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Investissement responsable : de la parole aux actes

Panoramic photo of Icebergs floating in the arctic close to greenland

C’est désormais devenu un rituel attendu par tout le microcosme financier : chaque début d’année, Larry Fink, chairman et CEO de BlackRock, prend la plume et s’adresse aux CEO des sociétés dans lesquelles le géant mondial de la gestion d’actifs – 6000 milliards de dollars d’actifs – est investi. Et pour faire la promotion de bonnes pratiques, que ce soit en matière de gouvernance ou de respect de l’environnement, seules à même de créer de la valeur sur le long terme. Cette année, BlackRock était particulièrement attendu, notamment après qu’une étude de l’association Climate 50/50 publiée en décembre 2018 ait montré l’écart important entre les paroles et les actes du plus grand gérant d’actif au monde. En effet, cette étude a analysé le comportement de vote des plus grands gérants d’actifs dans les sociétés américaines les plus émettrices de CO2. Cette analyse montre que BlackRock est un des gérant d’actifs les plus conservateur en la matière en ayant soutenu en 2018 seulement 23.1% des résolutions d’actionnaires qui concernent le climat et en soutenant plus de 98% des administrateurs de ces sociétés.

Extrait de l’étude Climate 50/50 sur le comportement de vote des plus grands gérants d’actifs

La fausse lettre qui fait plus parler d’elle que la vrai

Cette année, l’événement a été perturbé par la publication d’une fausse lettre de Larry Fink. Un « fake » si bien réalisé que même le Financial Times s’y est laissé prendre. L’association « Yes Men » qui a réalisé cette fausse lettre voulait sensibiliser l’opinion sur le rôle important que peuvent jouer les investisseurs pour combattre le réchauffement climatique. Le contenu de cette fausse lettre avait en effet de quoi faire l’effet d’une bombe ; non seulement (le faux) Larry Fink appelait les grandes sociétés à prendre leurs responsabilités et à agir contre le réchauffement climatique, mais il annonçait également un changement radical dans sa propre stratégie.

Premièrement, écrivait-il, BlackRock commencerait dès cette année à désinvestir des secteurs les plus polluants, à commencer par celui du charbon. Une première pour le leader mondial de la gestion indicielle et qui a toujours été réticent à recourir aux exclusions sectorielles. Deuxièmement, BlackRock n’hésiterait plus à s’opposer frontalement aux dirigeants de sociétés qui ne s’engageraient pas à mettre en œuvre une stratégie en ligne avec l’Accord de Paris sur le climat, et cela en recourant à l’arme ultime des actionnaires : le vote aux assemblées générales.

Cette annonce, si elle avait été véridique, aurait représenté une véritable révolution dans le monde de la finance. Car jusqu’à présent, BlackRock a toujours privilégié le dialogue au vote contestataire, au moins pour ce qui concerne les questions liées à l’environnement. Cependant, la lettre 2019 de Larry Fink – la vraie – ne contenait aucune annonce de la sorte. Elle ne faisait même pas allusion au réchauffement climatique ni aux risques que celui-ci fait peser sur l’économie mondiale.

Des investisseurs se mobilisent pour demander à BlackRock d’en faire plus

Anticipant une telle désillusion, une douzaine d’organisations – dont la Fondation Ethos – avaient pris les devants et écrit leur propre lettre à Larry Fink. Publiée le 16 janvier 2019, elle appelle BlackRock à en faire davantage pour le climat, que ce soit en soutenant des résolutions d’actionnaires, en s’opposant à la (ré-)élection de membres de conseil d’administration ou d’auditeurs n’ayant aucune sensibilité environnementale, ou en appelant les grandes sociétés de ce monde à faire preuve de davantage de transparence en ce qui concerne leur politique environnementale.

En d’autres termes, les signataires invitent BlackRock à, enfin, allier la parole aux actes. Car aussi constructif qu’il puisse être, le dialogue avec les sociétés peut avoir certaines limites et ne suffit pas toujours à faire évoluer les pratiques. Dans un monde où l’autorégulation est bien souvent la norme, il appartient aux actionnaires de donner du poids à leurs arguments en faisant connaitre leurs désaccords, lorsque nécessaire, aux assemblées générales. Une stratégie d’intensification des mesure d’engagement actionnarial est nécessaire lorsque le dialogue discret ne suffit pas à faire évoluer les pratiques.

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