Ravensbrück 2015

La plaine couverte d’un gravier noir tremble dans la chaleur du mois d’août, à peine quatre arbres pour y chercher de l’ombre. Le sol est encore marqué par les fondations des baraques en bois qui s’élevaient là il y a septante ans. Derrière nous les hangars accolés à un long mur, et la sombre Kommandantur. Sur notre droite, le bâtiment carcéral des sanctions pénales, une trentaine de cellules disposées sur deux étages de part et d’autre d’un couloir, selon le principe du panoptique.

Les visiteurs sont rares, huit à neuf personnes qui s’arrêtent devant l’ancienne place d’appel, avant de se rendre au mur commémoratif à quelques centaines de mètres.

À 500 mètres devant nous, les anciennes structures industrielles du camp…. On pénètre sans autre dans l’usine la plus grande. Rien n’a été touché, les murs n’ont pas été repeints ou passés à la chaux, les crépis pourris rivalisent avec la brique, omniprésente, les portes s’ouvrent telles des bouches édentées sur des corridors aveugles ou de grands halls éclairés par des rangées d’ampoules encagées. Sur les dalles du sol, des marques profondes attestent des machines qui étaient installées là il y a longtemps. Dans une pièce, dieu sait pourquoi, des lavabos et des toilettes ont été jetés dans un coin, sans doute durant la période communiste…. Personne, un vide assourdissant de silence entre ces murs maudits ou des milliers de femmes en guenilles étaient astreintes au travail. En 1942, année de la mise en œuvre de la solution finale, Fritz Suhren, le commandant SS du camp, allait mettre en place une politique d’élimination des détenues par le travail, les mauvais traitements et le rationnement de nourriture, avant de faire bâtir une chambre à gaz. Battues, assassinées lorsqu'elles n’étaient plus capables de travailler ou par simple caprice d’un geôlier, elles furent, selon les estimations, près de 90’000 à être exterminées à Ravensbrück.

Le ciel d’Allemagne, au cours de cet été torride a beau être bleu azur, l’ancien camp de concentration est sous une cloche. Si l’enfer existe, nous en sommes à l’une de ses portes. La tension est telle que l’on peine à articuler deux mots, que l’on peine même à s’entendre comme si la terre hurlait toute l’horreur qui s’est produit ici. Et voilà que derrière le bâtiment carcéral apparaît un lac, bordé de saules pleureurs plongeant leurs branches dans l’eau, se mêlant aux ajoncs entre lesquels jouent des canards. Au-delà de l’étendue d’eau apaisante, le village de Fürstenberg et son cloché, en vue directe. Un charmant village dont le crématorium municipal prenait en charge les morts du camp jusqu’en 1942. À partir de cette date, la population du camp composée presque exclusivement de femmes et d’enfants allait passer de 10'000 à plus de 45'000 personnes en janvier 1945. Les services de la commune ne devaient plus suffire.

Le crématorium du camp est là, à proximité de l’eau, une petite maison pourvue de deux énormes cheminées. La porte est ouverte. Sur son seuil, je ne parviens pas à pénétrer à la vue des trois fours, un vertige envahissant m’oblige à reculer pour respirer profondément avant de m’avancer une nouvelle fois et d’entrer. L’air est dense, des bouches des fours sortent les civières métalliques et devant, une double porte par lesquelles étaient charriés les corps depuis la chambre à gaz voisine, lieu d’exécution qui n’existe plus mais dont les fondations sont marquées au sol.

Plus de 130'000 femmes et enfants ont été déportés à Ravensbrück, certaines ont été stérilisées, d’autres ont subi des expérimentations médicales par le médecin SS Karl Gebhardt, rares sont les enfants ayant survécu aux privations.

En 2012, lors de l’établissement d’une structure commémorative, les autorités se sont aperçues que les ouvriers extrayaient des cendres humaines. Les fouilles ont alors été développées. Au final, le volume de ces restes était tel qu’ils forment à présent l’entier de l’esplanade entre le lac et le mur du camp, 300 mètres de long sur 50 mètres de large, recouverts d’un gravier.

Le choix – mais est-ce vraiment le cas – de laisser le camp dans son état originel, et de laisser l’accès libre est louable. Mais les moyens manquent comme le démontre la découverte morbide, il y a trois ans, des cendres de milliers de personnes. Plus étonnant encore, un large tiers du camp est fermé, aucune fouille n’ayant été visiblement menée dans cette partie envahie par la végétation. Curieux que ces lieux de mort et de désespoir, dont les noms résonnent dans nos mémoires comme des symboles d’un mal absolu, n’aient pas été passés plus avant au crible de la recherche.

 

 

 

 

 

Sarah Helm, If This is a Woman, Inside Ravensbrück : Hitler's concentration camp for Women – éd. Little, Brown – 2015.

Juliette Lemaître, La vie d'un « stück » – Récit d'une normande rescapée de Ravensbrück, éd. Charles Corlet, 2006.

Bernhard Strebel, Ravensbrück – Un complexe concentrationnaire, éd. Fayard, 2005.

Ravensbrück 2015

La plaine couverte d’un gravier noir tremble dans la chaleur du mois d’août, à peine quatre arbres pour y chercher de l’ombre. Le sol est encore marqué par les fondations des baraques en bois qui s’élevaient là il y a septante ans. Derrière nous les hangars accolés à un long mur, et la sombre Kommandantur. Sur notre droite, le bâtiment carcéral des sanctions pénales, une trentaine de cellules disposées sur deux étages de part et d’autre d’un couloir, selon le principe du panoptique.

Les visiteurs sont rares, huit à neuf personnes qui s’arrêtent devant l’ancienne place d’appel, avant de se rendre au mur commémoratif à quelques centaines de mètres.

À 500 mètres devant nous, les anciennes structures industrielles du camp…. On pénètre sans autre dans l’usine la plus grande. Rien n’a été touché, les murs n’ont pas été repeints ou passés à la chaux, les crépis pourris rivalisent avec la brique, omniprésente, les portes s’ouvrent telles des bouches édentées sur des corridors aveugles ou de grands halls éclairés par des rangées d’ampoules encagées. Sur les dalles du sol, des marques profondes attestent des machines qui étaient installées là il y a longtemps. Dans une pièce, dieu sait pourquoi, des lavabos et des toilettes ont été jetés dans un coin, sans doute durant la période communiste…. Personne, un vide assourdissant de silence entre ces murs maudits ou des milliers de femmes en guenilles étaient astreintes au travail. En 1942, année de la mise en œuvre de la solution finale, Fritz Suhren, le commandant SS du camp, allait mettre en place une politique d’élimination des détenues par le travail, les mauvais traitements et le rationnement de nourriture, avant de faire bâtir une chambre à gaz. Battues, assassinées lorsqu'elles n’étaient plus capables de travailler ou par simple caprice d’un geôlier, elles furent, selon les estimations, près de 90’000 à être exterminées à Ravensbrück.

Le ciel d’Allemagne, au cours de cet été torride a beau être bleu azur, l’ancien camp de concentration est sous une cloche. Si l’enfer existe, nous en sommes à l’une de ses portes. La tension est telle que l’on peine à articuler deux mots, que l’on peine même à s’entendre comme si la terre hurlait toute l’horreur qui s’est produit ici. Et voilà que derrière le bâtiment carcéral apparaît un lac, bordé de saules pleureurs plongeant leurs branches dans l’eau, se mêlant aux ajoncs entre lesquels jouent des canards. Au-delà de l’étendue d’eau apaisante, le village de Fürstenberg et son cloché, en vue directe. Un charmant village dont le crématorium municipal prenait en charge les morts du camp jusqu’en 1942. À partir de cette date, la population du camp composée presque exclusivement de femmes et d’enfants allait passer de 10'000 à plus de 45'000 personnes en janvier 1945. Les services de la commune ne devaient plus suffire.

Le crématorium du camp est là, à proximité de l’eau, une petite maison pourvue de deux énormes cheminées. La porte est ouverte. Sur son seuil, je ne parviens pas à pénétrer à la vue des trois fours, un vertige envahissant m’oblige à reculer pour respirer profondément avant de m’avancer une nouvelle fois et d’entrer. L’air est dense, des bouches des fours sortent les civières métalliques et devant, une double porte par lesquelles étaient charriés les corps depuis la chambre à gaz voisine, lieu d’exécution qui n’existe plus mais dont les fondations sont marquées au sol.

Plus de 130'000 femmes et enfants ont été déportés à Ravensbrück, certaines ont été stérilisées, d’autres ont subi des expérimentations médicales par le médecin SS Karl Gebhardt, rares sont les enfants ayant survécu aux privations.

En 2012, lors de l’établissement d’une structure commémorative, les autorités se sont aperçues que les ouvriers extrayaient des cendres humaines. Les fouilles ont alors été développées. Au final, le volume de ces restes était tel qu’ils forment à présent l’entier de l’esplanade entre le lac et le mur du camp, 300 mètres de long sur 50 mètres de large, recouverts d’un gravier.

Le choix – mais est-ce vraiment le cas – de laisser le camp dans son état originel, et de laisser l’accès libre est louable. Mais les moyens manquent comme le démontre la découverte morbide, il y a trois ans, des cendres de milliers de personnes. Plus étonnant encore, un large tiers du camp est fermé, aucune fouille n’ayant été visiblement menée dans cette partie envahie par la végétation. Curieux que ces lieux de mort et de désespoir, dont les noms résonnent dans nos mémoires comme des symboles d’un mal absolu, n’aient pas été passés plus avant au crible de la recherche.

 

 

 

 

 

Sarah Helm, If This is a Woman, Inside Ravensbrück : Hitler's concentration camp for Women – éd. Little, Brown – 2015.

Juliette Lemaître, La vie d'un « stück » – Récit d'une normande rescapée de Ravensbrück, éd. Charles Corlet, 2006.

Bernhard Strebel, Ravensbrück – Un complexe concentrationnaire, éd. Fayard, 2005.

Ravensbrück 2015

La plaine couverte d’un gravier noir tremble dans la chaleur du mois d’août, à peine quatre arbres pour y chercher de l’ombre. Le sol est encore marqué par les fondations des baraques en bois qui s’élevaient là il y a septante ans. Derrière nous les hangars accolés à un long mur, et la sombre Kommandantur. Sur notre droite, le bâtiment carcéral des sanctions pénales, une trentaine de cellules disposées sur deux étages de part et d’autre d’un couloir, selon le principe du panoptique.

Les visiteurs sont rares, huit à neuf personnes qui s’arrêtent devant l’ancienne place d’appel, avant de se rendre au mur commémoratif à quelques centaines de mètres.

À 500 mètres devant nous, les anciennes structures industrielles du camp…. On pénètre sans autre dans l’usine la plus grande. Rien n’a été touché, les murs n’ont pas été repeints ou passés à la chaux, les crépis pourris rivalisent avec la brique, omniprésente, les portes s’ouvrent telles des bouches édentées sur des corridors aveugles ou de grands halls éclairés par des rangées d’ampoules encagées. Sur les dalles du sol, des marques profondes attestent des machines qui étaient installées là il y a longtemps. Dans une pièce, dieu sait pourquoi, des lavabos et des toilettes ont été jetés dans un coin, sans doute durant la période communiste…. Personne, un vide assourdissant de silence entre ces murs maudits ou des milliers de femmes en guenilles étaient astreintes au travail. En 1942, année de la mise en œuvre de la solution finale, Fritz Suhren, le commandant SS du camp, allait mettre en place une politique d’élimination des détenues par le travail, les mauvais traitements et le rationnement de nourriture, avant de faire bâtir une chambre à gaz. Battues, assassinées lorsqu'elles n’étaient plus capables de travailler ou par simple caprice d’un geôlier, elles furent, selon les estimations, près de 90’000 à être exterminées à Ravensbrück.

Le ciel d’Allemagne, au cours de cet été torride a beau être bleu azur, l’ancien camp de concentration est sous une cloche. Si l’enfer existe, nous en sommes à l’une de ses portes. La tension est telle que l’on peine à articuler deux mots, que l’on peine même à s’entendre comme si la terre hurlait toute l’horreur qui s’est produit ici. Et voilà que derrière le bâtiment carcéral apparaît un lac, bordé de saules pleureurs plongeant leurs branches dans l’eau, se mêlant aux ajoncs entre lesquels jouent des canards. Au-delà de l’étendue d’eau apaisante, le village de Fürstenberg et son cloché, en vue directe. Un charmant village dont le crématorium municipal prenait en charge les morts du camp jusqu’en 1942. À partir de cette date, la population du camp composée presque exclusivement de femmes et d’enfants allait passer de 10'000 à plus de 45'000 personnes en janvier 1945. Les services de la commune ne devaient plus suffire.

Le crématorium du camp est là, à proximité de l’eau, une petite maison pourvue de deux énormes cheminées. La porte est ouverte. Sur son seuil, je ne parviens pas à pénétrer à la vue des trois fours, un vertige envahissant m’oblige à reculer pour respirer profondément avant de m’avancer une nouvelle fois et d’entrer. L’air est dense, des bouches des fours sortent les civières métalliques et devant, une double porte par lesquelles étaient charriés les corps depuis la chambre à gaz voisine, lieu d’exécution qui n’existe plus mais dont les fondations sont marquées au sol.

Plus de 130'000 femmes et enfants ont été déportés à Ravensbrück, certaines ont été stérilisées, d’autres ont subi des expérimentations médicales par le médecin SS Karl Gebhardt, rares sont les enfants ayant survécu aux privations.

En 2012, lors de l’établissement d’une structure commémorative, les autorités se sont aperçues que les ouvriers extrayaient des cendres humaines. Les fouilles ont alors été développées. Au final, le volume de ces restes était tel qu’ils forment à présent l’entier de l’esplanade entre le lac et le mur du camp, 300 mètres de long sur 50 mètres de large, recouverts d’un gravier.

Le choix – mais est-ce vraiment le cas – de laisser le camp dans son état originel, et de laisser l’accès libre est louable. Mais les moyens manquent comme le démontre la découverte morbide, il y a trois ans, des cendres de milliers de personnes. Plus étonnant encore, un large tiers du camp est fermé, aucune fouille n’ayant été visiblement menée dans cette partie envahie par la végétation. Curieux que ces lieux de mort et de désespoir, dont les noms résonnent dans nos mémoires comme des symboles d’un mal absolu, n’aient pas été passés plus avant au crible de la recherche.

 

 

 

 

 

Sarah Helm, If This is a Woman, Inside Ravensbrück : Hitler's concentration camp for Women – éd. Little, Brown – 2015.

Juliette Lemaître, La vie d'un « stück » – Récit d'une normande rescapée de Ravensbrück, éd. Charles Corlet, 2006.

Bernhard Strebel, Ravensbrück – Un complexe concentrationnaire, éd. Fayard, 2005.

Ravensbrück 2015

La plaine couverte d’un gravier noir tremble dans la chaleur du mois d’août, à peine quatre arbres pour y chercher de l’ombre. Le sol est encore marqué par les fondations des baraques en bois qui s’élevaient là il y a septante ans. Derrière nous les hangars accolés à un long mur, et la sombre Kommandantur. Sur notre droite, le bâtiment carcéral des sanctions pénales, une trentaine de cellules disposées sur deux étages de part et d’autre d’un couloir, selon le principe du panoptique.

Les visiteurs sont rares, huit à neuf personnes qui s’arrêtent devant l’ancienne place d’appel, avant de se rendre au mur commémoratif à quelques centaines de mètres.

À 500 mètres devant nous, les anciennes structures industrielles du camp…. On pénètre sans autre dans l’usine la plus grande. Rien n’a été touché, les murs n’ont pas été repeints ou passés à la chaux, les crépis pourris rivalisent avec la brique, omniprésente, les portes s’ouvrent telles des bouches édentées sur des corridors aveugles ou de grands halls éclairés par des rangées d’ampoules encagées. Sur les dalles du sol, des marques profondes attestent des machines qui étaient installées là il y a longtemps. Dans une pièce, dieu sait pourquoi, des lavabos et des toilettes ont été jetés dans un coin, sans doute durant la période communiste…. Personne, un vide assourdissant de silence entre ces murs maudits ou des milliers de femmes en guenilles étaient astreintes au travail. En 1942, année de la mise en œuvre de la solution finale, Fritz Suhren, le commandant SS du camp, allait mettre en place une politique d’élimination des détenues par le travail, les mauvais traitements et le rationnement de nourriture, avant de faire bâtir une chambre à gaz. Battues, assassinées lorsqu'elles n’étaient plus capables de travailler ou par simple caprice d’un geôlier, elles furent, selon les estimations, près de 90’000 à être exterminées à Ravensbrück.

Le ciel d’Allemagne, au cours de cet été torride a beau être bleu azur, l’ancien camp de concentration est sous une cloche. Si l’enfer existe, nous en sommes à l’une de ses portes. La tension est telle que l’on peine à articuler deux mots, que l’on peine même à s’entendre comme si la terre hurlait toute l’horreur qui s’est produit ici. Et voilà que derrière le bâtiment carcéral apparaît un lac, bordé de saules pleureurs plongeant leurs branches dans l’eau, se mêlant aux ajoncs entre lesquels jouent des canards. Au-delà de l’étendue d’eau apaisante, le village de Fürstenberg et son cloché, en vue directe. Un charmant village dont le crématorium municipal prenait en charge les morts du camp jusqu’en 1942. À partir de cette date, la population du camp composée presque exclusivement de femmes et d’enfants allait passer de 10'000 à plus de 45'000 personnes en janvier 1945. Les services de la commune ne devaient plus suffire.

Le crématorium du camp est là, à proximité de l’eau, une petite maison pourvue de deux énormes cheminées. La porte est ouverte. Sur son seuil, je ne parviens pas à pénétrer à la vue des trois fours, un vertige envahissant m’oblige à reculer pour respirer profondément avant de m’avancer une nouvelle fois et d’entrer. L’air est dense, des bouches des fours sortent les civières métalliques et devant, une double porte par lesquelles étaient charriés les corps depuis la chambre à gaz voisine, lieu d’exécution qui n’existe plus mais dont les fondations sont marquées au sol.

Plus de 130'000 femmes et enfants ont été déportés à Ravensbrück, certaines ont été stérilisées, d’autres ont subi des expérimentations médicales par le médecin SS Karl Gebhardt, rares sont les enfants ayant survécu aux privations.

En 2012, lors de l’établissement d’une structure commémorative, les autorités se sont aperçues que les ouvriers extrayaient des cendres humaines. Les fouilles ont alors été développées. Au final, le volume de ces restes était tel qu’ils forment à présent l’entier de l’esplanade entre le lac et le mur du camp, 300 mètres de long sur 50 mètres de large, recouverts d’un gravier.

Le choix – mais est-ce vraiment le cas – de laisser le camp dans son état originel, et de laisser l’accès libre est louable. Mais les moyens manquent comme le démontre la découverte morbide, il y a trois ans, des cendres de milliers de personnes. Plus étonnant encore, un large tiers du camp est fermé, aucune fouille n’ayant été visiblement menée dans cette partie envahie par la végétation. Curieux que ces lieux de mort et de désespoir, dont les noms résonnent dans nos mémoires comme des symboles d’un mal absolu, n’aient pas été passés plus avant au crible de la recherche.

 

 

 

 

 

Sarah Helm, If This is a Woman, Inside Ravensbrück : Hitler's concentration camp for Women – éd. Little, Brown – 2015.

Juliette Lemaître, La vie d'un « stück » – Récit d'une normande rescapée de Ravensbrück, éd. Charles Corlet, 2006.

Bernhard Strebel, Ravensbrück – Un complexe concentrationnaire, éd. Fayard, 2005.

Les Kurdes face à l’Etat islamique – Interview du cinéaste Kae Bahar

Cet article fait suite à celui publié sur ce blog, le 9 juillet dernier Les combattants de l’oubli. Mes recherches sur le crime de guerre m’ont mené vers un autre « combattant », dont les armes diffèrent de celles de S.K évoqué précédemment. Point de fusil mitrailleur ou de grenades, mais une plume et une caméra !

Né à Kirkuk, dans les territoires kurdes annexés à l’Irak, Kae Bahar est né entre 1960 et 1961. S’il ne connaît pas la date précise de sa naissance, il se souvient de son enfance sous le régime Saddam et du poids d’un apartheid qui allait devenir massacre systématique en 1988.

Pour rappel, Ali Hassan al-Majid, nommé en mars 1987 secrétaire général du parti Baas dans la région du Nord, allait orchestrer la « solution finale » au problème kurde.

Baptisée « Anfal », l’opération allait concentrer quelques 200'000 soldats irakiens. La rhétorique de mort du satrape de Saddam Hussein allait décliner toutes les formules éprouvées en Europe 50 ans plus tôt : invasion, bombardement, destructions systématiques de zones civiles, déportations massives, camps de concentration, exécutions sommaires et usage d’armes chimiques (sur ce dernier point Hitler avait renoncé à l’utilisation de gaz de combats par crainte de représailles). L’un des paroxysmes de l’Anfal fut sans aucun doute l’épisode connu sous le nom de « massacre de Halabja », perpétré du 16 au 19 mars 1988. On se souvient de ces images terribles de femmes et d’enfants morts figés dans les convulsions générées par les gaz chimiques. 5'000 personnes devaient périr lors de l’holocauste d’Halabja.

Les chiffres officiels parlent de 182'000 civils tués et de plus de 2'000 villages rasés de la carte au cours de l’Anfal, soit cinq fois plus que le nombre de villages que compte le canton de Vaud. Human Rights Watch précise que 1’754 écoles et 270 hôpitaux ont été rayés de la carte.

Le procès de La Haye en 2005 contre l’homme d’affaire néerlandais Frans Van Anraat, qui avait fourni au régime de Saddam Hussein les substances ayant permis de produire les armes chimiques, allait reconnaître officiellement le génocide kurde[1].

À 14 ans, Kae Bahar est arrêté par la police secrète et torturé. Convaincu de devoir quitter ces terres de désolation, il allait développer un goût pour le cinéma lui permettant d’échapper à sa réalité. Plus tard, il allait parvenir à rallier l’Italie ou il put poursuivre ses études, d’architecture d’abord, d’art dramatique ensuite.

Kae Bahar vit à présent à Londres entouré de sa femme et de ses enfants, et produit des films documentaires pour la BBC, C4, ITN et Al Jazeera. Certaines de ses œuvres ont connu un succès international comme Karzan’s Brothers, escape from the Safe Haven, Return to Kirkuk, A Year in the Fire, ou A Day with PKK.

Kae vient de signer un dernier documentaire, à l’heure ou cet article est écrit, intitulé The Kurdish Dream. Écrivain à ses heures Letters from a Kurd, Kae a fait le pas de la fiction en 2013 en réalisant le court métrage I am Sami une co-production entre l’Angleterre et le Kurdistan sélectionnée dans 55 festivals de films internationaux et ayant remporté pas moins de 23 prix (12 fois des Best Film and Audience Choice Awards et 2 fois best director).

Le tournage de son second court métrage A Special Guest en février dernier, aura permis à Kae de lancer un long métrage, tourné intégralement au Kurdistan. L’artiste est entièrement tourné vers la défense de son peuple : « Everything I do in my life, my films, my wiring, are all for Kurdistan. I am totally dedicated to the just cause of my people and to their legitimate right for an independent country. I use my book signing events, and the screening of my films in the festivals around the world also as a tool to publically talk about my homeland and to promote Kurdistan”. (Tout ce que j’ai fait dans ma vie, mes films, mes écrits, sont pour le Kurdistan. Je suis intégralement dévoué à la cause juste de mon peuple et de ses droits légitimes à l’indépendance. J’utilise mon livre et les séances de dédicaces ainsi que mes films dans les festivals comme un outil pour évoquer mon pays et soutenir le Kurdistan).

Intellectuel et artiste, à la frontière entre deux mondes, Kae Bahar nous livre sa vision de la situation au Proche Orient.

– As long as 'Iraq's' central government is Shia dominated by Shia majority, no matter who is going to be the PM or the President in the country, 'Iraq' is going to be governed by Iran – and the call for pushing out the Iranian from 'Iraq' is not realistic but only wishful thinking. Second, asking Hyadar Abadi, 'Iraq's PM to stay away from Iranian Islamic fundamentalism and adopt a more tolerant version of Islam to achieve a democratic progressive Iraq, is not a realistic vision of the moderate Europeans who don’t have the courage to face the Arab and Muslim world with the true question. Arab and Muslim countries need to follow the words of Quran in order to feel and fulfill true Muslim duties, and in the Quran there is no tolerance and democracy, you must follow Sharia- Law.  I think the liberal and the so-called modernists of Europe and civilized world should stop this hypocrisy and let the Arab and Islamic World know that they will be in constant disaster until the day they separate the government from religion, from Islam, and abolish Sharia-Law, if they want to see the light of democracy. Democracy and Sharia-Law can never live peacefully together. This is true also for Iran, for the Former Iraq and the newly created Islamic State .

(Aussi longtemps que le gouvernement central irakien sera dominé par des Chiites – et peu importe qui sera le Premier ministre ou le président – l’Irak sera régi par l’Iran. La tentative de repousser les Iraniens hors du pays n’est pas réaliste et ne peut être qu’un vœu pieux. Par ailleurs, demander au Premier ministre irakien Hyadar Abadi, de rester éloigné du fondamentalisme islamique iranien et d’intégrer une version tolérante de l’Islam pour permettre à l’Irak de progresser sur le chemin de la démocratie n’est guère réaliste de la part des Européens modérés qui n’ont pas le courage d’affronter le monde arabe et musulman en posant les vraies questions. Les pays musulmans doivent suivre les paroles du Coran afin d’avoir l’impression que l’Islam est respecté, et dans le Coran, il n’y a ni tolérance ni démocratie, vous devez suivre la Charia. Je pense que les libéraux et les soi-disant modernistes occidentaux devraient arrêter cette hypocrisie et faire savoir au monde musulman qu’il connaîtra constamment des désastres jusqu’au jour où la politique sera séparée de la religion et de l’Islam, et la Charia abolie. La démocratie et la Charia ne pourront jamais coexister paisiblement. C’est également vrai pour l’Iran, pour le gouvernement irakien actuel et l’État Islamique).

 

Quel est votre avis sur l’avenir du Kurdistan ?

 

– Our SIRIK Campaign calls for the separation of Iraq and recognition of an independent Kurdish State in South Kurdistan. I call it former because 'Iraq' as we knew it doesn't exist anymore- on the ground, politically is already divided into three states and this needs to be recognized internationally as three different countries: an Independent South Kurdistan, a Sunni State in Centre part of Iraq for Sunni Arabs – that way they won't need ISIS to protect them anymore from Iraq's Shia Militia – which could also replace the existing Islamic State. Finally, the 3rd part of the Former Iraq should become a Shia State in south, and if they wish to have it run by Iranian intelligence and Iranian government, so be it. A strong South Kurdistan supported by the west and Israel, the Sunni Arab states in the Gulf, and a newly created secular Sunni Arab State in centre of Former Iraq can balance Iran's power in the region and back up the Iranian moderate and the 'Iraqi' Shia moderate to end the dictator regimes. The West Kurdistan, which we call Rojawa is also effectively independent since their successful war against ISIL. In Turkey, the Kurds are taking the right path by calling for democratic reforms and a democratic society for everyone’s rights to be protected, Turks, Kurds, and all the other minorities in the country. In Iran, the Kurds are perhaps suffering most at the moment. I don’t think right now Kurds should call for a greater country, as Kurdistan was before it was divided in four parts between Iran, Iraq, Syria and Turkey, in the Sykes-Picot agreement on 16 May 1916. South and West Kurdistan, thanks to their firm stand against ISIS are absolutely ready to go independent. They should be supported if we truly want peace and democracy in that region. The Kurds are the only force on the ground effectively fighting the terrorists and fighting to protect the civilized world. I don’t mean South and West Kurdistan should be united as one country, but if that happens, even better. We Kurds don’t recognize the artificial borders that separate our land, therefore, we are always one country as we have always felt it in our hearts .

(Notre campagne appelle à la séparation de l'Irak et à la reconnaissance d'un État kurde indépendant dans le sud du Kurdistan…. L’Irak, comme nous la connaissions, n’existe plus en termes de territoires. Politiquement, le pays est divisé en trois parties, trois pays différents qui doivent être reconnus par la communauté internationale, soit un Sud Kurdistan, un État sunnite dans le centre (une solution qui permettrait aux Sunnites de ne pas avoir besoin d’ISIS pour être protégés des milices chiites, une solution qui pourrait remplacer l’État islamique). En fin de compte, le troisième État pourrait être un territoire chiite dans le Sud, pouvant être dirigé par l’Iran ou ses services de renseignement. Un Sud Kurdistan fort, soutenu par l’Occident, Israël et les pays du Golfe, et un nouvel État laïque sunnite dans le centre de l’Irak, pourraient ainsi balancer la puissance iranienne dans la région et ramener les Iraniens modérés ainsi que les chiites irakiens modérés au pouvoir à la place de régimes dictatoriaux.

Le Kurdistan occidental, que nous appelons Rojawa, est de faits indépendant depuis la guerre victorieuse contre ISIS. En Turquie, les Kurdes prennent le bon chemin en appelant à des réformes démocratiques et à une société défendant les droits de chacun, Turcs, Kurdes, ainsi que toutes les autres minorités du pays. En Iran, les Kurdes souffrent sans doute plus en ce moment. Je ne pense que les Kurdes puissent demander maintenant la création d’un grand pays, comme le Kurdistan l’était jadis, avant sa division en quatre parties entre l'Iran, l'Irak, la Syrie et la Turquie, lors du traité Sykes-Picot, le 16 mai 1916. Quant au Sud et à l'Ouest du Kurdistan, ces régions sont prêtes à devenir indépendantes grâce à leur position ferme contre ISIS. Ces populations devraient être soutenues si nous voulons vraiment l’instauration de la paix et de la démocratie dans cette partie du monde. Les Kurdes sont la seule force sur le terrain à lutter efficacement contre les terroristes et à protéger le monde civilisé. Je ne veux pas dire que le Sud et l'Ouest du Kurdistan devraient être unis en un seul pays, mais si cela devait advenir, ce serait préférable. Nous autres Kurdes ne reconnaissons pas les frontières artificielles qui séparent notre pays, et par conséquent, nous représentons toujours un seul et unique pays comme nous l'avons toujours ressenti dans nos cœurs).

 

Comment interpréter la position de l’Europe dans cette guerre? Et pour quelle raison des Européens partent se battre pour ISIS ?

 

– The ISIS war is claimed to be a war between the Sunni Arabs, and the Shia Arabs joined by the Persian Shia’s. We have Iran on one hand and Saudi Arabia and Turkey on the other hand. But these are only puppet countries and puppet players, and the Sunni Shia war is only a pretext for the super powers, the arm manufactories and the massive oil companies to keep Middle East, especially the rich in oil countries like Iraq in trouble. However, we Kurds do not wish to be dragged in this so-called sectarian war of Sunni and Shias but wish to separate from them.

Europe could play a really big role to end the Islamic State by fully supporting the Kurds, not only with finance and weapons but mostly to recognize the Kurdish rights for a free independent country. That way, the Kurds can finish ISIS and build a secular democratic society.  Most of the European governments know this reality and know that Kurds are their only hope, but unfortunately some of the governments like the one in the UK are still living in a fantasy world on calling United Iraq – when they know very well Iraq practically doesn’t exist anymore.

Many European people are annoyed by not seeing their governments to fully support the Kurdish Independence and with their fight against ISIS, so European people, lovers of peace and freedom want to take the matter into their hands, and join the Kurdish forces at the frontline to fight against ISIS.

I was truly astonished last April to see Coalition Forces on the ground in Kurdistan training Peshmerga forces. This is an incredible change in the history of the Kurds in the right direction, and I truly hope the coalition forces will not betray the Kurds as they were so many times let down by the UK and especially America.

(La guerre que mène l’État islamique est prétendument une guerre entre les Arabes sunnites et les Arabes chiites rejoint par les chiites iraniens. Nous avons l'Iran d'une part et l'Arabie saoudite et la Turquie d'autre part. Mais ce ne sont que des marionnettes et des joueurs de marionnettes. La guerre entre Sunnites et Chiites n’est qu’un prétexte pour les superpuissances, afin de permettre aux industries d’armement et aux grosses sociétés pétrolières de garder la main sur le Moyen-Orient, en particulier les grosses fortunes qui se trouvent dans les pays pétroliers comme l'Irak. Cependant, nous Kurdes, nous ne voulons pas être entraînés dans cette soi-disant guerre de religion, et préférons nous en tenir éloignés.

L'Europe pourrait jouer un très grand rôle pour éliminer l'État islamique en soutenant pleinement les Kurdes, non seulement avec des moyens financiers et des armes mais surtout en reconnaissant les droits des Kurdes à avoir un pays libre et indépendant. De cette façon, les Kurdes pourraient en finir avec l’État islamique et construire une société démocratique et laïque. La plupart des gouvernements européens sont conscient de la situation et savent que les Kurdes sont leur seul espoir, mais malheureusement, certains gouvernements comme le Royaume-Uni vivent encore dans un monde d’illusions et tablent sur un Irak uni, alors même qu’ils savent très bien que l'Irak n’existe pratiquement plus.

De nombreux Européens sont gênés de constater que leur gouvernement ne soutient pas pleinement l'indépendance kurde et la lutte contre ISIS. Aussi, certains, amoureux de la paix et de la liberté prennent les choses en mains et rejoignent les forces kurdes en première ligne pour lutter contre ISIS. J’ai été vraiment étonné en avril dernier de voir les forces de la coalition sur le terrain au Kurdistan entraîner les Peshmergas. C’est un changement incroyable et positif, et j'espère vraiment que les forces de la coalition ne trahiront pas les Kurdes comme ils l’ont été à de si nombreuses reprises par le Royaume-Uni et surtout les États-Unis).

 

L’analyse de Kae Bahar diffère quelque peu de celle du combattant sur le terrain. Encore que les explications de l’un peuvent être recoupées par celles du second puisque les anciens cadres et officiers du parti Baas évoqués dans l’article précédent pourraient défendre non seulement des intérêts politiques mais également économiques.

Quoi qu’il en soit, le nouvel accord sur le nucléaire iranien qui vient d’être signé risque bien de faire évoluer la situation. Il restera à savoir si les évolutions à venir se feront au profit ou au détriment des minorités de ces régions.

 


[1] Reconnu coupable de complicité de crime de guerre, Frans Van Anraat fut condamné à 15 ans de prison.

 

Les Kurdes face à l’Etat islamique – Interview du cinéaste Kae Bahar

Cet article fait suite à celui publié sur ce blog, le 9 juillet dernier Les combattants de l’oubli. Mes recherches sur le crime de guerre m’ont mené vers un autre « combattant », dont les armes diffèrent de celles de S.K évoqué précédemment. Point de fusil mitrailleur ou de grenades, mais une plume et une caméra !

Né à Kirkuk, dans les territoires kurdes annexés à l’Irak, Kae Bahar est né entre 1960 et 1961. S’il ne connaît pas la date précise de sa naissance, il se souvient de son enfance sous le régime Saddam et du poids d’un apartheid qui allait devenir massacre systématique en 1988.

Pour rappel, Ali Hassan al-Majid, nommé en mars 1987 secrétaire général du parti Baas dans la région du Nord, allait orchestrer la « solution finale » au problème kurde.

Baptisée « Anfal », l’opération allait concentrer quelques 200'000 soldats irakiens. La rhétorique de mort du satrape de Saddam Hussein allait décliner toutes les formules éprouvées en Europe 50 ans plus tôt : invasion, bombardement, destructions systématiques de zones civiles, déportations massives, camps de concentration, exécutions sommaires et usage d’armes chimiques (sur ce dernier point Hitler avait renoncé à l’utilisation de gaz de combats par crainte de représailles). L’un des paroxysmes de l’Anfal fut sans aucun doute l’épisode connu sous le nom de « massacre de Halabja », perpétré du 16 au 19 mars 1988. On se souvient de ces images terribles de femmes et d’enfants morts figés dans les convulsions générées par les gaz chimiques. 5'000 personnes devaient périr lors de l’holocauste d’Halabja.

Les chiffres officiels parlent de 182'000 civils tués et de plus de 2'000 villages rasés de la carte au cours de l’Anfal, soit cinq fois plus que le nombre de villages que compte le canton de Vaud. Human Rights Watch précise que 1’754 écoles et 270 hôpitaux ont été rayés de la carte.

Le procès de La Haye en 2005 contre l’homme d’affaire néerlandais Frans Van Anraat, qui avait fourni au régime de Saddam Hussein les substances ayant permis de produire les armes chimiques, allait reconnaître officiellement le génocide kurde[1].

À 14 ans, Kae Bahar est arrêté par la police secrète et torturé. Convaincu de devoir quitter ces terres de désolation, il allait développer un goût pour le cinéma lui permettant d’échapper à sa réalité. Plus tard, il allait parvenir à rallier l’Italie ou il put poursuivre ses études, d’architecture d’abord, d’art dramatique ensuite.

Kae Bahar vit à présent à Londres entouré de sa femme et de ses enfants, et produit des films documentaires pour la BBC, C4, ITN et Al Jazeera. Certaines de ses œuvres ont connu un succès international comme Karzan’s Brothers, escape from the Safe Haven, Return to Kirkuk, A Year in the Fire, ou A Day with PKK.

Kae vient de signer un dernier documentaire, à l’heure ou cet article est écrit, intitulé The Kurdish Dream. Écrivain à ses heures Letters from a Kurd, Kae a fait le pas de la fiction en 2013 en réalisant le court métrage I am Sami une co-production entre l’Angleterre et le Kurdistan sélectionnée dans 55 festivals de films internationaux et ayant remporté pas moins de 23 prix (12 fois des Best Film and Audience Choice Awards et 2 fois best director).

Le tournage de son second court métrage A Special Guest en février dernier, aura permis à Kae de lancer un long métrage, tourné intégralement au Kurdistan. L’artiste est entièrement tourné vers la défense de son peuple : « Everything I do in my life, my films, my wiring, are all for Kurdistan. I am totally dedicated to the just cause of my people and to their legitimate right for an independent country. I use my book signing events, and the screening of my films in the festivals around the world also as a tool to publically talk about my homeland and to promote Kurdistan”. (Tout ce que j’ai fait dans ma vie, mes films, mes écrits, sont pour le Kurdistan. Je suis intégralement dévoué à la cause juste de mon peuple et de ses droits légitimes à l’indépendance. J’utilise mon livre et les séances de dédicaces ainsi que mes films dans les festivals comme un outil pour évoquer mon pays et soutenir le Kurdistan).

Intellectuel et artiste, à la frontière entre deux mondes, Kae Bahar nous livre sa vision de la situation au Proche Orient.

– As long as 'Iraq's' central government is Shia dominated by Shia majority, no matter who is going to be the PM or the President in the country, 'Iraq' is going to be governed by Iran – and the call for pushing out the Iranian from 'Iraq' is not realistic but only wishful thinking. Second, asking Hyadar Abadi, 'Iraq's PM to stay away from Iranian Islamic fundamentalism and adopt a more tolerant version of Islam to achieve a democratic progressive Iraq, is not a realistic vision of the moderate Europeans who don’t have the courage to face the Arab and Muslim world with the true question. Arab and Muslim countries need to follow the words of Quran in order to feel and fulfill true Muslim duties, and in the Quran there is no tolerance and democracy, you must follow Sharia- Law.  I think the liberal and the so-called modernists of Europe and civilized world should stop this hypocrisy and let the Arab and Islamic World know that they will be in constant disaster until the day they separate the government from religion, from Islam, and abolish Sharia-Law, if they want to see the light of democracy. Democracy and Sharia-Law can never live peacefully together. This is true also for Iran, for the Former Iraq and the newly created Islamic State .

(Aussi longtemps que le gouvernement central irakien sera dominé par des Chiites – et peu importe qui sera le Premier ministre ou le président – l’Irak sera régi par l’Iran. La tentative de repousser les Iraniens hors du pays n’est pas réaliste et ne peut être qu’un vœu pieux. Par ailleurs, demander au Premier ministre irakien Hyadar Abadi, de rester éloigné du fondamentalisme islamique iranien et d’intégrer une version tolérante de l’Islam pour permettre à l’Irak de progresser sur le chemin de la démocratie n’est guère réaliste de la part des Européens modérés qui n’ont pas le courage d’affronter le monde arabe et musulman en posant les vraies questions. Les pays musulmans doivent suivre les paroles du Coran afin d’avoir l’impression que l’Islam est respecté, et dans le Coran, il n’y a ni tolérance ni démocratie, vous devez suivre la Charia. Je pense que les libéraux et les soi-disant modernistes occidentaux devraient arrêter cette hypocrisie et faire savoir au monde musulman qu’il connaîtra constamment des désastres jusqu’au jour où la politique sera séparée de la religion et de l’Islam, et la Charia abolie. La démocratie et la Charia ne pourront jamais coexister paisiblement. C’est également vrai pour l’Iran, pour le gouvernement irakien actuel et l’État Islamique).

 

Quel est votre avis sur l’avenir du Kurdistan ?

 

– Our SIRIK Campaign calls for the separation of Iraq and recognition of an independent Kurdish State in South Kurdistan. I call it former because 'Iraq' as we knew it doesn't exist anymore- on the ground, politically is already divided into three states and this needs to be recognized internationally as three different countries: an Independent South Kurdistan, a Sunni State in Centre part of Iraq for Sunni Arabs – that way they won't need ISIS to protect them anymore from Iraq's Shia Militia – which could also replace the existing Islamic State. Finally, the 3rd part of the Former Iraq should become a Shia State in south, and if they wish to have it run by Iranian intelligence and Iranian government, so be it. A strong South Kurdistan supported by the west and Israel, the Sunni Arab states in the Gulf, and a newly created secular Sunni Arab State in centre of Former Iraq can balance Iran's power in the region and back up the Iranian moderate and the 'Iraqi' Shia moderate to end the dictator regimes. The West Kurdistan, which we call Rojawa is also effectively independent since their successful war against ISIL. In Turkey, the Kurds are taking the right path by calling for democratic reforms and a democratic society for everyone’s rights to be protected, Turks, Kurds, and all the other minorities in the country. In Iran, the Kurds are perhaps suffering most at the moment. I don’t think right now Kurds should call for a greater country, as Kurdistan was before it was divided in four parts between Iran, Iraq, Syria and Turkey, in the Sykes-Picot agreement on 16 May 1916. South and West Kurdistan, thanks to their firm stand against ISIS are absolutely ready to go independent. They should be supported if we truly want peace and democracy in that region. The Kurds are the only force on the ground effectively fighting the terrorists and fighting to protect the civilized world. I don’t mean South and West Kurdistan should be united as one country, but if that happens, even better. We Kurds don’t recognize the artificial borders that separate our land, therefore, we are always one country as we have always felt it in our hearts .

(Notre campagne appelle à la séparation de l'Irak et à la reconnaissance d'un État kurde indépendant dans le sud du Kurdistan…. L’Irak, comme nous la connaissions, n’existe plus en termes de territoires. Politiquement, le pays est divisé en trois parties, trois pays différents qui doivent être reconnus par la communauté internationale, soit un Sud Kurdistan, un État sunnite dans le centre (une solution qui permettrait aux Sunnites de ne pas avoir besoin d’ISIS pour être protégés des milices chiites, une solution qui pourrait remplacer l’État islamique). En fin de compte, le troisième État pourrait être un territoire chiite dans le Sud, pouvant être dirigé par l’Iran ou ses services de renseignement. Un Sud Kurdistan fort, soutenu par l’Occident, Israël et les pays du Golfe, et un nouvel État laïque sunnite dans le centre de l’Irak, pourraient ainsi balancer la puissance iranienne dans la région et ramener les Iraniens modérés ainsi que les chiites irakiens modérés au pouvoir à la place de régimes dictatoriaux.

Le Kurdistan occidental, que nous appelons Rojawa, est de faits indépendant depuis la guerre victorieuse contre ISIS. En Turquie, les Kurdes prennent le bon chemin en appelant à des réformes démocratiques et à une société défendant les droits de chacun, Turcs, Kurdes, ainsi que toutes les autres minorités du pays. En Iran, les Kurdes souffrent sans doute plus en ce moment. Je ne pense que les Kurdes puissent demander maintenant la création d’un grand pays, comme le Kurdistan l’était jadis, avant sa division en quatre parties entre l'Iran, l'Irak, la Syrie et la Turquie, lors du traité Sykes-Picot, le 16 mai 1916. Quant au Sud et à l'Ouest du Kurdistan, ces régions sont prêtes à devenir indépendantes grâce à leur position ferme contre ISIS. Ces populations devraient être soutenues si nous voulons vraiment l’instauration de la paix et de la démocratie dans cette partie du monde. Les Kurdes sont la seule force sur le terrain à lutter efficacement contre les terroristes et à protéger le monde civilisé. Je ne veux pas dire que le Sud et l'Ouest du Kurdistan devraient être unis en un seul pays, mais si cela devait advenir, ce serait préférable. Nous autres Kurdes ne reconnaissons pas les frontières artificielles qui séparent notre pays, et par conséquent, nous représentons toujours un seul et unique pays comme nous l'avons toujours ressenti dans nos cœurs).

 

Comment interpréter la position de l’Europe dans cette guerre? Et pour quelle raison des Européens partent se battre pour ISIS ?

 

– The ISIS war is claimed to be a war between the Sunni Arabs, and the Shia Arabs joined by the Persian Shia’s. We have Iran on one hand and Saudi Arabia and Turkey on the other hand. But these are only puppet countries and puppet players, and the Sunni Shia war is only a pretext for the super powers, the arm manufactories and the massive oil companies to keep Middle East, especially the rich in oil countries like Iraq in trouble. However, we Kurds do not wish to be dragged in this so-called sectarian war of Sunni and Shias but wish to separate from them.

Europe could play a really big role to end the Islamic State by fully supporting the Kurds, not only with finance and weapons but mostly to recognize the Kurdish rights for a free independent country. That way, the Kurds can finish ISIS and build a secular democratic society.  Most of the European governments know this reality and know that Kurds are their only hope, but unfortunately some of the governments like the one in the UK are still living in a fantasy world on calling United Iraq – when they know very well Iraq practically doesn’t exist anymore.

Many European people are annoyed by not seeing their governments to fully support the Kurdish Independence and with their fight against ISIS, so European people, lovers of peace and freedom want to take the matter into their hands, and join the Kurdish forces at the frontline to fight against ISIS.

I was truly astonished last April to see Coalition Forces on the ground in Kurdistan training Peshmerga forces. This is an incredible change in the history of the Kurds in the right direction, and I truly hope the coalition forces will not betray the Kurds as they were so many times let down by the UK and especially America.

(La guerre que mène l’État islamique est prétendument une guerre entre les Arabes sunnites et les Arabes chiites rejoint par les chiites iraniens. Nous avons l'Iran d'une part et l'Arabie saoudite et la Turquie d'autre part. Mais ce ne sont que des marionnettes et des joueurs de marionnettes. La guerre entre Sunnites et Chiites n’est qu’un prétexte pour les superpuissances, afin de permettre aux industries d’armement et aux grosses sociétés pétrolières de garder la main sur le Moyen-Orient, en particulier les grosses fortunes qui se trouvent dans les pays pétroliers comme l'Irak. Cependant, nous Kurdes, nous ne voulons pas être entraînés dans cette soi-disant guerre de religion, et préférons nous en tenir éloignés.

L'Europe pourrait jouer un très grand rôle pour éliminer l'État islamique en soutenant pleinement les Kurdes, non seulement avec des moyens financiers et des armes mais surtout en reconnaissant les droits des Kurdes à avoir un pays libre et indépendant. De cette façon, les Kurdes pourraient en finir avec l’État islamique et construire une société démocratique et laïque. La plupart des gouvernements européens sont conscient de la situation et savent que les Kurdes sont leur seul espoir, mais malheureusement, certains gouvernements comme le Royaume-Uni vivent encore dans un monde d’illusions et tablent sur un Irak uni, alors même qu’ils savent très bien que l'Irak n’existe pratiquement plus.

De nombreux Européens sont gênés de constater que leur gouvernement ne soutient pas pleinement l'indépendance kurde et la lutte contre ISIS. Aussi, certains, amoureux de la paix et de la liberté prennent les choses en mains et rejoignent les forces kurdes en première ligne pour lutter contre ISIS. J’ai été vraiment étonné en avril dernier de voir les forces de la coalition sur le terrain au Kurdistan entraîner les Peshmergas. C’est un changement incroyable et positif, et j'espère vraiment que les forces de la coalition ne trahiront pas les Kurdes comme ils l’ont été à de si nombreuses reprises par le Royaume-Uni et surtout les États-Unis).

 

L’analyse de Kae Bahar diffère quelque peu de celle du combattant sur le terrain. Encore que les explications de l’un peuvent être recoupées par celles du second puisque les anciens cadres et officiers du parti Baas évoqués dans l’article précédent pourraient défendre non seulement des intérêts politiques mais également économiques.

Quoi qu’il en soit, le nouvel accord sur le nucléaire iranien qui vient d’être signé risque bien de faire évoluer la situation. Il restera à savoir si les évolutions à venir se feront au profit ou au détriment des minorités de ces régions.

 


[1] Reconnu coupable de complicité de crime de guerre, Frans Van Anraat fut condamné à 15 ans de prison.

 

Les Kurdes face à l’Etat islamique – Interview du cinéaste Kae Bahar

Cet article fait suite à celui publié sur ce blog, le 9 juillet dernier Les combattants de l’oubli. Mes recherches sur le crime de guerre m’ont mené vers un autre « combattant », dont les armes diffèrent de celles de S.K évoqué précédemment. Point de fusil mitrailleur ou de grenades, mais une plume et une caméra !

Né à Kirkuk, dans les territoires kurdes annexés à l’Irak, Kae Bahar est né entre 1960 et 1961. S’il ne connaît pas la date précise de sa naissance, il se souvient de son enfance sous le régime Saddam et du poids d’un apartheid qui allait devenir massacre systématique en 1988.

Pour rappel, Ali Hassan al-Majid, nommé en mars 1987 secrétaire général du parti Baas dans la région du Nord, allait orchestrer la « solution finale » au problème kurde.

Baptisée « Anfal », l’opération allait concentrer quelques 200'000 soldats irakiens. La rhétorique de mort du satrape de Saddam Hussein allait décliner toutes les formules éprouvées en Europe 50 ans plus tôt : invasion, bombardement, destructions systématiques de zones civiles, déportations massives, camps de concentration, exécutions sommaires et usage d’armes chimiques (sur ce dernier point Hitler avait renoncé à l’utilisation de gaz de combats par crainte de représailles). L’un des paroxysmes de l’Anfal fut sans aucun doute l’épisode connu sous le nom de « massacre de Halabja », perpétré du 16 au 19 mars 1988. On se souvient de ces images terribles de femmes et d’enfants morts figés dans les convulsions générées par les gaz chimiques. 5'000 personnes devaient périr lors de l’holocauste d’Halabja.

Les chiffres officiels parlent de 182'000 civils tués et de plus de 2'000 villages rasés de la carte au cours de l’Anfal, soit cinq fois plus que le nombre de villages que compte le canton de Vaud. Human Rights Watch précise que 1’754 écoles et 270 hôpitaux ont été rayés de la carte.

Le procès de La Haye en 2005 contre l’homme d’affaire néerlandais Frans Van Anraat, qui avait fourni au régime de Saddam Hussein les substances ayant permis de produire les armes chimiques, allait reconnaître officiellement le génocide kurde[1].

À 14 ans, Kae Bahar est arrêté par la police secrète et torturé. Convaincu de devoir quitter ces terres de désolation, il allait développer un goût pour le cinéma lui permettant d’échapper à sa réalité. Plus tard, il allait parvenir à rallier l’Italie ou il put poursuivre ses études, d’architecture d’abord, d’art dramatique ensuite.

Kae Bahar vit à présent à Londres entouré de sa femme et de ses enfants, et produit des films documentaires pour la BBC, C4, ITN et Al Jazeera. Certaines de ses œuvres ont connu un succès international comme Karzan’s Brothers, escape from the Safe Haven, Return to Kirkuk, A Year in the Fire, ou A Day with PKK.

Kae vient de signer un dernier documentaire, à l’heure ou cet article est écrit, intitulé The Kurdish Dream. Écrivain à ses heures Letters from a Kurd, Kae a fait le pas de la fiction en 2013 en réalisant le court métrage I am Sami une co-production entre l’Angleterre et le Kurdistan sélectionnée dans 55 festivals de films internationaux et ayant remporté pas moins de 23 prix (12 fois des Best Film and Audience Choice Awards et 2 fois best director).

Le tournage de son second court métrage A Special Guest en février dernier, aura permis à Kae de lancer un long métrage, tourné intégralement au Kurdistan. L’artiste est entièrement tourné vers la défense de son peuple : « Everything I do in my life, my films, my wiring, are all for Kurdistan. I am totally dedicated to the just cause of my people and to their legitimate right for an independent country. I use my book signing events, and the screening of my films in the festivals around the world also as a tool to publically talk about my homeland and to promote Kurdistan”. (Tout ce que j’ai fait dans ma vie, mes films, mes écrits, sont pour le Kurdistan. Je suis intégralement dévoué à la cause juste de mon peuple et de ses droits légitimes à l’indépendance. J’utilise mon livre et les séances de dédicaces ainsi que mes films dans les festivals comme un outil pour évoquer mon pays et soutenir le Kurdistan).

Intellectuel et artiste, à la frontière entre deux mondes, Kae Bahar nous livre sa vision de la situation au Proche Orient.

– As long as 'Iraq's' central government is Shia dominated by Shia majority, no matter who is going to be the PM or the President in the country, 'Iraq' is going to be governed by Iran – and the call for pushing out the Iranian from 'Iraq' is not realistic but only wishful thinking. Second, asking Hyadar Abadi, 'Iraq's PM to stay away from Iranian Islamic fundamentalism and adopt a more tolerant version of Islam to achieve a democratic progressive Iraq, is not a realistic vision of the moderate Europeans who don’t have the courage to face the Arab and Muslim world with the true question. Arab and Muslim countries need to follow the words of Quran in order to feel and fulfill true Muslim duties, and in the Quran there is no tolerance and democracy, you must follow Sharia- Law.  I think the liberal and the so-called modernists of Europe and civilized world should stop this hypocrisy and let the Arab and Islamic World know that they will be in constant disaster until the day they separate the government from religion, from Islam, and abolish Sharia-Law, if they want to see the light of democracy. Democracy and Sharia-Law can never live peacefully together. This is true also for Iran, for the Former Iraq and the newly created Islamic State .

(Aussi longtemps que le gouvernement central irakien sera dominé par des Chiites – et peu importe qui sera le Premier ministre ou le président – l’Irak sera régi par l’Iran. La tentative de repousser les Iraniens hors du pays n’est pas réaliste et ne peut être qu’un vœu pieux. Par ailleurs, demander au Premier ministre irakien Hyadar Abadi, de rester éloigné du fondamentalisme islamique iranien et d’intégrer une version tolérante de l’Islam pour permettre à l’Irak de progresser sur le chemin de la démocratie n’est guère réaliste de la part des Européens modérés qui n’ont pas le courage d’affronter le monde arabe et musulman en posant les vraies questions. Les pays musulmans doivent suivre les paroles du Coran afin d’avoir l’impression que l’Islam est respecté, et dans le Coran, il n’y a ni tolérance ni démocratie, vous devez suivre la Charia. Je pense que les libéraux et les soi-disant modernistes occidentaux devraient arrêter cette hypocrisie et faire savoir au monde musulman qu’il connaîtra constamment des désastres jusqu’au jour où la politique sera séparée de la religion et de l’Islam, et la Charia abolie. La démocratie et la Charia ne pourront jamais coexister paisiblement. C’est également vrai pour l’Iran, pour le gouvernement irakien actuel et l’État Islamique).

 

Quel est votre avis sur l’avenir du Kurdistan ?

 

– Our SIRIK Campaign calls for the separation of Iraq and recognition of an independent Kurdish State in South Kurdistan. I call it former because 'Iraq' as we knew it doesn't exist anymore- on the ground, politically is already divided into three states and this needs to be recognized internationally as three different countries: an Independent South Kurdistan, a Sunni State in Centre part of Iraq for Sunni Arabs – that way they won't need ISIS to protect them anymore from Iraq's Shia Militia – which could also replace the existing Islamic State. Finally, the 3rd part of the Former Iraq should become a Shia State in south, and if they wish to have it run by Iranian intelligence and Iranian government, so be it. A strong South Kurdistan supported by the west and Israel, the Sunni Arab states in the Gulf, and a newly created secular Sunni Arab State in centre of Former Iraq can balance Iran's power in the region and back up the Iranian moderate and the 'Iraqi' Shia moderate to end the dictator regimes. The West Kurdistan, which we call Rojawa is also effectively independent since their successful war against ISIL. In Turkey, the Kurds are taking the right path by calling for democratic reforms and a democratic society for everyone’s rights to be protected, Turks, Kurds, and all the other minorities in the country. In Iran, the Kurds are perhaps suffering most at the moment. I don’t think right now Kurds should call for a greater country, as Kurdistan was before it was divided in four parts between Iran, Iraq, Syria and Turkey, in the Sykes-Picot agreement on 16 May 1916. South and West Kurdistan, thanks to their firm stand against ISIS are absolutely ready to go independent. They should be supported if we truly want peace and democracy in that region. The Kurds are the only force on the ground effectively fighting the terrorists and fighting to protect the civilized world. I don’t mean South and West Kurdistan should be united as one country, but if that happens, even better. We Kurds don’t recognize the artificial borders that separate our land, therefore, we are always one country as we have always felt it in our hearts .

(Notre campagne appelle à la séparation de l'Irak et à la reconnaissance d'un État kurde indépendant dans le sud du Kurdistan…. L’Irak, comme nous la connaissions, n’existe plus en termes de territoires. Politiquement, le pays est divisé en trois parties, trois pays différents qui doivent être reconnus par la communauté internationale, soit un Sud Kurdistan, un État sunnite dans le centre (une solution qui permettrait aux Sunnites de ne pas avoir besoin d’ISIS pour être protégés des milices chiites, une solution qui pourrait remplacer l’État islamique). En fin de compte, le troisième État pourrait être un territoire chiite dans le Sud, pouvant être dirigé par l’Iran ou ses services de renseignement. Un Sud Kurdistan fort, soutenu par l’Occident, Israël et les pays du Golfe, et un nouvel État laïque sunnite dans le centre de l’Irak, pourraient ainsi balancer la puissance iranienne dans la région et ramener les Iraniens modérés ainsi que les chiites irakiens modérés au pouvoir à la place de régimes dictatoriaux.

Le Kurdistan occidental, que nous appelons Rojawa, est de faits indépendant depuis la guerre victorieuse contre ISIS. En Turquie, les Kurdes prennent le bon chemin en appelant à des réformes démocratiques et à une société défendant les droits de chacun, Turcs, Kurdes, ainsi que toutes les autres minorités du pays. En Iran, les Kurdes souffrent sans doute plus en ce moment. Je ne pense que les Kurdes puissent demander maintenant la création d’un grand pays, comme le Kurdistan l’était jadis, avant sa division en quatre parties entre l'Iran, l'Irak, la Syrie et la Turquie, lors du traité Sykes-Picot, le 16 mai 1916. Quant au Sud et à l'Ouest du Kurdistan, ces régions sont prêtes à devenir indépendantes grâce à leur position ferme contre ISIS. Ces populations devraient être soutenues si nous voulons vraiment l’instauration de la paix et de la démocratie dans cette partie du monde. Les Kurdes sont la seule force sur le terrain à lutter efficacement contre les terroristes et à protéger le monde civilisé. Je ne veux pas dire que le Sud et l'Ouest du Kurdistan devraient être unis en un seul pays, mais si cela devait advenir, ce serait préférable. Nous autres Kurdes ne reconnaissons pas les frontières artificielles qui séparent notre pays, et par conséquent, nous représentons toujours un seul et unique pays comme nous l'avons toujours ressenti dans nos cœurs).

 

Comment interpréter la position de l’Europe dans cette guerre? Et pour quelle raison des Européens partent se battre pour ISIS ?

 

– The ISIS war is claimed to be a war between the Sunni Arabs, and the Shia Arabs joined by the Persian Shia’s. We have Iran on one hand and Saudi Arabia and Turkey on the other hand. But these are only puppet countries and puppet players, and the Sunni Shia war is only a pretext for the super powers, the arm manufactories and the massive oil companies to keep Middle East, especially the rich in oil countries like Iraq in trouble. However, we Kurds do not wish to be dragged in this so-called sectarian war of Sunni and Shias but wish to separate from them.

Europe could play a really big role to end the Islamic State by fully supporting the Kurds, not only with finance and weapons but mostly to recognize the Kurdish rights for a free independent country. That way, the Kurds can finish ISIS and build a secular democratic society.  Most of the European governments know this reality and know that Kurds are their only hope, but unfortunately some of the governments like the one in the UK are still living in a fantasy world on calling United Iraq – when they know very well Iraq practically doesn’t exist anymore.

Many European people are annoyed by not seeing their governments to fully support the Kurdish Independence and with their fight against ISIS, so European people, lovers of peace and freedom want to take the matter into their hands, and join the Kurdish forces at the frontline to fight against ISIS.

I was truly astonished last April to see Coalition Forces on the ground in Kurdistan training Peshmerga forces. This is an incredible change in the history of the Kurds in the right direction, and I truly hope the coalition forces will not betray the Kurds as they were so many times let down by the UK and especially America.

(La guerre que mène l’État islamique est prétendument une guerre entre les Arabes sunnites et les Arabes chiites rejoint par les chiites iraniens. Nous avons l'Iran d'une part et l'Arabie saoudite et la Turquie d'autre part. Mais ce ne sont que des marionnettes et des joueurs de marionnettes. La guerre entre Sunnites et Chiites n’est qu’un prétexte pour les superpuissances, afin de permettre aux industries d’armement et aux grosses sociétés pétrolières de garder la main sur le Moyen-Orient, en particulier les grosses fortunes qui se trouvent dans les pays pétroliers comme l'Irak. Cependant, nous Kurdes, nous ne voulons pas être entraînés dans cette soi-disant guerre de religion, et préférons nous en tenir éloignés.

L'Europe pourrait jouer un très grand rôle pour éliminer l'État islamique en soutenant pleinement les Kurdes, non seulement avec des moyens financiers et des armes mais surtout en reconnaissant les droits des Kurdes à avoir un pays libre et indépendant. De cette façon, les Kurdes pourraient en finir avec l’État islamique et construire une société démocratique et laïque. La plupart des gouvernements européens sont conscient de la situation et savent que les Kurdes sont leur seul espoir, mais malheureusement, certains gouvernements comme le Royaume-Uni vivent encore dans un monde d’illusions et tablent sur un Irak uni, alors même qu’ils savent très bien que l'Irak n’existe pratiquement plus.

De nombreux Européens sont gênés de constater que leur gouvernement ne soutient pas pleinement l'indépendance kurde et la lutte contre ISIS. Aussi, certains, amoureux de la paix et de la liberté prennent les choses en mains et rejoignent les forces kurdes en première ligne pour lutter contre ISIS. J’ai été vraiment étonné en avril dernier de voir les forces de la coalition sur le terrain au Kurdistan entraîner les Peshmergas. C’est un changement incroyable et positif, et j'espère vraiment que les forces de la coalition ne trahiront pas les Kurdes comme ils l’ont été à de si nombreuses reprises par le Royaume-Uni et surtout les États-Unis).

 

L’analyse de Kae Bahar diffère quelque peu de celle du combattant sur le terrain. Encore que les explications de l’un peuvent être recoupées par celles du second puisque les anciens cadres et officiers du parti Baas évoqués dans l’article précédent pourraient défendre non seulement des intérêts politiques mais également économiques.

Quoi qu’il en soit, le nouvel accord sur le nucléaire iranien qui vient d’être signé risque bien de faire évoluer la situation. Il restera à savoir si les évolutions à venir se feront au profit ou au détriment des minorités de ces régions.

 


[1] Reconnu coupable de complicité de crime de guerre, Frans Van Anraat fut condamné à 15 ans de prison.

 

Les Kurdes face à l’Etat islamique – Interview du cinéaste Kae Bahar

Cet article fait suite à celui publié sur ce blog, le 9 juillet dernier Les combattants de l’oubli. Mes recherches sur le crime de guerre m’ont mené vers un autre « combattant », dont les armes diffèrent de celles de S.K évoqué précédemment. Point de fusil mitrailleur ou de grenades, mais une plume et une caméra !

Né à Kirkuk, dans les territoires kurdes annexés à l’Irak, Kae Bahar est né entre 1960 et 1961. S’il ne connaît pas la date précise de sa naissance, il se souvient de son enfance sous le régime Saddam et du poids d’un apartheid qui allait devenir massacre systématique en 1988.

Pour rappel, Ali Hassan al-Majid, nommé en mars 1987 secrétaire général du parti Baas dans la région du Nord, allait orchestrer la « solution finale » au problème kurde.

Baptisée « Anfal », l’opération allait concentrer quelques 200'000 soldats irakiens. La rhétorique de mort du satrape de Saddam Hussein allait décliner toutes les formules éprouvées en Europe 50 ans plus tôt : invasion, bombardement, destructions systématiques de zones civiles, déportations massives, camps de concentration, exécutions sommaires et usage d’armes chimiques (sur ce dernier point Hitler avait renoncé à l’utilisation de gaz de combats par crainte de représailles). L’un des paroxysmes de l’Anfal fut sans aucun doute l’épisode connu sous le nom de « massacre de Halabja », perpétré du 16 au 19 mars 1988. On se souvient de ces images terribles de femmes et d’enfants morts figés dans les convulsions générées par les gaz chimiques. 5'000 personnes devaient périr lors de l’holocauste d’Halabja.

Les chiffres officiels parlent de 182'000 civils tués et de plus de 2'000 villages rasés de la carte au cours de l’Anfal, soit cinq fois plus que le nombre de villages que compte le canton de Vaud. Human Rights Watch précise que 1’754 écoles et 270 hôpitaux ont été rayés de la carte.

Le procès de La Haye en 2005 contre l’homme d’affaire néerlandais Frans Van Anraat, qui avait fourni au régime de Saddam Hussein les substances ayant permis de produire les armes chimiques, allait reconnaître officiellement le génocide kurde[1].

À 14 ans, Kae Bahar est arrêté par la police secrète et torturé. Convaincu de devoir quitter ces terres de désolation, il allait développer un goût pour le cinéma lui permettant d’échapper à sa réalité. Plus tard, il allait parvenir à rallier l’Italie ou il put poursuivre ses études, d’architecture d’abord, d’art dramatique ensuite.

Kae Bahar vit à présent à Londres entouré de sa femme et de ses enfants, et produit des films documentaires pour la BBC, C4, ITN et Al Jazeera. Certaines de ses œuvres ont connu un succès international comme Karzan’s Brothers, escape from the Safe Haven, Return to Kirkuk, A Year in the Fire, ou A Day with PKK.

Kae vient de signer un dernier documentaire, à l’heure ou cet article est écrit, intitulé The Kurdish Dream. Écrivain à ses heures Letters from a Kurd, Kae a fait le pas de la fiction en 2013 en réalisant le court métrage I am Sami une co-production entre l’Angleterre et le Kurdistan sélectionnée dans 55 festivals de films internationaux et ayant remporté pas moins de 23 prix (12 fois des Best Film and Audience Choice Awards et 2 fois best director).

Le tournage de son second court métrage A Special Guest en février dernier, aura permis à Kae de lancer un long métrage, tourné intégralement au Kurdistan. L’artiste est entièrement tourné vers la défense de son peuple : « Everything I do in my life, my films, my wiring, are all for Kurdistan. I am totally dedicated to the just cause of my people and to their legitimate right for an independent country. I use my book signing events, and the screening of my films in the festivals around the world also as a tool to publically talk about my homeland and to promote Kurdistan”. (Tout ce que j’ai fait dans ma vie, mes films, mes écrits, sont pour le Kurdistan. Je suis intégralement dévoué à la cause juste de mon peuple et de ses droits légitimes à l’indépendance. J’utilise mon livre et les séances de dédicaces ainsi que mes films dans les festivals comme un outil pour évoquer mon pays et soutenir le Kurdistan).

Intellectuel et artiste, à la frontière entre deux mondes, Kae Bahar nous livre sa vision de la situation au Proche Orient.

– As long as 'Iraq's' central government is Shia dominated by Shia majority, no matter who is going to be the PM or the President in the country, 'Iraq' is going to be governed by Iran – and the call for pushing out the Iranian from 'Iraq' is not realistic but only wishful thinking. Second, asking Hyadar Abadi, 'Iraq's PM to stay away from Iranian Islamic fundamentalism and adopt a more tolerant version of Islam to achieve a democratic progressive Iraq, is not a realistic vision of the moderate Europeans who don’t have the courage to face the Arab and Muslim world with the true question. Arab and Muslim countries need to follow the words of Quran in order to feel and fulfill true Muslim duties, and in the Quran there is no tolerance and democracy, you must follow Sharia- Law.  I think the liberal and the so-called modernists of Europe and civilized world should stop this hypocrisy and let the Arab and Islamic World know that they will be in constant disaster until the day they separate the government from religion, from Islam, and abolish Sharia-Law, if they want to see the light of democracy. Democracy and Sharia-Law can never live peacefully together. This is true also for Iran, for the Former Iraq and the newly created Islamic State .

(Aussi longtemps que le gouvernement central irakien sera dominé par des Chiites – et peu importe qui sera le Premier ministre ou le président – l’Irak sera régi par l’Iran. La tentative de repousser les Iraniens hors du pays n’est pas réaliste et ne peut être qu’un vœu pieux. Par ailleurs, demander au Premier ministre irakien Hyadar Abadi, de rester éloigné du fondamentalisme islamique iranien et d’intégrer une version tolérante de l’Islam pour permettre à l’Irak de progresser sur le chemin de la démocratie n’est guère réaliste de la part des Européens modérés qui n’ont pas le courage d’affronter le monde arabe et musulman en posant les vraies questions. Les pays musulmans doivent suivre les paroles du Coran afin d’avoir l’impression que l’Islam est respecté, et dans le Coran, il n’y a ni tolérance ni démocratie, vous devez suivre la Charia. Je pense que les libéraux et les soi-disant modernistes occidentaux devraient arrêter cette hypocrisie et faire savoir au monde musulman qu’il connaîtra constamment des désastres jusqu’au jour où la politique sera séparée de la religion et de l’Islam, et la Charia abolie. La démocratie et la Charia ne pourront jamais coexister paisiblement. C’est également vrai pour l’Iran, pour le gouvernement irakien actuel et l’État Islamique).

 

Quel est votre avis sur l’avenir du Kurdistan ?

 

– Our SIRIK Campaign calls for the separation of Iraq and recognition of an independent Kurdish State in South Kurdistan. I call it former because 'Iraq' as we knew it doesn't exist anymore- on the ground, politically is already divided into three states and this needs to be recognized internationally as three different countries: an Independent South Kurdistan, a Sunni State in Centre part of Iraq for Sunni Arabs – that way they won't need ISIS to protect them anymore from Iraq's Shia Militia – which could also replace the existing Islamic State. Finally, the 3rd part of the Former Iraq should become a Shia State in south, and if they wish to have it run by Iranian intelligence and Iranian government, so be it. A strong South Kurdistan supported by the west and Israel, the Sunni Arab states in the Gulf, and a newly created secular Sunni Arab State in centre of Former Iraq can balance Iran's power in the region and back up the Iranian moderate and the 'Iraqi' Shia moderate to end the dictator regimes. The West Kurdistan, which we call Rojawa is also effectively independent since their successful war against ISIL. In Turkey, the Kurds are taking the right path by calling for democratic reforms and a democratic society for everyone’s rights to be protected, Turks, Kurds, and all the other minorities in the country. In Iran, the Kurds are perhaps suffering most at the moment. I don’t think right now Kurds should call for a greater country, as Kurdistan was before it was divided in four parts between Iran, Iraq, Syria and Turkey, in the Sykes-Picot agreement on 16 May 1916. South and West Kurdistan, thanks to their firm stand against ISIS are absolutely ready to go independent. They should be supported if we truly want peace and democracy in that region. The Kurds are the only force on the ground effectively fighting the terrorists and fighting to protect the civilized world. I don’t mean South and West Kurdistan should be united as one country, but if that happens, even better. We Kurds don’t recognize the artificial borders that separate our land, therefore, we are always one country as we have always felt it in our hearts .

(Notre campagne appelle à la séparation de l'Irak et à la reconnaissance d'un État kurde indépendant dans le sud du Kurdistan…. L’Irak, comme nous la connaissions, n’existe plus en termes de territoires. Politiquement, le pays est divisé en trois parties, trois pays différents qui doivent être reconnus par la communauté internationale, soit un Sud Kurdistan, un État sunnite dans le centre (une solution qui permettrait aux Sunnites de ne pas avoir besoin d’ISIS pour être protégés des milices chiites, une solution qui pourrait remplacer l’État islamique). En fin de compte, le troisième État pourrait être un territoire chiite dans le Sud, pouvant être dirigé par l’Iran ou ses services de renseignement. Un Sud Kurdistan fort, soutenu par l’Occident, Israël et les pays du Golfe, et un nouvel État laïque sunnite dans le centre de l’Irak, pourraient ainsi balancer la puissance iranienne dans la région et ramener les Iraniens modérés ainsi que les chiites irakiens modérés au pouvoir à la place de régimes dictatoriaux.

Le Kurdistan occidental, que nous appelons Rojawa, est de faits indépendant depuis la guerre victorieuse contre ISIS. En Turquie, les Kurdes prennent le bon chemin en appelant à des réformes démocratiques et à une société défendant les droits de chacun, Turcs, Kurdes, ainsi que toutes les autres minorités du pays. En Iran, les Kurdes souffrent sans doute plus en ce moment. Je ne pense que les Kurdes puissent demander maintenant la création d’un grand pays, comme le Kurdistan l’était jadis, avant sa division en quatre parties entre l'Iran, l'Irak, la Syrie et la Turquie, lors du traité Sykes-Picot, le 16 mai 1916. Quant au Sud et à l'Ouest du Kurdistan, ces régions sont prêtes à devenir indépendantes grâce à leur position ferme contre ISIS. Ces populations devraient être soutenues si nous voulons vraiment l’instauration de la paix et de la démocratie dans cette partie du monde. Les Kurdes sont la seule force sur le terrain à lutter efficacement contre les terroristes et à protéger le monde civilisé. Je ne veux pas dire que le Sud et l'Ouest du Kurdistan devraient être unis en un seul pays, mais si cela devait advenir, ce serait préférable. Nous autres Kurdes ne reconnaissons pas les frontières artificielles qui séparent notre pays, et par conséquent, nous représentons toujours un seul et unique pays comme nous l'avons toujours ressenti dans nos cœurs).

 

Comment interpréter la position de l’Europe dans cette guerre? Et pour quelle raison des Européens partent se battre pour ISIS ?

 

– The ISIS war is claimed to be a war between the Sunni Arabs, and the Shia Arabs joined by the Persian Shia’s. We have Iran on one hand and Saudi Arabia and Turkey on the other hand. But these are only puppet countries and puppet players, and the Sunni Shia war is only a pretext for the super powers, the arm manufactories and the massive oil companies to keep Middle East, especially the rich in oil countries like Iraq in trouble. However, we Kurds do not wish to be dragged in this so-called sectarian war of Sunni and Shias but wish to separate from them.

Europe could play a really big role to end the Islamic State by fully supporting the Kurds, not only with finance and weapons but mostly to recognize the Kurdish rights for a free independent country. That way, the Kurds can finish ISIS and build a secular democratic society.  Most of the European governments know this reality and know that Kurds are their only hope, but unfortunately some of the governments like the one in the UK are still living in a fantasy world on calling United Iraq – when they know very well Iraq practically doesn’t exist anymore.

Many European people are annoyed by not seeing their governments to fully support the Kurdish Independence and with their fight against ISIS, so European people, lovers of peace and freedom want to take the matter into their hands, and join the Kurdish forces at the frontline to fight against ISIS.

I was truly astonished last April to see Coalition Forces on the ground in Kurdistan training Peshmerga forces. This is an incredible change in the history of the Kurds in the right direction, and I truly hope the coalition forces will not betray the Kurds as they were so many times let down by the UK and especially America.

(La guerre que mène l’État islamique est prétendument une guerre entre les Arabes sunnites et les Arabes chiites rejoint par les chiites iraniens. Nous avons l'Iran d'une part et l'Arabie saoudite et la Turquie d'autre part. Mais ce ne sont que des marionnettes et des joueurs de marionnettes. La guerre entre Sunnites et Chiites n’est qu’un prétexte pour les superpuissances, afin de permettre aux industries d’armement et aux grosses sociétés pétrolières de garder la main sur le Moyen-Orient, en particulier les grosses fortunes qui se trouvent dans les pays pétroliers comme l'Irak. Cependant, nous Kurdes, nous ne voulons pas être entraînés dans cette soi-disant guerre de religion, et préférons nous en tenir éloignés.

L'Europe pourrait jouer un très grand rôle pour éliminer l'État islamique en soutenant pleinement les Kurdes, non seulement avec des moyens financiers et des armes mais surtout en reconnaissant les droits des Kurdes à avoir un pays libre et indépendant. De cette façon, les Kurdes pourraient en finir avec l’État islamique et construire une société démocratique et laïque. La plupart des gouvernements européens sont conscient de la situation et savent que les Kurdes sont leur seul espoir, mais malheureusement, certains gouvernements comme le Royaume-Uni vivent encore dans un monde d’illusions et tablent sur un Irak uni, alors même qu’ils savent très bien que l'Irak n’existe pratiquement plus.

De nombreux Européens sont gênés de constater que leur gouvernement ne soutient pas pleinement l'indépendance kurde et la lutte contre ISIS. Aussi, certains, amoureux de la paix et de la liberté prennent les choses en mains et rejoignent les forces kurdes en première ligne pour lutter contre ISIS. J’ai été vraiment étonné en avril dernier de voir les forces de la coalition sur le terrain au Kurdistan entraîner les Peshmergas. C’est un changement incroyable et positif, et j'espère vraiment que les forces de la coalition ne trahiront pas les Kurdes comme ils l’ont été à de si nombreuses reprises par le Royaume-Uni et surtout les États-Unis).

 

L’analyse de Kae Bahar diffère quelque peu de celle du combattant sur le terrain. Encore que les explications de l’un peuvent être recoupées par celles du second puisque les anciens cadres et officiers du parti Baas évoqués dans l’article précédent pourraient défendre non seulement des intérêts politiques mais également économiques.

Quoi qu’il en soit, le nouvel accord sur le nucléaire iranien qui vient d’être signé risque bien de faire évoluer la situation. Il restera à savoir si les évolutions à venir se feront au profit ou au détriment des minorités de ces régions.

 


[1] Reconnu coupable de complicité de crime de guerre, Frans Van Anraat fut condamné à 15 ans de prison.

 

Les combattants de l’oubli

En train de travailler sur un livre réunissant plusieurs auteurs, traitant du crime de guerre, il me semblait intéressant d’ouvrir la perspective, purement historique, à des événements de notre temps. Aussi, me suis-je intéressé au conflit en cours au Proche-Orient et à la montée en puissance de l’État islamique. La démarche adoptée est toutefois celle d’un journaliste que je ne suis pas, raison pour laquelle, peut-être, l’interview que j’ai eu la chance de faire d’un combattant kurde n’emprunte-t-elle pas les voies les plus usuelles de la discipline !

Alors que l’Europe n’en finit pas de supputer sur le devenir de son union et de ses relations avec la Grèce, le procureur général d’Égypte, il y a près d’une semaine, était tué dans une attaque à la bombe. Le lendemain, des rebelles extrémistes attaquaient des cibles militaire et policière dans le Sinaï, entraînant une réponse armée quasi immédiate de la part du gouvernement égyptien, lequel allait s’estimer de facto en état de guerre.

Avec maintenant un front méridional dans le Sinaï, et un front septentrional aux limes de la Turquie, pilonné à l’intérieur, à Raqqa, par l’aviation – on aimerait dire alliée – l’État islamique, nommé également ISIS ou Daech, semble être partout, en expansion dans certains territoires, endigué dans d’autres, s’inféodant des seigneuries de haine et de guerre réclamant la Charia comme Boko Haram, lançant des fatwa contre les pyramides de Gizeh, ou provoquant des factions ennemies comme le Hezbollah. Jusqu’aux actions terroristes menées en Europe contre Charlie Hebdo en janvier dernier, et plus récemment dans l’Isère, ou encore en Tunisie, qui s’inscrivent dans ce cadre propagandiste de peur et d’horreur !

Il y a dans cette guerre, dans cette croisade de la pensée unique et de l’obscurantisme crasse, un certain nombre de questions qui ne trouveront sans doute jamais de réponses. Faut-il croire Graeme Wood qui déclare dans son article « What ISIS Really Wants » en mars de cette année, dans le très réputé magazine américain The Atlantic, que The Islamic State is no mere collection of psychopaths… It is a religious group with carefully considered beliefs, among them that it is a key agent of the coming apocalypse. Here’s what that means for its strategy—and for how to stop it  [1]? Une secte millénariste qui entend faire régner sur le monde les doctrines du chef de guerre de la tribu de Quraych…, il y a 1’400 ans. Vraiment ?

Mais, quel est l’origine de l’avènement de ce qu’il faut bien reconnaître comme un pouvoir, fondé sur l’intolérance et le dogme ? Quels sont les rouages de la machinerie finançant ISIS ? Quels sont les relais discrets et policés en Occident de cette leptospirose religieuse ? Quels sont les armes, notamment de destruction massive, à disposition de ceux qui entendent faire du parlement européen de Bruxelles une madrasa, et de Buckingham Palace une mosquée ?

Nous pourrions également nous demander ce que les combattants, qui s’opposent quotidiennement aux djihadistes, pensent de cette invasion barbare. Leur compréhension des faits est-elle si éloignée de la nôtre, n’ont-ils pas une perspective faussée, ou au contraire plus juste, sur les tenants et aboutissants de ce conflit ?

Au moment où j’écris ces lignes, il est 23h sur la ligne de front syrienne et le ciel est clair. Et abrité derrière un muret, un Peshmerga a pris son tour de garde et scrute un paysage ruiné, attentif aux éventuels mouvements, ou au pâle reflet de la lune renvoyé sur une lunette de visée pouvant trahir un djihadiste embusqué. Le silence est lourd, et seuls les démineurs à quelques centaines de mètres derrière la ligne rouge s’affairent encore. Accroupi à côté de son frère d’armes faisant sentinelle, S.K. essuie la sueur et le sable qui maculent son visage en tapotant sur le clavier de son téléphone portable. Dans son enfer, il interrompt son combat pour répondre aux questions que je vais lui poser. Une interview via Facebook, rendue possible grâce à l’intervention de tiers comme H.H. évoluant dans les eaux d’ONG, de reporters de guerre et de militaires de carrière. Les personnes intéressées se reconnaîtront !

S.K. est Kurde et Peshmerga, un guerrieros de 29 ans en lutte contre les forces hostiles à la survie de son peuple, engagé depuis plusieurs mois dans la bataille opposant Kurdes et djihadistes de l’État islamique aux confins de la Syrie, de l’Irak et de la Turquie, dans une zone de front mouvante, minée, soumise aux attaques éclaires, une région parmi les plus dangereuses de la planète à l’heure actuelle.

S.K. accepte donc de se soumettre à mes questions en répondant dans un anglais relativement bon, des réponses que je retranscris à la lettre et à l’erreur prêt par souci d’éthique, et pour lesquelles je propose une traduction française :

 

–          Qui êtes-vous en quelques mots ? Et votre famille ?

–          I am S.K. and I am live in duhok city in kurdistan north Iraq.

–          (Je suis S.K et je vis à Duhak, au Kurdistan, dans le nord de l’Irak)

 

–          Depuis quand êtes-vous engagé dans le combat contre ISIS ?

–          I am not in any of our troops. I personally started when this began in my peoples land.

–          (Je n’appartiens pas à une troupe [régulière]. J’ai commencé à combattre lorsque ISIS est arrivé sur la terre de mon peuple)

 

–          Pensez-vous pouvoir contenir l’avancée d’ISIS dans votre zone ?

–          With correct weapons and continued support from other countries yes. However, our weapons are very old and we do not have heavy weapons like tanks…. believe me if arming the Peshmerga our troops will smash ISIS evrey part in Iraq and Syria.

–          (Avec des armes corrects et un support continu des autres pays, oui. Cependant, nos armes sont vieilles et nous n’avons pas d’armes lourdes comme des tanks. Crois-moi, en armant les Peshmergas, nos troupes écraseront ISIS dans chaque coin d’Irak et de Syrie)

 

–          Les victimes sont-elles nombreuses dans les deux camps ?

–          Yes many Peshmerga were martyred And also civilians…more than 1500 martyred only Peshmerga and YPG i dont know correctly and overt than 10000 injured also.

–          (Oui, de nombreux Peshmergas ont été suppliciés, ainsi que des civils…. Plus de 1'500 uniquement parmi les Peshmergas. Quant aux soldats d’YPG [Unités de protection du peuple : forment la branche armée du Parti de l’Union démocratique. Effectifs estimés entre 35’000 et 65’000 combattants, dont environ 40% de femmes], je ne sais pas exactement et ils pourraient être plus de 10'000 blessés)

 

–          Beaucoup de réfugiés ? Ont-ils de quoi se nourrir?

–          there are so many camps full. They go days without water… they also do not have electricity for most of the day… there are not many doctors or nurses. Now, the economy is bad… some can not afford to go even if there were enough. There is also a great need for medicine. Over than 2 milion refugees live in Kurdistan.

–          (Il y a tellement de camps. Ils n’ont pas d’eau durant des jours, ni d’électricité la grande majorité du temps… Il y a peu de médecins ou d’infirmières. Maintenant, l’économie est mauvaise. Certains ne peuvent plus partir même s’ils en avaient les moyens. Il y a également de gros besoins en médicaments. Il y a plus de deux millions de réfugiés au Kurdistan)

 

–          Y-a-t-il beaucoup d’Occidentaux dans les rangs d’ISIS ? Et dans les rangs de l’YPG et des Peshmerga ?

–          There are over 450 western fighters that joined kurdish forces and we are a proud of that lions. The number of western fighters for isis is still unknown due to sleeper cells and not all report they have joined isis. Many sons of Russia, France, Canada and Britain, Chechnya or Arab countries joined this organization.

There are many isis members hiding in refugee camps, in other countries and among civilians here. They are waiting for their call or time to attack. They can either attack where they are or they may be told to rise and come to iraq / syria/ turkey… also Many military experts from Western countries joined this organization

–          (Plus de 450 combattants occidentaux ont rejoint les forces kurdes, et nous sommes fiers de ces lions. Le nombre de combattants occidentaux qui ont rallié ISIS est toujours inconnu à cause des cellules dormantes qui n’indiquent pas leur appartenance à ISIS. Il y a beaucoup de fils de la Russie, de France, du Canada, d’Angleterre, de Tchétchénie et des pays arabes qui ont rejoint cette organisation.

De nombreux membres d’ISIS sont cachés dans les camps de réfugiés, dans les autres pays et ici, parmi les civils. Ils attendent qu’on les appelle ou le bon moment pour attaquer. Ils peuvent soit passer à l’action à l’endroit où ils se trouvent, soit attendre de parvenir en Irak, en Syrie, en Turquie, etc…. Également de nombreux experts militaires des pays occidentaux ont rejoint cette organisation)

 

–          Des experts militaires occidentaux dans les rangs d’ISIS?

–          Military experts from the Soviet Union and France

–          (Des experts militaires d’Union soviétique et des Français)

 

–          Avez-vous abattu certains de ces experts occidentaux appartenant à ISIS?

–          we killed many People of Western countries near Mosul, German and French and Chechen and Russia. Many sons of the West joined this organization. They are not a normal person. Even the photographer and film director. According to a report are veterans. Mostly from the Soviet Union. So many sons of Westerners ready to commit suicide himself.

–          (Nous avons tué de nombreux Occidentaux vers Mossoul, des Allemands, des Français, des Tchétchènes et des Russes. De nombreux fils de l’Occident ont rejoint cette organisation. Ce ne sont pas des personnes normales. Même les photographes et les reporters. Selon un rapport, ce sont des vétérans. Pour la plupart d’Union soviétique. Il y a tellement de fils de l’Occident qui sont prêt à se suicider)

 

–          Avez-vous capturé des Occidentaux se battant pour ISIS ?

–          Yes, we have many prisoners of the Islamic State of terrorists. i dont know about Westerners prisoners. They never give up blowing himself up. When they attacks on our troops They do not know way how out of this. Any prisoner of terrorists Does not come out, you know their fate

–          (Oui, nous avons beaucoup de prisonniers. Je ne sais pas ce qu’il en est à propos de prisonniers occidentaux. Ils ne renoncent jamais à se faire exploser. Lorsqu’ils attaquent nos troupes, ils ne savent pas comment faire pour s’en tirer. Quant aux prisonniers d’ISIS, ils n’en reviennent pas, vous connaissez leur destin)

 

–          Trouvez-vous des drogues de combat sur les djihadistes? Les Kurdes utilisent-ils également des drogues de combat ?

–          isis has full drug. when they prepare for attacks, they eating drug then they fighting without scares. we killed many isis near mosul and kirkuk the drug already ih the pocked them. Perhaps brainwashed Or drunk and think they are going to heaven.

Kurds are against drugs. If they are on any drugs and the commander finds out they will be removed from the force

–          (ISIS utilise beaucoup de drogues. Lorsqu’ils se préparent à une offensive, ils consomment des drogues et se battent alors en oubliant leur peur. Nous avons tués de nombreux djihadistes vers Mossoul et Kirkuk, avec de la drogue dans leurs poches. Ils ont peut-être subi un lavage de cerveau ou sont sous l’effet de l’alcool et pensent qu’ils vont au paradis.

Les Kurdes sont opposés aux drogues. Si des Peshmergas devaient détenir de la drogue, et que les officiers venaient à le savoir, ils seraient retirés de l’unité)

 

–          Que pensez-vous de la réaction de l’Europe ou des États-Unis face à ISIS ?

–          Actually i dont know what i say about them. They are showing to be cowards.

–          (En fait, je ne sais pas quoi dire. Ils démontrent leur lâcheté)

 

–          Pensez-vous être assez soutenus dans votre combat ? De quoi avez-vous besoin ?

–          only heavy weapons.

–          (Seulement des armes lourdes)

 

–          Il semblerait que les Kurdes aillent capturé des villes à proximité de Kobané et de ses régions périphériques ?

–          Yes right now YPG on border raqqa…. and American advisor here

–          (Oui, YPG est maintenant à proximité de Raqqa…. Et un conseiller américain ici ???)

 

–          Selon vous, qui contrôle et organise ISIS ?

–          actually 75% people here say this is all the game. and nobody understand how to easy control big city… The former dictatorial regime, mostly from the Sunni people. They want to return the Authority. Because terrorism only within the Sunni cities. Former Iraqi army officers running this organization.

–          (En fait, 75% des gens ici disent que c’est le fonds du problème. Et personne ne comprend comment il est si facile de contrôler les grandes villes. Ce serait l’ancien régime dictatorial, composé majoritairement de Sunnites qui veulent le retour de leur autorité. Le terrorisme n’est d’ailleurs actif que dans les villes sunnites. D’anciens officiers de l’armée irakienne dirigent cette organisation.)

 

–          Pensez-vous qu’ISIS possède des armes de destruction massive ?

–          Yes isis using against Peshmerga. i have video. Gas 

i think three times using chemical weapons. in kobane also. The result of this organization appeared strongly because of the failed Iraqi army…also new US weapons. Advanced US weapons Thousands of tanks and armored vehicles, machine guns, rocket-propelled .. When the Iraqi army withdrew from the city This left a huge amount for terrorists. in the ramadi city same scenario. Iraqi army withdrew 80 000 troops from within the intelligence and police forces in the city of Mosul.

u have to get answers about iraqi army why always left weapons to isis.. they fight like cowards always flee in the war. 6000 slodeirs flee against 150 isis in ramady city. 8000 soldeirs flee agaisnt 300 isis in mosul. ISIS could be a secret part of iraki army, may be. And all these people make us a big show.

–          (Oui, ISIS utilise [des armes de ce type] contre les Peshmergas. J’ai une vidéo. C’est du gaz. Je pense que des armes chimiques ont été utilisées à trois reprises. À Kobané également. Les résultats d’ISIS semblent importants puisque l’armée irakienne a échoué. [ISIS a également] de nouvelles armes américaines, des armes américaines modernes, des milliers de tanks et de véhicules blindés, des mitrailleuses, des rockets. Lorsque l’armée irakienne s’est retirée de la ville, les terroristes ont mis la main sur une grande quantité d’armes. À Ramadi, le scénario a été le même. L’armée irakienne s’est retirée de la cité de Mossoul avec 80'000 hommes, [dont notamment] des services de renseignements et de la police.

Tu dois avoir des réponses sur les raisons pour lesquelles l’armée irakienne laisse toujours autant d’armes à ISIS. Ils se battent comme des lâches et fuient systématiquement les combats. 6'000 soldats ont fui devant 150 djihadistes à Ramadi. 8'000 soldats ont fui face à 300 djihadistes à Mossoul. ISIS pourrait être une faction secrète de l’armée irakienne, et tous ces gens nous montent un grand spectacle)

 

–          Pensez-vous que la Turquie pourrait intervenir prochainement en Syrie contre les Kurdes ?

–          Yes i know if turkey try to enter kurdish lands. urkey will be burn. we have 30 million people there

–          (Oui, je sais que si les Turcs essayent de rentrer en territoire kurde, ils seront [brûlés]. Nous avons 30 millions de personnes sur ces territoires)

 

–          Savez-vous que des djihadistes ont attaqué l’armée régulière égyptienne dans le Sinaï et que l’aviation des forces de coalition a bombardé Raqqa il y a trois jours ?

–          Yea im aware. Strikes coalition forces will not affect. Because the Islamic state advanced more.

–          (Oui, j’en ai conscience. Les attaques des forces de la coalition n’auront pas d’effet car ISIS a encore avancé)

 

–          Que pensez-vous des destructions de sites historiques commis par ISIS ?

–          of course we are against that Because destroys civilization. they are not muslim. they are Barbarians.

–          (Bien entendu nous y sommes opposes car cela revient à détruire la civilisation. Ce ne sont pas des Musulmans, ce sont des barbares)

 

–          Et l’Iran ?

–          have revenge on Sunnis It is to create problems between the people and their components.

–          ([L’Iran] a sa revanche sur les Sunnites en créant des problèmes entre les peuples et leurs composants)

 

Divers

–          if u ask the people in iraq they will say we saw Receiving aircraft weapons to terrorists. Certainly all the Arab states in secret. Some people say Israel and American support isis with respect to this states. i dont think so US do that. US help the kurds. and we love USA. We love Western countries. only arab and iraqi government and iran also.

Weapons never arrived to us as promised. Many weapons are held up in baghdad. ISIS has iraqi army weapons and US weapons… And Isreal, They are helping Kurds.

As far as US. I do not suspect they are supporting ISIS. If they are.. americans will be angry. Also, why would they support ISIS and help us via Air strikes?

–          (Si tu demandes aux gens en Irak, ils te diront que nous avons vu les terroristes recevoir des armes anti-aériennes, certainement par les États arabes, en secret. Certaines personnes disent qu’Israël et les USA soutiennent ISIS, avec tout mon respect pour ces pays. Je ne pense pas que les USA fassent cela. Les USA aident les Kurdes et nous aimons les USA. Nous aimons l’Occident. Seuls les Arabes, le gouvernement irakien ainsi que l’Iran [créent le problème].

Les armes que l’on nous avait promises ne nous sont jamais parvenues. Beaucoup d’armes ont été retenues à Bagdad. ISIS a mis la main sur les armes de l’armée irakienne et américaine. Quant à Israël, ils aident les Kurdes.

Quant aux USA, je ne les suspecte pas de soutenir ISIS. Si cela était, les Américains seraient en colère. Et aussi, pourquoi supporteraient-ils ISIS tout en nous aidant avec des frappes aériennes ?)

 

–          Quels sont vos espoirs ?

–          Why the media not talking about this war? I hope Western media is talking about the situation of the Kurdish and refugees and support our troops

–          (Pourquoi les medias ne parlent-ils pas de cette guerre. J’espère que les medias occidentaux parleront de la situation des Kurdes et des réfugiés, et supporteront nos troupes)

 

….

 

Engagé physiquement dans les combats, défendant son peuple et informé sans doute partiellement, S.K. nous livre son avis personnel. Il convient dès lors de conserver une certaine retenue quant à l’impartialité de ce témoignage, mais peut-il véritablement en aller différemment de tout témoignage ?

Cela étant, les renseignements qu’il donne résonnent avec une sincérité étonnante et peuvent être recoupés en large partie par d’autres sources. Sous-armés, délaissés par les medias occidentaux, assistant à une marée de réfugiés nécessitant des secours, enregistrant des pertes dans leurs rangs, les Peshmergas sont plongés dans une guerre particulièrement cruelle, chargée de son lot d’ambiguïtés, mêlant fascisme religieux, récupération d’armes américaines, vétérans irakiens et ex-officiers du parti Baas, experts militaires étrangers de tous bords, et Occidentaux pris en otage entre une idéologie fantasmée et un asservissement narcotique. Une forme d’assujettissement qui n’est pas sans rappeler la secte des Assassins active dans ces régions au XIIIème siècle.

Il en ressort surtout que si la composante religieuse de ce conflit en est l’un des axes, les appétits de pouvoir et de revanche en constituent sans doute le moteur le plus puissant.

 


[1] Carool Kersten, “The Caliphate in the Modern Muslim World: Political Ideal or Quranic Metaphor?”, Brais Conference, 13 avril 2015, King’s College London.

 

Les combattants de l’oubli

En train de travailler sur un livre réunissant plusieurs auteurs, traitant du crime de guerre, il me semblait intéressant d’ouvrir la perspective, purement historique, à des événements de notre temps. Aussi, me suis-je intéressé au conflit en cours au Proche-Orient et à la montée en puissance de l’État islamique. La démarche adoptée est toutefois celle d’un journaliste que je ne suis pas, raison pour laquelle, peut-être, l’interview que j’ai eu la chance de faire d’un combattant kurde n’emprunte-t-elle pas les voies les plus usuelles de la discipline !

Alors que l’Europe n’en finit pas de supputer sur le devenir de son union et de ses relations avec la Grèce, le procureur général d’Égypte, il y a près d’une semaine, était tué dans une attaque à la bombe. Le lendemain, des rebelles extrémistes attaquaient des cibles militaire et policière dans le Sinaï, entraînant une réponse armée quasi immédiate de la part du gouvernement égyptien, lequel allait s’estimer de facto en état de guerre.

Avec maintenant un front méridional dans le Sinaï, et un front septentrional aux limes de la Turquie, pilonné à l’intérieur, à Raqqa, par l’aviation – on aimerait dire alliée – l’État islamique, nommé également ISIS ou Daech, semble être partout, en expansion dans certains territoires, endigué dans d’autres, s’inféodant des seigneuries de haine et de guerre réclamant la Charia comme Boko Haram, lançant des fatwa contre les pyramides de Gizeh, ou provoquant des factions ennemies comme le Hezbollah. Jusqu’aux actions terroristes menées en Europe contre Charlie Hebdo en janvier dernier, et plus récemment dans l’Isère, ou encore en Tunisie, qui s’inscrivent dans ce cadre propagandiste de peur et d’horreur !

Il y a dans cette guerre, dans cette croisade de la pensée unique et de l’obscurantisme crasse, un certain nombre de questions qui ne trouveront sans doute jamais de réponses. Faut-il croire Graeme Wood qui déclare dans son article « What ISIS Really Wants » en mars de cette année, dans le très réputé magazine américain The Atlantic, que The Islamic State is no mere collection of psychopaths… It is a religious group with carefully considered beliefs, among them that it is a key agent of the coming apocalypse. Here’s what that means for its strategy—and for how to stop it  [1]? Une secte millénariste qui entend faire régner sur le monde les doctrines du chef de guerre de la tribu de Quraych…, il y a 1’400 ans. Vraiment ?

Mais, quel est l’origine de l’avènement de ce qu’il faut bien reconnaître comme un pouvoir, fondé sur l’intolérance et le dogme ? Quels sont les rouages de la machinerie finançant ISIS ? Quels sont les relais discrets et policés en Occident de cette leptospirose religieuse ? Quels sont les armes, notamment de destruction massive, à disposition de ceux qui entendent faire du parlement européen de Bruxelles une madrasa, et de Buckingham Palace une mosquée ?

Nous pourrions également nous demander ce que les combattants, qui s’opposent quotidiennement aux djihadistes, pensent de cette invasion barbare. Leur compréhension des faits est-elle si éloignée de la nôtre, n’ont-ils pas une perspective faussée, ou au contraire plus juste, sur les tenants et aboutissants de ce conflit ?

Au moment où j’écris ces lignes, il est 23h sur la ligne de front syrienne et le ciel est clair. Et abrité derrière un muret, un Peshmerga a pris son tour de garde et scrute un paysage ruiné, attentif aux éventuels mouvements, ou au pâle reflet de la lune renvoyé sur une lunette de visée pouvant trahir un djihadiste embusqué. Le silence est lourd, et seuls les démineurs à quelques centaines de mètres derrière la ligne rouge s’affairent encore. Accroupi à côté de son frère d’armes faisant sentinelle, S.K. essuie la sueur et le sable qui maculent son visage en tapotant sur le clavier de son téléphone portable. Dans son enfer, il interrompt son combat pour répondre aux questions que je vais lui poser. Une interview via Facebook, rendue possible grâce à l’intervention de tiers comme H.H. évoluant dans les eaux d’ONG, de reporters de guerre et de militaires de carrière. Les personnes intéressées se reconnaîtront !

S.K. est Kurde et Peshmerga, un guerrieros de 29 ans en lutte contre les forces hostiles à la survie de son peuple, engagé depuis plusieurs mois dans la bataille opposant Kurdes et djihadistes de l’État islamique aux confins de la Syrie, de l’Irak et de la Turquie, dans une zone de front mouvante, minée, soumise aux attaques éclaires, une région parmi les plus dangereuses de la planète à l’heure actuelle.

S.K. accepte donc de se soumettre à mes questions en répondant dans un anglais relativement bon, des réponses que je retranscris à la lettre et à l’erreur prêt par souci d’éthique, et pour lesquelles je propose une traduction française :

 

–          Qui êtes-vous en quelques mots ? Et votre famille ?

–          I am S.K. and I am live in duhok city in kurdistan north Iraq.

–          (Je suis S.K et je vis à Duhak, au Kurdistan, dans le nord de l’Irak)

 

–          Depuis quand êtes-vous engagé dans le combat contre ISIS ?

–          I am not in any of our troops. I personally started when this began in my peoples land.

–          (Je n’appartiens pas à une troupe [régulière]. J’ai commencé à combattre lorsque ISIS est arrivé sur la terre de mon peuple)

 

–          Pensez-vous pouvoir contenir l’avancée d’ISIS dans votre zone ?

–          With correct weapons and continued support from other countries yes. However, our weapons are very old and we do not have heavy weapons like tanks…. believe me if arming the Peshmerga our troops will smash ISIS evrey part in Iraq and Syria.

–          (Avec des armes corrects et un support continu des autres pays, oui. Cependant, nos armes sont vieilles et nous n’avons pas d’armes lourdes comme des tanks. Crois-moi, en armant les Peshmergas, nos troupes écraseront ISIS dans chaque coin d’Irak et de Syrie)

 

–          Les victimes sont-elles nombreuses dans les deux camps ?

–          Yes many Peshmerga were martyred And also civilians…more than 1500 martyred only Peshmerga and YPG i dont know correctly and overt than 10000 injured also.

–          (Oui, de nombreux Peshmergas ont été suppliciés, ainsi que des civils…. Plus de 1'500 uniquement parmi les Peshmergas. Quant aux soldats d’YPG [Unités de protection du peuple : forment la branche armée du Parti de l’Union démocratique. Effectifs estimés entre 35’000 et 65’000 combattants, dont environ 40% de femmes], je ne sais pas exactement et ils pourraient être plus de 10'000 blessés)

 

–          Beaucoup de réfugiés ? Ont-ils de quoi se nourrir?

–          there are so many camps full. They go days without water… they also do not have electricity for most of the day… there are not many doctors or nurses. Now, the economy is bad… some can not afford to go even if there were enough. There is also a great need for medicine. Over than 2 milion refugees live in Kurdistan.

–          (Il y a tellement de camps. Ils n’ont pas d’eau durant des jours, ni d’électricité la grande majorité du temps… Il y a peu de médecins ou d’infirmières. Maintenant, l’économie est mauvaise. Certains ne peuvent plus partir même s’ils en avaient les moyens. Il y a également de gros besoins en médicaments. Il y a plus de deux millions de réfugiés au Kurdistan)

 

–          Y-a-t-il beaucoup d’Occidentaux dans les rangs d’ISIS ? Et dans les rangs de l’YPG et des Peshmerga ?

–          There are over 450 western fighters that joined kurdish forces and we are a proud of that lions. The number of western fighters for isis is still unknown due to sleeper cells and not all report they have joined isis. Many sons of Russia, France, Canada and Britain, Chechnya or Arab countries joined this organization.

There are many isis members hiding in refugee camps, in other countries and among civilians here. They are waiting for their call or time to attack. They can either attack where they are or they may be told to rise and come to iraq / syria/ turkey… also Many military experts from Western countries joined this organization

–          (Plus de 450 combattants occidentaux ont rejoint les forces kurdes, et nous sommes fiers de ces lions. Le nombre de combattants occidentaux qui ont rallié ISIS est toujours inconnu à cause des cellules dormantes qui n’indiquent pas leur appartenance à ISIS. Il y a beaucoup de fils de la Russie, de France, du Canada, d’Angleterre, de Tchétchénie et des pays arabes qui ont rejoint cette organisation.

De nombreux membres d’ISIS sont cachés dans les camps de réfugiés, dans les autres pays et ici, parmi les civils. Ils attendent qu’on les appelle ou le bon moment pour attaquer. Ils peuvent soit passer à l’action à l’endroit où ils se trouvent, soit attendre de parvenir en Irak, en Syrie, en Turquie, etc…. Également de nombreux experts militaires des pays occidentaux ont rejoint cette organisation)

 

–          Des experts militaires occidentaux dans les rangs d’ISIS?

–          Military experts from the Soviet Union and France

–          (Des experts militaires d’Union soviétique et des Français)

 

–          Avez-vous abattu certains de ces experts occidentaux appartenant à ISIS?

–          we killed many People of Western countries near Mosul, German and French and Chechen and Russia. Many sons of the West joined this organization. They are not a normal person. Even the photographer and film director. According to a report are veterans. Mostly from the Soviet Union. So many sons of Westerners ready to commit suicide himself.

–          (Nous avons tué de nombreux Occidentaux vers Mossoul, des Allemands, des Français, des Tchétchènes et des Russes. De nombreux fils de l’Occident ont rejoint cette organisation. Ce ne sont pas des personnes normales. Même les photographes et les reporters. Selon un rapport, ce sont des vétérans. Pour la plupart d’Union soviétique. Il y a tellement de fils de l’Occident qui sont prêt à se suicider)

 

–          Avez-vous capturé des Occidentaux se battant pour ISIS ?

–          Yes, we have many prisoners of the Islamic State of terrorists. i dont know about Westerners prisoners. They never give up blowing himself up. When they attacks on our troops They do not know way how out of this. Any prisoner of terrorists Does not come out, you know their fate

–          (Oui, nous avons beaucoup de prisonniers. Je ne sais pas ce qu’il en est à propos de prisonniers occidentaux. Ils ne renoncent jamais à se faire exploser. Lorsqu’ils attaquent nos troupes, ils ne savent pas comment faire pour s’en tirer. Quant aux prisonniers d’ISIS, ils n’en reviennent pas, vous connaissez leur destin)

 

–          Trouvez-vous des drogues de combat sur les djihadistes? Les Kurdes utilisent-ils également des drogues de combat ?

–          isis has full drug. when they prepare for attacks, they eating drug then they fighting without scares. we killed many isis near mosul and kirkuk the drug already ih the pocked them. Perhaps brainwashed Or drunk and think they are going to heaven.

Kurds are against drugs. If they are on any drugs and the commander finds out they will be removed from the force

–          (ISIS utilise beaucoup de drogues. Lorsqu’ils se préparent à une offensive, ils consomment des drogues et se battent alors en oubliant leur peur. Nous avons tués de nombreux djihadistes vers Mossoul et Kirkuk, avec de la drogue dans leurs poches. Ils ont peut-être subi un lavage de cerveau ou sont sous l’effet de l’alcool et pensent qu’ils vont au paradis.

Les Kurdes sont opposés aux drogues. Si des Peshmergas devaient détenir de la drogue, et que les officiers venaient à le savoir, ils seraient retirés de l’unité)

 

–          Que pensez-vous de la réaction de l’Europe ou des États-Unis face à ISIS ?

–          Actually i dont know what i say about them. They are showing to be cowards.

–          (En fait, je ne sais pas quoi dire. Ils démontrent leur lâcheté)

 

–          Pensez-vous être assez soutenus dans votre combat ? De quoi avez-vous besoin ?

–          only heavy weapons.

–          (Seulement des armes lourdes)

 

–          Il semblerait que les Kurdes aillent capturé des villes à proximité de Kobané et de ses régions périphériques ?

–          Yes right now YPG on border raqqa…. and American advisor here

–          (Oui, YPG est maintenant à proximité de Raqqa…. Et un conseiller américain ici ???)

 

–          Selon vous, qui contrôle et organise ISIS ?

–          actually 75% people here say this is all the game. and nobody understand how to easy control big city… The former dictatorial regime, mostly from the Sunni people. They want to return the Authority. Because terrorism only within the Sunni cities. Former Iraqi army officers running this organization.

–          (En fait, 75% des gens ici disent que c’est le fonds du problème. Et personne ne comprend comment il est si facile de contrôler les grandes villes. Ce serait l’ancien régime dictatorial, composé majoritairement de Sunnites qui veulent le retour de leur autorité. Le terrorisme n’est d’ailleurs actif que dans les villes sunnites. D’anciens officiers de l’armée irakienne dirigent cette organisation.)

 

–          Pensez-vous qu’ISIS possède des armes de destruction massive ?

–          Yes isis using against Peshmerga. i have video. Gas 

i think three times using chemical weapons. in kobane also. The result of this organization appeared strongly because of the failed Iraqi army…also new US weapons. Advanced US weapons Thousands of tanks and armored vehicles, machine guns, rocket-propelled .. When the Iraqi army withdrew from the city This left a huge amount for terrorists. in the ramadi city same scenario. Iraqi army withdrew 80 000 troops from within the intelligence and police forces in the city of Mosul.

u have to get answers about iraqi army why always left weapons to isis.. they fight like cowards always flee in the war. 6000 slodeirs flee against 150 isis in ramady city. 8000 soldeirs flee agaisnt 300 isis in mosul. ISIS could be a secret part of iraki army, may be. And all these people make us a big show.

–          (Oui, ISIS utilise [des armes de ce type] contre les Peshmergas. J’ai une vidéo. C’est du gaz. Je pense que des armes chimiques ont été utilisées à trois reprises. À Kobané également. Les résultats d’ISIS semblent importants puisque l’armée irakienne a échoué. [ISIS a également] de nouvelles armes américaines, des armes américaines modernes, des milliers de tanks et de véhicules blindés, des mitrailleuses, des rockets. Lorsque l’armée irakienne s’est retirée de la ville, les terroristes ont mis la main sur une grande quantité d’armes. À Ramadi, le scénario a été le même. L’armée irakienne s’est retirée de la cité de Mossoul avec 80'000 hommes, [dont notamment] des services de renseignements et de la police.

Tu dois avoir des réponses sur les raisons pour lesquelles l’armée irakienne laisse toujours autant d’armes à ISIS. Ils se battent comme des lâches et fuient systématiquement les combats. 6'000 soldats ont fui devant 150 djihadistes à Ramadi. 8'000 soldats ont fui face à 300 djihadistes à Mossoul. ISIS pourrait être une faction secrète de l’armée irakienne, et tous ces gens nous montent un grand spectacle)

 

–          Pensez-vous que la Turquie pourrait intervenir prochainement en Syrie contre les Kurdes ?

–          Yes i know if turkey try to enter kurdish lands. urkey will be burn. we have 30 million people there

–          (Oui, je sais que si les Turcs essayent de rentrer en territoire kurde, ils seront [brûlés]. Nous avons 30 millions de personnes sur ces territoires)

 

–          Savez-vous que des djihadistes ont attaqué l’armée régulière égyptienne dans le Sinaï et que l’aviation des forces de coalition a bombardé Raqqa il y a trois jours ?

–          Yea im aware. Strikes coalition forces will not affect. Because the Islamic state advanced more.

–          (Oui, j’en ai conscience. Les attaques des forces de la coalition n’auront pas d’effet car ISIS a encore avancé)

 

–          Que pensez-vous des destructions de sites historiques commis par ISIS ?

–          of course we are against that Because destroys civilization. they are not muslim. they are Barbarians.

–          (Bien entendu nous y sommes opposes car cela revient à détruire la civilisation. Ce ne sont pas des Musulmans, ce sont des barbares)

 

–          Et l’Iran ?

–          have revenge on Sunnis It is to create problems between the people and their components.

–          ([L’Iran] a sa revanche sur les Sunnites en créant des problèmes entre les peuples et leurs composants)

 

Divers

–          if u ask the people in iraq they will say we saw Receiving aircraft weapons to terrorists. Certainly all the Arab states in secret. Some people say Israel and American support isis with respect to this states. i dont think so US do that. US help the kurds. and we love USA. We love Western countries. only arab and iraqi government and iran also.

Weapons never arrived to us as promised. Many weapons are held up in baghdad. ISIS has iraqi army weapons and US weapons… And Isreal, They are helping Kurds.

As far as US. I do not suspect they are supporting ISIS. If they are.. americans will be angry. Also, why would they support ISIS and help us via Air strikes?

–          (Si tu demandes aux gens en Irak, ils te diront que nous avons vu les terroristes recevoir des armes anti-aériennes, certainement par les États arabes, en secret. Certaines personnes disent qu’Israël et les USA soutiennent ISIS, avec tout mon respect pour ces pays. Je ne pense pas que les USA fassent cela. Les USA aident les Kurdes et nous aimons les USA. Nous aimons l’Occident. Seuls les Arabes, le gouvernement irakien ainsi que l’Iran [créent le problème].

Les armes que l’on nous avait promises ne nous sont jamais parvenues. Beaucoup d’armes ont été retenues à Bagdad. ISIS a mis la main sur les armes de l’armée irakienne et américaine. Quant à Israël, ils aident les Kurdes.

Quant aux USA, je ne les suspecte pas de soutenir ISIS. Si cela était, les Américains seraient en colère. Et aussi, pourquoi supporteraient-ils ISIS tout en nous aidant avec des frappes aériennes ?)

 

–          Quels sont vos espoirs ?

–          Why the media not talking about this war? I hope Western media is talking about the situation of the Kurdish and refugees and support our troops

–          (Pourquoi les medias ne parlent-ils pas de cette guerre. J’espère que les medias occidentaux parleront de la situation des Kurdes et des réfugiés, et supporteront nos troupes)

 

….

 

Engagé physiquement dans les combats, défendant son peuple et informé sans doute partiellement, S.K. nous livre son avis personnel. Il convient dès lors de conserver une certaine retenue quant à l’impartialité de ce témoignage, mais peut-il véritablement en aller différemment de tout témoignage ?

Cela étant, les renseignements qu’il donne résonnent avec une sincérité étonnante et peuvent être recoupés en large partie par d’autres sources. Sous-armés, délaissés par les medias occidentaux, assistant à une marée de réfugiés nécessitant des secours, enregistrant des pertes dans leurs rangs, les Peshmergas sont plongés dans une guerre particulièrement cruelle, chargée de son lot d’ambiguïtés, mêlant fascisme religieux, récupération d’armes américaines, vétérans irakiens et ex-officiers du parti Baas, experts militaires étrangers de tous bords, et Occidentaux pris en otage entre une idéologie fantasmée et un asservissement narcotique. Une forme d’assujettissement qui n’est pas sans rappeler la secte des Assassins active dans ces régions au XIIIème siècle.

Il en ressort surtout que si la composante religieuse de ce conflit en est l’un des axes, les appétits de pouvoir et de revanche en constituent sans doute le moteur le plus puissant.

 


[1] Carool Kersten, “The Caliphate in the Modern Muslim World: Political Ideal or Quranic Metaphor?”, Brais Conference, 13 avril 2015, King’s College London.