Le grain de sable

La majorité civique doit-elle correspondre à la majorité sexuelle??

Des milieux politiques « bien intentionnés » voudraient abaisser l’âge de la majorité civique fédérale de 18 à 16 ans, mais sans accorder le droit à l’éligibilité ni abaisser l’âge de la majorité civile. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil

C’est en 1991 que l’âge de la majorité civique fédérale a été abaissé de 20 à 18 ans, alors que la majorité civile est restée fixée à 20 ans jusqu’en 1996. La logique en prenait déjà un coup à cette époque. Un certain nombre de citoyens semblent donc estimer que les droits civiques sont un jouet dont l’usage ne doit pas être réservé aux seuls adultes. Je me rappelle fort bien la campagne référendaire contre l’abaissement de la majorité civique fédérale à 18 ans. Quand les opposants – dont je faisais partie- déploraient et refusaient la dissociation entre la majorité civique et la majorité civile, les défenseurs des 18 ans pour la majorité civique répondaient qu’il était plus compliqué d’abaisser la majorité civile que la majorité civique raison pour laquelle ils ne s’occupaient que de la majorité civique. C’est parfaitement exact, techniquement, mais ce n’est pas une raison valable de dissocier l’une de l’autre.

Certains cantons le font pourtant

On se doit de relever que les cantons ont parfois une majorité civique différente de la majorité civile (Tel Glaris : 16 ans depuis quelques années déjà). Cette erreur politique est due au fait que les cantons n’ont pas la compétence de modifier la majorité civile qui dépend du seul droit fédéral. Ils ont assurément tort de galvauder la valeur du droit de vote sur le plan cantonal en dissociant ce droit de la majorité civile, mais on ne peut les citer en exemple puisqu’ils n’ont pas la compétence de modifier la majorité civile.

 Dévaloriser la démocratie

Il paraît qu’il faut donner le droit de vote aux mineurs pour qu’ils se sentent consultés et parce que les droits civiques ne peuvent être « réservés » à certaines personnes.

Un vrai connaisseur du fonctionnement de la démocratie semi-directe (ou directe) saurait que le droit de vote ne sert pas à consulter les citoyens mais à les faire participer à une décision qui liera les autorités. Quand des citoyens veulent s’exprimer sans s’engager, ils ont un droit de pétition qui précisément ne tient compte ni de l’âge ni de la nationalité des signataires, mais permet à chacun d’adresser une requête, un vœu à l’autorité, donc de faire connaître son avis. La constitution fédérale dispose (art. 33 al. 2) que l’autorité doit en prendre connaissance.

Certes, un vote n’a pas d’effet individuel direct. Mais on ne peut accréditer l’idée qu’il ne sert qu’à consulter les citoyens pour connaître leur avis, sans lier les autorités. Dissocier la majorité civique de la majorité civile, c’est réduire chaque vote à un acte dénué de toute responsabilité. Sachant que la démocratie est le régime politique qui exige le plus de sens de la responsabilité de la part des citoyens, on mesure l’ignorance et l’immaturité politiques des défenseurs de la majorité civique pour mineurs sans responsabilité civile. C’est inquiétant, même si ce n’est pas nouveau.

 Créer des citoyens de seconde classe

Quant à dissocier le droit de vote du droit à l’éligibilité, comme le proposent les défenseurs de l’abaissement de la majorité civique à 16 ans – car une personne mineure n’ayant pas encore le droit de diriger sa vie ne peut être élue pour diriger une population ! -, c’est créer une sous-classe de citoyens : les demi-citoyens n’auraient que le droit de vote, les « vrais » citoyens auraient droit de vote et d’éligibilité. Sous prétexte d’étendre le droit de vote à un plus grand nombre de personnes, on bricole une inégalité inadmissible. La démocratie est un régime politique très exigeant, ce n’est pas un flatte-mineur.

Il est plus facile d’abaisser la majorité civique ou sexuelle que la majorité civile

Quand on abaisse l’âge de la majorité civique, on augmente le nombre des futurs bulletins de vote et le nombre des électeurs à gagner pour les formations politiques. Quand on abaisse l’âge de la majorité sexuelle, on augmente le nombre de personnes avec lesquelles des adultes peuvent avoir des relations sexuelles sans risquer d’être punis. Ceux qui plaident pour ces espèces d’abaissements n’encourent aucune responsabilité quelconque ; ils se font juste plaisir.

Quand on abaisse l’âge de la majorité civile, on modifie de manière sensible la relation parents-enfants, on diminue la durée de la responsabilité parentale. Selon le droit actuel les parents ne sont automatiquement tenus de contribuer financièrement à l’éducation de leur enfant que jusqu’à la majorité de ce dernier. Après, ils sont encore légalement tenus de le faire à certaines conditions, mais ce n’est plus automatique et si les parents ne le font pas spontanément, l’enfant doit le leur réclamer dans un procès. C’est très lourd psychiquement pour l’enfant. On constate nettement une péjoration de la situation financière de bien des jeunes pendant les années de gymnase, par exemple, depuis que l’âge de la majorité civile a été abaissée de 20 à 18 ans.

En deux mots, quand les adultes demandent l’abaissement de l’âge de la majorité politique en la dissociant de la majorité civile, ils se font plaisir en dénaturant les droits civiques et en flattant les jeunes.

 

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