Et si les abeilles…

Pesticides dans les sols agricoles en Suisse: le constat est alarmant

Voici une publication qui arrive à point nommé. En effet, une étude très récente fait le point sur l’état de contamination des sols agricoles par les pesticides en Suisse. Et le constat n’est pas rose. En effet l’étude publiée récemment par une douzaine de scientifiques de la très officielle et fédérale institution de recherche agronomique suisse qu’est l’Agroscope, fait état de résultats très alarmants.

Intitulée “Présence généralisée de pesticides dans les sols agricoles en gestion biologique – reflet du passé de l’agriculture conventionnelle?” l’étude rapporte que la majorité des sols des exploitations re-converties à l’agriculture biologique montrent des teneurs inquiétantes en pesticides de tous genres, même des années encore après leur sortie de l’agriculture traditionnelle.

Les auteurs ont examiné 100 champs répartis sur 60 sites sur le territoire Suisse, eux-mêmes répartis à parts égales en 3 groupes, soit 20 en agriculture conventionnelle, 20 en gestion sans labour et 20 en agriculture biologique. Ils ont analysé 46 pesticides, dont des herbicides et leurs produits de dégradation, des fongicides, des insecticides, parmi lesquels les fameux néonicotinoïdes interdits en Suisse et dans l’Union européenne depuis la fin 2018.

Les sites reconvertis au bio restent contaminés à très long terme: Les sites en agriculture traditionnelle ou sans labours se sont révélés sans surprise les plus contaminés. 41 des 46 pesticides ont été retrouvés dans au moins un champ, avec des abondances variant entre 3 et 32 molécules par champ, la médiane étant à 18 pesticides par champ dans les cultures traditionnelles et à 8 en agriculture biologique. Les concentrations sont également extrêmement élevées avec un maximum à 1170μg/kg et, en gestion biologique, des médianes situées à 52 et 95 μg/kg, respectivement pour des terres en labour et en production végétale.

En résumé et selon les auteurs “le nombre de pesticides trouvés était environ 2 fois plus nombreux et les concentrations 10 fois supérieures dans les sites en agriculture traditionnelle que dans les sites convertis à l’agriculture bio. Mais dans ces derniers, jusqu’à 17 pesticides étaient encore identifiés en quantités significatives après 20 ans d’agriculture biologique”, y compris le fameux DDT, banni depuis des décennies! Rappelons que la période de reconversion n’est que de 3 ans pour obtenir le label “Bourgeon” de BioSuisse.

La vie du sol est également significativement affectée Les auteurs ont également étudié les organismes du sol et leurs conclusions sont sans appel: “La biomasse microbienne, et plus particulièrement l’abondance de certains champignons mycorhiziens (un groupe très répandu de champignons qui vivent en symbioses avec les racines des plantes et qui leur sont très bénéfiques), étaient significativement liés négativement à la quantité de résidus de pesticides dans le sol. Cela indique que les résidus de pesticides, en plus des facteurs abiotiques tels que le pH, sont un facteur clé déterminant la vie microbienne du sol dans les agro-écosystèmes. Cette étude à large spectre démontre que les pesticides sont une réalité cachée dans les sols agricoles, et nos résultats suggèrent qu’ils ont des effets néfastes sur la vie du sol”.

Pour terminer, les auteurs concluent que la rémanence des pesticides dans les sols agricoles a certainement été sous-estimée, pour ne pas dire négligée, et qu’il est nécessaire d’étendre de genre d’études aux conséquences de multiples contaminations, les fameux effets cocktail sur lesquels on ne sait encore que très peu de choses.

Il est également réjouissant de constater que l’Agroscope semble enfin prendre la mesure de ses responsabilités face à ces enjeux de société. Nous ne pouvons que saluer la publication de ces résultats à quelques mois des votations sur les deux initiatives visant les pesticides sur lesquelles nous aurons à voter en juin prochain.

Référence: Widespread Occurrence of Pesticides in Organically Managed Agricultural Soils—the Ghost of a Conventional Agricultural Past?,Judith Riedo, Felix E. Wettstein, Andrea Rösch, Chantal Herzog, Samiran Banerjee,
Lucie Büchi, Raphaël Charles, Daniel Wächter, Fabrice Martin-Laurent, Thomas D. Bucheli, Florian Walder & Marcel G. A. van der Heijde, Environmental Science & Technology, Janvier 2021, DOI: 10.1021/acs.est.0c06405

Informations détaillées sur l’articles: Riedo_et_al_2021_: tableaux et figures

 

 

 

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