Le poids de l’histoire des réfugiés en Allemagne?

Connue avant toute chose pour son université mondialement célèbre, Heidelberg peut à présent se vanter d’un nouvel apanage.

Alors que l’Allemagne fermait sa frontière avec l’Autriche il y a quelques jours, le « Mannheim Morgen »[1] annonçait effectivement le 16 septembre que le gouvernement entendait installer un Erstaufnahmeeinrichtungen, à comprendre par établissement de premier accueil, dans le Baden-Württemberg, probablement à Heidelberg ou existe une ancienne base militaire américaine désaffectée il y a peu. Un complexe, nommé Patrick Henry Village, composé de plusieurs centaines d’appartements particulièrement bien entretenus, modernes et surtout ….. vides !

Heidelberg est déjà maintenant l’un des centres de réfugiés les plus importants du pays avec quelques 3'000 réfugiés logés dans les bâtiments de l’US Army, trois fois plus que prévu originellement. Prises d’empreintes et bilan de santé pour chaque arrivant sont à l’ordre du jour. Et si la République fédérale et le Land financent l’opération, la ville d’Heidelberg n’est pas en reste, coordonnant les soutiens, et notamment les aides spontanées de la population[2], qui porte un regard la plupart du temps bienveillant sur ces projets, alors même que le Bade-Wurtemberg attend cette année plus de 100 000 nouveaux réfugiés – ce qui serait près de quatre fois plus qu'en 2014.

Angela Merkel annonçait mardi soir que des « hub » de ce type étaient à présent nécessaires pour organiser correctement l’accueil des migrants arrivant en masse en Allemagne. Les demandeurs d’asile seront donc redistribués dans les communautés et les différents Lands à partir de ce centre, et devraient attendre trois mois seulement si Berlin accepte de raccourcir la durée des procédures d’asile.

Les Allemands qui ont vu plus de 200'000 demandes d’asile en 2014 demeurent majoritairement favorables à l’accueil des réfugiés syriens. Sans doute n’ont-ils pas oublié qu’eux aussi, ont connu des exodes, particulièrement à la fin de la guerre, fuyant devant l’avancée de l’armée rouge en 1944 et 1945, ainsi qu’après les accords de Potsdam du 2 août 1945. 12 à 16 millions de civils allaient ainsi prendre la fuite pour trouver des cieux plus cléments, laissant sur les bas-côtés des chemins de traverse près de 500'000 morts, épuisés par les privations, les maladies et les exactions. L’un des transferts de populations les plus importants de l’histoire contemporaine qui se prolongea jusqu’au début des années 50.

 

Christophe Vuilleumier

Christophe Vuilleumier est un historien suisse, actif dans le domaine éditorial, et membre de plusieurs comités de sociétés savantes, notamment de la Société suisse d'histoire. On lui doit plusieurs contributions sur l’histoire helvétique du XVIIème siècle et du XXème siècle, dont certaines sont devenues des références.