Directive citoyenneté – Pour une politique européenne cohérente et pragmatique

Idris Abdelkhalek, Co-responsable du programme Europe du foraus, démystifie la directive citoyenneté et explique pourquoi, selon lui, c’est un faux problème.

 

Cohérence et pragmatisme. Ces deux principes chers au fonctionnement institutionnel de la Suisse doivent demeurer au cœur de sa politique européenne et prévaloir dans la relation qu’entretient l’Union Européenne (UE) avec la Confédération. Dans le débat sur la directive citoyenneté, la Suisse et l’UE ont plutôt chacune fait preuve d’incohérence et d’abstraction.

 

Une cacophonie bilatérale

Suite à la mort de l’accord-cadre, la Suisse essaie de trouver une solution au dossier européen sans pour l’heure convaincre l’UE. Du côté de l’UE, il est regrettable de constater qu’elle s’enferme dans une volonté d’uniformisation dans l’application de ses règles. En d’autres termes, elle considère que ce qui vaut pour les États membres de l’Union vaut pour la Suisse. Elle occulte toutefois le fait que la Suisse et l’UE sont dans une relation « spécifique et analogue à certains égards » à ce qui est prévu pour les États membres. La Suisse est ainsi un État tiers auquel les règles européennes ne peuvent s’appliquer telles quelles.

 

Le faux problème de la directive citoyenneté

Cette cacophonie s’est reportée dans le débat sur la directive citoyenneté. Pour l’UE, l’évolution de la relation bilatérale implique une reprise entière de cette directive qui relève de la libre circulation des personnes. Pour la Suisse en revanche, trois développements relatifs au concept de « citoyenneté de l’Union » dans ce texte ne la concernent pas. Il s’agit de l’obtention du permis C après 5 ans de séjour en Suisse, un accès facilité à l’aide sociale et les règles sur l’expulsion d’un citoyen européen de Suisse.

 

Dans sa récente publication, le foraus confirme que ces trois développements sont propres au concept de « citoyenneté de l’Union » qui ne concerne pas les États hors de l’UE tels que la Suisse. Pour les auteur.es de cette publication, ces développements ne constituent toutefois pas un danger. Le permis C peut déjà être obtenu en Suisse pour certains citoyens UE après 5 ans. L’accès à l’aide sociale d’un « inactif » dans un état membre de l’UE est fortement limité par la directive citoyenneté. Quant aux règles sur l’expulsion des citoyens européens qu’elle contient, le Tribunal fédéral les applique déjà largement en Suisse.

 

Un obstacle surmontable !

Cette divergence entre la Suisse et l’UE sur la directive citoyenneté est donc un obstacle surmontable ! Une reprise de cette directive aurait ainsi peu d’impact sur ce qui vaut actuellement en matière de libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE. Elle permettrait principalement l’octroi de six mois d’aide sociale à des travailleurs européens licenciés après une activité professionnelle en Suisse inférieure à un an.

 

Avec un accord-cadre, cette divergence aurait sûrement pu être tranchée par le tribunal arbitral qu’il instaurait. La Suisse aurait d’ailleurs pu plaider cette relation spécifique avec l’UE sur la base de la jurisprudence tant redoutée de la Cour de justice de l’UE. Ceci lui aurait peut-être permis d’exclure les trois développements contestés de la directive.

 

Sans tribunal, le règlement de cette divergence est néanmoins laissé aux seules négociations politiques. Négociations dans lesquelles l’UE semble peu encline à faire des concessions. La Suisse ne dispose donc que d’une seule option. Ses acteurs politiques et sa société civile doivent revenir à un débat apaisé, factuel et pragmatique sur les questions européennes. Nous pourrions ainsi constater qu’il n’existe pas de grandes divergences avec l’UE sur la question de la directive citoyenneté et avancer sur le dossier européen enlisé depuis bien trop longtemps.

 

 

 

Idris Abdelkhalek, Co-responsable du programme Europe du foraus, a étudié le droit aux Universités de Fribourg (avec une spécialisation en droit européen), Leibniz de Hanovre et de Berne. Il a par la suite obtenu un master postgrade (LL.M.) en études juridiques européennes au Collège d’Europe de Bruges. Il est actuellement doctorant en droit à l’Université de Fribourg. Idris est également titulaire du brevet d’avocat et a travaillé dans une étude d’avocats spécialisée en droit des affaires, au bureau SwissCore à Bruxelles ainsi que dans l’administration fédérale à Berne. Il a par ailleurs été membre pendant plusieurs années du board d’AFS Switzerland, organisation mondialement active dans les échanges éducatifs interculturels.

 

 

foraus

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