Pour que deux et deux ne fassent jamais cinq

Face aux censeurs des temps modernes, plein soutien à Suzette Sandoz

La semaine dernière, Suzette Sandoz posait sur son blog la question de l’existence ou non d’un “droit” à l’avortement. Ces lignes déclenchaient une foule de commentaires offusqués sur les réseaux sociaux, appelant Le Temps à ne plus héberger les publications de leur auteur. Nos droits sont-ils menacés et, si oui, par qui ?

D’une part, un article exprimant des réflexions sur un sujet sensible de l’actualité. Des opinions personnelles qui, comme toute prise de position, peuvent être critiquées, débattues, rejetées, mais des opinions tout à fait valides d’un point de vue scientifique, juridique et politique.

D’autre part, des invectives et appels à l’invisibilisation motivés par un sentiment de combat pour le bien, “parce qu’on est en 2022”. Des appels à faire subir au Temps les conséquences « juridiques, financières et politiques » de l’hébergement de ce blog. Des appels au boycott et au désabonnement, qui ont poussé le journal à se justifier de la diversité d’opinion de ses blogueurs.

La vraie question qui doit émerger de cet événement, ce n’est pas l’opportunité ou non de publier les tribunes de telle personnalité ou tel politicien. Au contraire, c’est de savoir quel traitement accorder aux revendications des vociférateurs qui n’ont, en grande partie, pas même cherché à comprendre les propos exprimés.

En entendant leurs revendications, en montrant que l’appel à l’invisibilisation médiatique d’un courant de pensée peut être justifié, en entrant en matière sur cette manière de faire, l’on accepte de facto l’avènement des appels à la censure dans le débat public.

Qui menace les droits des autres : celui qui ajoute des idées au débat, ou celui qui en ôte ?

Est-il exagéré de prétendre que la liberté d’expression et la liberté de presse sont mises en danger par certains militants-numériques d’un progressisme autoritaire ? Assurément pas, si l’on en croit l’ONG Reporter Sans Frontières, qui répond sans équivoque dans le cadre de son classement de la liberté de la presse, dans lequel la Suisse vient de dégringoler et d’être exclue du top 10 :

« Certains mouvements de la société civile peuvent, à travers leurs actions, renforcer des contraintes culturelles poussant à des formes de censure ou d’autocensure. C’est ainsi qu’au cours de l’année 2021, des militants antiracistes ou se réclamant de la cause féministe ou LGBTQ+ ont adressé à quelques médias des appels au retrait de certains contenus, notamment satiriques et, dans un cas, semblent à l’origine de dégâts matériels commis sur les véhicules de fonction d’une rédaction dans un dessein d’intimidation ».

Si l’on postule que nos droits sont en danger, faut-il plus avoir peur des gens qui, au moyen d’une argumentation juridique, politique ou philosophique, expriment leur désaccord avec notre perception de l’Etat de droit ou de ceux qui souhaitent censurer, bannir, pénaliser l’opinion ?

Mon choix est fait. Je préfère me ranger du côté des penseurs libres – que j’approuve leurs réflexions ou pas – plutôt que de me joindre à ceux dont l’étroitesse d’esprit rend difficile la lecture d’une quelconque idée contraire et qui se sentent offensés par la seule existence d’un avis divergent.

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