Le grain de sable

Ces pays dont on ne parle pas

Un de mes anciens étudiants de la Guinée, Conakry – Thierno Souleymane BALDÉ, qui ne souhaite pas rester anonyme, car il agit dans son pays de manière totalement ouverte et légale – m’envoie périodiquement des nouvelles de l’évolution politique désastreuse de son pays. Nous avons gardé le contact après son départ de la Suisse dans les années 2000, car nous avions toujours eu de longues discussions au sujet de la démocratie qu’il espérait voir s’installer dans son pays.

Après avoir étudié à la faculté de droit de Lausanne où un programme spécial de l’époque lui a permis d’obtenir une licence en droit français, il a passé plusieurs années aux Etats-Unis. Il a obtenu deux masters de l’Université américaine de Washington/DC avant d’accomplir une spécialisation à l’Université de Stanford en Californie. Ensuite, il a travaillé pendant plusieurs années à la Banque Mondiale avant de décider de retourner dans son pays afin d’y contribuer à la consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit.

Patriote convaincu, mais lucide, désolé de voir la corruption qui sévit dans son pays, il y exerce la profession d’avocat. Il initie plusieurs programmes de lutte contre la corruption en déposant notamment des plaintes contre des ministres en fonction. Il organise dans tout son pays des campagnes de sensibilisation sur la non – violence avant, pendant et après les périodes électorales afin d’éviter des troubles politiques. En outre, il apporte une assistance juridique aux personnes victimes d’arrestations arbitraires dans le cadre des manifestations politiques contre le changement constitutionnel que l’actuel président, M. CONDE, essaie d’obtenir, par des manœuvres, en vue de s’assurer un pouvoir « à vie ». On connaît ce truc cher aux dictateurs !

Me BALDÉ m’écrit que le régime aurait déjà tué plus de 129 jeunes à l’occasion des manifestations pacifiques. Des opposants, journalistes, leaders syndicaux et activistes de la société civile sont assez souvent arrêtés sans justification légale et en violation des lois de la république. M. Baldé raconte ce qui lui est arrivé à lui aussi, qui a subi ce genre de traitement à plusieurs reprises et combien il est traumatisé quand il doit aller, comme avocat, identifier les corps des victimes avant l’autopsie ou la restitution aux familles. Ces images ne s’effacent pas de sa mémoire.

Plainte et dénonciation aux autorités compétentes de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)

Me BALDÉ et d’autres avocats, ont déposé des plaintes contre la République de Guinée auprès des autorités compétentes de la CEDEAO, pour violation de ses obligations internationales en tant que membre de ladite Communauté. La plainte est formulée au nom de plusieurs partis politiques et d’une longue liste de victimes de violations des droits de l’homme tels qu’énoncés dans la charte communautaire de la CEDEAO.

 

On ne lit jamais quoi que ce soit dans nos journaux sur ce qu’il se passe dans les pays où les révolutions essaient de suivre les voies légales.

Il n’est certes jamais souhaitable que la communauté internationale intervienne dans les affaires internes d’un pays, mais le fait de suivre ce qu’il s’y passe et d’en informer l’opinion publique internationale serait sans doute déjà une sorte de protection et permettrait peut-être d’éviter des bains de sang ultérieurs, par désespoir, et de douloureuses migrations.

 

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