L’horlogerie au cœur du mouvement

Heure d’été et heure d’hiver, bientôt la fin d’une certaine poésie

 

Imaginé par Benjamin Franklin à la fin du 18e siècle, pour mieux coordonner les activités humaines avec la lumière du jour et ainsi économiser l’éclairage artificiel, le changement d’heure a été institué en Europe en 1976. C’est la France qui en a assuré la promotion. Ce mouvement biannuel de nos aiguilles a été adopté petit à petit par les autres pays d’Europe, parfois à d’autres dates. Mais aujourd’hui l’heure et la date de son réajustement sont unifiés dans l’Union Européenne.

Les détracteurs de ce changement de rythme ne manquent pas avec des arguments parfois étonnants et d’autres plus terre à terre. Les économies réalisées sont estimées très faibles et le changement de rythme est jugé néfaste et très perturbant. Nous vivons effectivement loin de la réalité astronomique car l’heure d’été nous amène le soleil au zénith à la moyenne de 13h26 à Fleurier.

D’un autre côté, l’attrait du changement de lumière, celui de la nouveauté dynamisent certains dans les frimas hivernaux. Un joyeux questionnement se pose à chaque fois : avance-t-on ou recule-t-on d’une heure ?

Cette étonnante poésie sur un domaine aussi strict que le Temps a fini par lasser. Une grande consultation publique a été menée et la réponse est sans appel. La grande majorité des européens ne veulent plus du changement d’heure. Les parlementaires européens ont donc choisi d’abandonner ce changement biannuel.

Cependant, les états de l’Union Européenne ne sont pas d’accord. Le problème n’est donc pas de savoir si on maintient le changement d’heure, mais plutôt à quelle heure les citoyens souhaitent vivre. Car si les uns veulent conserver l’heure d’été soit GMT+ 2, eh bien d’autres préfèrent celle d’hiver soit GMT + 1. Et cela dans un découpage de l’Europe peu rationnel, plusieurs pays du nord préférant vivre à +1 alors que la France, le Portugal ou, curieusement, la Pologne opteraient pour GMT +2.

Les échanges d’informations, les transports et les rythmes de vie entre des pays-membres vivant sur un autre fuseau horaire seraient alors bien perturbés.

Après les questionnements aux habitants en 2018, ce choix d’abandon du changement a été posé en 2019 par les eurodéputés bruxellois avec le respect du droit de chaque état membre à choisir son heure légale. Depuis au vu de ces souhaits divergents, la décision a été transférée aux gouvernements des états membres.

Et là, l’urgence de la crise du coronavirus a remisé à plus tard cette décision à prendre. Ainsi nous restons tous unis dans ces changements, bien décidés à ne pas changer ce changement car on ne sait pas quoi et comment changer, donc rien ne change. Comme ailleurs, parfois la non-décision est tout de même une décision de ne pas décider…

Quant à la Suisse, c’est la perplexité. Nous faudrait-il vivre à l’heure allemande, en retard d’une heure avec Paris, ou alors opterons-nous pour l’heure française au risque de vivre en décalage avec notre principal partenaire économique ?

Une mauvaise solution serait d’instaurer une heure linguistique, chacune de nos trois régions vivant en relations étroites avec nos co-locuteurs. Une évolution où l’heure, unifiée en Suisse en 1853 en référence à celle de Berne, deviendrait celle de nos pays voisins. Quant à ramener midi à 12h00 à Fleurier, ce n’est plus à l’ordre du jour depuis 1853 et c’est notre observatoire chronométrique cantonal qui, dès 1860, a annoncé cette heure unifiée à travers notre pays. Laissons cette heure très locale à nos cadrans solaires, car même gravée dans le marbre, elle n’arrête pas de varier avec celle que nous lisons sur nos montres.

Et pourtant montré par l’ombre du style sur le mur de nos fermes, le temps reste immuable.

Benoît Conrath

Horloger chez Vaucher Manufacture Fleurier

http://www.vauchermanufacture.ch

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