Roman graphique : « Le syndrome de l’imposteur » de Claire Le Men

Les angoisses d’une jeune interne en psychiatrie

Lucile Lapierre, jeune interne en médecine en proie à un sentiment maladif d’illégitimité qu’elle traîne depuis l’école primaire, est affectée à une unité pour malades difficiles d’un hôpital psychiatrique. Inexpérimentée mais sachant les biais de la psychiatrie, elle est immédiatement saisie par le syndrome de l’imposteur, un mélange d’anxiété et de manque de confiance en soi qui provoque un sentiment d’imposture amenant les personnes qui en sont atteintes à nier leurs mérites et leurs succès.

Ce roman graphique balaie nos présupposés sur la folie, en brossant un portrait de l’institution psychiatrique et des personnages qui la peuplent. Dans ce récit initiatique inspiré de son expérience personnelle, Claire Le Men interroge les normes pour nous apprendre que les troubles mentaux sont définis selon l’époque ou la culture dans lesquelles évoluent les patients. Par exemple : si vous êtes freegan, – mode de vie alternatif qui consiste à consommer ce qui est gratuit, comme des produits invendus ou jetés dans des containers, afin de dénoncer le gaspillage alimentaire et la pollution engendrée par les déchets – il est probable que vous soyez considéré par les bobos comme un visionnaire politiquement impliqué. En revanche, dans un hôpital psychiatrique, cette habitude viendra renforcer l’hypothèse d’un trouble psy.

Le syndrome de l’imposteur : extraits

« Dans les pays industrialisés, le taux d’homicide et de 1 à 5 pour 100’000 personnes, et 0,16 pour 100’000 sont commis par des personnes ayant un trouble mental, soit 1/20 des homicides. Toutes violences confondues seuls 3 à 5% des auteurs souffrent de troubles psychiques.

Paradoxalement, ça choque moins un mari sain qui bat sa femme avec discernement tous les jours, qu’un « fou » qui frapperait un inconnu une fois parce qu’il croyait qu’il lui voulait du mal.

Il y a sûrement des tonnes de violences faites par des personnes « saines » qu’on ne lit même pas dans les faits divers, mais si c’est un malade ça intéresse soudainement tout le monde. »

« On dit classiquement que tout ça est devenu médical au XIXe siècle quand les médecins aliénistes se sont intéressés aux fous enchaînés de l’hôpital général et les ont libérés pour créer l’asile. Pinel est considéré comme le père de la psychiatrie moderne car il a libéré certains aliénés de leurs chaînes à Bicêtre et à La Salpêtrière.

D’après Foucault, c’est à Pinel que l’on doit le statut médical « moral » de celui qui sait et qui juge. Foucault disait « On croit que Tuke et Pinel ont ouvert l’asile à la connaissance médicale. Ils n’ont pas introduit une science mais un personnage dont les pouvoirs n’empruntent à ce savoir que leur déguisement ou, tout au plus, leur justification.

Ces pouvoirs, par nature, sont d’ordre moral et social, ils prennent racine dans la minorité du fou, dans l’aliénation de sa personne, non de son esprit. Si le personnage médical peut cerner la folie, ce n’est pas qu’il la connaisse mais qu’il la maîtrise.

Si la profession médicale est requise, c’est comme garantie juridique et morale non pas au titre de la science. Un homme d’une haute conscience, d’une vertu intègre et qui a une longue expérience de l’asile pourrait aussi bien se substituer à lui ». »

Claire Le Men : biographie

Claire Le Men est née en 1990 à Paris. Elle suit d’abord des études de médecine et se spécialise en psychiatrie. Son internat, qu’elle commence dans une unité pour malades difficiles, lui inspire Le Syndrome de l’imposteur son premier roman graphique. Elle se consacre désormais à la bande dessinée, entre Paris et Berlin.

Sources :

  •  Le Syndrome de l’imposeur, Claire Le Men, éditions La Découverte
  •  Lisez, plateforme des éditeurs

Humour et suspens avec Simon Vermot et Yvan Sjöstedt

Aventure et bande dessinées mais pas uniquement

Connues depuis 2009 pour leurs bandes dessinées, depuis que les Éditions du Roc se sont ouvertes à d’autres genres elles dansent avec le succès. Elles avaient notamment publié L’Aventurière des Sables de Sarah Marquis, à présent épuisé, le fabuleux périple retracé par l’aventurière pendant son voyage de 17 mois dans les déserts australiens.

Parmi leurs derniers nés, on trouve Cool, le dernier polar de Simon Vermot et A un poil trop près d’Yvan Sjöstedt, la suite du farfelu Un poil de trop.

Le thriller : Cool de Simon Vermot

Le résumé du livre : Sujet d’une manipulation diabolique qui le conduit par le bout du nez au bord de l’enfer, Pierre n’a pour arme que l’amour de sa fille. D’autres en revanche, sauront user d’un arsenal poids lourd pour parvenir à leur funèbre objectif : un horrible carnage.

L’extrait : Cool de Simon Vermot

« – Qu’est-ce qu’il t’a dit ? T’es d’une pâleur spectrale !

En sortant du bureau du réd’en chef, je ne m’attendais pas à tomber sur Renato. Mes jambes me portent difficilement, je suis complètement sonné.

– Il est arrivé un truc à Anouk… Tu peux finir de mettre en page mon article, faut que je rentre.

C’est à peine si j’arrive à cliquer le bout de ma ceinture une fois installé dans ma voiture. Dans ma tête, c’est le grand chambardement. Pourquoi ça m’arrive à moi ?

Totalement bouleversé parce qu’il vient d’apprendre, Marc n’a pas pris de gants. C’est pour ça qu’il m’a simplement dit :

– Je viens de recevoir un coup de fil. Ta fille a été kidnappée…

Je sais qu’elle traverse une période difficile. Ravissante mais très versatile, parfois écervelée mais dotée d’un fort caractère, comme feu sa maman, Anouk se dispute souvent avec sa grand-mère qui n’apprécie pas trop qu’elle sorte avec des garçons à son âge. Faut dire que celle-ci n’aime guère les hommes, ayant viré sa cuti après un divorce tumultueux. Ceci ajouté à des notes calamiteuses depuis quelques temps et même une convocation par la direction de son école pour avoir été surprise la main dans sa culotte en pleine classe. Certes, on a tous connu ça, désir d’indépendance, rébellion. Qui sait vraiment ce qui se passe dans la tête des ados ? Mais son comportement a passablement changé. Agressive, voire parfois méchante, elle en a fait voir de toutes les couleurs à son entourage qui ne lui veut, pourtant, que du bien. Moi le premier, bien sûr. Même si, tout récemment, elle m’a tellement excédée que je lui ai balancé la première gifle de sa vie. Geste qui m’a empêché de dormir pendant deux nuits entières.

Je suis complètement perdu. Et je ne vois qu’une solution : la police. Oui mais pour lui dire quoi ? Que ma fille a disparu ? Qu’elle ne s’est pas présentée en classe ce matin ? Que mon journal a reçu un ultimatum ? Tout bien pesé, ça vaut la peine d’y aller. Et il ne faut pas perdre de temps.

-Quel âge elle a ?

-Quinze ans et 4 mois. »

Simon Vermot : biographie

Simon Vermot est né au Locle où il a fait un apprentissage de typographe. Très vite intéressé par l’écriture, il devient journaliste, en intégrant notamment les rédactions de l’Illustré et du journal Coopération, avant de créer une agence de presse et publicité. Dans ce cadre, il conçoit différents magazines, devient rédacteur en chef de la revue vaudoise du 700e anniversaire de la Confédération, du Journal du Bicentenaire de la Révolution vaudoise puis rédacteur pour la Suisse romande de l’organe interne d’Expo 01-02. Durant quinze ans, il dirigera le fameux almanach Le Messager Boiteux  tout en collaborant à divers journaux et magazines. Il est également scénariste de BD, auteur de pièces radiophoniques et de chansons. Peintre à ses heures, actuellement il se consacre surtout à son œuvre romanesque.

Le déjanté humoristique : A un poil près

Gratte-Cul Les Moineaux est un village hors du commun. Doté de moins de 30 habitants, il est administré par Carpette Milborne, un maire plus attiré par le bar « Chez la Grosse » que par ses obligations. Il ne manque cependant pas d’idées pour valoriser sa petite commune. La dernière en date… une fête villageoise. Impatient d’amener un plus à la collectivité, il s’apercevra cependant que tout n’est pas si simple. Cerise sur le gâteau, un coiffeur veut absolument s’installer au village, histoire de bien compliquer la donne.

Le macrocosme de l’auteur nous ressemble étrangement. Les relations de proximité y sont légion. La vie de la bourgade se perpétuera dans l’esprit d’Un poil de trop  où Yvan Sjöstedt nous emmène dans son univers loufoque et coloré. Monde dans lequel se sont retrouvés plusieurs centaines de lecteurs qui apprécieront s’y replonger. Comme dans son premier roman, l’on y retrouve ce village truffé de personnages singuliers. D’un humour farfelu, c’est un texte en phase avec son temps. Une époque qui manque singulièrement de relations humaines.

L’extrait : A un poil près

« Des rumeurs prétendent que dans ce village, il ne se passe rien.

Les fessiers vissés aux chaises du bistrot n’étaient pas près de constater que l’heure avançait quelque peu. Aucun fait ni la moindre personne ne pourrait agir sur leurs fainéantises. Et ce n’était pas le soleil qui déclinait qui allait changer quoi que ce soit à cette situation.

– Allez bois ça Carpette ! Ça va te remettre d’aplomb après cette folle grimpée ! dit Zylphide.

– C’est vrai, après, tu n’auras plus qu’à descendre au village, ça ira tout seul ! ajouta Pronostic.

La gorgée initiale s’avéra sans doute la pire. Le goût terreux de cette horrible lavasse donna la nausée au valeureux cycliste. L’amertume décapante qui lui restait dans le palais poussa le bouchon assez loin, jusqu’à lui produire des spasmes incontrôlables. Il toussa sans tout à fait savoir si cet acte le conduirait au vomissement. Des morceaux de je ne sais quoi à l’insipidité innommable se promenèrent dans sa bouche. Sous les yeux des deux hôtes qu’il croisa furtivement, il prit son courage à deux mains, s’empara du verre et engloutit le solde d’une traite non sans en terminer par une interjection indéfinissable. Il ne lui restait plus qu’à espérer qu’il ne s’agissait pas d’un bouillon d’onze heures. »

Yvan Sjöstedt : biographie

Après avoir, durant quelques années, travaillé comme sérigraphe, Yvan Sjöstedt s’est tourné vers une formation sociale. Plus tard, la découverte de Londres en tant que résident, lui a livré l’approche décalée qui lui est chère. Il a participé à des pièces de théâtre et créé des sketches. Saltimbanque dans les années 80 avec le groupe Snobs, il écrit des textes de chansons. Avec son frère Nicolas, il se met aussi au scénario de BD sous le nom d’emprunt de Ted (Jo & Ted). Ensemble, ils créent plusieurs bandes dessinées, notamment Farinet le faux monnayeur. Ils planchent actuellement sur une bande dessinée à paraître bientôt. A un poil près est son second roman.

Sources :

– Cool, thriller de Simon Vermot, éditions du Roc

– A un poil près, roman d’Yvan Sjöstedt, éditions du Roc

– Site des Editions du Roc

 

L’Affaire Clitoris : une BD pour conter l’histoire d’un organe sensible

Une orchidée qui ne révèle que le rétinacle

Quel que soit votre genre, en prenant connaissance du travail effectué par la romancière Douna Loup et l’illustratrice Justine Saint-Lô, vous découvrirez probablement des choses que vous ignorez sur un organe qui demeure généralement caché : le clitoris. La bande dessinée imaginée par les deux jeunes femmes raconte, avec talent et délicatesse, l’enquête sociale menée par Pulchérie qui, à 35 ans, découvre que le clitoris est une belle orchidée dont on n’aperçoit que le rétinacle. En effet, cette perle du plaisir n’est pas qu’un petit bouton très innervé. C’est une grande fleur qui s’épanouit à l’intérieur du corps et qui mesure dix centimètres en moyenne. Interpellée par cette donnée anatomique qu’elle ne soupçonnait pas, Pulchérie se met en orbite autour de cette planète de chair et de ravissement en se posant plein de questions. Elle entame ainsi une révolution qui déteindra sur celles et ceux qui l’entourent. Par quel étrange tour de passe-passe cet organe central de la jouissance a disparu des atlas d’anatomie ? Comment se fait-il qu’il ait fallu autant de temps pour qu’il réapparaisse dans l’imaginaire collectif ?

Une enquête à travers l’histoire

L’Affaire Clitoris est une enquête menée avec beaucoup de curiosité à travers les pages de l’Histoire. L’on apprend, par exemple, qu’en l’an – 540 av. J.-C le poète grec Hipponax évoquait déjà le clitoris en l’appelant myrton, ce qui signifie baie du myrte. Où, qu’à partir de 1830 et jusqu’en 1960 environ – c’est-à-dire à peine hier pour les plus âgés d’entre nous, – dans les pays protestants (Allemagne, États-Unis, Royaume-Uni…) certains médecins, inspirés par une prohibition morale, pratiquaient l’excision. Cette mutilation était infligée pour soigner les glands du clitoris trop proéminents, pour mettre un terme aux pratiques masturbatoires, jugées déviantes, pour lutter contre la lascivité, la nymphomanie ou l’hystérie. Bref, en Occident aussi l’excision s’est pratiquée pour remettre les femmes sur le droit chemin du non-désir et de la chasteté.

Ce récit nous enseigne comment, suivant les époques, l’on a considéré la femme soit comme une créature exagérément lubrique – une impudique tentatrice incapable de retenir ses pulsions, une Eve croqueuse de « pommes » toujours prête à damner les hommes – ou alors, plus récémment, à partir du 19ème siècle, comme un être frigide, désintéressé par les affaires de sexe et de coït, le contraire étant considéré comme anormal. Cependant, il semble évident qu’en occultant de quelle manière le clitoris peut donner du plaisir, qu’en considérant ce plaisir, si par hasard il se manifestait, comme une anomalie ou une chose sale qui mérite punition, il est normal que les femmes se soient désintéressées de la sexualité.

Une BD pour les 12 à 112 ans

Les dessins légers et délicats, exempts de vulgarité, de l’illustratrice Justine Saint-Lô, et le texte sobre, clair et documenté de Douna Loup, mettent poétiquement ce récit à la portée de tous et de toutes. Aux enfants, ils peuvent apprendre l’anatomie de la femme cisgenre. Aux adultes qui ont un lien avec le clitoris, que ce soit parce qu’elles en possèdent un, ou parce ou qu’ils voudraient lui faire plaisir, ils peuvent enseigner comment l’appréhender pour le satisfaire. Une bande dessinée pleine de tact, de subtilité et d’érudition à déposer entre toutes les mains des 12 à 112 ans.

Douna Loup : l’interview

Comment l’idée de faire une bande dessinée sur l’histoire du clitoris vous est-elle venue ?

Un jour, au détour d’une conversation, j’ai découvert que le clitoris était un organe de 10 cm et non un simple petit bout de chair bien innervé. C’était en 2017, un manuel scolaire de SVT (ndlr : Sciences de la Vie et de la Terre) représentait pour la première fois ledit organe en entier. Ça a été un gros choc dans ma tête, un choc de toutes les représentations erronées que je m’étais faites. De nouvelles perspectives se sont mises à cheminer en moi, des questions. Pour moi ça été du même ordre que si j’avais toujours pensé que la terre était plate et que je venais d’apprendre qu’elle était ronde. C’était une sorte de révolution dans mon esprit.

Comme j’écris des livres, je me suis assez vite dit que c’était un sujet dont je voulais absolument parler, je découvrais cette zone d’ombres et de méconnaissances et je voulais participer à la mise en lumière ! Mais je ne me voyais pas écrire un roman sur le sujet (bien que finalement dans mes deux derniers romans je parle du clitoris, je n’ai pas pu m’en empêcher!) je me disais que ce qui manquait c’était des représentations, des images, alors une BD me semblait toute indiquée. J’aime beaucoup la BD et c’était une belle opportunité d’essayer ce nouveau territoire, ayant écrit du théâtre, cela me rassurait pour les parties dialoguées ! Mais c’était quand même toute une aventure nouvelle.

De savoir comment laisser de la place au dessin, ne pas tout dire par les mots, être à la fois informative et documentée et laisser de la place à l’onirique, l’imaginaire, faire rire et réfléchir, j’espérais développer un projet qui parvienne à dire beaucoup en gardant de la légèreté !

Et puis je ne connaissais pas d’illustratrice de BD, mais au détour d’une librairie ou Justine Saint-Lô venait dédicacer sa BD sur les vins naturels, nous avons eu l’occasion de nous rencontrer et je lui ai parlé du projet pour lequel je cherchais une illustratrice. Elle a vite été aussi emballée que moi par le sujet que je souhaitais défendre et explorer. Justine était en train de travailler sur la BD Accouche !  le sujet du clitoris l’intéressait et nous nous sommes très vite bien entendue sur ce projet.

À ce moment-là j’avais déjà écrit une bonne partie du texte de la BD. Elle m’a fait des retours, a commencé à dessiner les premières planches et les personnages pour que nous puissions présenter le projet à ses éditrices. Le projet a été validé chez Marabulles et j’ai donc fini l’écriture du synopsis que Justine a ensuite découpé sous forme de story-board. Nous avons eu des échanges à toutes les étapes mais globalement le gros du travail d’écriture s’est fait en premier, puis le découpage et le dessin dans un deuxième temps. Notre échange a été très fluide et nous avons vite senti que nous nous étions bien trouvées et que le projet se ferait avec joie !

Avez-vous eu des difficultés pour accéder à ces informations restées longtemps cachées ou ignorées ?

J’ai eu la chance de rencontrer la chercheuse Odile Fillod qui avait rassemblé et synthétisé beaucoup de données et d’informations sur le clitoris afin de développer un modèle de clitoris reproductible avec une imprimante 3D. Sa rencontre et les ressources disponibles sur son site ont été d’une grande aide.

Avez-vous appris des choses sur vous-même en écrivant ce texte ?

J’ai découvert beaucoup de systèmes de pensées intériorisés sur la façon de me penser en tant que femme, sur la façon de penser mon corps et la sexualité, le rapport à l’autre, la honte… en échangeant avec beaucoup d’amies je me suis aperçue avec elles de beaucoup de zones d’ombres, des difficultés pour beaucoup de valider et valoriser leur propres ressentis, leurs besoins. En travaillant sur ce sujet toute la trame des dominations patriarcales bien intériorisées a fait jour, je pensais me pencher sur le corps sensible et cet organe oiseau trop méconnu, j’ai rencontré le corps politique dominé et invisibilisé, le corps psychologique honteux et/ou coupé de ses ressentis, le corps amoureux limité dans sa représentation de ce qu’est l’amour et de la norme des gestes et des pratiques qui lui sont associés, le corps sexuel, le corps animal, le corps habitude, le corps imaginaire… des tas de corps et de sujets sont venus s’inviter au fil de cette exploration. C’est difficile de résumer toutes les prises de consciences qui en découlent, mais il y a eu de façon progressive un dévoilement des rapports baignés d’hétéronormativité dans lesquels j’ai grandi et qui sont encore si prévalents dans notre société. Je me suis donc rendu compte qu’il y a encore beaucoup à faire et défaire pour que nos corps se sentent le droit à la joie et à la validation de nos ressentis, et que nos cœurs inventent d’autres histoires d’amour ou la princesse puisse par exemple embrasser la sorcière, vivre seule ou s’envoler sur le dos d’un dragon pour explorer le monde…

Comment cette BD a-t-elle été accueillie ? Vous a-t-on censurées ou avez-vous eues des remarques outrées, goguenardes ou désobligeantes ?

Pour l’instant c’est le début du partage autour de cette BD et nous n’avons pas encore beaucoup d’expériences de retours…

La question que je pose à toutes les personnes qui écrivent : à quel personnage de la littérature ou de la bande dessinée vous identifiez-vous ?

Je crois que je m’identifie plutôt à l’écrivain.e qu’à ses personnages…

 

Biographies :

Douna Loup

Née à Genève le 23 mai 1982 de parents marionnettistes, Douna Loup a grandi en France, dans la Drôme. À l’âge de 18 ans, elle voyage en Afrique où elle passe plusieurs mois à Madagascar à faire du bénévolat dans un orphelinat. Douna Loup aime écrire pour sonder son monde intérieur et se lancer dans le vaste extérieur. Elle a publié son premier roman, L’embrasure, et quelques autres au Mercure de France. Puis sont parus aux éditions Zoé, Déployer et Les printemps sauvages, une ode impétueuse et solaire à la liberté. Toujours en quêtes de mouvements et de renouveau, elle écrit pour le théâtre, la danse, les marionnettes. A présent, elle est ravie de se mettre à la BD grâce au clitoris.

Justine St-Lô

Justine Saint-Lô, née le 7 juillet 1990 à Créances dans la Manche, est une illustratrice française de bande dessinée. Lorsqu’un sujet l’intéresse, elle va à la rencontre des gens et dessine ses découvertes d’un trait audacieux et vivant. Son crédo : connaître pour être plus libre, apprendre pour le plaisir. Après les documents graphiques Pur jus, Pur jus vinivication et Accouche ! avec Douna Loup elle lève le voile sur les pouvoirs et mystères du clitoris. Elle vit entre Angers et Poitiers dans un collectif peuplé d’artistes et d’artisans voyageurs avec qui elle a choisi de mener une vie alternative.

Sources :

  • L’affaire clitoris, Douna Loup & Justine Saint-Lô, Marabulles
  • Douna Loup, autrice

BD : « Irena » l’ange du ghetto de Varsovie

Irena Sendler : une résistante courageuse et modeste

Irena Sendler. 1944.

Entre 1941 et 1943, sans se soucier du danger, Irena Sendler sauve 2500 enfants juifs du ghetto de Varsovie. Pourtant, cette résistante catholique polonaise culpabilisera jusqu’à sa mort de ne pas en avoir sauvé assez. Qu’on l’appelle « héroïne » l’offusquait. « Je ne suis pas une héroïne. J’ai fait ce qu’il y avait à faire. Ce que j’ai fait est normal. Les enfants juifs sont les véritables héros ». Une « normalité » qui, en 1943, lui coûte d’endurer, chaque jour et durant des mois, de longues séances de tortures infligées par la Gestapo, sans que jamais elle ne dénonce aucune des personnes de son réseau. Condamnée à mort, elle s’en sort grâce aux membres de la résistance qui organisent son évasion mais les sévices infligés l’ont rendue définitivement infirme.

 

Irena Sendler : l’effacement

Après la guerre Irena Sendler (Sendlerowa en polonais) demeure fidèle au gouvernement polonais en exil. Cela lui vaut d’être à nouveau emprisonnée de 1948 à 1949, et d’être brutalement interrogée par la police secrète communiste. Elle est finalement libérée. Toutefois, ses liens avec la résistance polonaise proche du gouvernement en exil empêchent que les sauvetages qu’elle a effectués durant la guerre soient reconnus.

 

Irena Sendler : sauvée de l’oubli

Malgré la volonté du régime communiste à l’effacer de l’Histoire de la Pologne, en 1965, elle est déclarée Juste parmi les Nations et, en 1991, Citoyenne d’Honneur de L’État d’Israël. Cependant, son rôle durant la Seconde guerre mondiale reste largement ignoré jusqu’à la chute du régime communiste. En 1999, c’est un travail de fin d’études réalisé sur la Shoah par quatre étudiantes du Kansas, qui permet de mettre au jour ce pan de L’Histoire et de le diffuser mondialement. Depuis, Irena Sendler a reçu de nombreux prix. En 2003, alors qu’elle vivait encore, on lui décerne L’Ordre de l’Aigle Blanc, la plus haute distinction polonaise. En 2007, elle est distinguée de l’Ordre du Sourire, attribué à des personnalités œuvrant pour Le bonheur et le sourire des enfants. En 2009, Irena Sendler reçoit, à titre posthume, le prix humanitaire Audrey Hepburn, nommé ainsi en l’honneur de l’actrice et ambassadrice de l’Unicef. Le Parlement polonais a déclaré l’année 2018 « Année Irena Sendler ».

Irena Sendler. 2007.

 

Irena : la bande dessinée

Des livres et documentaires racontent les actions et la bravoure de cette grande dame, dont une série de bandes dessinées parues chez Glénat. Le scénario a été réalisé par Jean-David Morvan et Séverine Tréfouël d’après le documentaire Les Justes de Marek Halter. Afin que le dessin soit accessible aux plus jeunes, c’est le dessinateur David Evrard que l’on a sollicité, tandis que l’on a demandé au coloriste Walter de garder la couleur des films documentaires tournés durant la Deuxième Guerre Mondiale. Didier Pasamonik, spécialiste en bande dessinée, éditeur, directeur de collection, journaliste et commissaire d’exposition, écrit à propos de leur travail :

« Le regard qu’ils portent sur cette histoire a une qualité essentielle : ils l’abordent du point de vue de l’enfant. Cette tradition du dessin simple, au vibrato sensible doté d’une probité impeccable, nous la connaissons bien : elle est de la lignée, puissante parce que poétique, éternelle parce que authentique et universelle, du Petit Nicolas de Sempé et René Goscinny. Ils ont la même évidence. »

En cinq volumes, cette BD raconte le quotidien du ghetto de Varsovie, les déportations, les moments d’espoir, de désespoir et d’horreur, et comment Irena en est venue à sauver 2500 enfants, en prenant soin de noter et de cacher leur nouvelle identité jointe à l’ancienne, afin qu’après la guerre ils puissent connaître leurs origines et retrouver leurs familles. Les scénaristes se sont également aventurés dans l’après-guerre pour nous raconter les exactions du régime communiste, ainsi que quelques décennies plus tard à la rencontre des enfants, devenus adultes, qu’Irena a sauvés. La trame, souvent entrecoupée de scènes de tortures, est allégée par des moments où Irena imagine son père, un homme bon décédé très jeune, près d’elle et fier de son engagement. Des instants de tendresse tout aussi poignants que les scènes les plus dures.

Des frises historiques permettent de comprendre la chronologie de la montée du nazisme, la guerre et l’après-guerre, ainsi que la vie entière d’Irena Sendler.

Née à Varsovie le 15 février 1910, Irena décède dans la même ville, à l’âge de 98 ans, le 12 mai 2008.

 

Sources :

  • Irena, les 5 volumes parus chez Glénat : Le Ghetto ; Les Justes ; Varso-vie ; Je suis fier de toi ; La vie, après. Scénario : Jean-David Morvan et Séverine Tréfouël. Dessins de David Evrard. Couleurs par Walter.
  • La bibliothèque de la ville de La Chaux-de-Fonds.
  • Wikipedia

 

« Tant pis pour l’amour » : la BD qui explique les mécanismes de la manipulation affective

Tant pis pour l’amour : de l’idylle à la manipulation

Sophie a grandi en province, entourée de rivières où elle péchait l’écrevisse avec les mains. Lors d’une soirée, elle rencontre Marcus. Rapidement, elle en tombe amoureuse. L’homme, un comédien reconnu qui vit à Paris, lui fait comprendre que ce coup de foudre est réciproque. Dans un premier temps, il se comporte en amoureux parfait. Ensemble, ils passent des moments merveilleux. Le charme opère. Envoûtée, Sophie, qui pourtant se méfiait de la passion amoureuse, change radicalement sa vie pour lui plaire. Elle en vient même à déménager, à changer de région, pour se rapprocher de lui. Mais Marcus montrera très vite sa face obscure, celle d’un manipulateur qui la sadise psychologiquement. Quand elle ose le confronter à ses mensonges et incohérences, il devient verbalement violent et humiliant. Les réactions irrationnelles, voire hallucinantes de son compagnon, mènent Sophie à la culpabilisation puis à la dépression.

Tant pis pour l’amour : survivre à une relation toxique

Ce roman graphique raconte une histoire vraie. Celle qu’a vécue l’illustratrice et narratrice du livre. Relatée avec beaucoup d’humour, on s’y plonge comme dans un Tintin. D’autant que Sophie Lambda a eu l’excellente idée d’y introduire son ours Chocolat, une peluche gourmande qui s’adonne joyeusement à quelques vices dont l’ivrognerie. Spirituel, cocasse et plein d’à propos, Chocolat ne manque pourtant pas de sagesse puisqu’il tient le rôle de l’ange gardien ou de voix de la conscience. Bien qu’elle soit éducative, « Tant pis pour l’amour » est une BD distrayante et amusante.

L’auteure souligne qu’elle s’est contentée de relater ce qui lui est arrivé lors d’une relation amoureuse. La personne perverse est donc un mâle hétérosexuel blanc et celle qui se laisse prendre au piège une femme hétérosexuelle blanche. Elle précise cependant que les manipulateurs peuvent avoir n’importe quel âge, être issus de tous les milieux et de toutes les cultures. Que cela concerne tous les genres et toutes les préférences sexuelles. Que les manipulateurs et manipulatrices se rencontrent partout y compris dans les relations  « amicales », parmi nos collègues de travail ou au sein de la famille. Afin de ne pas enfermer les personnes toxiques dans une seule et unique case, le terme manipulateur est utilisé pour ces trois cas de figure : le-la pervers-e narcissique, le-la vampire psychique ou le-la sociopathe.

Un passage de la BD m’a particulièrement interpellée : quand Sophie explique qu’il ne faut pas confondre sauver sa vie et sa santé mentale avec la lâcheté ou le ghosting. Fuir, disparaître en bloquant la personne toxique de toutes parts, c’est l’unique solution pour échapper aux manipulateurs et manipulatrices. « Être lâche c’est disparaître sans donner de nouvelles à quelqu’un qui ne nous a jamais fait de mal. Quitter un bourreau c’est sauver sa peau. La lâcheté c’est un manque de respect violent fait dans le plus grand des silences ». En revanche, fuir un manipulateur ou une personne toxique, c’est se respecter soi-même. A noter: les manipulateurs sont extrêmement doués pour jouer les victimes de ghosting auprès de leurs amis ou sur les réseaux sociaux.

Apprendre à reconnaître un manipulateur et réagir

L’histoire de Sophie se divise en plusieurs parties. La première nous montre comment la jeune femme se laisse insidieusement manipuler par Marcus, jusqu’au jour où elle s’aperçoit qu’elle est dans une relation destructrice.

Dans la deuxième partie, elle le quitte. Totalement déstabilisée par ces quelques mois de relation toxique, elle demande l’aide d’une professionnelle pour se reconstruire.

Dans la troisième partie, elle démonte les pièges qui lient le chasseur à sa proie. Sophie Lambda n’épargne personne. Pas même le manipulé qui souvent s’imagine plus fort qu’il n’est en réalité.

En fin de livre, on trouve un Violentomètre. Cet outil permet à tout un chacun de mesurer la violence qu’une autre personne lui fait subir. Suivent quatre pages d’adresses et de numéros de téléphones ou les victimes de violences physiques ou psychologiques peuvent trouver une écoute ou du secours. Elles se situent toutes en France. Cependant, si vous vivez en Suisse et que vous êtes victime de violences, faites une recherche sur internet avec les mots suivants : violences psychologiques ( ou physiques ) avec le nom de votre canton ou de votre ville, vous serez rapidement dirigée vers une association près de chez vous.

Bon à savoir : si vous souhaitez faire le test du Violentomètre sans acheter le livre, on le trouve facilement sur la toile. Créé en Amérique latine pour que les femmes puissent mesurer les violences qu’elles subissent et comprendre le moment où elles sont en danger, le Violentomètre peut aisement être utilisé par les hommes.

“Tant pis pour l’amour” est un roman graphique que je n’hésiterais pas à placer entre les mains de chaque adolescent et de beaucoup d’adultes.

 

Sophie Lambda : la biographie

Illustratrice autodidacte, elle est née en 1986 à Besançon, en Franche-Comté. Elle grandit à Vesoul qu’elle quitte à 19 ans, après avoir arrêté ses études pour cumuler, durant trois ans, des expériences professionnelles diverses : fille au pair en Irlande, charcutière à Super U, ouvrière dans une usine en Suisse, vendangeuse, serveuse ou caissière. Elle reprend un cursus universitaire à Montbéliard et enchaîne cinq ans d’études de langues étrangères appliquées au e-commerce. C’est en parallèle à ses études qu’en 2010 elle crée son pseudonyme Sophie Lambda et ouvre un blog BD. Elle y raconte ses anecdotes de voyages, d’étudiante et des petites tranches de vie. Le blog et les réseaux sociaux aidant, elle décroche ses premiers contrats d’illustratrice alors qu’elle est encore étudiante. En 2014, elle termine son master 2 et se lance à plein temps, en freelance, dans l’illustration. Depuis, elle travaille pour l’édition, la publicité et la communication.

 

Sources :

  • Tant pis pour l’amour, Sophie Lambda, Éditions Delcourt.
  • Bibliothèque de La Chaux-de-Fonds

 

 

Mademoiselle Caroline et Julie Dachez: “La différence invisible” en BD

L’autisme Asperger : une différence invisible (du moins chez les femmes)

autisme asperger Jusqu’à peu, lorsqu’on pensait à l’autisme, on imaginait une personne mutique, fuyante, incapable de s’intégrer en société, parfois même entravée par un handicap mental. Cela peut être le cas mais pas forcément. L’autisme comprend un éventail de particularités cognitives d’intensité très variable, toutes regroupées sous le terme générique de Trouble du Spectre Autistique (TSA). L’autisme est un trouble neuro-développemental, d’origine biologique, avec un large spectre de spécificités. Il serait plus juste de parler des autismes plutôt que de l’autisme. Le niveau d’intelligence des personnes avec un TSA va d’une intelligence supérieure à une déficience intellectuelle sévère. Le syndrome d’Asperger est une forme d’autisme sans déficience intellectuelle ni retard de langage même si, contrairement à une autre idée reçue, toutes les les personnes ayant ce syndrome ne sont pas surdouées ou fortes en mathématiques.

autisme aspergerC’est de cette forme d’autisme dont a longtemps souffert Julie Dachez avant qu’un diagnostic ne soit posé sur les “étrangetés” qui la différenciaient de son entourage. De mettre un nom sur ses malaises lui a permis de se positionner dans la vie, de suivre des études adaptées et d’ainsi pouvoir se réaliser. A présent, elle est docteure en psychologie sociale, conférencière et militante française pour les droits des personnes autistes. Toutefois, le syndrome d’Asperger est souvent mal – ou pas – diagnostiqué, en particulier chez les personnes de genre féminin quel que soit leur âge. Actuellement, le sexe-ratio est d’environ de quatre hommes pour une femme, d’autant que les témoignages autobiographiques sont généralement effectués par des hommes : Josef Schovanec, Jim Sinclair, Daniel Tammet, Hugo Horiot… Cependant, de plus en plus, l’on s’accorde à estimer qu’il y a probablement autant de femmes autistes Asperger que d’hommes, mais que les femmes sont plus difficiles à détecter.

Écrite par Julie Dachez et illustrée par Mademoiselle Caroline, une dessinatrice habituée à traiter de sujets comme la dépression ou la maternité, la BD La différence invisible montre, de l’intérieur, comment se sentent les aspies girls, ainsi qu’elles se sont elles-mêmes surnommées.

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La différence invisible : introduction

” Il [cet album] explique et illustre en effet très bien un aspect majeur des femmes aspies:  leur invisibilité source d’errance diagnostique et de souffrances parfois importantes. Comme nous l’avons dit, le diagnostic des femmes Asperger est difficile à établir et donc sous-estimé de fait, pour plusieurs raisons. L’une d’elles est l’existence de capacités d’empathie émotionnelle et cognitive meilleures chez les femmes Asperger que chez les hommes Asperger (tout comme dans la population générale, d’ailleurs) ce qui leur permet des adaptations sociales de surface, de «faire semblant», de camouflage accrues par rapport aux hommes. Cette tendance à s’invisibiliser elles-mêmes – en apprenant à imiter les conduites sociales adaptées (à être « des caméléons », comme le dit Julie Dachez sur son blog), à regarder leur interlocuteur dans les yeux, à intégrer un groupe de pairs, à se conformer aux attentes des autres, à repousser leurs limites, à accepter les gênes sensorielles, émotionnelles et relationnelles, à supporter les moqueries et les humiliations, à faire semblant, à donner le change, etc, – n’est possible que grâce au déploiement d’une énergie parfois considérable, et au prix d’incompréhensions, de doutes, d’interrogations, de renoncements d’abnégation, de stress, d’épuisement physique et moral.

D’autres femmes Asperger sont invisibles parce qu’elles n’arrivent pas – ou plus – à s’adapter, à aller vers les autres, et préfèrent rester seules par défaut, faute de mieux, pour ne pas s’exposer au regard des autres, à l’échec, à la frustration, à la souffrance. Y compris lorsqu’elles sont mères de famille – c’est alors souvent la découverte autistique chez l’un ou plusieurs de leurs enfants qui les amène à découvrir leur propre syndrome d’Asperger et à sortir de cette invisibilité.”

Extraits de la préface de l’album par *Carole Tardif et *Bruno Gepner

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La différence invisible : tranches de vie d’une aspie girl

autisme aspergerAu début de l’histoire l’on découvre Marguerite – l’un des pseudonymes de Julie Dachez – au travail, à la maison, avec son compagnon. La jeune femme nous emmène à la rencontre de ses passions, de ses peurs, de ses angoisses, de ses particularités sensorielles et de ses maladresses sociales. Nous éprouvons avec elle les difficultés à se faire comprendre et à se faire accepter telle qu’elle est. Nous ressentons sa joie lorsqu’elle peut enfin mettre un nom sur ses malaises, sur son incompréhension des autres et sur son incapacité à vivre comme la majorité. La différence invisible est une bande dessinée certes réaliste, mais également drôle, émouvante et pleine d’espoir.

Par cette création, Julie Dachez alias Marguerite, alias Super Pépette sur son blog, contribue à mieux faire comprendre le syndrome d’Asperger à tous les lecteurs, que ce soient de simples amateurs de BD ou des personnes directement concernées : amis, conjoints, professionnels de la santé, enseignants, etc.

*Carole Tardif est professeur de psychologie du développement typique et atypique, Université d’Aix-Marseille, directrice du Centre de recherche du PSYCLE et du master en psychologie clinique du développement. Elle est aussi psychologue auprès d’enfants et d’adultes avec trouble du spectre de l’autisme.

*Bruno Gepner est pédopsychiatre et psychiatre auprès d’enfants et adultes avec TSA, chercheur associé au CNRS, chargé d’enseignement à l’Université d’Aix-Marseille et Paris 7, président de la Fédération Autisme Vie Entière – FAVIE.

Julie Dachez donne sa définition du syndrome d’Asperger.

 

Sources :

 

Bande dessinée: “Appelez-moi Nathan” de Catherine Castro & Quentin Zuttion

Appelez-moi Nathan : la BD qui explique simplement  la dysphorie de genre

Un jour, la jeune Lila voit ses seins s’arrondir, ses hanches s’élargir et ses menstruations arriver. Dégoutée par la transformation de son corps, elle refuse d’aller à la piscine, se braque contre ses parents, cesse d’avoir de bonnes notes à l’école et s’automutile. Elle se déteste. Elle déteste son corps. Elle déteste grandir et devenir une femme. Une réaction normale pour un transgenre en pleine puberté car Lila n’est pas Lila mais Nathan. Au fond d’elle-lui-même elle-il sait qu’elle-il est de genre masculin. Un jour elle-il dira à ses parents: “Je suis un garçon. Vous m’avez fait avec des seins pourris et une voix de merde. J’suis pas une fille. Vous n’avez pas de fille. A partir de maintenant appelez-moi Nathan”.

Appelez-moi Nathan : courage et ténacité

Devenir “il”, corriger les résultats de la loterie génétique pour être enfin lui-même, sera l’objectif de Nathan, or l’on imagine aisément – bien que ce soit difficile à imaginer pour une personne cisgenre– ce qu’une telle décision implique. Ce qu’il faut de bravoure, de ténacité, pour y parvenir. Par chance Nathan est né dans une famille aimante et compréhensive. Ce n’est, hélas, pas le cas de tous les Nathan. D’où l’utilité de cette bande dessinée. Expliquer à tous et à toutes – aux jeunes qui souffrent de dysphorie de genre, aux parents qui se braquent en apprenant que leur enfant est transgenre, aux amis qui les entourent et aux personnes qui considèrent cela comme une abominable anormalité – la douleur des personnes transgenres, l’incompréhension à laquelle elles doivent faire face, leur mal-être et leur combat quotidien pour être acceptées telles qu’elles sont. Cette BD est incontournable afin que ce qui est encore considéré, par certains, comme une “monstruosité” soit enfin accepté. Au final l’important c’est l’âme de la personne. L’essence et non le corps.

Appelez-moi Nathan: les auteur-e-s

Publié par les éditions Payot Graphic, imprimé sur un magnifique papier Appelez-moi Nathan est superbement servi par les dessins de Quentin Zuttion et le très beau scénario que Catherine Castro à écrit à partir d’une histoire vraie. Un ouvrage à mettre entre toutes les mains. Une bande dessinée qui devrait figurer dans toutes les bibliothèques scolaires.

Catherine Castro est journaliste, grand reporter et auteure. Elle a publié plusieurs livres chez Denoël et J’ai lu. Titulaire d’un master d’Histoire de l’Université Panthéon-Sorbonne, elle travaille notamment pour le magazine “Marie-Claire”, elle a également suivi une formation en réalisation documentaire.

Quentin Zuttion est un scénariste et dessinateur de bande dessinée. Diplômé de l’École nationale supérieure d’art de Dijon, il fait de la photo, de la vidéo, des performances. Très présent sur les réseaux sociaux, il est connu notamment pour son blog illustré “Les petits mensonges de Mr. Q”. Tout au long de ses histoires, Quentin Zuttion nous parle de sentiments, de sexualités, de quêtes identitaires et d’affirmation de soi. Quentin Zuttion est également l’auteur et le dessinateur de Touchées, une BD sensible et poignante. Le thème: trois femmes qui ont été victimes de violences sexuelles, tentent de se reconstruire et de retrouver un peu de légèreté grâce à l’escrime.

Mich-el-le: une femme d’un autre genre

Les personnes qui liront la BD s’interrogeront peut-être. Prendre des hormones à l’adolescence, commencer une transition aussi jeune est-ce bien raisonnable? N’est-ce pas un peu tôt? Finalement tous les jeunes ont des problèmes qui disparaissent à l’âge adulte (que l’on croit voir disparaître mais qui ne disparaissent pas vraiment, sinon quel que soit le genre ou les préférences sexuelles, il n’y aurait pas autant de monde en thérapie, suivi par des psys, des analystes ou des coaches de toutes sortes). Si vous avez ce type de doute, je ne peux que vous diriger vers Mich-el-le, une femme d’un autre genre paru aux Editions L’Âge d’Homme. Comme nous abordons ce sujet, une fois n’est pas coutume, je m’autorise à souligner que j’ai écrit une novella ayant pour protagoniste une personne transgenre, une femme enfermée dans un corps d’homme. Contrairement à Nathan, elle n’a jamais effectué de de coming-out. A la cinquantaine, toujours prisonnière de son corps d’homme et de Michel, l’identité assignée à sa naissance, Michelle étouffe. Aux yeux de tous, Michel est maçon. Au travail, dans la rue, dans son club de tir, il est un homme parmi d’autres mais, dès qu’il est seul, il enfile des vêtements féminins et devient Michelle, une femme qui, pour supporter ce qu’elle considère comme une erreur, une malédiction, réinvente son histoire. Mich-el-le déteste les cigognes qui ont déposé son âme de femme dans un corps d’homme, et abhorre l’unique L de son prénom masculin. Michelle ne milite pas pour la cause LGBT. Michel ne défend pas la théorie du genre. Mich-el-le se contente de vivre, en transparence, pour se fondre dans la majorité en cumulant les années de souffrance. De trop longues années perdues.

Mich-el-le, une femme d’un autre genre est un récit inspiré par un pompier de Lausanne même si dans mon livre Michelle est maçon. A présent, cette personne a pris sa retraite. Elle peut enfin vivre selon son genre profond et sa véritable identité, et m’autorise à révéler la source de mon inspiration. A l’instar d’Appelez-moi Nathan, Mich-el-le est la fiction d’une histoire vraie.

Sources:

  • Babelio
  • Appelez-moi Nathan, Editions Payot Graphic
  • Wikipédia