Et si les abeilles…

… servaient à quelque chose …

Originaire du Noirmont par mon grand-père maternel, je ne peux que me sentir interpelé par la réaction des piqués de ce quartier de mon village ancestral qui, selon Le Matin Dimanche d’hier, “ont déposé une pétition contre les moustiques” (sic). Diable, l’enjeu est de taille, et le danger menace! En effet, la journaliste évoque, sans rire, la possibilité “d’une nouvelle espèce mutante spécialement adaptée aux Franches-Montagnes et à son rude climat“.

Je me pince pour m’assurer que je suis bien éveillé: non, ce n’est pas un cauchemar… Je consulte mon agenda: nous nous ne sommes pas un premier avril. Nos amis Teignons, au verbe haut et prompts à défier l’autorité, seraient-ils assez allumés pour  se moquer ainsi de leur gouvernement (et de la Suisse entière) un 18 septembre, jour de Jeûne fédéral? Non! C’est apparemment bien au premier degré qu’il faut prendre cette “nouvelle”.

Et c’est à mon tour de fantasmer. Et si l’espèce se propageait, descendait jusqu’à Glovelier via les CJ, voire Delémont, ou atteignait Porrentruy, transportée sur un bois mort via Le Theusseret et St-Ursanne? Me reviennent alors les souvenirs de l’enfance, de ces longues processions du mois de mai derrière le curé du village. Vêtus de nos blanches chasubles d’enfants de cœur, nous parcourions les campagnes, qui portant haut le crucifix, qui l’encensoir, ou encore le Saint Calice, récitant Ave et Pater pour protéger foins et moissons de la grêle, des sauterelles  et des souris… Me reviennent l’odeur du foin coupé, le chant de l’alouette et des traquets, de la courtillère et des criquets. Souvenir d’un temps ou biodiversité et nature sauvage bruissaient et parfumaient l’atmosphère, d’un temps où les insectes, innombrables sur les corolles des fleurs, n’effrayaient personne…

Quoi? Les fiers Francs-Montagnards, fer de lance du Bélier, pourfendeurs de sangliers, auraient peur d’un moustique? Le bestiaire jurassien est inépuisable. Me reviennent aussi à l’esprit ces récits de temps plus anciens encore où l’Eglise excommuniait et traduisait en procès pour sorcellerie rats, loups et autres misérables nuisibles. Et c’en fut fait de la richesse d’une faune exceptionnelle. Si les taupes (à 1 Franc la queue) ont malgré tout survécu, il n’en va pas de même du grand hanneton (à 50 centimes le bocal d’un litre) dont les essaims s’envolaient à la nuit tombante et obscurcissaient le ciel des longues soirées de juin, probablement victime des “progrès” industriels d’une proche cité rhénane, dont les résidus ont enrichi les caisses et fertilisé les terres de Bonfol.

Eh oui! Citoyens du Noirmont, réveillez-vous! l’heure est grave ! Et, pour nous donner du courage face à ce nouvel ennemi, ensemble entonnons cet air martial que nous ont légué nos aieux : Du Lac de Bienne, aux portes de la France…

Et c’est alors que se cristallise cette question existentielle: ça sert à quoi un moustique?

A rien, évidemment. Et une fourmi? Et une guêpe? A rien non plus, en plus ça pique…

… et une abeille?

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