Qui a peur de l’homme polonais ?

365 jours.

C’est l’ultimatum que Massimo (Michele Morrone) laisse à Laura (Anna-Maria Sieklucka) dans le film 365 jours pour qu’elle tombe amoureuse de lui. Petit détail: Laura a été kidnappée par Massimo, un mafieux issu d’une famille richissime. La jeune femme est arrachée à sa vie et devrait, semble-t-il, être ravie de pouvoir faire du shopping dans des boutiques de luxe, profiter du jet privé de la famille Torricelli et servir d’objet sexuel à l’enfant roi du clan mafieux. D’emblée donc, il semble que la notion de consentement ne soit pas au centre des préoccupations du réalisateur.

On pourrait imaginer que Laura se force ou fasse semblant de tomber sous le charme de Massimo afin de pouvoir en finir au plus vite. Mais non. Le film nous montre que Laura n’est finalement pas si malheureuse que ça. Après tout, n’a-t-elle pas tout ce dont une femme rêverait ? Un homme ténébreux et musclé qui la couvre de cadeaux hors de prix et qui la demande en mariage ! Le fait qu’elle soit coupée de sa famille et de ses amis (au début) et qu’elle soit soumise à des actes sexuels non consentis (auxquels elle prend finalement goût car, ce que le film sous-entend, c’est qu’une femme qui dit non pense au fond “oui, oui, oui !”) n’est manifestement pas si grave.

Le problème n’étant pas d’être bombardée de scènes de nudité et de sexe, mais d’assister à une banalisation de la violence sexuelle et, pire, à une érotisation de cette dernière ! 

               Source image: https://medium.com/@weryui32/365-jours-2020-film-complet-en-fran%C3%A7ais-5b964521e4fc

 

Difficile de décrire le malaise que j’ai ressenti du début à la fin du film. J’avoue d’ailleurs n’avoir pas regardé les 8 dernières minutes: je n’en pouvais plus. Le problème n’étant pas d’être bombardée de scènes de nudité et de sexe, mais d’assister à une banalisation de la violence sexuelle et, pire, à une érotisation de cette dernière ! Car Laura semble prendre un certain plaisir à ce petit jeu, du moins nous le laisse-t-on supposer. Le scénario laisse planer une ambiguïté dérangeante, alors même que la relation d’emprise qui unit les deux protagonistes est évidente. En effet, Massimo prévient Laura dès le début: il n’a pas pour habitude que les choses lui résistent. Il n’hésitera donc pas à les prendre de force… mais afin de bien brouiller toute logique, il se fendra également d’une phrase qui se veut rassurante: il ne fera rien à Laura sans qu’elle ne le veuille. Ce qui évidemment sera démenti (presque) tout le reste du film.

Alors évidemment, ce film allait pouvoir ramener beaucoup d’argent. Le sexe et la beauté font vendre, surtout quand ils sont combinés. Mais il serait dommage de visionner ce film et d’en rester là, sans se poser de questions sur le message qui est véhiculé. J’ai vu sur Facebook un post dans lequel de nombreuses jeunes filles (et des moins jeunes) s’extasient devant la beauté de Massimo et espèrent ouvertement avoir “la chance” d’être elles-aussi enlevées par un bel étalon qui leur laissera l’opportunité de tomber amoureuse de lui. On nous vend une image glamour de la violence sexuelle et l’idée que le consentement n’est qu’un détail dont on peut se passer si l’homme qui nous veut est beau et musclé.

Moi je dis non. Et j’appelle l’entreprise Netflix à se questionner sur les films qu’elle accepte de diffuser.

Aude Bertoli

Psychologue et passionnée d'écriture, Aude Bertoli rédige des articles, des nouvelles et des textes courts qui sont tous en lien, de façon directe ou indirecte, avec des aspects dramatiques de l'existence (deuil, perte, agression, violence,...). Il s'agit non pas d'une optique voyeuriste ou théâtrale, mais bien du besoin de briser le silence autour de sujets sociaux encore tabous. Contact: aude.bertoli[at]bluewin.ch

11 réponses à “Qui a peur de l’homme polonais ?

  1. Entre nous soit dit, notre société est en pleine contradiction: d’un côté il y a ”me too” et ces campagnes incessantes présentant les hommes comme tous des salauds par définition et les femmes comme des victimes éternelles, exigeant la parité, etc., etc. D’un autre côté il y a ce genre de films, et aussi 50 nuances de gris, qui semble avoir suscité une vague de désirs masochistes chez des millions de femmes blanches européennes ou américains émancipées. Pourtant cet imaginaire n’est autre que celui de l’éternel droit de cuissage. Il y a aussi le féminisme déjanté, et le mouvement LGBTQI, le mariage pour tous, etc. Et en même temps les mêmes milieux gauchistes sont en faveur d’une immigration massive de musulmans qui dans 20 ans seront au pouvoir et imposeront la charia avec voile obligatoire, lapidation, femmes battues,flagellation des homosexuels si ce n’est leur mise à mort, etc.

    Je vous suggère de vous interroger sur ces contradictions d’une intelligentsia post 68arde devenue folle.

  2. Sans vouloir défendre le film que je ne regarderai assurément pas, est-il défendable d’exiger la censure de ce film car il s’attaque aux valeurs fondamentales de notre société occidentale représentée ici par Netflix, et à la fois de s’indigner que nos films à connotation pro LGBT soient censurés dans certains pays, dont la Pologne, pour les mêmes raisons ?

    1. Merci pour ce commentaire Nicolas. Je n’exige pas la censure de ce film, mais bien une meilleure contextualisation de celui-ci. Tout comme il existe des avertissements au début de certains films ou documentaires, je pense que cela pourrait être le cas ici. En effet, le retirer reviendrait non seulement à censurer la liberté d’expression/de représentation/de création, mais nous perdrions également une belle illustration de ce qu’est l’érotisation de la violence sexuelle ! Ce film peut être visionné en connaissance de cause. Ce qui me dérange, c’est qu’il soit balancé tel quel sur la plateforme, avec un message plus qu’ambigu.

      Concernant le parallèle avec les films à thématique LGBT: je comprends bien votre idée, mais ce qui m’interpelle, c’est de comparer la thématique de la violence sexuelle et du non-consentement avec celle de l’orientation sexuelle. Il s’agit de deux choses totalement différentes.

  3. Je suis très étonné que cet article ne suscite pas un débat plus nourri. Seulement trois commentaires alors que je pensais qu’il y en aurait 50 ou 100.

    Apparemment cela indique que les femmes actuelles veulent sans doute l’égalité salariale, elles n’aiment pas les gros porcs comme Harvey Weinstein, ni le harcèlement, mais le thème de ce film ne les choque pas, on dirait.

    La femme moderne serait elle restée, au fond, une femelle qui aspire à se soumettre et à être possédée par un mâle?

    La lecture des sites de rencontre et des fantasmes qui y sont exprimés par beaucoup de femmes cherchant un amant, semble en tous cas l’indiquer.

    1. L’absence de commentaires (et notamment de commentaires féminins) peut s’expliquer de plusieurs façons. Il ne s’agit pas forcément d’indifférence à cette problématique.

      Les fantasmes sont une chose, la réalité en est une autre. On peut fantasmer d’un viol, cela ne signifie pas qu’on souhaite être violé(e) dans la réalité. Là où je trouve ce film très problématique, c’est qu’il rompt justement la frontière entre fantasme et réalité…

  4. Quelle est votre explication à l’apparente indifférence des femmes à l’indignation exprimée dans votre dernier article?

    Je tiens à préciser que je n’apprécie pas du tout les thématiques de la femme objet, ni la vague de sado masochisme excessif qui envahit les écrans, sans susciter apparemment de réaction, sauf quelques exceptions comme vous. Mais je pense vraiment que l’agenda du féminisme n’est pas soutenu en profondeur par une majorité de femmes.

    Bien sûr il y a consensus sur des évolutions nécessaires comme le principe à travail égal salaire égal, et un désir de beaucoup de femmes de pouvoir rivaliser avec les hommes pour les postes à responsabilité. D’autre part, il y a un effet de mode, qui fait que beaucoup de femmes se solidarisent en surface avec des mouvements comme la “grève des femmes”. En ce sens une majorité se déclarera peut-être ”féministe”. Mais c’est superficiel.

    Fondamentalement, la femme actuelle est comme la femme d’hier et de toujours. Elle désire qu’un homme soit un homme et non un sissy ni un zombie épicène incertain sur son identité de genre. Il y a une certaine acceptation de l’homosexualité et des transgenres. Mais surtout sur le mode “il faut les laisser vivre”. Il n’existe en réalité aucune adhésion au projet idéologique des études genre.

    Oui, j’en suis certain – et la lecture des sites de rencontre me confirme totalement dans cette certitude – l’écrasante majorité des femmes désire un homme non pas macho, mais dominant, dans le sens de protecteur, assumant son rôle de chef de famille, et de mâle, au lit, et prenant les choses en mains. Le masculinisme est totalement intact et complètement dominant dans les mentalités profondes des femmes modernes, même féministes.

    Selon les intellos gauchistes qui dominent dans le système d’endoctrinement des univesrsétés, ceci n’est dû qu’à la persistance de “stéréotypes”. Mais elles ont tort. C’est dû à la nature des choses, biologique et hormonale.

    https://www.rts.ch/play/tv/lactu-en-video/video/les-stereotypes-de-genre-survivent-au-debat-sur-legalite?id=11032501

  5. Je voudrais préciser un peu ma pensée. De fait je pense que la plupart des femmes seraient en principe d’accord avec vous pour trouver ”problématiques” ce genre de films qui banalisent le viol. Et vous avez raison. ..C..es films sont problématiques. Mais ce que je pense aussi c’est que le caractère outrancier du discours féministe actuel permet à des productions outrancières – comme ce film – d’être acceptées sans susciter de remous. Il y a une fatigue, une lassitude, si ce n’est une exaspération devant l’hystérie des féministes militantes. Le succès de ce genre de films est une sorte de vengeance du public, tous sexes confondus, contre quelque chose qui est ressenti comme agression idéologique. Les gens n’approuvent pas les thèmes comme l’apologie du viol et de la domination brutale de la femme. Mais c’est accepté, comme un moyen de punir les féministes qui nous oppressent. Il y a une sorte de consensus qui provient d’une résitance passive, sur le thème : Elles nous emm..dent, eh bien, on va les emm..der aussi. Elles exagèrent. Eh bien on va exagérer aussi.

  6. Je ne suis pas d’accord avec votre lecture de ce film… Même si je partage votre stupéfaction quant à certaines scènes.
    Tout d’abord, Nous sommes dans un cinéma tout à fait disons divertissant pas forcément de qualité. Bien que le film soit polonais, et que cela ajoute un certain exotisme.
    J’ai donc regardé le film après avoir vu votre commentaire Et j’avoue avoir voulu mettre un commentaire avant même d’avoir vu le film pour vous soutenir mais Heureusement j’ai vu le film jusqu’au bout, même les huit dernières minutes.
    Il y a au départ une parole du personnage masculin qui parle du consentement justement. Il est observé que le personnage féminin malgré l’affront du kidnapping va peu à peu se prêter au jeu et venir chercher, venir provoquer dans le sens du jeu sexuel ce nouveau partenaire. C’est en ce sens que je ne perçois pas de la même manière la question de la violence sexuelle. En tout cas en ce qui concerne la relation des deux protagonistes.
    Par contre les différentes scènes de fellation posent question. En effet nous sommes sous le règne du machisme notamment avec la première scène dans l’avion ou l’hôtesse de l’air semble être une esclave sexuelle. : Elle sourit après s’être livré avec soumission à une fellation imposée. L’appui des mains de l’homme sur la tête des femmes durant la fellation tout au long du film cristallise un stereotype autour de cette pratique qui est suffisamment caricaturé par le porno.
    Au-delà du contenu grossier dans l’échange sexuelle que propose ce film, je critiquerai plutot l’idée qu’il faille y voir une incitation à la violence : pour ma part je ne perçois pas ce film comme un encouragement à la violence sexuelle Mais au contraire comme de nombreux supports narratifs, je le perçois comme une ouverture au fantasme et aux émotions inquiétantes dans le désir sexuel.
    La scène du repas en première partie évoque largement le conte de la belle et la bête, Avec le thème de la captive qui va s’intéresser au monstre qui la retient., Il y a également bien d’autres références à des thématiques récurrentes dans les histoires qui se racontent dans le monde.
    Vous le dites très bien, un viol fantasmé n’est pas un viol souhaité dans la réalité.
    Alors dans le cinéma ? cette préoccupation éducative que vous soulevez par rapport à ce film ouvre le débat : dans quelle mesure le divertissement qui ouvre au fantasme (et c’est comme cela que j’entendrai les commentaires sur Internet qui vous ont surpris quant aux femmes ayant dit vouloir être kidnappé) en quoi cela peut risquer d’interférer avec une education a la sexualité disons prevenante.
    Les adolescents heureusement n’attendent pas les adultes pour se faire une idée de ce qui les attend. Les histoires, racontées de tout temps, je pense au Petit Poucet et à cet ogre qui égorge une huitaine d’enfants, sont faites pour permettre d’appréhender le monde n’est-ce pas ?

  7. Je ne suis pas vraiment d’accord avec vous concernant la question du consentement. En effet, après l’étape du kidnapping, le personnage masculin annonce effectivement qu’il ne fera rien sans son accord. Après visionnage du film, il semble bien que l’interaction sexuelle démarre au moment où le personnage féminin commence à montrer des signes de désir sexuel notamment avec l’établissement d’un jeu qui commence sous la douche lorsqu’elle est nue devant lui au réveil puis lorsqu’elle s’approche de lui alors qu’il s’est installé sous la douche d’à côté et qu’elle vient lui saisir la verge.
    Il la met en garde en lui disant qu’il ne faut pas jouer avec lui. Par la suite il l’attache effectivement mais non pas pour la violer mais pour qu’elle assiste à un débat entre lui et une prostituée. Ses intentions semblent bien être celles d’attiser le désir chez sa captive et non pas de la contraindre sexuellement.
    C’est donc important de distinguer la question du consentement entre ces deux personnages et celle de la violence sexuelle qui est affichée dans les ébats que le personnage masculin entretient avec des prostituées ou des esclaves sexuelles qui sont à sa disposition et appartiennent au monde violent dans lequel il évolue. Il est issu d’une famille de la mafia sicilienne et à des responsabilités et un mode de vie qui se rapprochent de une réalité ma foi qui existe dans notre monde.
    Par contre concernant votre préoccupation éducative vis-à-vis des jeunes gens qui pourrait voir ce film, le débat est ouvert en effet puisque vous mettez le doigt sur la question du fantasme et de la réalité.
    Dans ce film, Il y a une référence au conte de « la belle et la bête » notamment juste après le kidnapping avec la scène du repas où elle est attendu. La question se pose de savoir si le cinéma qui vient contacter du fantasme (comme ces femmes dont vous dites qu’elles souhaiteraient être kidnappées de la même manière) participe à véhiculer des valeurs sexistes.
    On notera à ce propos plusieurs scènes de fellation avec le même schéma d’interaction entre l’homme et la femme : l’homme a besoin d’apposer ses mains fermement sur la tête de ses partenaires et de guider énergiquement le mouvement de la bouche sur son sexe pour pouvoir jouir. Cela correspond au canon de représentation de la sexualité que l’on retrouve dans la pornographie Mainstream.
    Cependant, le personnage masculin demande au personnage féminin de lui apprendre la douceur. Il y a donc une conscience chez lui de sa propre violence, et à travers son caprice dans le kidnapping de cette femme, il y a aussi la croyance en une destinée, retrouver la femme qui est apparu dans ses rêveries diurnes.
    Les huit dernières minutes viennent clore la prophétie : celle qu’il a tant attendu et que finalement il retrouvera assassinée par son talon d’Achille à savoir ses ennemis de la pègre. C’est aussi le drame de celui qui appartient à ce milieu, tenter de s’en extraire qu’au prix de grands sacrifices.
    Entre fantasme (la belle et la bête) et réalité (la violence du milieu de la mafia), ce film polonais trace un chemin dans la même veine que 50 nuances de Grey je rejoins ici les commentaires précédents, et certes c’est de la mauvaise littérature. Malheureusement la seule façon de lutter selon moi contre le fléau de la médiocrité c.est d’innover, de proposer des créations alternatives, pour que nos jeunes aient le choix.
    Souvenez vous du scandale que provoqua « Histoires d’O » écrit par une femme (et bien écrit) puis sorti au cinéma en 1975… Là aussi la question du consentement peut être polémique mais le fantasme… autorisé.

Les commentaires sont clos.