La Suisse doit suspendre l’accord de libre-échange avec la Chine

Les China Cables ont apporté la preuve irréfutable de l’existence des camps ouïghours au Xinjiang. De passage à Berne, Dolkun Isa, le président du Congrès mondial ouïghour, demande à la Suisse de prendre des mesures. Vu le peu d’empressement de Berne à agir, Alliance Sud, la Société pour les peuples menacés et Public Eye demandent la suspension de l’accord de libre-échange avec la Chine. Une motion dans ce sens sera déposée la semaine prochaine par Fabian Molina.

“Ce n’est plus le moment de faire du business as usual, ni de coopérer avec la Chine dans les Nouvelles routes de la soie (Belt and Road Initiative). Nous avons l’expérience historique, nous savons que le gouvernement chinois vise une expansion territoriale. D’ailleurs le corridor économique Chine – Pakistan commence à Kashgar, au Xinjiang», s’alarmait hier Dolkun Isa, le président du Congrès mondial ouïghour, invité à Berne par la Société pour les peuples menacés.

Une visite prévue de longue date, mais que le hasard du calendrier a fait tomber dans une actualité brûlante: lundi le Consortium international des journalistes d’investigation publiait les China Cables , une semaine après la publication par le New York Times de fuites, issues probablement de l’intérieur même du Parti communiste chinois. Les deux prouvent de façon irréfutable ce que nous savions déjà : 1– 3 millions (plutôt 3 millions selon Dolkun Isa) de musulmans ouïghours et d’autres minorités ethniques croupissent dans des camps au Xinjiang, dans l’ouest de la Chine, sur ordre du président Xi Jinping lui-même, qui a décrété qu’il fallait éradiquer l’Islam. Au programme : « dé-islamisation » (avec obligation de manger du porc et de boire de l’alcool), mauvais traitements, torture et travail forcé.

“Une partie des tomates et du coton produits par le travail forcé”

« En dehors des camps, la situation n’est pas tellement meilleure, a continué Dolkun Isa. La surveillance par intelligence artificielle est omniprésente et elle s’accompagne de pressions psychologiques et de menaces. Les gens ont peur de se parler. La Chine utilise les caméras de reconnaissance faciale, les a même exportées dans 18 pays, et elle va installer des caméras de reconnaissance émotionnelle. 400’000 Ouïghours ont été déplacés des camps vers d’autres régions et nous craignons qu’ils servent à la transplantation « d’organes halal ». Malgré cela, les pays et les entreprises étrangères continuent à faire des affaires en Chine, comme si de rien n’était. Une partie du coton et des tomates produits au Xinjiang sont issus du travail forcé. La Suisse, malheureusement, a été le premier pays européen à conclure un accord de libre-échange avec la Chine, mais avec vos relations commerciales et diplomatiques, vous pouvez agir !»

Dolkun Isa à Berne, le 28 novembre 2019

Comité mixte de l’accord de libre-échange inutile

Malheureusement la Suisse ne va pas faire grand-chose. Certes, le 26 novembre le DFAE a publié un communiqué exprimant sa vive inquiétude et appelant le gouvernement chinois à garantir à l’ONU un libre accès à la région. Le 22 octobre, dans le cadre du dialogue stratégique, le conseiller fédéral Ignazio Cassis a exprimé son inquiétude face à la situation au Xinjiang.

Mais le dialogue sur les droits humains a été reporté sine die par Pékin, après que la Suisse eut signé une lettre au Conseil des droits de l’homme condamnant les agissements au Xinjiang. Quant à l’accord de libre-échange, il est bien flanqué d’un accord parallèle sur les droits du travail, dont la violation peut être discutée dans le cadre du « comité mixte ». Mais le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) n’a pas l’air d’avoir pensé à le faire, ni de savoir quand aura lieu le prochain comité, qui se tient d’habitude tous les deux ans. Ceci soulève de sérieux doutes sur l’utilité du chapitre sur le développement durable (ou sur les droits du travail dans le cas de la Chine) contenu dans les accords de libre-échange, dont on voit bien que le respect relève du bon vouloir des Etats. Et visiblement, la Suisse n’est pas pressée de se mettre à dos ses partenaires commerciaux pour défendre les droits humains.

Suspendre l’accord de libre-échange

Dès lors Alliance Sud, la Société pour les peuples menacés et Public Eye – réunies dans la Plateforme Chine lors de la négociation de l’accord de libre-échange – demandent à la Suisse de suspendre l’accord tant que la situation des droits humains au Xinjiang ne s’est pas améliorée et que le travail forcé n’a pas cessé. Le risque est trop grand que des produits issus du travail forcé, ou même des composants entrant dans la fabrication de produits importés, comme le coton, arrivent sur le marché helvétique à titre préférentiel. Ce n’est pas une crainte infondée : selon le Wall Street Journal, Adidas, H&M et Esprit sont empêtrés dans le travail forcé des camps.

La semaine prochaine, le député PS Fabian Molina va déposer au Conseil national une motion dans ce sens : elle demande de suspendre l’accord de libre-échange tant que les camps ne sont pas fermés et que la Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et les procédures spéciales de l’ONU n’ont pas libre accès au Xinjiang – une recommandation exprimée par la Suisse elle-même lors de l’Examen périodique universel de la Chine en 2018.

Maison détruite à Kashgar, Xinjiang

Demander aux entreprises suisses d’exercer une diligence raisonnable

Notre deuxième revendication est que la Suisse demande aux entreprises helvétiques actives au Xinjiang d’exercer leur devoir de diligence, c’est-à-dire de montrer qu’elles ont pris toutes les mesures nécessaires pour éviter de violer les droits humains. Le très sérieux site d’information China File a recensé 68 multinationales européennes présentes au Xinjiang, dont plusieurs suisses: ABB, Chubb, Nestlé, Louis Dreyfus, Roche, Novartis, UBS, SwissRe. Certaines se fournissent en tomates auprès d’une entreprise d’Etat, d’autres font du négoce de coton, d’autres financent ou construisent des infrastructures. S’assurent-elles qu’elles ne violent pas les droits humains tout au long de leur chaîne de production? Pour l’instant en droit suisse il est difficile de les y obliger – alors même que c’est prévu par les Nations Unies -, mais si l’Initiative pour des multinationales responsables est adoptée, elle va combler cette lacune.

Le Congrès mondial ouïghour lui-même a demandé aux entreprises suisses actives au Xinjiang de faire très attention.

Suspendre le protocole d’entente sur les Nouvelles routes de la soie

Finalement, nous demandons à la Suisse de suspendre le protocole d’entente avec la Chine sur les Nouvelles routes de la soie (Belt and Road Initiative), signé en avril passé, qui prévoit une collaboration entre les deux pays pour soutenir leurs entreprises dans la construction d’infrastructures dans les pays tiers, surtout en Asie centrale.

Nous demandons aussi que la Suisse s’assure que les Ouïghours présents sur son territoire ne fassent pas l’objet de surveillance ou d’intimidations.

Ces mesures devraient éviter à la Suisse de risquer de participer, même indirectement, à « la plus grande incarcération de masse d’une minorité ethnico-religieuse depuis la deuxième guerre mondiale », comme l’a qualifiée le Consortium international des journalistes d’investigation.


Voir aussi de la même auteure:

Des Ouighurs sont soumis au travail forcé, il faut boycotter la Chine

Malgré la répression des Ouighurs, la Chine entretient des relations privilégiées avec la Chine

“Des Ouïghours sont soumis au travail forcé. Il faut boycotter la Chine”

Dolkun Isa, le président du Congrès mondial ouïghour, estime que 1 à 3 millions d’Ouïghours sont détenus dans des “camps de concentration du XXIe siècle”. Il ne croit pas que la plupart ont été libérés, comme affirmé récemment par la Chine, et accuse les pays musulmans d’avoir abandonné leurs coreligionnaires chinois pour faire des affaires avec Pékin. 

De retour des Etats-Unis, où il a été reçu par les plus hautes autorités, le président de l’organisation faîtière de la diaspora ouïgoure, basée en Allemagne, affirme que la Chine a lancé une guerre contre l’Islam, non seulement au Turkestan oriental [Xinjiang], mais sur tout son territoire. Il est préoccupé par l’aggravation de la situation sur place et appelle la communauté internationale à ne pas être complice de ce “nettoyage ethnique”. Il sera en Suisse en novembre.

La Chine a déclaré récemment que la plupart des Ouighours détenus dans les camps avaient été libérés. Quelle est votre réaction ?

Le Congrès mondial ouighour ne croit pas du tout que le gouvernement chinois ait libéré 90% des détenus, comme l’a prétendu le gouverneur du Parti communiste chinois de la région. Il n’y a absolument aucune preuve de cela. Les Ouïghours vivant à l’extérieur de la Chine et dont les familles ont disparu dans les camps ne peuvent toujours pas les contacter. Malgré les appels de la diaspora ouïgoure, des journalistes et d’autres militants, le gouvernement chinois n’a fourni aucune preuve de ses allégations. Même en 2019, des universitaires et des journalistes ont utilisé l’imagerie satellitaire pour démontrer que les camps ont continué à se développer et que de nouvelles installations ont vu le jour. Il est peu probable que le gouvernement chinois ait investi autant d’argent dans la construction de ce système de camps s’il avait soudainement décidé de libérer la majorité des détenus.

Au lieu de cela, il semble qu’il s’agisse d’une nouvelle tentative de la Chine pour réduire la pression qu’elle ressent et faire taire les critiques sur son horrible bilan en matière de droits humains. Tout au long de cette crise, le gouvernement chinois a systématiquement menti pour échapper aux critiques. Il a nié à plusieurs reprises l’existence même des camps jusqu’en août 2018, puis a prétendu que c’étaient des « centres de formation professionnelle ” volontaires pour donner aux étudiants des ” compétences professionnelles “. Puis, fin 2018, il a affirmé que les camps constituaient une mesure ” antiterroriste”. Compte tenu de ce schéma constant de mensonges, toute déclaration du gouvernement chinois au sujet des camps doit être considérée avec scepticisme.

A propos de pression justement, le mois passé 23 pays occidentaux ont soutenu les Ouighours. Quelques jours plus tard 37 pays, dont beaucoup de musulmans, ont soutenu la Chine. Etes-vous déçus par ces derniers ?

En effet, parmi les 37 pays qui ont signé la deuxième lettre adressée au Conseil des droits de l’homme, 16 sont musulmans. C’est très dommage, mais nous nous y attendions car depuis le début aucun pays musulman n’a soutenu notre cause. Pourtant les responsables du Parti communiste chinois ont déclaré que l’Islam est une “maladie idéologique” qui doit être “éradiquée”. Aujourd’hui, la Chine n’a pas seulement une politique de répression à l’égard des Ouïghours ; elle commence une guerre contre l’Islam (et toutes les religions en Chine), non seulement au Turkestan oriental [Xinjiang], mais aussi dans d’autres provinces musulmanes. En 2017-2018, le gouvernement chinois a détruit 3000 à 5000 mosquées au Turkestan oriental et en 2018, il a interdit et recueilli des Corans, des tapis de prière et des livres liés à la religion et il a brûlé les Corans très ouvertement. Aucun pays musulman n’a réagi. Depuis 2015, pendant le Ramadan, il est interdit de jeûner au Turkestan oriental et, lentement, l’accès aux mosquées est également restreint. Aujourd’hui, la plupart des mosquées sont vides et entourées de barbelés et de caméras de sécurité.

Pourquoi ces pays soutiennent-ils la Chine ?

Pour différentes raisons. Il y a d’abord les avantages économiques : la plupart d’entre eux font des affaires avec la Chine dans le cadre de la Nouvelle route de la soie, lancée par le président Xi Jinping en 2014. Deuxièmement, la plupart de ces pays ont des régimes autoritaires et de piètres résultats en matière de droits humains. En Arabie saoudite, en Égypte, au Pakistan, les minorités ethniques et religieuses sont persécutées. Avant de condamner d’autres pays, il faut balayer devant sa porte et ces pays se tiennent par la barbichette.

Comment évolue la situation au Turkestan oriental [Xinjiang] ?

Il est impossible de savoir combien de personnes sont détenues dans les camps, mais notre meilleure estimation se situe entre 1 et 3 millions, plus probablement autour de 3 millions. Ce sont pratiquement des camps de concentration du XXIe siècle. Il est très difficile de savoir ce qui se passe là-bas, mais les très rares témoins qui ont réussi à sortir de Chine ont parlé de torture psychologique et physique. Ma mère est morte dans l’un de ces camps l’année dernière, à l’âge de 78 ans, mais jusqu’à présent je ne connais pas la cause ou les circonstances de sa mort et de sa détention. Pendant plus de deux ans, je n’ai pas pu avoir accès à ma famille au Turkestan oriental, alors je ne sais pas si mon père est encore vivant. Le problème n’est pas seulement d’obtenir des informations de l’intérieur du camp, mais aussi de l’extérieur. Plus de 60 morts dans les camps ont été signalés nommément, mais nous ne savons pas combien de personnes qui n’ont pas été signalées y sont mortes. Le nombre réel est certainement beaucoup plus élevé.

Selon la BBC, les enfants des familles qui se trouvent dans les camps sont transportés dans des internats, où ils sont endoctrinés et subissent le lavage du cerveau. Le gouvernement leur donne des noms chinois et leur apprend la langue chinoise pour détruire leur identité. Ils sont endoctrinés à être loyaux envers le Parti communiste chinois. Selon Bitter Winter, un magazine sur la liberté religieuse et les droits de l’homme en Chine, jusqu’à 2’000 Ouïghours ont été récemment transférés dans d’autres provinces, ce qui nous inquiète vivement. Peut-être seront-ils tués ou utilisés pour le prélèvement d’organes.

Y a-t-il du travail forcé dans ces camps ?

Oui, il a été rapporté par de nombreux médias crédibles. Il y a des millions de personnes dans les camps et il est presque sûr que certaines sont soumises au travail forcé et que les produits qu’elles fabriquent sont exportés dans le monde entier. En outre, des entreprises de haute technologie coopèrent avec le gouvernement chinois pour la reconnaissance faciale et d’autres technologies de surveillance. D’autres entreprises, dont certaines européennes, coopèrent d’une autre manière en installant leurs usines sur place. 70% des tomates utilisées dans des sauces très connues sont produites au Turkestan oriental, principalement par le travail forcé.

Qu’attendez-vous de la communauté internationale ?

La lettre des 23 pays était un bon moyen de soulever la question. Elle a exercé une forte pression sur le gouvernement chinois, c’est pourquoi, deux jours plus tard, il a encouragé d’autres pays à faire une déclaration en sa faveur. Maintenant il se sent en position d’accusé, c’est un bon pas. Nous devons former une large coalition d’États et d’individus pour dire collectivement à la Chine qu’elle doit immédiatement mettre fin à ce crime contre l’humanité.

Les États ne devraient pas faire comme si de rien n’était avec la Chine. Ils devraient recourir à des sanctions ciblées, ce qui la placerait dans une position de faiblesse car elle a besoin de la technologie occidentale.

Ne craignez-vous pas d’être instrumentalisés dans la guerre économique entre les États-Unis et la Chine ?

Nous sommes reconnaissants pour le soutien de nombreux responsables américains et espérons que le gouvernement américain est sincère. Toutefois, nous voulons être absolument clairs sur le fait que la crise au Turkestan oriental et la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine sont des questions totalement distinctes. Ce qui arrive au peuple ouïghour est un crime contre l’humanité. La communauté internationale a l’obligation morale de dénoncer et de mettre fin à ces violations flagrantes des droits humains car elles constituent un tort moral objectif.


Une version de dette interview a d’abord été publiée par Le Courrier

Malgré la répression des Ouighours, la Suisse entretient des relations privilégiées avec la Chine

Photo: Rebiya Kadeer à Berne, 23 novembre 2010

La Suisse a été l’un des premiers  – et des rares – pays occidentaux à conclure un accord de libre-échange avec la Chine. Ceci lui confère une responsabilité particulière, alors que l’ONU vient de dénoncer l’internement d’un million de musulmans dans des camps de rééducation au Xinjiang.

Kashagar, Urumqi… Des villes mythiques sur la route de la soie, des noms qui ont fait rêver des générations entières de voyageurs, dont l’auteure de ces lignes lorsqu’elle sillonnait la Chine en 1990, une année à peine après le massacre de Tiananmen. Elles se trouvent au Xinjiang, une province à l’extrême ouest de la Chine, peuplée par la minorité musulmane des Ouighours.  On rejoint d’ailleurs Kashgar par la vertigineuse Karakorum Highway, l’une des routes les plus hautes du monde, qui relie le Pakistan à la Chine. Et l’ambiance y est complètement différente que dans le reste du pays, peuplé majoritairement par les Han: les souks bariolés, les mosquées, les effluves d’épices et les couvre-chefs typiques nous rappellent qu’on est bien en Asie centrale.

Ou plutôt, l’ambiance y était très différente, car l’uniformisation est en marche. En marche forcée même, comme l’a confirmé officiellement, à Genève, le Comité sur l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU: un million d’Ouighours et d’autres minorités musulmanes y croupissent dans des « camps politiques d’endoctrinement ». Autrement dit, au nom de la lutte contre l’extrémisme religieux et pour « maintenir la stabilité sociale », la Chine a fait de la région autonome du Xinjiang un camp d’internement de masse, une zone de non droit, où des gens sont emprisonnés simplement parce qu’ils sont musulmans. Si les témoignages sur ces camps de rééducation – au programme : lavage du cerveau, obligation de manger du cochon et de boire de l’alcool, tortures et disparitions forcées – défrayaient la chronique depuis quelques mois, aujourd’hui leur existence ne fait plus de doute.

Cela ne nous étonne pas vraiment, même si le degré d’horreur frôle l’inimaginable…. En 2010, Alliance Sud et les autres ONG de la Plateforme Chine, avaient invité à Berne Rebiya Kadeer, alors présidente du Congrès ouighour mondial. C’était peu avant le lancement des négociations de l’accord de libre-échange entre la Suisse et la Chine. La célèbre militante des droits humains, nominée plusieurs fois pour le Prix Nobel de la paix, avait demandé – comme nous – que des clauses sur les droits humains soient insérées dans l’accord de libre-échange et qu’une étude d’impact soit réalisée pour s’assurer que ledit accord ne viole pas les droits des minorités, notamment. On pense par exemple aux déplacements forcés de population ou aux produits fabriqués dans des camps de travail et susceptibles d’être importés en Suisse à des conditions préférentielles, en vertu de l’accord de libre-échange. Harry Wu, un autre célèbre militant, aujourd’hui décédé, que nous avions aussi invité en Suisse, affirmait que, sur le marché mondial, de nombreux produits chinois proviennent de plus de 1’000 camps de travail forcé, où croupissent entre trois et cinq millions de personnes.

Finalement, nos revendications sont restées lettre morte. La Suisse a conclu les négociations avec la Chine en trois ans – un record ! Mais le mot « droits humains » ne figure pas une seule fois dans le texte. Certes, il y a bien un accord parallèle sur les droits du travail, mais il n’est pas exécutoire, c’est-à-dire qu’une violation éventuelle de ces droits par l’une ou l’autre partie ne peut pas faire l’objet de sanctions, contrairement aux autres parties de l’accord.

Malgré ces lacunes, la Suisse a été le deuxième pays occidental à signer un accord de libre-échange avec la Chine, après la Nouvelle-Zélande. Depuis, l’Australie et l’Islande ont suivi. L’Union européenne semble avoir abandonné les négociations. Il faut dire que dans ses accords de libre-échange elle est plus regardante sur les droits humains que la Suisse.

Au vu de ses relations commerciales privilégiées avec Pékin, Berne devrait soulever la question de la violation des droits de la minorité ouighour et s’assurer qu’aucun produit importé en Suisse ne provient de ces camps de rééducation.  Faute de quoi, elle devrait suspendre l’accord de libre-échange.