Du livre au documentaire : Le Salento ou l’enfer des pollutions cancérigènes (1)

Italie : le Talon de la Botte piétiné par les déchets

Quand on découvre que la ville de Lausanne est polluée par les dioxines on s’alarme, on déconseille de manger les fruits, les légumes et les œufs produits dans le périmètre contaminé. On incite les parents à emmener leurs enfants jouer ailleurs. Quand les habitants du Salento, l’une des plus belles régions d’Italie où se trouve la ville de Lecce, un joyau d’architecture considérée comme la Florence du sud, meurent, atteints de mystérieuses tumeurs, l’omerta s’installe et le mutisme s’impose. Un silence que le journaliste Giovanni Sammali, un ancien collaborateur de La Tribune de Genève et du Matin a osé casser. En 2014, son roman Salento, destination cancer paraissait aux Éditions G d’Encre.

Sous forme de polar, le récit, fort bien documenté, met en scène Stefano et ses amis. Révoltés par les cancers étranges qui rongent les habitants de cet Éden ancestral, indignés par les déchets enfouis par la mafia et les dioxines répandues par les rares industries locales, ils forment un commando armé pour tenter de conscientiser les touristes et de bouger les instances locales.

Le documentaire : Enfer au Paradis

Sept ans plus tard, à la fin du mois passé, on projetait en avant-première suisse, à l’Université de Neuchâtel, Enfer au Paradis. Le film, directement inspiré par l’ouvrage donne la parole à qui paye de sa santé, ou de sa vie, les conséquences de la pollution. Dans cette partie de l’Italie, les cancers ont augmenté de 40% en 10 ans et les enfants qui meurent de leucémie ou de tumeurs cérébrales de plus de 54%. Réalisé par Tiziana Caminada, il était suivi d’un débat avec la réalisatrice et les professeurs de l’UniNE Philippe Renard et Edward Mitchell, le militant écologiste Fernand Cuche et l’éco-explorateur Raphaël Domjan.

Débat pour l’avant-première du film “Enfer au Paradis”. De gauche à droite :Raphaël Domjan, éco-explorateur, Edward Mitchell, professeur à l’UNINE, spécialiste de la biologie des sols, Tiziana Caminada, réalisatrice (ex-RTS), Fernand Cuche, militant écologiste, ancien conseiller national et conseiller d’Etat neuchâtelois, Giovanni Sammali, auteur du roman qui a inspiré le film, Philipe Renard, professeur à l’UNINE, spécialiste d’hydrogéologie.

Les coupables désignées : la mafia, les industries et le nord de l’Europe

Tout est parti du livre de Giovanni Sammali Salento, destination cancer. Happée par la lecture du roman, interpellée par la gravité du sujet et l’ampleur du problème, la réalisatrice, ancienne collaboratrice de la RTS, a consacré quatre ans de sa vie à ce film. Elle a repris un par un les arguments qui mènent les protagonistes du livre à des actes terroristes. Constat de ses investigations : hormis les attentats, tout était vrai. En 2013, Paolo Pagliaro, du mouvement Region Salento, disait, en demandant la création d’une commission d’enquête interinstitutionnelle sur la question des déchets toxiques: « Le Salento décharge de L’Europe ? Voilà pourquoi on y meurt de tumeurs ». En effet, cette région pauvre, souvent méprisée du reste de l’Italie, est devenue la décharge sauvage de la mafia comme l’a également souligné Roberto Saviano, journaliste spécialisé dans la mafia italienne et auteur de Gomorra. Un endroit où les usines les plus polluantes comme l’aciérie (ex)ILVA, ou la centrale électrique de charbon de Cerano, se permettent, sans vergogne, de contaminer l’air, le sol et les nappes phréatiques, allégrement accompagnées par les Grands Manitous de l’agriculture. Hydrocarbures, dioxines et glyphosates sont tous de la partie. Le confort et le profit du nord de l’Italie et de l’Europe, a transformé ce Sud en poubelle géante et ses habitants en meurent. Les industriels prétendent ne pas avoir su estimer la toxicité de leurs déchets, or, après une enquête difficile, l’on a découvert des documents qui montrent qu’ils savaient parfaitement leur degré de nocivité. Les industries étaient au courant. Il s’agit  d’une faute intentionnelle. Des personnes ont été condamnées. Pourtant, au moment où j’écris cet article, les usines continuent de rejeter leurs poisons comme si rien ne s’était passé !

La pollution : un business lucratif qui implique la Suisse

Enfer au Paradis de Tiziana Caminada est une bombe visuelle, l’histoire d’une région qui souffre, comme beaucoup d’endroits de la planète, d’une pollution polymorphe due à la cupidité. Poignant, ce documentaire qui fait son chemin dans les festivals du film, n’en reste pas moins délicat et musical lorsque les images révèlent la richesse de la culture, plusieurs fois millénaire, de ce coin d’Italie. Un contraste qui rend sans doute le propos plus bouleversant. Une situation dans laquelle la Suisse n’est pas en odeur de sainteté. Motif pour lequel le film donne également la parole à l’ancien Conseiller fédéral Pascal Couchepin, qui nous explique dans quelles circonstances la Confédération a conclu certains contrats avec des entreprises qui polluent le Sud de l’Italie.

Décharges sauvages : la loi du silence

Dans le Salento, le business des décharges permet aux communes de gagner de l’argent au détriment de la santé de la population. Craignant de perdre travail et revenus, pendant longtemps elle n’a rien osé dire. Aujourd’hui, encore, les gens peinent à parler. Il n’a pas été facile pour la réalisatrice de trouver des personnes qui acceptent de témoigner. Probablement par peur et par pudeur, mais surtout parce qu’il s’agit de leur santé et de la santé de la terre de leurs ancêtres. Dans le film un ouvrier raconte, à visage couvert, ce qu’il a vu lorsqu’il travaillait dans les carrières :

« La nuit des camions avec des plaques allemandes, de Turin ou de Milan, arrivaient pour tout déverser ici, notamment les boues des hôpitaux ». La beauté de la ville de Lecce tient – entre autres- à ses bâtiments construit en tuf. Or, quasiment toutes les carrières de tuf de la région ont été transformées en décharges. Le tuf, une pierre volcanique poreuse proche de la pierre ponce, absorbe tout. D’où la pollution des nappes phréatiques et la mort des micro-organismes du sol. Mais la résistance s’organise. La Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) de Strasbourg a été sollicitée et il se prépare une plainte civile contre l’État italien pour ses lacunes et pour le non-respect des engagements climatiques.

Malgré ses côtés négatifs, cette région, dont les véritables trésors se trouvent dans les paysages et la gastronomie, arrive en tête des destinations conseillées par le New York Times et le National Geographic. En effet, même si le Salento détient un sinistre record de cancers, le touriste qui s’y rend trois semaines ne risque rien. Il peut pleinement profiter, sans mettre sa vie en danger, des produits locaux et de sa cuisine considérée comme l’une des meilleures au monde. Mais les problèmes environnementaux sont sournois. Dans le Salento des familles entières meurent de cancer pendant que, peu à peu, disparaissent les hirondelles, les lucioles et les oliviers séculaires, comme le versifie le poète Vitale Boccadamo, alors que 60% de l’huile consommée dans la péninsule, à l’instar de celle qui s’exporte à l’étranger, vient de cette région.

Contrairement à certaines personnes établies dans les Pouilles, qui luttent contre les dégâts causés par l’industrie et la mafia, Tiziana Caminada n’a pas reçu de menace et n’a jamais craint pour son intégrité physique durant le tournage. Une fois, cependant, elle a retrouvé sa voiture en pièces détachées. En revanche, c’est en Suisse qu’elle a senti beaucoup de réticences auprès des associations en lien avec l’Italie. Aucune n’a accepté de participer à la production du film.

La réalisatrice Tiziana Caminada avec son époux le réalisateur et producteur Yves Matthey. ©Photo Life After Oil Festival

Tiziana Caminada : biographie

Née à Zurich, Tiziana Caminada a fait l’École d’études sociales et pédagogiques, à Lausanne, avant d’intégrer la London International Film School. De 1990 à 2015 elle a travaillé comme réalisatrice à la Radio Télévision Suisse (RTS). Elle est également réalisatrice et productrice de documentaires et de petites fictions sur commande. Enfer au Paradis (3e Prix du Greenmontenegro Film Festival cet été) est son troisième documentaire, après deux films réalisés en Afrique, dont Little big Steve – Profession ange gardien.

Entièrement investie dans la défense du Salento et surtout de ses habitants, elle se déplace volontiers – sous certaines conditions purement techniques- pour diffuser le documentaire Enfer au Paradis et en parler. On peut la contacter par téléphone* chez Films Zorrr Production au 079 445 39 45 ou par e-mail : [email protected] .

*Les coordonnées sont diffusées avec le plein accord de la réalisatrice Tiziana Caminada. La deuxième partie de cet article, davantage consacrée au livre et à l’interview du journaliste Giovanni Sammali, sera publiée demain.

 

La bande-annonce du documentaire “Enfer au Paradis” de Tiziana Caminada.

L’Affaire Clitoris : une BD pour conter l’histoire d’un organe sensible

Une orchidée qui ne révèle que le rétinacle

Quel que soit votre genre, en prenant connaissance du travail effectué par la romancière Douna Loup et l’illustratrice Justine Saint-Lô, vous découvrirez probablement des choses que vous ignorez sur un organe qui demeure généralement caché : le clitoris. La bande dessinée imaginée par les deux jeunes femmes raconte, avec talent et délicatesse, l’enquête sociale menée par Pulchérie qui, à 35 ans, découvre que le clitoris est une belle orchidée dont on n’aperçoit que le rétinacle. En effet, cette perle du plaisir n’est pas qu’un petit bouton très innervé. C’est une grande fleur qui s’épanouit à l’intérieur du corps et qui mesure dix centimètres en moyenne. Interpellée par cette donnée anatomique qu’elle ne soupçonnait pas, Pulchérie se met en orbite autour de cette planète de chair et de ravissement en se posant plein de questions. Elle entame ainsi une révolution qui déteindra sur celles et ceux qui l’entourent. Par quel étrange tour de passe-passe cet organe central de la jouissance a disparu des atlas d’anatomie ? Comment se fait-il qu’il ait fallu autant de temps pour qu’il réapparaisse dans l’imaginaire collectif ?

Une enquête à travers l’histoire

L’Affaire Clitoris est une enquête menée avec beaucoup de curiosité à travers les pages de l’Histoire. L’on apprend, par exemple, qu’en l’an – 540 av. J.-C le poète grec Hipponax évoquait déjà le clitoris en l’appelant myrton, ce qui signifie baie du myrte. Où, qu’à partir de 1830 et jusqu’en 1960 environ – c’est-à-dire à peine hier pour les plus âgés d’entre nous, – dans les pays protestants (Allemagne, États-Unis, Royaume-Uni…) certains médecins, inspirés par une prohibition morale, pratiquaient l’excision. Cette mutilation était infligée pour soigner les glands du clitoris trop proéminents, pour mettre un terme aux pratiques masturbatoires, jugées déviantes, pour lutter contre la lascivité, la nymphomanie ou l’hystérie. Bref, en Occident aussi l’excision s’est pratiquée pour remettre les femmes sur le droit chemin du non-désir et de la chasteté.

Ce récit nous enseigne comment, suivant les époques, l’on a considéré la femme soit comme une créature exagérément lubrique – une impudique tentatrice incapable de retenir ses pulsions, une Eve croqueuse de « pommes » toujours prête à damner les hommes – ou alors, plus récémment, à partir du 19ème siècle, comme un être frigide, désintéressé par les affaires de sexe et de coït, le contraire étant considéré comme anormal. Cependant, il semble évident qu’en occultant de quelle manière le clitoris peut donner du plaisir, qu’en considérant ce plaisir, si par hasard il se manifestait, comme une anomalie ou une chose sale qui mérite punition, il est normal que les femmes se soient désintéressées de la sexualité.

Une BD pour les 12 à 112 ans

Les dessins légers et délicats, exempts de vulgarité, de l’illustratrice Justine Saint-Lô, et le texte sobre, clair et documenté de Douna Loup, mettent poétiquement ce récit à la portée de tous et de toutes. Aux enfants, ils peuvent apprendre l’anatomie de la femme cisgenre. Aux adultes qui ont un lien avec le clitoris, que ce soit parce qu’elles en possèdent un, ou parce ou qu’ils voudraient lui faire plaisir, ils peuvent enseigner comment l’appréhender pour le satisfaire. Une bande dessinée pleine de tact, de subtilité et d’érudition à déposer entre toutes les mains des 12 à 112 ans.

Douna Loup : l’interview

Comment l’idée de faire une bande dessinée sur l’histoire du clitoris vous est-elle venue ?

Un jour, au détour d’une conversation, j’ai découvert que le clitoris était un organe de 10 cm et non un simple petit bout de chair bien innervé. C’était en 2017, un manuel scolaire de SVT (ndlr : Sciences de la Vie et de la Terre) représentait pour la première fois ledit organe en entier. Ça a été un gros choc dans ma tête, un choc de toutes les représentations erronées que je m’étais faites. De nouvelles perspectives se sont mises à cheminer en moi, des questions. Pour moi ça été du même ordre que si j’avais toujours pensé que la terre était plate et que je venais d’apprendre qu’elle était ronde. C’était une sorte de révolution dans mon esprit.

Comme j’écris des livres, je me suis assez vite dit que c’était un sujet dont je voulais absolument parler, je découvrais cette zone d’ombres et de méconnaissances et je voulais participer à la mise en lumière ! Mais je ne me voyais pas écrire un roman sur le sujet (bien que finalement dans mes deux derniers romans je parle du clitoris, je n’ai pas pu m’en empêcher!) je me disais que ce qui manquait c’était des représentations, des images, alors une BD me semblait toute indiquée. J’aime beaucoup la BD et c’était une belle opportunité d’essayer ce nouveau territoire, ayant écrit du théâtre, cela me rassurait pour les parties dialoguées ! Mais c’était quand même toute une aventure nouvelle.

De savoir comment laisser de la place au dessin, ne pas tout dire par les mots, être à la fois informative et documentée et laisser de la place à l’onirique, l’imaginaire, faire rire et réfléchir, j’espérais développer un projet qui parvienne à dire beaucoup en gardant de la légèreté !

Et puis je ne connaissais pas d’illustratrice de BD, mais au détour d’une librairie ou Justine Saint-Lô venait dédicacer sa BD sur les vins naturels, nous avons eu l’occasion de nous rencontrer et je lui ai parlé du projet pour lequel je cherchais une illustratrice. Elle a vite été aussi emballée que moi par le sujet que je souhaitais défendre et explorer. Justine était en train de travailler sur la BD Accouche !  le sujet du clitoris l’intéressait et nous nous sommes très vite bien entendue sur ce projet.

À ce moment-là j’avais déjà écrit une bonne partie du texte de la BD. Elle m’a fait des retours, a commencé à dessiner les premières planches et les personnages pour que nous puissions présenter le projet à ses éditrices. Le projet a été validé chez Marabulles et j’ai donc fini l’écriture du synopsis que Justine a ensuite découpé sous forme de story-board. Nous avons eu des échanges à toutes les étapes mais globalement le gros du travail d’écriture s’est fait en premier, puis le découpage et le dessin dans un deuxième temps. Notre échange a été très fluide et nous avons vite senti que nous nous étions bien trouvées et que le projet se ferait avec joie !

Avez-vous eu des difficultés pour accéder à ces informations restées longtemps cachées ou ignorées ?

J’ai eu la chance de rencontrer la chercheuse Odile Fillod qui avait rassemblé et synthétisé beaucoup de données et d’informations sur le clitoris afin de développer un modèle de clitoris reproductible avec une imprimante 3D. Sa rencontre et les ressources disponibles sur son site ont été d’une grande aide.

Avez-vous appris des choses sur vous-même en écrivant ce texte ?

J’ai découvert beaucoup de systèmes de pensées intériorisés sur la façon de me penser en tant que femme, sur la façon de penser mon corps et la sexualité, le rapport à l’autre, la honte… en échangeant avec beaucoup d’amies je me suis aperçue avec elles de beaucoup de zones d’ombres, des difficultés pour beaucoup de valider et valoriser leur propres ressentis, leurs besoins. En travaillant sur ce sujet toute la trame des dominations patriarcales bien intériorisées a fait jour, je pensais me pencher sur le corps sensible et cet organe oiseau trop méconnu, j’ai rencontré le corps politique dominé et invisibilisé, le corps psychologique honteux et/ou coupé de ses ressentis, le corps amoureux limité dans sa représentation de ce qu’est l’amour et de la norme des gestes et des pratiques qui lui sont associés, le corps sexuel, le corps animal, le corps habitude, le corps imaginaire… des tas de corps et de sujets sont venus s’inviter au fil de cette exploration. C’est difficile de résumer toutes les prises de consciences qui en découlent, mais il y a eu de façon progressive un dévoilement des rapports baignés d’hétéronormativité dans lesquels j’ai grandi et qui sont encore si prévalents dans notre société. Je me suis donc rendu compte qu’il y a encore beaucoup à faire et défaire pour que nos corps se sentent le droit à la joie et à la validation de nos ressentis, et que nos cœurs inventent d’autres histoires d’amour ou la princesse puisse par exemple embrasser la sorcière, vivre seule ou s’envoler sur le dos d’un dragon pour explorer le monde…

Comment cette BD a-t-elle été accueillie ? Vous a-t-on censurées ou avez-vous eues des remarques outrées, goguenardes ou désobligeantes ?

Pour l’instant c’est le début du partage autour de cette BD et nous n’avons pas encore beaucoup d’expériences de retours…

La question que je pose à toutes les personnes qui écrivent : à quel personnage de la littérature ou de la bande dessinée vous identifiez-vous ?

Je crois que je m’identifie plutôt à l’écrivain.e qu’à ses personnages…

 

Biographies :

Douna Loup

Née à Genève le 23 mai 1982 de parents marionnettistes, Douna Loup a grandi en France, dans la Drôme. À l’âge de 18 ans, elle voyage en Afrique où elle passe plusieurs mois à Madagascar à faire du bénévolat dans un orphelinat. Douna Loup aime écrire pour sonder son monde intérieur et se lancer dans le vaste extérieur. Elle a publié son premier roman, L’embrasure, et quelques autres au Mercure de France. Puis sont parus aux éditions Zoé, Déployer et Les printemps sauvages, une ode impétueuse et solaire à la liberté. Toujours en quêtes de mouvements et de renouveau, elle écrit pour le théâtre, la danse, les marionnettes. A présent, elle est ravie de se mettre à la BD grâce au clitoris.

Justine St-Lô

Justine Saint-Lô, née le 7 juillet 1990 à Créances dans la Manche, est une illustratrice française de bande dessinée. Lorsqu’un sujet l’intéresse, elle va à la rencontre des gens et dessine ses découvertes d’un trait audacieux et vivant. Son crédo : connaître pour être plus libre, apprendre pour le plaisir. Après les documents graphiques Pur jus, Pur jus vinivication et Accouche ! avec Douna Loup elle lève le voile sur les pouvoirs et mystères du clitoris. Elle vit entre Angers et Poitiers dans un collectif peuplé d’artistes et d’artisans voyageurs avec qui elle a choisi de mener une vie alternative.

Sources :

  • L’affaire clitoris, Douna Loup & Justine Saint-Lô, Marabulles
  • Douna Loup, autrice

Lecture : Demain tous infertiles ? Comprendre, prévenir et traiter l’infertilité masculine

Voyants au rouge : le sperme humain est en berne

Dans la mythologie et les textes fondateurs, et ce jusqu’à récemment, la stérilité était considérée comme une affaire presque exclusivement féminine. Dans mon enfance l’on disait encore « ELLE ne pouvait pas avoir d’enfant » en parlant de voisines ou de grands-tantes qui auraient désiré une grossesse à une époque où l’on ne faisait pas encore d’examens médicaux pour détecter cette problématique. De l’Antiquité et jusqu’au deux tiers du XXe siècle, on imputait la stérilité du couple aux manquements de la femme, à sa faible constitution, à sa mélancolie, à son manque de sommeil, à sa luxure, à sa maigreur ou à son obésité, mais aussi à sa laideur ou à son extrême beauté. Toutefois, il est à présent prouvé, qu’en cas d’infertilité d’un couple, les hommes en sont la cause dans 40% à 50% des cas. D’autant que la qualité du sperme est en chute libre.

Depuis les années 1990, une trentaine d’études menées auprès d’une population variée ont été réalisées dans divers laboratoires du monde. Le constat est toujours le même : la qualité du sperme humain est en baisse. La concentration des spermatozoïdes est souvent insuffisante pour fertiliser la femme. Leur mobilité ou leur morphologie présente des anomalies. Des recherches identiques ont été faites dans le monde animal. Le bilan est tristement le même : le sperme des animaux, notamment celui des chiens, baisse de manière significative et brutale.

Vidéo réalisée par l’INSERM : Le fonctionnement du testicule.

Un livre pour mieux comprendre l’infertilité masculine

Pour que chacun et chacune puisse mieux appréhender cette problématique, le professeur Stéphane Droupy, urologue spécialiste de l’infertilité, et la journaliste Brigitte-Fanny Cohen, spécialiste des questions médicales, ont écrit Demain tous infertiles ? Comprendre, prévenir et traiter l’infertilité masculine paru chez First Éditions. En effet, un couple sur sept consulte parce qu’il ne parvient pas à mettre un bébé en route et, une fois sur deux, cela provient de l’homme. Cet ouvrage permet de comprendre ce qui peut fragiliser la fertilité masculine tout en apportant des conseils pour l’optimiser. Le livre aborde également les nombreuses possibilités d’accompagnement et de traitements : médicaments, chirurgies, assistance médicale à la procréation, mais aussi coaching nutritionnel, compléments alimentaires, modification du mode de vie… Les textes du livre, écrits pour un large public, sont soutenus par de nombreux tableaux et dessins qui en facilitent encore plus l’intelligibilité.

Ce qui péjore la fertilité

Je ne me pencherai pas sur ce qui nécessite un jargon strictement scientifique. Je ne relèverai, ici, que quelques unes des multiples causes qui altèrent la qualité du sperme.

Le sport intensif

Plus de cinq heures de vélo par semaine peuvent altérer la qualité de sperme. Idem pour la course à pied et d’autres sports pratiqués de manière intensive. Mais après quelques semaines d’activité plus modérée les choses reviennent à la normale. Cependant la sédentarité, ainsi que l’obésité qu’elle peut entraîner, est toute aussi nocive.

Les ondes électromagnétiques

Le sujet est certes polémique mais, que ce soit in vitro ou in vivo, les recherches sur l’homme et l’animal concluent à une dégradation de la qualité du sperme lors d’exposition prolongées aux ondes des téléphones cellulaires ou de Wi-Fi.

Les polluants organiques

Les polluants organiques, difficilement biodégradables, peuvent se transporter sur de longues distances dans l’eau ou dans l’air. Parmi eux : les pesticides, les dioxines, les PCB et les hydrocarbures. Tous sont rejetés dans la nature par les activités humaines et tous influencent négativement la fertilité.

Vidéo réalisée par l’INSERM : La régulation du cycle ovarien.

L’alimentation

Tant de choses et de facteurs polluent notre alimentation, compromettant ainsi la fertilité de l’être humain, qu’il est impossible de les énumérer de manière exhaustive dans un article. Toutefois, parmi les désignés coupables par ce livre, figurent les fruits et légumes traités aux pesticides. Une consommation modérée d’autres aliments est également fortement conseillée : produits laitiers, abats, poissons, café, boissons sucrées… La liste des produits néfastes et les suggestions pour bien s’alimenter font l’objet de longues pages. Il est quand même intéressant de relever que les hommes qui mangent, plus de deux fois par jour, des fruits et légumes issus des cultures biologiques, ont un nombre total de spermatozoïdes plus de deux fois supérieur à ceux qui n’en mangent qu’une fois.

Le travail

Les personnes qui exercent des professions où l’on manipule des produits phytosanitaires, des produits chimiques et des solvants sont davantage exposées aux perturbateurs endocriniens. Donc plus susceptibles d’être infertiles si les moyens de protection mis à disposition s’avèrent peu adaptés. Il en va de même pour tous les métiers qui exposent à la chaleur : pizzaiolo, boulanger, cuisinier, les métiers du textile, pompier, ouvrier suivant les ateliers…

Le mode de vie en général

Certains des éléments qui peuvent dégrader les capacités reproductrices chez l’homme sont difficilement évitables car invisibles. Nous n’avons aucun pouvoir sur eux. D’autres dépendent du mode de vie. Même si les produits suivants semblent logiquement perturbants pour la fertilité, il est peut-être bon de rappeler lesquels : l’alcool, le tabac, le cannabis, la cocaïne, l’héroïne et toutes les drogues qu’elles soient de synthèse ou non, beaucoup de médicaments notamment ceux contre l’acné, les antibiotiques, les antidépresseurs, les antidouleurs, le paracétamol, énormément de cosmétiques et les crèmes solaires…

L’une des nombreuses illustrations du livre Demain tous infertiles ?

 

Sources :

  • Demain, tous infertiles ? Comprendre, prévenir et traiter l’infertilité masculine, Professeur Stéphane Droupy et Brigitte-Fanny Cohen, First Éditions, octobre 2020, 287 pages.
  • Bibliothèque de la Ville de La Chaux-de-Fonds.