrates et républicains du Congrès se sont prononcés ce week-end contre les efforts de répression de l’administration. Laura Bush et Michelle Obama ont vivement condamné cette pratique inhumaine qu’aucune loi ne justifie  selon Hillary Clinton.

 

 

Au Congrès deux propositions de loi seront présentées le 20 juin , l’une tente de réconcilier modérés et conservateurs mais elle inclut les demandes de Donald Trump et notamment l’enveloppe de 25 milliards de dollars pour construire un mur à la frontière mexicaine. Selon une source républicaine, le texte comprendra un amendement s’assurant que les mineurs accompagnés appréhendés à la frontière ne soient pas séparés de leurs parents. Ce texte est proposé par le représentant démocrate du Texas Beto O’Rourke qui estime que la séparation des familles est inhumaine et équivaut à de la torture. Selon lui, la loi permettant aux requérants d’asile d’avoir leur demande correctement examinée n’est de loin pas respectée par les autorités américaines.

 

Photo © John Moore/Getty Images North America, AFP

 

En attendant, l’Union américaine des libertés civiles (ACLU) a déjà intenté une action en justice contre le gouvernement américain pour cette pratique et pour les nombreuses violences commises par les gardes-frontière américains à l’encontre de nombreux enfants migrants, alléguant des violations à la Constitution et d’autres loi américaine. Un juge dans en charge de l’affaire s’est opposé à la requête de rejet de la plainte formulée par le gouvernement considérant que la pratique des autorités «choque la conscience».

Encore plus inquiétant est la disparition annoncée récemment de milliers d’enfants remis aux services sociaux aux Etats Unis. Le département de la santé a annoncé en mai dernier devant un Comité du Sénat que 1’475 sur 7’635 mineurs non-accompagné placés en famille d’accueil avait disparu des radars. On peut imaginer que beaucoup d’enfants ont rejoint des membres de leur famille installés aux Etats-Unis, mais on imagine le pire pour tous les autres.

A l’international, le Haut Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad al-Hussein et le Haut Commissaire de l’ONU pour les réfugiés, Filippo Grandi ont publiquement dénoncé cette pratique. Des prises de position qui n’ont malheureusement pas de prise sur Donald Trump.

 


Pour une définition juridique de la torture en droit international, lire La torture en droit international: compilation de jurisprudence

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