Prince et champion de triathlon : rencontre avec le cheikh de Bahreïn

En novembre 2017, j’ai disputé mon quatrième Ironman 70.3 à Manama (1.5 km de natation, 90 km de vélo et 21 km de course à pied), la capitale du Royaume de Bahreïn. Je n’ai pas pour autant oublié mon âme de journaliste et j’en ai profité pour interviewer pour le Temps la triple championne du monde d’ironman Daniela Ryf, le vainqueur de l’épreuve masculine à Bahreïn (et 3ème des championnats du monde ITU en 2017), le jeune et talentueux Norvégien Kristian Blummenfelt (interview youTube) et le prince de Bahreïn, son Altesse Nasser Bin Hamad Al Khalifa.

Le cheikh Nasser se laisse facilement photographier, mais donne rarement des interviews.

Le fils du roi Hamad bin Issa Al Khalifa est un cavalier émérite et un champion de triathlon. Il se laisse facilement approcher pour prendre des selfies, il partage plusieurs “story” et photos par jour sur son compte instagram qui compte plus d’un million de followers (www.instagram.com/nasser13hamad), mais le cheikh Nasser ne donne que très rarement des interviews. Après avoir été en contact avec son équipe de presse durant la totalité de mon séjour à Bahreïn, j’ai finalement décroché mon premier entretien de ma carrière avec un souverain.

Votre Altesse, félicitations pour votre victoire dans votre catégorie d’âge, la catégorie militaire et dans le classement regroupant tous les participants des Pays du Golfe ! En plus d’être celui qui a remporté le plus de récompenses lors de la course Bahreïn Ironman 70.3, vous avez également décroché un slot pour les mythiques Championnats du monde Ironman 2018 à Kona, Hawaï.

Le cheikh Nasser a décroché sa qualification aux Championnats du monde d’Ironman 2018 lors de l’Ironman 70.3 de Bahreïn en novembre 2017.

Racontez-nous comment l’enfant royal que vous êtes a débuté le sport et puis le triathlon ?
J’ai commencé à faire du sport lorsque j’étais enfant. Je jouais au football et à l’âge de douze ans, j’ai débuté l’endurance équestre. Mon père, sa Majesté le Roi Hamad Bin Isa Al Khalifa, m’a transmis sa passion pour l’équitation. Il est mon idole. C’est lui qui m’a appris à monter à cheval quand j’étais tout petit et il m’a ensuite fait découvrir d’autres disciplines sportives. Aujourd’hui, il me pousse continuellement à atteindre de nouveaux objectifs. C’est plus tard que j’ai commencé le triathlon. J’ai beaucoup aimé le fait que ce sport requiert des qualités que j’avais développées en pratiquant l’endurance à cheval, tout en me poussant à progresser dans d’autres domaines.

Le sport tient depuis longtemps une grande place dans votre vie.
Le sport a, à la fois changé, la vision que j’ai de la vie et m’a fait adopter un mode de vie sain. Comme tous les sportifs le savent, j’ai également appris qu’il faut travailler durement pour parvenir à réaliser ses objectifs. J’ai dû remodeler ma vie quotidienne pour atteindre et maintenant conserver mon bon niveau, c’est-à-dire surveiller mon alimentation et avoir suffisamment de temps pour m’entraîner. Le sport m’aide aussi à garder les pieds sur terre et m’a appris à gérer les succès et les défaites.

Né en 1987, le cheikh Nasser est marié avec Shaikha bint Mohammed bin Rashed Al Maktoum, la fille de l’Emir de Dubaï. Ils ont trois enfants : Sheema et les jumeaux Hamad et Mohammad.

Comment êtes-vous devenu l’un des meilleurs triathlètes sur la scène internationale ?
Cela n’est pas arrivé pas en un jour. C’est le fruit de plusieurs années d’entraînement, de détermination et de dévouement. Ceci est la clé du succès pour n’importe quel sport. Mon coach me force à rester concentré pour atteindre mes objectifs lors de chaque course. Je suis ses instructions à la lettre. Malgré mon emploi du temps très chargé demandant la supervision de différentes institutions gouvernementales, ma participation à de nombreux événements et le temps que je consacre à ma famille, je fais toujours en sorte de trouver du temps pour m’entraîner. Pour chaque course à laquelle je participe, je me fixe un nouveau record à atteindre et je donne tout pour battre le précédent.

Le cheikh Nasser, fils du Roi de Bahreïn Hamad Bin Isa Al Khalifa, représente régulièrement son père.

A vous entendre, on dirait que tout se déroule toujours comme dans un rêve pour vous ?
Non, définitivement pas. J’ai trébuché plusieurs fois et je me suis heurté à de nombreuses difficultés. J’ai connu des gros coups durs comme lors de l’Ironman 70.3 en décembre 2016 ici à Bahreïn. Je savais que je m’étais entraîné durement et j’étais prêt à faire une bonne course, mais je suis tombé lors de l’étape de vélo. J’ai eu plusieurs contusions et j’ai dû abandonner. Cela ne m’a pas empêché de reprendre l’entraînement et de me concentrer sur ma prochaine course. Dans la vie, vous êtes parfois amener à vous arrêter voire même à devoir faire quelques pas en arrière. Mais quand cela arrive, je m’assure que je ferai au moins deux pas en avant lors de ma prochaine course.

Qui sont les athlètes qui vous inspirent et ceux qui vous font trembler ?
Ma plus grande source d’inspiration est le Team Bahrain Endurance 13 que j’ai créé. L’équipe compte les meilleurs triathlètes. Chacun des athlètes possède l’une ou plusieurs qualités qu’un triathlète se doit d’avoir. J’essaie moi-même de les acquérir une à une. En termes de concurrents à battre, en fait, je n’entre jamais en compétition avec les autres. Je me considère comme mon propre adversaire. Battre mon précédent record est à chaque fois mon seul défi et ma motivation profonde.

Parlons un peu de votre royaume Bahreïn et de ses habitants. Grâce à vos succès sportifs et votre détermination, vous semblez être devenu un modèle pour les Bahreïniens.
Merci pour le compliment. En fait, avoir la possibilité d’inspirer la jeunesse et mes concitoyens est une manière de me réaliser personnellement. Je suis vraiment fier de voir le nombre de jeunes athlètes bahreïniens s’intéresser au triathlon et obtenir de bons résultats dans la discipline. Ils sont en train de devenir eux-mêmes la nouvelle inspiration de la jeunesse locale.

Durant les cinq dernières années, Bahreïn est devenu un pays très actif au niveau sportif. Vu que la majorité des cyclistes utilisent les routes de Zallaq pour s’entraîner, j’ai rendu public ma piste de vélo privée de 10 km qui se trouve dans le Sud. Pour moi, c’était un bon moyen d’encourager les gens de faire du sport et d’être actifs et je suis vraiment heureux de voir que chaque jour de plus en plus de personnes utilisent cette piste. Pas seulement les athlètes, mais presque toute la population de Bahreïn a commencé à opter pour un mode de vie plus sain. Chaque jour, de nouveaux événements sportifs locaux ont lieux et le nombre de personnes y participant augmente constamment.

Au niveau international, le Royaume de Bahreïn organisent des compétitions dans des disciplines telles que le triathlon, le football, les arts martiaux mixes (MMA), l’équitation, le cricket. C’est une excellente chance pour Bahreïn de faire découvrir aux étrangers sa culture et ses richesses touristiques.

Le cheikh Nasser (ici lors de l’épreuve du vélo durant l’Ironman 70.3 de Bahreïn) a rendu public sa piste de vélo privée pour encourager plus de gens à faire du sport.

Avec la création des équipes de cyclisme « Bahrain Merida Pro Cycling » et de triathlon « Bahrain Endurance Team 13 »), le Royaume de Bahrain a gagné en notoriété. Qu’est-ce qui vous a incité à créer ces équipes ?
Mon rêve a toujours été de faire connaître Bahreïn partout dans le monde et ceci malgré la petite taille de mon pays. En mettant sur pied les équipes de cyclisme et de triathlon, mon but était de créer une source d’inspiration pour la jeunesse du pays et en même temps évidemment de promouvoir Bahreïn sur la scène internationale.

Pour le moment, à part vous-même, tous les athlètes des équipes sont de nationalité étrangère. Comment se passe leur sélection ?
Bahreïn est un jeune pays et la participation d’athlètes bahreïniens à des compétitions internationales est très récente. Comme je le disais, ces équipes ont été créées pour inspirer la jeunesse locale. L’équipe cycliste Bahrain Merida a commencé de travailler avec des athlètes locaux dans le but de les intégrer dans l’équipe pro. A très court terme, les deux équipes auront une équipe de développement qui accueillera exclusivement les jeunes Bahreïniens. Il est important qu’ils comprennent qu’en s’investissant avec discipline, ils peuvent avoir leur place dans ces équipes et à plus long terme avoir du succès au niveau international. Les membres de chaque équipe sont sélectionnés en gardant ces objectifs en tête et nous nous basons sur les compétences uniques que chaque membre est à même d’apporter à l’équipe.

Quel est votre rêve en tant que triathlète ?
Mon objectif principal en triathlon était de me qualifier pour les Championnats du monde à Kona, objectif que j’ai atteint en novembre 2017 lors de l’Ironman 70.3 de Bahrain. En fait, le slot m’avait été proposé auparavant, mais je ne l’avais pas accepté, car je voulais me prouver à moi-même d’abord et ensuite à ma famille que je pouvais le gagner comme n’importe qui d’autre. Les Championnats du monde Ironman seront pour moi la course la plus difficile de ma carrière. Je suis terriblement excité et je me réjouis énormément. Mais je sais aussi que je devrai m’entraîner de façon plus rigoureuse et plus dure que je l’ai fait jusqu’à présent.

Un dernier mot ?
Dans le sport, nous sommes tous égaux. Et ceci indépendamment de notre statut dans la vie. Il suffit de travailler dur, d’être déterminé et de faire preuve de dévouement pour atteindre nos rêves. Rien est impossible lorsque nous fixons notre esprit sur le but à atteindre.

Cet interview du cheikh Nasser a été réalisée par Coraline Chapatte en novembre 2017 en marge de l’Ironman 70.3 de Bahreïn.

Le cheikh Nasser en compagnie de Coraline Chapatte lors de l’Ironman 70.3 de Bahreïn en novembre 2017.